Journal de bord d’une étudiante en wwoofing: Journal de vie
Par Audrey Vanhaecke
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEURE
Ayant toujours eu peur de vivre loin de tout ce qui lui est familier, l’auteure Audrey Vanhaecke partage ici ce qui est finalement le premier véritable voyage de sa vie. Comme le raconte son journal de bord, elle applique à son quotidien les principes du « growth mindset » et du leadership, des sujets qui la passionnent, dont elle parle sur les réseaux sociaux, et qui lui ont bel et bien permis de se lancer dans cette aventure que vous allez découvrir.
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Aperçu du livre
Journal de bord d’une étudiante en wwoofing - Audrey Vanhaecke
18/01
Mais, je n’y suis pas encore. Pour tout vous dire, je me suis fait la promesse d’écrire quelques mots tous les jours, sur les pages de ce cahier d’écolier (et, bientôt, sur l’ordinateur - moins romantique), avant même de partir. Comme vous le constatez, je n’ai avancé d’aucune ligne durant la journée du 17. Je vais tout de même vous raconter ce que je vécus, durant ces simples 24 h, semblant pareilles aux précédentes et pourtant si différentes. J’y préparai mon départ. Prévu le 8 février. Je m’en vais avec Gabriel. Nous partons en Angleterre, réaliser mon projet annoncé : voyager. Mais tout d’abord, une question s’était imposée à nous : comment bien préparer un voyage, quand on est deux étudiants de 22 ans, en année de césure ? Et voici la formule de réponse que nous utilisée : 1) Énoncer la destination souhaitée. 2) Définir la durée. 3) Trouver l’hébergement (sauf en cas de roadtrip – selon les activités – selon vos moyens). 4) Savoir pourquoi vous voyagez. 5) Choisir votre moyen de transport. 6) Peaufiner.
Pour ce qui était de notre propre cas, Gabriel et moi avions décidé de partir dans un pays anglophone. Notre seconde caractéristique principale : voyager à moindre coût. Après avoir épluché les articles et pages de blog sur internet, ayant réfléchi au fait qu’un engagement associatif serait le meilleur parti à prendre, je découvris le fameux principe du wwoofing. Simplicité impressionnante : il me suffisait de payer une cotisation me permettant d’accéder au site en question (et pour une durée totale d’utilisation d’un an) pour y découvrir une ribambelle de cottages et charmantes fermes de région, au cœur du Royaume-Uni (pour lequel je m’étais avant tout renseignée, privilégiant sa proximité géographique avec la France). Il ne me restait plus qu’à voir de plus près ce que me proposait chacune des annonces postées par les hôtes, prêts à accueillir les wwoofers que nous allions devenir. Bref point d’explication : le wwoofing vient de l’anagramme World Wide Opportunities on Organic Farming (WWOOF) et est en fait un réseau mondial de fermes biologiques. Pour faire partie de ce dernier, on se présente comme hôte (vérifié par l’organisme, selon ses critères d’acceptation), c’est-à-dire possesseur d’une exploitation agricole organique, ou comme « wwoofer », voyageur et travailleur volontaire accueilli par l’hôte choisi. Le principe : en échange de 5 à 7 h, environ 5 jours sur 7, de travail quotidien, le wwoofer se voit offrir le couvert et le toit, chez son hôte. C’est effectivement une opportunité parfaite pour qui veut vivre une nouvelle expérience, loin de la ville et de la routine trop moderne du métro-boulot-dodo, s’enrichir d’une autre culture, faire de belles rencontres ou encore devenir bilingue ! En l’occurrence, une opportunité parfaite pour Gabriel et moi. D’ailleurs, ne serait-il pas temps que je vous le présente officiellement ? Ah, vous l’attendiez ! Je m’en doutais. Seul prénom apparu plusieurs fois depuis le début du récit, il faudrait que vous me connussiez déjà pour comprendre pourquoi il s’infiltrait partout dans mon histoire. Gabriel, je le rencontrai il y a deux ans et quelques mois, bien que j’aie l’impression de le connaître depuis toujours. C’était lors de la toute première soirée d’arrivée à Kedge (mon école de commerce), et je me sentis évidemment tout de suite au bon endroit, au bon moment. Gabriel, je n’eus pas de mots pour exprimer ce que je ressentis au contact de son regard. Seul mon silencieux carnet d’écriture du moment s’en souvient. Depuis que nos existences s’étaient croisées, elles ne s’étaient plus quittées. Depuis deux ans et plus, nous en partagions d’ailleurs une commune. Sans avoir toujours les mêmes idées, nous nous efforçons pourtant au quotidien, à force d’écoute, d’attention, de respect et d’amour, de construire le chemin que nous empruntons, jour après jour, main dans la main. C’est d’ailleurs ce dernier qui devait nous conduire, le 8 février, à prendre ensemble l’Eurostar pour la gare de St Pancras, London ! Gabriel entamait aussi la deuxième partie de son année de césure, ce qui ne rendait que plus aisés nos choix communs. M’efforçant tout de même de pas me projeter trop souvent et trop longtemps vers l’avenir et dans l’image de ce que serait notre vie à deux dans les contrées étrangères, je reviens au moment présent ou, du moins, au jour qui précède celui où je tiens mon crayon. Sans être profondément plongée dans l’eau de la zénitude, je tente depuis quelque temps d’être plus attentive à ce que je vis, quand je le vis, que ce soit une activité présente ou bien consistant à visualiser mon futur (ou du moins, ce à quoi j’aimerais qu’il ressemble). Le passage de l’un à l’autre est d’ailleurs un pont que nous devons traverser dans les deux sens, régulièrement, nous permettant de faire le lien harmonieusement entre nos rêves (le futur que nous imaginons) et la réalité (le présent étant son pied-à-terre).
19/01
Aujourd’hui, 19 janvier, je ressens tous les bienfaits que m’ont apportée le calme de ces derniers temps : le plaisir du repos, le bercement de l’écriture, la douceur de la gratitude. Quel bonheur, par exemple, d’avoir pu entamer ce dimanche par de la lecture ! Je souhaite de tout cœur que vous eussiez tous déjà connu cette joie-là. Lire en début de matinée, c’est concentrer sa pensée. Rivée sur les lignes d’un auteur, sur une feuille de papier, elle s’affûte ainsi pour les choses à venir. Et puis, Hugo, quoi de mieux ? Bien que les larmes furent au rendez-vous alors que je finissais le Tome 2 de L’homme qui rit, je ne regrettai en rien d’avoir pu suivre la tragique mais surtout magnifique histoire de Glymphayne, Déa, Ursus et Homo, dont je me souviendrai comme un exemple de charité, de passion et d’amour. Pour me remettre de mes émotions et profiter du temps qu’il me restait avant de m’arracher au confort d’un lit douillet, pour aller courir mes 45 minutes hebdomadaires de footing, encadrée comme il se doit par mon coach de toute heure Gabriel, je m’accordai de commencer un nouvel ouvrage, prix Goncourt 2019, Tous les hommes n’habitent pas le monde la même façon. N’ayant guère eu de favorables retours, notamment de ma famille, je tentais néanmoins de m’y aventurer avec le plus d’impartialité possible, voulant m’en faire ma propre opinion. Prison, complice de meurtre, camarade de cellule, fils de pasteur, enfant de cinéphile, réunion des têtes connues pendant la Guerre Froide : intrigue portant jusqu’à la page 49. C’est l’heure ! À 11 h tapantes, j’étais prête à courir. Du portail jusqu’au parc, en passant par la place de la bibliothèque où accouraient résolument les familles de scouts et fidèles appelés par les cloches de l’église, puis de la lisière des bois abritant jadis des daims, aux chemins de terre (parfois de boue) longeant l’étang à plusieurs croisements, nous travaillâmes, Gabriel et moi, notre cœur pendant près de 50 minutes, finissant de nous surpasser en parcourant les 100 derniers mètres, main dans la main pour plus de courage (et parce qu’il faut bien avouer que j’en avais grandement besoin), en sprint. Quel soulagement lorsque le rythme de la course se transforma à nouveau en une balade dominicale et en même temps quelle puissante sensation de victoire explosa dans tout mon corps réchauffé ! Pour un retour au calme bien mérité, nous allâmes nous asseoir au bord de l’étang. Douceur du vent faisant frissonner ma peau découverte, froid léger de l’hiver pénétrant les membres que j’avais nus, caresse du soleil sur mon visage, tous les éléments étaient réunis pour Gabriel et moi ce matin. Le reste de la journée se déroula sur la même longueur d’ondes positives : j’ai égard à ne pas dire « même tonalité » car chaque heure vécue est fondamentalement différente, par ses émotions et sentiments, mais ceux-ci furent tous positifs, en ce dimanche, jusqu’à ce soir où je vous écris, après avoir regardé un documentaire sur les animaux du désert et des prairies (il est plutôt rare que je m’intéresse à un tel programme, je fus initiée par Gabriel, un expert en la matière, qui me présenta la chaîne YouTube d’Arte sur laquelle je commence peu à peu à m’aventurer seule : nous avons tous besoin – et grand intérêt – à mieux comprendre et appréhender l’univers dans lequel nous vivons, afin de le respecter et l’apprécier davantage). D’ailleurs, récemment – et c’est aussi un excellent moyen de réviser de façon ludique pour notre TOEFL (IBT, examen d’anglais) –, Gabriel et moi nous sommes mis à regarder « Our Planet » (série Netflix) en anglais, sous-titrée en anglais (on ne rigole pas). Quoique tout d’abord perplexe par le fait de devoir remplacer mes bons films « cultes » du soir par des documentaires, j’en fus finalement ravie. La beauté époustouflante des images, tout autant qu’elle me fit redescendre sur Terre par la découverte de la nature extraordinaire qu’elle abrite, me fit rêver. Qu’elle est impressionnante cette planète : une puissance d’équilibre dont nous n’imaginons pas même 0,0001% (bien que nous pensions le contraire), ou encore un cycle de vie dont nous ne connaissons pas vraiment ni le début, ni la fin. Le tout étant bien au-delà de l’Homme, son pas s’y enfonce pourtant profondément…
20/01
Peut-être que je n’y comprends rien non plus, que je ne suis qu’une de ces nombreuses personnes qui jugent sans savoir, qui décrivent sans avoir observé, qui déduisent sans avoir analysé. Après tout, je ne suis qu’une gamine de presque 23 ans maintenant, toujours étudiante, et par conséquent dans un entre deux entre le monde de l’enfance, que je suis supposée devoir quitter, et le monde du travail (même si, entre nous, le rôle de Peter Pan me va très bien) dans lequel je devrais probablement entrer après ma remise de diplôme, titulaire d’un master 2 d’école de commerce, programme Grandes Écoles. Je ne suis pas à HEC, mais il faut avouer que ce titre sonne tout de même correctement à mes oreilles de future adulte confirmée. Vous me direz, faut-il être diplômé pour avoir un job ? Ou même pour se sentir adulte ? « Non », crieraient les multiples voix de ceux qui se revendiquent « anti-études ». Alors, que faut-il pour être considéré comme un adulte ? De là où je suis, bac +4 et ayant le même niveau d’études que ma maman lorsqu’elle épousa mon papa, conduisant depuis plus de 3 ans et payant déjà des impôts d’auto-entrepreneur, on me regarde toujours comme si j’avais 16 ans. « Les élèves de 2de, c’est l’autre accueil, mademoiselle.
— Madame, je suis en deuxième année de prépa. » « Tu as 22 ans ? C’est pas vrai, montre-moi ta carte d’identité (pour entrer dans un bowling, true story) ». « Vous devriez vous maquiller et mettre des talons pour faire votre âge ! » (J’avais alors 18 ans). Le dernier exemple cité est, par ailleurs, de loin le plus choquant (bien que comique) : à l’époque, je préparais les oraux d’entrée en école de commerce, après avoir passé les concours écrits en avril et mai 2017. Ce fut l’époque d’un changement crucial pour ma carrière terrestre : je me fis opérer des yeux. Née avec un strabisme convergent, opérée une première fois à l’âge de 6 ans et demi, je rêvais d’un jour pouvoir m’en débarrasser définitivement. La chirurgie étant risquée, je ne reçus jamais le soutien de mon père et dus attendre la majorité pour que ma mère acceptât enfin de m’accompagner dans la procédure et la prise de rendez-vous. Bien sûr, papa fut celui qui me conduisit à chacun des rendez-vous ophtalmologiques (à Paris) et qui fut présent le jour de l’opération : l’amour passe avant tout. La chirurgie se déroula à merveille et, lorsque j’eus retrouvé l’aspect normal de mes yeux, ils étaient droits. Je n’étais pas peu fière de moi en débarquant, un mois plus tard, devant les jurys des différentes écoles ! C’est lors du premier rendez-vous postopératoire que la secrétaire du cabinet me fit son charmant commentaire. Sans rancune ma chère, je rirai bien lorsque j’aurai 50 ans et en paraîtrai 40. Oui, soyons honnêtes, l’apparence n’est pas d’une piètre importance de nos jours : la grenouille veut se faire aussi grosse que le bœuf et le corbeau se croit le Phénix des hôtes de ses bois. Et pourtant, ne dit-on pas que la surface reflète ce qui se cache en profondeur ? Que les yeux sont le miroir de l’âme ? Si ce n’est pas vrai pour un lac, peut-être l’est-ce pour le genre humain. Au quotidien, ce sont toutes ces questions qui envahissent mon esprit et structurent mon espace et mon temps : pourquoi étudier ? Pourquoi être cultivée ? Pourquoi vouloir être belle ? Qu’est-ce que la beauté ? Pourquoi m’entraîner et souhaiter maîtriser le corps que la nature m’a donné ? Quels droits ai-je sur ce dernier ? Pourquoi se reposer ? Pourquoi, parfois, ne rien faire ? Oh, je vous rassure, je tâche de ne jamais trouver de réponses toutes faites, qui m’entraîneraient alors dans l’illusion que je peux tout connaître et tout expliquer. Je réfléchis, c’est tout. Aujourd’hui, entre mes allers-retours à Paris et Versailles, j’en eus le loisir, assise confortablement dans mon TER Centre-Val de Loire. Je bouquinai par-ci, peaufinai deux - trois priorités du jour par-là et vagabondai surtout dans mes pensées. Quelle chance de voyager ! Je dois avouer que je suis particulièrement amoureuse de ce moment de l’existence que je vis et que je crée, de l’environnement dans lequel je choisis d’évoluer et des sentiments de joie, de confiance, d’inspiration et d’épanouissement que j’accueille dans mon cœur. Je souhaite à toute personne de mon âge de ressentir la même paix.