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Chroniques et traditions surnaturelles de la Flandre: Tome III
Chroniques et traditions surnaturelles de la Flandre: Tome III
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Livre électronique259 pages3 heures

Chroniques et traditions surnaturelles de la Flandre: Tome III

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À propos de ce livre électronique

Extrait : "Dans mon pays, lorsqu'un enfant refuse d'obéir à sa mère, lorsque, trépignant avec fureur il épart, de ses petites mains convulsives, la longue chevelure de sa jolie tête, sa bonne aïeule ne manque pas de lui dire, en appuyant un doigt sur ses lèvres septuagénaires : « Fi ! le vilain enfant : Marie Magreau va venir le prendre. » Et l'enfant se calme et se tait, et bientôt il retourne à ses jeux..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
LangueFrançais
ÉditeurLigaran
Date de sortie1 déc. 2015
ISBN9782335122190
Chroniques et traditions surnaturelles de la Flandre: Tome III

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    Aperçu du livre

    Chroniques et traditions surnaturelles de la Flandre - Ligaran

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    Marie Magreau

    CHRONIQUE

    1000

    Père et mère honoreras,

    Afin de vivre longuement.

    Commandements de Dieu.

    Dans mon pays, lorsqu’un enfant refuse d’obéir à sa mère, lorsque, trépignant avec fureur il épart, de ses petites mains convulsives, la longue chevelure de sa jolie tête, sa bonne aïeule ne manque pas de lui dire, en appuyant un doigt sur ses lèvres septuagénaires : « Fi ! le vilain enfant : Marie Magreau va venir le prendre. »

    Et l’enfant se calme et se tait, et bientôt il retourne à ses jeux ; car, à cet âge de bonheur, les émotions sont trop vives pour être durables, les organes sont trop neufs pour conserver longtemps une impression. La sérénité succède subitement à la colère, et parfois la bouche naïve qui jette des cris de joie se sent humide tout à coup des larmes que faisait couler le désespoir, et qui n’ont point encore eu le temps de sécher.

    Et savez-vous quelle était cette terrible créature dont le nom terrible sert encore d’épouvantail à nos enfants ? – ce nom transmis de l’époque la plus reculée jusqu’à nos jours, par les traditions maternelles ?

    Pour vous le conter, il faut remonter bien haut : il faut aller chercher des temps bien reculés. Venez ici, tous autour de moi ; attiser le feu d’œillettes qui brûle dans la haute cheminée, ranimez la mèche du crasset qui, suspendu au plafond, nous donne une clarté si fausse et si vacillante. Bien ! Maintenant, taisez-vous. La pluie tombe par torrents, la tempête mugit en s’engouffrant dans les bois ; et il vaut mieux être abrité dans cette bonne et chaude ferme, qu’errer, la nuit, comme le faisait un pèlerin, jeune homme pâle et soucieux.

    Il s’en vint heurter à la porte d’un petit ermitage bâti dans les environs du marais de Selles, et non loin du quartier maudit que l’on appelle Trou d’enfer. Il lui fallut plus d’une fois heurter de son bourdon à la grosse porte chevillée, avant d’obtenir une réponse, encore était ce : « Passez votre chemin, je ne puis ouvrir. »

    Au son de cette voix, une grande émotion agita la physionomie sinistre du pèlerin, et il reprit de plus belle ses supplications pour obtenir un asile.

    Et puis, voyant qu’il s’enrouait en vain, il alla ramasser une grosse pièce de bois qui se trouvait à quelques pas, et se mita en jouer si fort contre la porte de la masure, que l’ermite se hâta de l’ouvrir.

    – Ah ! ah ! mon père, dit le jeune homme, c’est de la sorte que vous faites accueil à un pèlerin qui vient implorer Notre-Dame-de-Grâce de Cambrai. Sainte Vierge ! il n’y a que les gens d’église pour exercer comme il le faut et chrétiennement l’hospitalité que l’on doit à un frère malheureux.

    L’ermite s’excusa de son mieux, alléguant combien il y avait de dangers à ouvrir sa porte à pareille heure, quand les routiers, les francs et autres gentes dangereuses erraient nuitamment pour butiner. Après quoi il offrit au pèlerin quelques bribes de pain noir et de l’eau puisée à une fontaine voisine.

    Mais le pèlerin, au lieu de manger, considérait attentivement l’ermite, et portait autour de lui des regards sombres et curieux. Ces regards étincelèrent d’une joie féroce lorsqu’ils aperçurent, couché dans un coin de la cellule, un jeune homme qui, malgré son froc disgracieux, paraissait d’une beauté merveilleuse.

    Et puis dissimulant l’émotion qui l’agitait, il tira de sa besace une botrine de grès, et versa quelques gouttes de la liqueur qu’elle contenait dans le vase de bois de l’ermite. « Tenez, dit-il, voici un philtre qui réconforte et qui fait dormir, qui calme et qui mène à bien un corps épuisé d’austérité comme le vôtre. » Ce disant, il vida la moitié du hanaps grossier, et offrit le reste à l’ermite qui but sans défiance et ne tarda pas à s’endormir.

    « Tu m’appartiens maintenant, murmura le pèlerin, tu m’appartiens maintenant, Jacques Magreau ! Oui, corps et âme, paix et repos, désespoir et angoisses ; tu m’appartiens, car ta fille m’appartient. » Et s’asseyant près de l’enfant qui dormait, il l’attira tout doucement sur ses genoux, et se mit à lui murmurer à l’oreille, des paroles d’amour.

    À demi-éveillée, la jeune fille, car c’en était une, étendit mollement les bras, et, dans ce mouvement, le froc qui la chaperonnait tomba et laissa échapper sur de blanches épaules demi-nues de longs et brillants cheveux noirs.

    Et puis, se voyant dans les bras d’un étranger, elle fit un mouvement d’effroi, elle voulut se sauver, mais le pèlerin l’enlaça plus fortement encore de ses étreintes.

    Le lendemain, à son réveil, Jacques Magreau se trouva seul dans sa cellule. Marie ! sa fille ! l’unique créature qu’il aimait au monde, Marie n’était plus là ; elle s’était enfui avec le pèlerin.

    Jamais homme n’éprouva un pareil désespoir ! Jacques se tordait les mains, hurlait et criait, éperdu et hors de sens : Ma fille ! Marie ! rendez-moi ma fille !

    Mais il eut beau la chercher, il eut beau s’enquérir en tous lieux de ce qu’était devenue Marie, nul ne put le lui dire ; et après un long voyage de six mois, il lui fallut revenir dans sa cellule déserte.

    À quelque temps de là, cette cellule fut tout à coup entourée de larrons ; ils étaient conduits par une femme ivre, et qui, les bras nus, les cheveux épars et une dague au poing, était effrayante à voir. Elle se précipita sur l’ermite et le terrassa.

    Lui, il jeta un horrible cri. L’abominable créature qui le foulait aux pieds, – c’était Marie.

    « Oh ! oh ! vieux papelard, dit-elle, tu as de l’or caché dans ta cellule : une bonne somme. Tu me l’as dit plus d’une fois quand tu me tenais ici captive. Allons, de par le diable ! il mêla faut. Hâte-toi, ou nous trouverons moyen de te délier la langue.

    – Marie ! Marie ! s’écria le vieillard souffrant ce que créature humaine n’avait jamais souffert, Marie, cet or, je l’ai dépensé pour tâcher de te retrouver, ma fille.

    – Il ment, il ment ! Or sus, il faut qu’il parle. Donnez-moi la clef de ses paroles. Une bourrée de fagots dans l’âtre. Un lien. Bon ! que vous lui serrez mal les pieds ! Laissez-moi faire. » Et elle se mit elle-même à nouer les pieds de l’ermite et à les attacher à la crémaillère de l’âtre.

    « Maintenant, flambe comme il faut, mon beau fagot. Brûle lentement ; mais avec grande douleur, les pieds de ce bigot. Allons, allons, vieux avare, ton or, ton or. »

    Et Jacques Magreau hurlait et se démenait, criant merci, et disant à sa fille des paroles qui auraient attendri le diable d’enfer lui-même. Mais rien n’y put, et elle continua à attiser tranquillement le feu.

    Alors entra le pèlerin dont nous avons déjà parlé. Il étouffa sous ses larges pieds le brasier qui dévorait les jambes de l’ermite ; et faisant éloigner un chacun, il resta seul avec lui.

    « Jacques Magreau, lui dit-il, as-tu souvenir du sac de Valenciennes, en Hainaut ? Tu étais alors homme d’armes implacable et ne prenant merci ni des hommes, ni des vieillards. Tu as assassiné Jean Mauvoisy, et tu as osé embrasser de tes étreintes sanglantes la femme de celui que tu venais d’occire devant elle, – sa femme prête à me mettre au monde. Tiens, regarde, ajouta-t-il, je porte là un témoin éternel de ton crime, un sceau que Dieu m’a imprimé pour me tenir en perpétuel souvenir de vengeance ! »

    Et ouvrant son pourpoint, il montra une main sanglante que la nature avait mise sur sa poitrine.

    « Tu as bien souffert, Jacques Magreau, continua le terrible pèlerin, mais tu n’es pas encore au bout de tes tourments : tu verras comment se venge le fils de Jean Mauvoisy. »

    Il tint parole.

    À trois jours de là, deux inconnus entrèrent chez l’ermite, le bâillonnèrent, lui bandèrent les yeux, et, sans mot dire, le transportèrent sur la place du Coupe-Oreille, à Cambrai, où se faisaient les exécutions de justice. Là, ils le ruèrent sur le pavé, et ils disparurent parmi la foule.

    On brûlait une sorcière, la femme du chef des brigands qui désolaient alors le pays ; et cette femme était Marie Magreau, dont le pèlerin Jean Mauvoisy avait révélé l’asile aux justiciers et au grand prévôt.

    Et comme si ce n’était point assez pour ledit Jean Mauvoisy d’avoir, en esprit de vengeance, perdu l’âme et le corps de la fille de Jacques Magreau, il s’en alla par tout le pays, disant que l’esprit de Marie revenait de l’autre monde, ajoutant qu’il rôdait sans cesse autour des mères pour faire tourner à malles enfants qu’elles portaient en leur giron, et dévorer en vrai loup-garou les garçonnets et les fillettes trop tardives à revenir au logis.

    Ce qui fait qu’au jour où nous sommes, le nom de Marie Magreau est encore un nom maudit, et qu’il fait pâlir de peur les enfançons.

    La couche maudite

    CHRONIQUE

    1276

    D’aulcuns soutenoient qu’il est suffisant de pendre à la hart, jusqu’à ce que mort s’en suive, sorciers et sesteurs malefits. À mon avis, c’est erreur grave et contraire aux saints conciles. Il faut les cuire en belle et bonne chaudronnie de poix bouillante, ou les arder en un buscher qui n’en laisse pas même les os.

    Le R.P. MATHURIN.

    Des supplices qui sont dus aux sorciers.

    Un chroniqueur bien avisé fait voir en ses écrits que nulle cité n’est plus semblable à Jérusalem que la cité de Cambrai.

    En effet, de même que la ville sainte est bornée à l’Orient par la montagne des Oliviers, de même le mont Saint-Géry domine aussi Cambrai vers le levant. Quand Jérusalem était soumise aux chrétiens, le patriarche et le roi, le clergé et le peuple se rendaient le dimanche des Rameaux sur le mont des Oliviers. Là ils recevaient des palmes, et descendaient ensuite dans la vallée de Josaphat où la multitude entendait l’évangile du jour et le sermon. C’est ainsi qu’à Cambrai la même procession se dirige d’abord sur le mont Saint-Géry où l’on fait la bénédiction et la distribution des rameaux, puis on descend vers l’abbaye du Saint-Sépulcre, qui est comme une autre vallée de Josaphat, et l’on y fait la lecture de l’évangile et la prédication. Au pied du mont des Oliviers, on voit la maison de Saint-Lazare : de même, à Cambrai, le couvent de Saint-Lazare se trouve au bas du mont Saint-Géry.

    Or, après ladite procession, il était coutume à l’évêché de donner aux besoigneux du pain, de menus secours de monnaie, et des surcots de grosse étoffe. Monseigneur Odon, évêque en ce temps, ne manquait pas de faire de telles œuvres pies ; et, en l’année du salut du monde mille-deux-cent-septante-six, tel nombre de pauvres était advenu pour recevoir cette aubaine, que le prévôt de l’église, les chanoines et autres chargés de distribuer les aumônes, étaient encore là à l’heure de vêpres, empêtrés et ne voyant nul espoir de parfaire avant nuit close si rude besogne. Car il y avait pour le moins cent encore nécessiteux de la ville ou bien du faubourg, qui attendaient d’avoir place pour tendre la main.

    C’étaient, la plupart, des vieux et des impotents, lesquels ne pouvaient, à la façon des jeunes, se ruer parmi la foule, jouer des coudés et des talons, et advenir auprès de l’échafaud où se tenait le prévôt de l’église.

    Lesdites bonnes gens se tenaient coi, assis, en un lieu proche, sur des troncs d’arbres, et devisant entre eux des temps passés et des choses qui y étaient advenues.

    On vit alors s’en venir une femme en grande détresse, pleurant à chaudes larmes, et ne pouvant quasi parler, tant gros sanglots étouffaient sa voix.

    « Notre-Dame vous soit en aide, vieille Berthe, se prirent à dire les plus anciens. Pourquoi si grandes doléances ? Point n’êtes advenue trop tard, et il reste aubaines de monseigneur l’évêque pour vous comme pour bien d’autres. Quand il n’en serait point de la sorte, point n’achèverait encore le cas de semblable désespoir. La charitable dame Méhaut d’Hentencourt ne laierait point sans milieu un blanc-bonnet auquel, grâces à la digne châtelaine, il n’a rien manqué jusques à cette heure. Vous êtes sa mie favorite.

    – La très sainte Vierge Marie lui octroie la bénédiction, reprit la vieille mendiante : car il se passe en ce moment, en plein marché au bois, des choses merveilleusement épouvantables. Aussi je ne m’en serais pas venue tout en hâte quérir ma miche, mon palterel et ma jupe de camelot, lesquels j’aurais bien souvent à perdre si l’on ne m’avait pas fait dévaliser pour les autres.

    – Et qu’est-ce ? s’enquièrent les vieillards et autres bonnes gens.

    – Ah ! fit Barthe, cela ne peut être conté vite et sans avant-propos. Car vous savez un chacun que madame la comtesse Méhaut d’Hentencourt, laquelle est mariée depuis trente et deux ans au seigneur de Henneberch, était parvenue en la cinquantième année de son âge, et qu’elle se trouva grosse, il y a sept mois environ, à la grande joie du noble sire son époux.

    C’était parce qu’elle avait fait un pèlerinage à Notre-Dame de Grâce, mère de tout bien et source de miracles.

    Mais un chacun n’expliqua pas de la sorte cette faveur divine. Il y en eut beaucoup qui dirent, en haussant les épaules : Tel enfantelet ne se trouve point dans, mais bien sur le giron de la comtesse point n’est fait de chair et d’os, mais de linge. Monseigneur Guillaume de Henneberch n’aime point son neveu Joseph, il a voulu avoir un héritier à quelque prix que ce soit. Fi, le vilain seigneur, qui préfère donner ses biens à quelque bâtard embéguiné d’un nom dont il n’est point digne, plutôt que de les laisser à son véritable héritier.

    À ouïr de tels propos, monseigneur Henneberch éprouvait grande colère, et ne savait quel moyen prendre pour fermer la bouche à ces propos menteurs et malséants ; il s’en mordait les pouces et s’enquérait d’un chacun s’il n’était pas un bon moyen de montrer que la comtesse portait en son giron de franche et vraie lignée.

    Mais la comtesse Méhaut, dame fière s’il en fût onc, né se ressentait pas de liesse, et faisait chanter chaque jour des messes, Te deum et actions de grâces en toutes les chapelles de son comté. Comme elle avait ouï-dire qu’il se trouvait grand danger à mettre au monde un fils, quand on était parvenue à un âge aussi mûr que le sien, elle résolut de faire un second pèlerinage à Notre-Dame de Grâce, afin de la remercier dignement, et de requérir d’elle d’amener à bonne fin l’œuvre merveilleuse que la Mère immaculée du Sauveur avait si bien commencée.

    Vous savez qu’elle est advenue depuis huit jours ici, et quelles belles aumônes elle a faites aux nécessiteux de Cambrai, et quels bons sous d’argent elle m’a donnés, et quelle rente elle m’a promise si sa grossesse venait à bien. Le tout, parce que je lui ai donné, lorsqu’elle s’en vint à l’église, une branche d’amandier en fleurs avec ce gracieux propos : il fleurit tard, noble dame, mais il porte de bons et nombreux fruits.

    Ah ! il n’en fut pas de même de la vieille sorcière Jeanneton. Et c’est là le mal ! Quand elle s’en vint près de la comtesse, avec ses douze enfants, criant et tenant des propos discourtois, la comtesse avait vidé son escarcelle, et elle lui dit : Dieu vous assiste ; il ne me reste, plus rien à donner aujourd’hui.

    « J’ai douze enfants, dit la maléficière.

    – Point n’en aurai autant, répondit la comtesse.

    – Il me faut des aumônes, répliqua la sorcière, il m’en faut, il m’en faut. »

    Le rouge, à des propos si malséants, vint au visage de la fière comtesse.

    « Va-t’en, s’écria-t-elle, va-t’en, maudite lice, toi et ta nichée de douze petits chiens.

    – Ah ! s’écrie la sorcière Jeanneton ! ah ! tu ris de mes douze enfants ! tu veux qu’ils meurent de faim, belle dame ! Tu en auras, des enfants, et plus de douze, et ils mourront tous, et le beau neveu de ton mari portera la couronne de Comte. »

    Elle aurait dit bien d’autres menaces, mais les gardes de la comtesse éloignèrent la méchante femme.

    Quand la comtesse revint chez elle, soit à cause de cette aventure, soit à cause de la fatigue du voyage, elle se sentit prise des douleurs de l’enfantement.

    Le comte en ressentit un grand désespoir.

    « Oh ! c’est pour le coup, s’écria-t-il, qu’ils auront beau jeu, les damnés maldisants qui s’en vont répandant de-ci et de-là que la comtesse n’est point vraiment grosse ; ils ne manqueront pas de prôner haut et ferme que c’est bien exprès et pour brouiller les yeux clairvoyants qu’elle s’en est venue faire ses couches à Cambrai, loin de son pays. »

    Tout à coup il se prit à dire : Ah ! il se trouve un moyen de mettre leur malice en défaut. Çà ! vite et sus, mon sénéchal, faites tendre sur le marché une ample, somptueuse et magnifique tente sous laquelle je veux que madame Méhaut, ma femme, s’accouche, consentant et permettant qu’il soit loisible à toutes les femmes de bien, qui en auront volonté, d’assister et d’être présentes au travail de ladite dame. Le tout

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