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Kifène nsour: Le douar de la grotte des aigles
Kifène nsour: Le douar de la grotte des aigles
Kifène nsour: Le douar de la grotte des aigles
Livre électronique151 pages2 heures

Kifène nsour: Le douar de la grotte des aigles

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À propos de ce livre électronique

Ainsi, au douar chaque pierre, chaque grotte, chaque arbre, cachaient un mystère. Ils portaient aussi des noms ; la pierre des serpents, l’arbre de l’ogresse, la grotte des aigles…
Les paysans vivaient avec tout cet enchantement. Cela faisait désormais partie de leur vie. Sans montrer la moindre surprise, ils écoutaient toutes ces histoires qui ressemblaient à des contes, sous les regards étonnés des habitants de la ville quand ils étaient présents au douar pendant les fêtes de fin de moissons.
Les paysans ne faisaient pas attention à eux, ils savaient ce que pensaient les gens de la ville, ils ne pouvaient comprendre, car ils se sont détachés petit à petit de ce qui les entourait, disaient les paysans. Ils ne lèvent plus les yeux vers le ciel ; ils sont aussi très occupés. Puis il n’y a pas d’étoiles non plus dans le ciel des villes. Tout serait caché par les bâtisses que l’on avait construites l’une à côté de l’autre. On n’écoute plus le vent, il ne dit plus rien, d’ailleurs il ne chante plus dans les arbres de la ville, ou même s’il faisait frémir quelques branches des arbres qui garnissaient les rues et les jardins, personne ne l’écoutera. Les habitants des villes s’enferment et n’entendent rien de ce qui se passe dehors. Ils ont leurs propres histoires, qui ne ressemblent d’ailleurs en rien à celles des paysans. Belles étaient-elles ces histoires, les paysans restaient silencieux après avoir écouté attentivement, et trouveront qu’elles étaient difficiles à comprendre. Sauf pour le cinéma, qu’ils trouvaient être une merveille, mais parfois, ils ne pouvaient résister à certaines scènes ; une fois Miloud, le cordier du douar n’a pu retenir son cri quand il vit dans un film un serpent se faufilait et se cacher sous le lit ; alors lorsqu’il vit une femme pénétrer dans la chambre, il se leva le pauvre et commença à hurler en agitant ses bras :
- Sous le lit ! Sous le lit ! Un serpent ! Un serpent ! Sous les rires et les jurons de la salle.
LangueFrançais
Date de sortie24 oct. 2018
ISBN9782312063393
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    Aperçu du livre

    Kifène nsour - Ali Cherif Medebber Medebber

    cover.jpg

    Kifène nsour

    Ali Cherif Medebber

    Kifène nsour

    Le douar de la grotte

    des aigles

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2018

    ISBN : 978-2-312-06339-3

    Chapitre 1

    Le douar de Kifène-nsour ressemblait à un refuge, et l’on ne pouvait voir sa totalité, que par la nouvelle route qui le fit débusquer. Il n’avait aux yeux du commun des mortels aucune importance. Il ressemblait aux autres douars de la région. Mais sa participation à la révolte qui eue lieu au début du siècle passé, lors de la mobilisation forcée des paysans à la Première Grande Guerre, fit que son nom sera mentionné plus tard par des historiens. Reprenant quelques fois, même ce qui se racontait entre les paysans ; c’était un mélange de contes de veillées rapportés par les anciens. Recueillis, puis repris par les poètes et les conteurs de la région pendant les rendez-vous annuels des fêtes de douars. Sans oublier toutefois sa proximité de la montagne, fit aussi qu’on le retrouvait souvent cité dans les rapports de l’armée française durant la guerre d’Algérie. Ce qui poussa plus tard le haut commandement des armées d’installer un poste, prêt à intervenir dans la région. C’était quand la guerre avait pris une autre tournure. Ce fut aussi pour couper définitivement tout contact des paysans avec les maquisards. De là, le douar acquerra un renom qui restera bien après. Durant cette période plusieurs douars furent regroupés autour de Kifène-nsour,

    Avant cela, il y a très longtemps, bien avant l’arrivée des Français, les premières familles s’installèrent loin de la route reliant la ville de Mascara aux autres villages se situant sur les chemins allant à l’Ouest. Les visites des troupes turques poussèrent les fellahs à déserter les terres qu’ils occupaient pour remonter plus haut. Ces visites étaient imprévisibles, et n’étaient pas toujours les bienvenues. Ce qui causait bien des ennuis aux paysans. Une nuit, ils montrèrent leur lassitude devant un petit groupe. Les soldats, fatigués et en nombre réduit, ne cachèrent pas leur colère, se retirèrent et promirent de revenir.

    Les fermiers n’attendirent pas leur retour, et contre leur gré, remontèrent vers les terres hautes des monts ceinturant la plaine. Mais ce déménagement était prévu depuis bien longtemps, retardé à maintes reprises jusqu’à ce jour. Cet incident fut une occasion pour s’éloigner des chemins trop fréquentés par les troupes de soldats, les brigands et les voyageurs.

    Mais depuis, les fermiers vécurent d’autres années plus pénibles et très rudes, qui les marquèrent énormément et leur firent oublier tout ce qui se raconter sur cette période. Elle fut effacée par la venue des troupes de soldats français et des longues années de lutte. Les paysans affaiblis et meurtris se retirèrent encore une fois plus loin entre les creux de la montagne. Toute une autre vie commença alors de nouveau. Les révoltes cessèrent mais ces années laissèrent chez eux de profondes cicatrices ; des familles dispersées, des ruines de douars incendiés et beaucoup de morts. Un déracinement profond eu lieu. Arriveront ensuite les grandes guerres du siècle passé, plusieurs d’entre eux furent aussi mobilisés et il y avait ceux qui n’en revinrent pas.

    Les contes et les chants accompagnés au son triste des flûtes pendant les cérémonies et les fêtes de douars, empêchaient les paysans d’oublier, ils ravivaient les mémoires. Les chanteurs décrivaient ce qu’avaient vécu leurs aïeux sur les champs de bataille. Les hommes, leurs imaginations s’envolaient vers des terres lointaines, où un père, un fils, un frère livra bataille et restera enseveli parmi les décombres des tranchées et les crevasses des obus.

    Tout au début, les fellahs habitaient des tentes en toisons de moutons et de chèvres, tissées étroitement. Cela leur permettait de se déplacer facilement quand ils recevaient le signal des guetteurs des sommets des collines, annonçant l’incursion des soldats vers la montagne. Ils se cachaient dans les bois jusqu’à leur départ. Avant, les soldats turcs venaient surtout chercher l’impôt et ne s’en privaient pas ; ils emportaient avec eux une partie du troupeau et des provisions en grain. Plus tard, quand les Français occupèrent la région, les soldats assaillaient les douars et poursuivaient les paysans fuyant leurs gourbis incendiés. Ils se dispersaient avec leurs familles et se cachaient dans les recoins de la montagne jusqu’à leur départ.

    Ce n’est que bien plus tard, quand cessèrent les révoltes, qu’ils s’installèrent sur ce hameau qui prendra ensuite le nom de Kifène-nsour, de sa proximité d’une grotte abritant plusieurs nids de rapaces. Ils commencèrent la construction du douar en alignant les gourbis cote à cote. Au centre on dressa l’enclos pour le troupeau, entouré de branches épineuses de jujubier. Les paysans s’entraidèrent, ils élevèrent les murs, puis posèrent les toits. La plupart de ces maisonnettes étaient faites de pierres et de briques d’argile, pétris avec de la paille et séchées au soleil. Les toits étaient renforcés par des poteaux d’agaves et recouverts de branchage de chaumes et de graminées, maintenus par une épaisse couche d’argile. En guise de fenêtre, une seule petite ouverture à côté de la porte était creusée dans le mur. Dans un coin se dressait le fourneau, où des terrines et des bols décoraient la cheminée. Sur les murs, divers objets pendaient, suspendus à des bouts de bois enfoncés dans les murs. Sur de petites tables basses, reposaient des sacs en peau de chèvre tannée, contenant de la farine d’orge et de blé. Durant la saison froide, on recouvrait le sol de paille et de branchages avant d’étaler les nattes d’alfa, les peaux de moutons et les tapis de laine. Quelques unes de ces constructions résisteront bien jusqu’au siècle passé.

    Quant aux Français, ils occupèrent surtout les terres basses, ils construisirent sur un plateau, proche de l’ancien douar de Tekfa, un village avec des maisonnettes bien alignées, bâties avec de la pierre, des briques et de la chaux ; elles ne ressemblaient guère aux gourbis. Petit à petit le village s’agrandit, on y installa tout en premier le groupement de soldats à la place de l’ancien camp des troupes de l’infanterie, qui plus tard deviendra la caserne de la gendarmerie. Au centre du village, sur les extrémités d’une grande place, on éleva une église et des locaux pour l’Administration. À la sortie du village, sur la rive gauche de l’oued, un premier moulin prit place. Des boutiques occupèrent la principale rue du village et offrirent aux nouveaux habitants tout ce dont ils avaient besoin. On essaya de donner un nom au village mais l’ancien résista et devint le village de Tekfa. Les paysans donnaient plusieurs explications quant à l’origine de ce nom, mais celui d’une femme courageuse habitant ces terres revenait le plus souvent. Plus tard, les paysans se permettaient d’effectuer eux aussi des achats, ils découvrirent beaucoup de nouvelles choses qu’ils n’avaient pas vu auparavant. On y installa aussi une petite école pour les enfants des nouveaux arrivants. On commença à construire des routes et on posa des rails de chemins de fer. Elles passaient juste à côté des fermes des colons et ainsi se peuplait lentement la région. Avec le temps, les paysans s’habituèrent à cette vie là.

    À Kifène-nsour la plupart des habitants avaient un lien familial entre eux, jusqu’à l’arrivée d’autres paysans, déplacés sur ordre de l’armée française. Depuis, il devint un grand douar ressemblant fortement à un village. Plus tard, après la fin de la guerre d’indépendance, plusieurs familles retournèrent à leurs anciens douars travailler leurs lopins de terre délaissés durant ces années, tandis que les plus jeunes, mariés depuis, choisirent de rester à Kifène-nsour.

    Les visites des paysans aux douars avoisinants étaient pénibles, jusqu’à l’arrivée de la nouvelle route, construite quelque années après la fin de la Première Grande Guerre au début du siècle passé. Avant, les paysans empruntaient le lit sec de la Source des tortues pendant les saisons chaudes, élargis par les eaux des pluies. Ils prenaient jusqu’à l’Arbre de l’ogresse ; le grand pin calciné par la foudre, les paysans l’appelaient ainsi pour ses branches dénudées en forme de longs bras menaçants, ensuite choisissaient les sentiers menant aux fermes et aux douars de la montagne. D’autres empruntaient le raccourci du village de Tekfa. Les paysans préféraient ce chemin en été, ils faisaient une bonne partie du parcours sous l’ombre des pins longeant les sentiers remontant vers la source. Certains hivers très pluvieux, les eaux qui déferlaient des hauteurs de la montagne étaient infranchissables et les chemins boueux. Alors, malgré l’importance du relief accidenté, les paysans reprenaient les anciens sentiers tortueux en contournant les pentes glissantes jusqu’aux sommets des collines pour s’engager ensuite sur les étendues parsemés de maquis et d’oliviers sauvages.

    À vrai dire, cette route ne fut pas construite pour les paysans, si ce n’est la compagnie de la briqueterie de Mr. Farmi, qui entama les premiers travaux pour se frayer un passage vers les terres argileuses des collines, situées sur les hauteurs du douar de Kifène-nsour. La briqueterie « Briqueterie Farmi et fils » fit la renommée du village de Tekfa et participa grandement à sa prospérité.

    Lorsqu’un contournement obligé, devant un nombre de difficultés, rencontrées lors des travaux de la remontée, rapprocha la route du douar et le fit sortir de sa cachette. Il ressemblait à un grand nid d’oiseau géant, calé au pied d’une colline, juché sur un petit plateau de terre caillouteuse. Il dominait les terres basses, qui plus tard seront occupées par les plantations d’oliviers des colons. Il était protégé des vents du nord qui pénétraient par l’embouchure reliant la grande plaine marécageuse. Quand les vents du printemps changeaient de direction, ramenaient les odeurs salées jusqu’au douar. Ils se faufilaient et rasaient les grandes terres des marais séchées par le soleil.

    Cette route, appelée ainsi, n’avait aucune ressemblance avec celles d’aujourd’hui ; reliant les villes et les villages. Recouvertes désormais avec du gravier de roche et du goudron, entretenues quotidiennement par les cantonniers. Une bonne partie de celle-ci avait été creusée dans des terres rocheuses. Les plus vieux se rappelaient bien de cette période, elle faisait partie des récits qu’ils racontaient souvent, d’ailleurs comme tout événement qui marqua la vie du douar. Ils trouvaient du plaisir à imiter les gestes des ouvriers, se rappelant bien leur façon de faire.

    – Lors des travaux, disaient-ils, la route traversa toutes les terres se trouvant sur son chemin. Quand elle rencontrait un sol argileux, on déversait de grosses pierres de calcaire, ramenées de la colline blanche de l’autre côté de la voie ferrée, ensuite on fracassait les plus grosses pour recouvrir les terres brunes. Les ouvriers, comme des danseurs exécutant un rite aux rythmes des tambours, se mettaient en ligne droite et avançaient à petits pas cadencés. Chacun tenait une dame d’acier montée sur un manche en bois. Ils soulevaient les dames à la hauteur de leurs genoux, puis les relâchaient entre leurs pieds écartés ; entrainées par leur poids. En touchant le sol, un grognement accompagnait le son lourd des frappes. Elles faisaient vibrer le sol sous leurs pieds, marquant la fin de la course. Un bruit de machine rythmé par les coups et les souffles parvenait jusqu’au douar. Tandis que d’autres à l’écart, sous l’ombre des arbres, taillaient des pierres en pavés pour les accotements. Les coups des massettes viennent s’ajouter, et complétaient le bruit pour en faire le son mécanique d’une machine frayant son chemin vers la montagne. Parfois les sons changeaient, et on

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