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Quand j’étais matelot: Eté 1925, cinq jeunes filles et un garçon en croisière à la voile en Méditerranée
Quand j’étais matelot: Eté 1925, cinq jeunes filles et un garçon en croisière à la voile en Méditerranée
Quand j’étais matelot: Eté 1925, cinq jeunes filles et un garçon en croisière à la voile en Méditerranée
Livre électronique185 pages2 heures

Quand j’étais matelot: Eté 1925, cinq jeunes filles et un garçon en croisière à la voile en Méditerranée

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À propos de ce livre électronique

Un récit de croisière à la voile rare et moderne.

Été 1925, de jeunes filles naviguent à la voile vers la Grèce de Marseille à Athènes. Elles ont une vingtaine d’années, libres et intrépides, visitent les îles et les sites archéologiques qui ne sont pas encore envahis par les touristes, rencontrent la flotte anglaise, font la fête, mais connaissent aussi des galères. Cette croisière à bord de Bonita, un vieux yawl sans moteur, réunit Hermine de Saussure le capitaine, Ella Maillart, Marthe Oulié l’auteure et archéologue, Mariel Jean-Brunhes, Yvonne de Saussure, soeur aînée d’Hermine et leur frère Henri-Benedict qui les rejoindra en cours de navigation. Un récit de croisière à la voile rare et moderne il y a plus de quatre-vingt-dix années. Le livre a été publié une première fois en 1930.

Découvrez les aventures d'Hermine, Ella, Marthe, Mariel, Yvonne et Henri-Benedict à bord de Bonita, un vieu yawl sans moteur, lancés à la conquête des îles grecs.

EXTRAIT

Ce courrier de Naples semble le maître tyrannique du port de Palerme : aux moments de son entrée et de sa sortie, les voiliers n’ont pas le droit de circuler. Pendant les heures qui précèdent son départ, les boîtes aux lettres de la ville sont uniquement réservées à son service.
Les jours suivants, nous errons d’église en église, de palais en palais, à la découverte de cet art normand, si somptueux et si fantaisiste, qui tient à la fois du mauresque, du roman et du gothique. Les mosaïques surtout nous émerveillent au palais du roi Roger et à Monreale, dont la basilique, à qui certains reprochent le clinquant de ses couleurs vives et de ses ors, côtoie le cloître aux si frêles colonnades.
Est-ce dans l’église de la Martorana que nous vîmes cette étonnante madone du XVIIIe siècle peinte dans le costume décolleté d’une marquise de Watteau ? Et quelle émotion de se trouver au musée en face des bas-reliefs, des métopes de Sélinonte !
À ces visions artistiques se mêle en moi le souvenir d’avenues de palmiers où, vers cinq heures, des attelages désuets et pleins de morgue caracolaient ; d’autres rues, populaires, grouillantes et poussiéreuses ; et de haltes dans des boutiques où les plus étranges pâtisseries et ces glaces siciliennes gelati et granite réparaient nos forces, avant le retour dans notre maison marine… dont une couchette demeurait vide.
Mais cette ville superbe en plein mois d’août, nous oppressait, à vrai dire. Les grands temples de l’ouest et du sud nous attiraient. Et bientôt, nous nous trouvions, bâton en main et musette à l’épaule, sur la grande route en lacets qui mène à Ségeste.
De temps à autre, nous croisions une de ces pittoresques charrettes peintes avec la naïveté et le vif coloris des images d’Épinal, retraçant en quatre tableaux les aventures de Geneviève de Brabant ou celles de Roland. Comme les beaux vases antiques, ces candides peintures étaient signées en toutes lettres du double nom du constructeur de charrettes et du décorateur. Quant aux chevaux, assez jolis, ils n’ont pas de mors. On les conduit au moyen d’un anneau capitonné qui leur encercle le museau.
LangueFrançais
ÉditeurCLAAE
Date de sortie9 juil. 2018
ISBN9782379110009
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    Aperçu du livre

    Quand j’étais matelot - Marthe Oulié

    1937

    À Hermine de Saussure

    en souvenir reconnaissant,

    son matelot très indigne dédie ses impressions de mer.

    Le besoin de partir est le premier,

    le seul désir véritable qu’ont senti sur

    la terre les cœurs jeunes.

    Princesse Bibesco

    Avertissement

    Plusieurs étés ont passé depuis cette croisière de douze cents milles de Marseille à Athènes à bord de Bonita. Depuis ces pérégrinations au pays d’Homère, j’ai fait la pêche au thon en Bretagne ; j’ai connu l’intense et rude vie des pêcheurs morbihannais, les anxiétés des marées et des échouages, les grains du golfe de Gascogne, et la brume, et la longue houle de l’Océan.

    J’ai goûté aussi l’attirance du désert saharien, cette autre mer, plus immobile, dont les îles sont les oasis.

    Rien ne passe à mes yeux la saveur de cette capricieuse et très joyeuse Méditerranée ni le chant d’allégresse de son dur clapotis bleu contre une coque sonore, ou de son mistral dans des haubans d’acier.

    J’ai longtemps hésité à publier ces souvenirs, partagée entre l’intention de communiquer à d’autres mon expérience et mon plaisir, et la crainte de sembler me prévaloir d’aventures personnelles. Je me suis enfin décidée, avec l’espoir d’encourager bien des gens, prisonniers de la vie ordinaire, à s’évader tout au moins pour un temps vers ce royaume infini et radieux de la mer, dont leurs jours, ensuite, garderont le chaud reflet.

    J’ai voulu m’inscrire en faux contre l’idée du yacht considéré comme instrument de luxe et de fantaisie de gens très fortunés : le bateau de plaisance, manœuvré en famille ou entre amateurs, peut être d’un usage très courant.

    J’ai voulu montrer la mer telle qu’elle m’apparaît, avec toute la joie qu’elle peut apporter par les jeux combinés du soleil, des flots et des vents, ces divinités essentielles, la magique torpeur qui s’en dégage et le bienfaisant oubli de tous les soucis terriens dès que sont larguées les amarres – me gardant de ces visions d’une mer cauchemaresque, féroce et romantique qui ne sont que trop injustement répandues.

    Certes, il y a toujours dans la vie du marin un moment où il se dit que s’il en échappe, il ne remettra plus le pied sur un bateau, un moment où il se sent dominé par une force monstrueuse. C’est qu’alors il perd confiance dans son bateau. Plus que la mer, l’état du bateau est à redouter.

    Il n’en reste pas moins vrai que le jeu est sérieux et demande une attention de tous les instants. Tout sport comporte ses risques. Mais en est-il de plus sain, de plus noble, qui redonne mieux le goût des joies lentes, de l’effort et de la patience, loin de la vie à horaires qui nous oppresse, et de cette obsession de la vitesse que nous confondons avec le bonheur, incapables que nous devenons de distinguer du mouvement la joie ?

    Et d’ailleurs, à une époque dévorée du désir du voyage, quelle force pour un garçon d’être un bon matelot ! L’univers lui appartient, qu’il songe à naviguer par ses propres moyens, ou qu’il veuille trouver un embarquement, toujours possible, sur un navire quelconque.

    Ce livre, je l’ai écrit pour les profanes et c’est pourquoi il s’y mêle des explications qui sembleront puériles aux marins. Je dois à leur sujet des remerciements à l’aimable secrétaire du Yacht-Club, M. Gras, qui a bien voulu en contrôler l’exactitude.

    Sur la prière de l’éditeur M. Redier, j’ai multiplié les détails pour mieux faire participer le lecteur à la vie quotidienne du bord.

    Sans aucune prétention littéraire, je dédie ce récit aux jeunes gens et aux jeunes filles qui aiment la mer, afin qu’ils l’aiment plus encore.

    Itinéraire de Bonita

    L’armement de Bonita en la bonne ville de Notre-Dame-de-la-Garde

    Près des eaux noires d’un petit port de la baie d’Athènes, un soir de septembre, deux petites Françaises dînent avec mélancolie. Elles viennent de naviguer pendant sept mois toutes seules sur Perlette, un petit cotre¹ sans moteur. C’est l’automne ; la croisière en mer Égée est terminée et il va falloir regagner l’Occident brumeux, pluvieux, et ses villes enfumées.

    On recommencera l’an prochain, nous disons-nous en guise de consolation ; puisqu’aussi bien, Hermine de Saussure et moi, nous continuerons l’été suivant nos travaux archéologiques en Crète, nous organiserons une autre croisière pour les mois qui précéderont.

    Mais vraiment ç’a été trop dur à deux, sur ce petit bateau de sept mètres, microscopique ; il faudra que le prochain soit plus grand, et nous doublerons notre équipage.

    Cette idée seule nous donne le courage de quitter Athènes. Ce n’est pas un adieu définitif que nous disons à la Grèce ni à la mer.

    Et tout l’hiver nous vivons dans cet espoir.

    L’itinéraire de la future croisière n’est pas définitivement arrêté. Cela dépendra de l’endroit où nous trouverons un bateau à acheter, et ce n’est pas chose si facile. Si c’est à Fiume, comme on nous l’a fait espérer, nous descendrons l’Adriatique à travers les îles de Dalmatie, le long de la côte d’Épire, et passant par les îles loniennes, Athènes et la Crète, nous irons jusqu’à Alexandrie.

    Si c’est en Provence, nous gagnerons Messine par la Corse et la Sardaigne et puis après un crochet en Tunisie, il y aura une traversée de trois cents milles à couvrir pour passer dans les Ioniennes, sous la double menace de la bora² et du siroco³ !

    Les îles Iioniennes, Corfou, Céphalonie, Ithaque, Leucade, Zanthe (fior di Levante) offrent de beaux paysages, mille souvenirs historiques et des ports solitaires où ne touchent pas les vapeurs, où n’abordent pas les touristes. C’est là que nous retrouverons Mariel Jean Brunhes qui sera la géographe et la photographe de notre voyage en Crète. Puis, par le golfe de Corinthe, il est aisé de gagner Athènes. Là se terminera peut-être la croisière puisqu’il ne faut pas songer à trouver un abri pour un petit voilier sur la côte nord de la Crète, durement balayée par les vents étésiens. Douze cents milles en perspective à la plus belle saison, mais qu’il s’agirait de parcourir en huit semaines ! Or, il faut bien se réserver le temps de visiter les îles, et, on ne peut guère compter faire en moyenne plus de soixante milles par jour à la voile.

    En juin, hélas ! le bateau n’était pas encore trouvé et tous les projets tombaient à l’eau si nous ne pouvions partir au début de juillet, puisqu’il fallait être en Crète en septembre. Il avait fallu renoncer à rien trouver à Fiume et notre seul espoir était de dénicher sur notre côte provençale le dix à quinze tonneaux rêvé. Hermine de Saussure, capitaine sans commandement, battait la côte à sa recherche. Et l’équipage ? Il devait comporter un second : Ella Maillart, qui avait été, en Provence, équipière de Perlette, elle aussi, avant la croisière en Égée, et représentante de la Suisse aux épreuves nautiques des Jeux olympiques de 1924. Fine régatière du Cercle de la Voile de Genève, elle a hérité d’ancêtres danois, en même temps qu’une solide carrure, une passion de la mer presque exclusive. Elle naviguait alors dans la Manche à bord du yacht anglais Volunteer. Moi qui coupais alors mes foins dans le Rouergue, je demeurerais matelot.

    Le rôle de quatrième devait être tenu par la sœur aînée de la capitaine, Yvonne de Saussure.

    Cet équipage de quatre-vingt-douze ans ainsi dispersé se mourait d’anxiété ! Enfin ! il recevait, aux quatre coins de la France, l’avis, vers la mi-juin, que Bonita était repérée, grâce à notre ami dévoué de Marseille, M. Mouret, et acquise. Par un tour de force son armement fut achevé en trois semaines !

    Bonita, long de onze mètres, jaugeant treize tonneaux, avait toute une histoire. C’était un bateau célèbre à Marseille, mais il avait été construit en Bretagne, à Saint-Servan, sous la romantique tour Solidor, aux chantiers Mallard.

    Acquis en 1881 par M. Aguitton, de Marseille, il fut expédié de Saint-Servan… à la voile, sous la conduite du célèbre patron anglais Jenkins, âgé de soixante-dix ans, accompagné d’un seul matelot. Son arrivée à Marseille fit donc sensation, quand on apprit sa traversée de trente et un jours, avec une seule escale à Gibraltar, par un très mauvais temps qui l’avait constamment obligé à naviguer sous les voiles de cape, c’est-à-dire sous la voilure réduite de tempête.

    Bonita, presque aussitôt, devint la propriété d’un jeune ingénieur marseillais, qui en fit l’acquisition sans la voir, sur la seule foi des éloges adressés à ce bateau par le journal Le Yacht ; car Bonita, auréolée de sa gloire de long courrier, était arrivée juste à temps pour prendre part aux régates et ajouter du piquant à ces épreuves en représentant les bateaux du nord contre les bateaux latins de la Méditerranée.

    En 1891, sa coque fut rehaussée et allongée. Néanmoins, elle demeura gréée en cotre (avec un seul mât) jusqu’en 1905. À cette date, on la transforma en yawl⁴.

    Depuis la date lointaine de sa naissance, Bonita en était à son trentième propriétaire ; son principal défaut était d’être âgée de cinquante et un ans, c’est-à-dire que l’âge de notre capitaine additionné avec l’âge du second n’atteignait pas ce total respectable d’années, qui ne laissait pas de nous inquiéter un peu. Mais le bateau était encore solide, et au reste nous n’avions pas le choix.

    Quel qu’il fût, ce bateau représentait la réalisation toute proche de notre projet, un heureux et libre vagabondage d’île en île, l’enchantement des appareillages matinaux et des arrivées nocturnes dans des ports inconnus, l’occasion aussi d’être un sympathique quatuor qui s’en va à la découverte.

    Notre rassemblement me fait songer au début de Jeunesse, de Conrad. Il y avait entre nous, dit-il, le lien de la mer. Outre qu’il maintenait le contact entre nos cœurs durant les longues périodes de séparation, il avait pour effet de nous rendre réciproquement tolérants à l’égard de nos histoires, voire de nos convictions.

    La Mer ! pour chacune de nous, du reste, elle représente quelque chose de différent : la lutte incessante de l’esprit et du corps contre les éléments – la recherche de l’aventure – le désir de la magnifique solitude – ou bien la rivière qu’il faudra traverser pour accéder aux pays dont on rêva depuis toujours… N’importe, tout cela se résume dans la joie commune d’être à bord, et crée une camaraderie commode.

    On s’étonne parfois que nous ayons plaisir à parcourir en deux mois au prix de tant d’efforts, de ces durs coups de collier dont est fait le métier de marin, la route que nous pourrions effectuer en cinq jours, bien tranquillement, sur un paquebot. Mais quand on sait ce que naviguer veut dire, comment songer à comparer ?

    Il semble qu’ainsi, à la voile, on reprenne contact avec les sources mêmes de la vie ; parce qu’on est soumis aux mêmes conditions d’existence qu’elles, on comprend les difficultés, les nécessités, les jouissances, le rythme des plus anciennes expéditions, du temps où les Grecs de la Métropole s’en allaient fonder des colonies tout autour de la Méditerranée. On comprend mieux la valeur géographique de ces termes vieux comme le monde, ports, régime des vents, escales… Et au point de vue de la saveur du voyage, on goûte bien davantage le charme d’un pays après plusieurs jours de lutte avec la mer, qu’après quelques heures d’internement dans la cabine d’un paquebot, dont le départ et l’arrivée sont désespérément réglés et qui vous laissent dans une atmosphère de civilisation. Quant aux recoins perdus des îles, on les ignorerait certainement si on ne pouvait s’y rendre par ses propres moyens. On ignorerait peut-être aussi toujours, que partout, mais surtout en Méditerranée, en dépit des différences de langues et de milieu, les marins prêts à s’entraider forment une grande famille.

    Et puis, – et puis, tout cela, en somme, ce sont les raisonnements qu’on tient après coup, mais ce qui pousse à la mer, c’est l’instinct profond de la vie nomade et l’attirance de l’horizon illimité, le désir du pays lointain et nouveau… Dans tout marin, même féminin, il y a une survivance du corsaire ! Qui oserait dire que le goût d’une croisière sans snobisme n’est pas une forme (très évoluée et très honnête) de ce vieux démon de la course ?

    *

    Le 1er juillet, un taxi bondissant à travers la turbulente Canebière me dépose sur le quai.

    Dans la belle lumière chaude du Vieux-Port, où les grands voiliers se font rares, plus de cent petits yachts se pressent fraternellement autour de la panne de la Société nautique. Il y a là l’aristocratique huit mètres cinquante de course au mât très haut, incliné vers l’arrière ; des six mètres cinquante plus modestes, des bateaux de croisières à l’air bon enfant, certains ventrus et débonnaires, moins faits pour la mer que pour le port et qui ne prétendent pas naviguer bien loin ; d’autres, fins et vieillots avec cet air frêle que la mode de 1900 donnait aux femmes et aux bateaux. D’autres encore sont de petits canots attendrissants faits de pièces et de morceaux, grâce à l’ingéniosité de leur propriétaire, et qui appartiennent souvent à de très jeunes garçons. Sur ces flottilles règnent de toute leur masse et de tout leur éclat les yachts, gros bourgeois cossus, aux cuivres éblouissants, aux vernis soignés. Tout cela fraternise pêle-mêle, protégé souvent en guise de défense, par un vieux pneu, au long des pannes (les estacades flottantes).

    Ces bateaux sont les maisons de campagne des familles marseillaises. On vient faire la dînette, le soir, sur le pont ; il y flotte quelquefois une odeur de bouillabaisse.

    Quelques bedons y compensent ce qu’auraient de trop altier les casquettes des

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