L’Évangile du soleil: En marge des traversées
Par Alain Gerbault
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À propos de ce livre électronique
Lorsqu’on a vécu comme moi parmi les indigènes, qu’on a profité de leur générosité et de leur hospitalité, et qu’on est devenu leur ami, on a en retour, envers eux, certains devoirs auxquels je ne saurais sans lâcheté me soustraire.
Ce livre est nécessaire, car je suis obligé de me servir de ma seule réelle influence pour attirer l’attention du public et du gouvernement, pas toujours très bien renseignés sur ce qui se passe dans nos possessions lointaines. […]
Ce ne sont ni les opinions d’un philosophe ni celles d’un rêveur, mais d’un voyageur qui a vécu et étudié sur place tous ces problèmes. Il me plaît que lorsque ces notes paraîtront, je sois de nouveau reparti seul au péril de la mer, car j’espère qu’on comprendra que je ne recherche ni les dignités ni les honneurs, et que désirant n’être qu’un marin et rien de plus, j’ai pour seule ambition celle de mériter le surnom de Kim, ami de tout le monde.
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EXTRAIT
Au port Saint-Georges des Bermudes, j’ai mouillé mes deux ancres après une rude et pénible traversée. Saint-Georges, l’ancienne capitale des îles, est une vieille ville pittoresque aux quais déserts. Elle est aussi calme que New York peut être agité, et ce contraste est pour moi d’une nouveauté charmante. Découvrir à chaque escale des îles toujours différentes par leurs aspects et leurs coutumes, c’est en vérité un des grands charmes de la navigation au long cours.
Les murs et les toits des maisons sont blanchis à la chaux. C’est le milieu du jour et tout semble dormir. Seuls, sur la place, en face de l’îlot, le long duquel s’est amarré le Firecrest, des enfants s’amusent, et de temps en temps leurs sonores éclats de rire viennent troubler le silence, car les enfants des hommes de couleur rient plus bruyamment que les enfants des Blancs, plusieurs siècles de civilisation ne leur ayant pas appris à dissimuler leurs sentiments sous la contrainte du sourire.
À PROPOS DE L’AUTEUR
L’auteur Alain Gerbault (1893 – 1941) est né dans une famille d’industriels installée à Laval. Il se fait remarquer par son goût pour la compétition et le sport et deviendra un excellent joueur de tennis classé. Durant la Première Guerre mondiale, il abandonne ses études d’ingénieur pour s’engager dans l’aviation. En 1921, il décide de changer de vie et achète un voilier en Angleterre : le Firecrest. Après plusieurs navigations en Méditerranée, il part seul traverser l’Atlantique d’est en ouest en 1923. C’est un succès aux USA. Il part en 1924 pour la Polynésie et rentrera une dernière fois en France en 1929. Il disparaît dans l’île de Timor en 1941 après avoir tenté à de multiples reprises d’échapper à la Seconde Guerre mondiale.
En savoir plus sur Alain Gerbault
Journal de bord: A la poursuite du soleil et Sur la route du retour Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSeul à travers l'Atlantique: Récit d'une incroyable traversée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Évangile du soleil: Plaidoyer pour la Polynésie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
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Avis sur L’Évangile du soleil
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Aperçu du livre
L’Évangile du soleil - Alain Gerbault
CLAAE
France
Alain Gerbault
En marge des traversées
L’Évangile du soleil
CLAAE
Pêche au large de Porapora
Photographie illustrant la couverture © Documentaire Tabou
© CLAAE 2015
Tous droits réservés. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
EAN eBook : 9782379110238
CLAAE
France
L’auteur Alain Gerbault (1893 – 1941) est né dans une famille d’industriels installée à Laval. Il se fait remarquer par son goût pour la compétition et le sport et deviendra un excellent joueur de tennis classé. Durant la Première Guerre mondiale, il abandonne ses études d’ingénieur pour s’engager dans l’aviation. En 1921, il décide de changer de vie et achète un voilier en Angleterre : le Firecrest. Après plusieurs navigations en Méditerranée, il part seul traverser l’Atlantique d’est en ouest en 1923. C’est un succès aux USA. Il part en 1924 pour la Polynésie et rentrera une dernière fois en France en 1929. Il disparaît dans l’île de Timor en 1941 après avoir tenté à de multiples reprises d’échapper à la Seconde Guerre mondiale.
Livres édités par CLAAE :
– Seul à travers l’Atlantique ;
– Journal de bord, New York – Tahiti – Le Havre : À la poursuite du soleil et Sur la route du retour.
À MARAO TA’AORA A TATI
en souvenir de nos entretiens de Tahiti, avec toutes mes pensées d’affection et d’amour pour tout ce qui est tahitien.
Introduction
L’étude et la construction de mon nouveau voilier de haute mer ont différé la publication de ces impressions de voyage, qui n’avaient pas leur place dans mon journal de bord, et que j’avais espéré faire paraître dès mon retour en France.
Bien des amis m’ont déconseillé la publication de certains chapitres, mais le fait que je n’ai rien à y gagner n’est pas pour me retenir. Il existe, en effet, différentes manières de voyager et peu de voyageurs connaissent la vie intérieure d’un pays, mais lorsqu’on a vécu comme moi parmi les indigènes, qu’on a profité de leur générosité et de leur hospitalité, et qu’on est devenu leur ami, on a en retour, envers eux, certains devoirs auxquels je ne saurais sans lâcheté me soustraire.
Ce livre est nécessaire, car je suis obligé de me servir de ma seule réelle influence pour attirer l’attention du public et du gouvernement, pas toujours très bien renseignés sur ce qui se passe dans nos possessions lointaines.
Je ne voudrais pas qu’on y vît une attaque systématique contre la civilisation, la colonisation et la christianisation, qu’il ne faut pas confondre avec l’européanisation dangereuse et néfaste pour les Polynésiens.
Ce ne sont ni les opinions d’un philosophe ni celles d’un rêveur, mais d’un voyageur qui a vécu et étudié sur place tous ces problèmes. Il me plaît que lorsque ces notes paraîtront, je sois de nouveau reparti seul au péril de la mer, car j’espère qu’on comprendra que je ne recherche ni les dignités ni les honneurs, et que désirant n’être qu’un marin et rien de plus, j’ai pour seule ambition celle de mériter le surnom de Kim, ami de tout le monde.
Chapitre Premier
Aux Bermudes
Port Saint-Georges
Îles Bermudes
Décembre 1924
Au port Saint-Georges des Bermudes, j’ai mouillé mes deux ancres après une rude et pénible traversée. Saint-Georges, l’ancienne capitale des îles, est une vieille ville pittoresque aux quais déserts. Elle est aussi calme que New York peut être agité, et ce contraste est pour moi d’une nouveauté charmante. Découvrir à chaque escale des îles toujours différentes par leurs aspects et leurs coutumes, c’est en vérité un des grands charmes de la navigation au long cours.
Les murs et les toits des maisons sont blanchis à la chaux. C’est le milieu du jour et tout semble dormir. Seuls, sur la place, en face de l’îlot, le long duquel s’est amarré le Firecrest, des enfants s’amusent, et de temps en temps leurs sonores éclats de rire viennent troubler le silence, car les enfants des hommes de couleur rient plus bruyamment que les enfants des Blancs, plusieurs siècles de civilisation ne leur ayant pas appris à dissimuler leurs sentiments sous la contrainte du sourire.
*
Le Firecrest eut besoin de minutieuses réparations. Sa coque, qui avait beaucoup souffert de son séjour de six mois à terre à New York, avait été aussitôt éprouvée par la dure et pénible traversée du Gulf Stream. En ce mois de novembre 1924, il y eut beaucoup de gros temps et de nombreux navires firent relâche aux îles Bermudes pour y réparer les avaries causées par la tempête.
Toutes ces confirmations venant d’autres bâtiments me rassurèrent et me donnèrent confiance en la solidité du Firecrest, car elles me prouvèrent que j’avais réellement rencontré du gros temps. Souvent à terre en effet, en relisant mon journal de bord, je m’étais dit que je m’étais peut-être laissé impressionner et qu’il n’avait pas fait aussi mauvais que j’avais cru.
Et maintenant que je remanie mes notes de voyage pour les publier en livre, je peux les compléter grâce à mes années d’expérience sur les mers autour du monde. Sur un petit bateau, il est presque impossible, sauf en grimpant dans la mâture, d’apprécier la hauteur des vagues1. Tout paraît énorme et démesuré et, dans les cyclones, la mer n’est qu’une surface qui écume et bouillonne de toutes parts. Mais il est cependant une chose qui laisse sur la mémoire une impression inoubliable, c’est la fureur du vent lorsqu’il atteint la force de l’ouragan. C’est un hurlement sinistre qui donne une note invraisemblablement aiguë à travers les câbles d’acier du gréement. On croirait entendre tous les démons de l’enfer déchaînés. Souvent je dus ramper sur le pont à plat ventre pour ne pas être enlevé par le vent, et une fois même, sa violence était telle, que j’eus mes vêtements mis en pièces. Et aussi, on ne peut pas oublier la pluie de l’ouragan, qui arrive horizontalement avec une violence inouïe, vous coupe la peau et vous brûle les yeux.
Pendant ma traversée de New York aux Bermudes, la vitesse du vent n’avait jamais dépassé soixante ou soixante-dix milles à l’heure, mais la mer était fort dure. La direction générale des vagues était de l’arrière, du nord au sud, mais il courait aussi une mer qui venait par le travers, déferlant constamment à bord et m’occasionnant de sérieuses avaries.
*
Un jour, entra dans le port, tirée par un puissant remorqueur, une grande goélette américaine à quatre mâts. Elle présentait un aspect étrange, car son pont était presque submergé. On l’échoua sur la grève et je vis alors que son étrave était complètement sectionnée.
J’appris qu’elle avait été abordée de nuit par un vapeur et que l’équipage la jugeant perdue l’avait abandonnée, mais elle n’était chargée que de bois. Délestée, en s’enfonçant, des madriers qu’elle transportait sur le pont, elle avait été maintenue à flot par sa cargaison intérieure. Elle errait, épave flottante, présentant les plus grands dangers pour la navigation, lorsqu’elle fût rencontrée par un navire de guerre et signalée par TSF2. Une grande compagnie de remorquage avait dépêché un de ses puissants vapeurs pour s’emparer du voilier abandonné.
C’était pour moi, qui venais d’échapper de peu à une collision, un nouvel avertissement du plus grand danger de ma navigation solitaire, auquel un équipage complet et faisant bonne garde n’avait pu se soustraire.
Les deux grandes compagnies de remorquage des îles Bermudes avaient toujours fort à faire par suite du mauvais temps fréquent de ces parages, et la longue grève près du port n’était qu’un vaste cimetière de coques abandonnées, jugées indignes d’être renflouées.
*
En faisant voile de Saint-Georges à Hamilton, la capitale des îles, située à l’autre extrémité de l’archipel, je passai près d’une ancienne frégate à trois ponts transformée en dépôt flottant de charbon et qui portait le nom de Shah.
J’en connaissais déjà l’histoire. Il était, m’avait-on dit, le seul navire de guerre britannique qui eût jamais fui devant l’ennemi. Ce n’était que son premier engagement, mais il fut ainsi désarmé, jugé indigne de combattre, et ses officiers et son équipage traduits en conseil de guerre.
Tirant un bord pour passer près de son arrière, je pus remarquer l’excellent bois de teck dont il était construit et, sur le château de poupe, des sculptures représentant des dragons et des banderoles aux devises effacées par le temps. De cette vieille coque émanaient la tristesse et la mélancolie. Il semblait que le navire fut conscient lui-même du châtiment et de la déchéance auxquels l’avait condamné la justice des hommes.
_______________
1. On pourrait aussi l’apprécier avec un baromètre extrêmement sensible.
2. TSF : transmission sans fil par ondes électromagnétiques.
L’île Saint David
Saint David
Février 1925
C’est l’île de l’est des Bermudes. Son rivage très irrégulier, bordé de plages blanches, forme de nombreuses baies. Dans l’une d’elles, qui est presque un bassin circulaire, le Firecrest évite sur ses ancres au gré des vents. Les collines boisées à l’entour sont couvertes de ce cèdre bermudien, au feuillage vert sombre, si propre à la construction