Pour les Marines qui envisagent de reconquérir le Pacifique à l’été 1942, les opérations amphibies sont un effarant casse-tête. Il ne suffit pas de projeter des forces à plusieurs milliers de kilomètres de leur base — les 250 km qui séparent Angleterre et Normandie sont un saut de puce à cette échelle —, encore faut-il franchir les cent derniers mètres. Les plus pé rilleux de tous. Dans ces opérations à haut risque que sont les assauts amphibies, il n’y a pas d’espace plus dangereux que l’interface entre la mer et la terre. Un espace constitué d’eau qui noie les blessés et de sable qui grippe les armes et les machines. Un champ de tir plan dépourvu d’abri, facile à truffer d’obstacles et de mines.
Débarquer est donc un cauchemar n’importe où dans le monde. Dans le Pacifique central, c’est — — du suicide. Les atolls de corail tenus par les Japonais sont en effet préfortifiés par la nature. À marée haute, la houle vient se briser sur les récifs qui délimitent le lagon autour des îlots, créant des rouleaux infranchissables par les bateaux. À marée basse, les récifs affleurent, empêchant tout passage. Sur certaines îles, une étendue de corail peu profonde — parfois quelques dizaines de centimètres seulement — forme un platier qui déchiquette le fond des embarcations et les pieds des hommes. Les défenseurs, en conséquence, peuvent concentrer leur tir sur les (rares) passes dans les récifs. Et le pire reste à venir: la plage. Pas question de manœuvrer (les îles sont de toute façon trop étriquées), la seule solution consiste en une charge frontale face aux mitrailleuses.
