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Ces surdoués de la relation: Un regard sur les personnes porteuses de la trisomie 21
Ces surdoués de la relation: Un regard sur les personnes porteuses de la trisomie 21
Ces surdoués de la relation: Un regard sur les personnes porteuses de la trisomie 21
Livre électronique275 pages3 heures

Ces surdoués de la relation: Un regard sur les personnes porteuses de la trisomie 21

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À propos de ce livre électronique

Des témoignages qui bousculent bon nombre d’idées préconçues et de stéréotypes sur la trisomie.

Trisomie : ce simple mot déroute, angoisse et peut faire peur. Il est associé à celui d’un handicap qui dérange visuellement, surprend et déstabilise. La trisomie 21 demeure le symbole du handicap mental, l’icône de la différence. Quel regard pose-t-on sur les personnes porteuses de trisomie ? Leur présence est souvent ressentie comme une catastrophe ; elles sont alors considérées comme des « gêneurs », des « inutiles » et des « improductifs » qui, de surcroît, coûtent cher à la société. À l’heure où le dépistage prénatal, de plus en plus facilité et perfectionné, conduit à une demande d’interruption médicale de grossesse (IMG) dans 96% des cas de trisomie diagnostiquée, cet ouvrage apporte de nombreux témoignages qui bousculent bon nombre d’idées préconçues et de stéréotypes à leur égard ; certains sont véritablement émouvants, notamment celui d’Éléonore Laloux. Au-delà d’une vie professionnelle normale et pleinement réussie, Éléonore, avec le soutien de ses parents, sillonne la France pour porter le message de non stigmatisation et de respect de la dignité des personnes atteintes, comme elle, de trisomie 21. Un périple qui l’a conduite jusqu’à l’Assemblée nationale. La réalité de ces personnes n’est peut-être pas celle que nous pressentons, imaginons ou craignons. Ne seraient-elles pas porteuses d’une réponse à un mal profond, bien installé dans notre société dite avancée : un manque de lien ? De par leur sens de la convivialité, leur chaleur et leur gentillesse exceptionnelles, ces surdoués de la relation font expérimenter à leur entourage une joie de vivre qui fait si souvent défaut.

Découvrez un ouvrage qui invite au questionnement : les personnes trisomiques ne seraient-elles pas porteuses d’une réponse à un mal profond, bien installé dans notre société dite avancée : un manque de lien ?

EXTRAIT

« Ce dont ils ont besoin pour évoluer et espérer s’insérer professionnellement, c’est l’apprentissage de gestes professionnels. À ce stade, Carole avait besoin de suivre une formation professionnelle adaptée à ses compétences. Il a fallu inventer du sur-mesure. Malgré ses difficultés d’élocution et son non-alphabétisme, elle a pu obtenir un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) d’employée technique de collectivité. »
Carole est aujourd’hui employée dans une école maternelle. Elle prépare le réfectoire pour les repas du midi, dresse la table et remplit les carafes d’eau. Elle aime beaucoup les enfants ; elle les sert à table, les aide à couper la viande ; elle agit un peu comme une maman. Puis, vient l’heure de les préparer pour la sieste. Elle assure ensuite le nettoyage de la cantine, avec ses collègues de travail.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Alors il a choisi de leur donner la parole. Son livre est truffé de témoignages, de personnes trisomiques elles-mêmes, de parents, de professionnels, qui tous disent les joies et les difficultés de leur vie et de leurs engagements. A la lecture de ces histoires, on sent émerger une évidence : ces personnes trisomiques ont une puissante capacité au bonheur, et les plus grandes souffrances qu’elles rencontrent ne sont pas les conséquences de leur handicap, mais bien plus celles de la méfiance, voire du rejet qui s’exerce à leur égard. - Philippe de Lachapelle, www.och.fr

A PROPOS DE L'AUTEUR

Julien Perfumo, éducateur spécialisé, a eu pour mission durant trente ans, au sein d’institutions spécialisées, d’inclure en milieu ordinaire de travail de jeunes adultes en situation de handicap mental, dont certains atteints de trisomie 21. Un combat difficile mais passionnant, qu’il a mené tout au long de sa vie professionnelle. Aujourd’hui à la retraite, il continue ce combat, dont ce livre est une expression.
LangueFrançais
Date de sortie13 juin 2018
ISBN9782375821435
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    Aperçu du livre

    Ces surdoués de la relation - Julien Perfumo

    - 1 -

    CRI DU CŒUR

    Les handicapés

    Avec mon handicap

    Je me suis battue

    Et défendue.

    Souvent la déprime

    M’a prise au dépourvu.

    Avec mon handicap

    J’ai franchi des étapes

    Faciles et difficiles.

    Jamais mon cœur

    N’a gardé le silence.

    Avec mon handicap

    J’ai construit une maison,

    J’ai allumé un feu.

    Personne ne pouvait venir

    Se réchauffer un instant,

    Tellement était grande ma révolte.

    Qu’est-ce que tu ferais, toi,

    Si tu étais handicapé ?

    Peut-être une chanson,

    Quelque chose d’autre.

    Qu’est-ce que tu inventerais, toi,

    Si tu étais handicapé ?

    N’importe quoi,

    Ou la même chose que moi.

    Qu’est-ce que tu dirais, toi,

    Si tu étais handicapé ?

    Des autres,

    De toi-même.

    Nous sommes tous les deux des handicapés,

    Donnons-nous la main.

    Nous avons besoin de nous connaître,

    De bâtir des liens d’amour,

    Et peut-être aux ailes de demain,

    La vie changera !

    Avec son talent poétique, Nathalie Nechtschein, une Grenobloise de 48 ans porteuse de trisomie 21, nous lance, à travers ce cri douloureux, son désir de vivre et d’être reconnue comme une personne à part entière. Nous la retrouverons plus loin.

    Les témoignages tiendront une place prépondérante tout au long de la lecture de ce livre. Quoi de mieux, en effet, que des témoignages pour donner authenticité et réalité aux idées exprimées ?

    Les deux premiers qui vont suivre nous invitent à aller aux sources de la problématique de l’accueil de l’enfant porteur de trisomie, et à ne pas nous laisser abuser, tromper ou impressionner par des on-dit ou des propos erronés et tendancieux, si souvent exprimés à son égard, fût-ce par des spécialistes. François Battistelli nous dévoilera comment l’amour d’une mère l’emporte, dans une situation dramatique et apparemment irréversible, et nous suivrons avec émotion et admiration le combat mené par Christian Hernandez et son épouse, une fois passé le choc de l’annonce du handicap de leur fils Yves.

    - 2 -

    QUAND L’AMOUR D’UNE MÈRE L’EMPORTE

    Il y a des choses qu’on ne voit bien

    qu’avec des yeux qui ont pleuré.

    Lacordaire

    Nous l’avons déjà précisé dans la dédicace, François Battistelli a travaillé dans une pouponnière à Montrouge, en région parisienne. Celle-ci accueillait des enfants de 0 à 3 ans. C’est là, dit-il, qu’il a appris, grâce à la directrice infirmière de cette structure, « ce long travail de raccommodage et de réconciliation avec des parents qui avaient abandonné leur bébé atteint de trisomie ». Il ajoute : « C’est là que je compris aussi le regard ambivalent des parents qui voulaient tout et le contraire : leur vie et leur mort à la fois. »

    Il nous livre ici ses réflexions et une étonnante et émouvante expérience dont il a été le témoin :

    « Annoncer le diagnostic de trisomie 21 n’est pas facile, et les décisions qui vont en découler ne sont pas évidentes pour les parents qui se trouvent face à cette grande épreuve. Les progrès de la science sont si considérables qu’ils ont beaucoup modifié le comportement des parents, des médecins, des soignants, depuis ces cinquante dernières années.

    « En effet, autrefois, l’arrivée dans notre monde d’un enfant atteint de trisomie 21 était une surprise, et parfois, même, le diagnostic n’était certain qu’au bout de quelques mois seulement. Le grand journaliste, Georges Hourdin, en a fait l’expérience, qu’il a bien racontée dans le beau livre On n’a plus besoin de toi⁹. Ces délais de plusieurs mois permettaient d’établir avec le bébé des liens affectifs durables, voire irréversibles.

    « Mais, depuis, ces progrès rapides ont permis d’abord, grâce au caryotype¹⁰, d’établir un diagnostic sûr avant la sortie de la maternité (8e jour) et même, aujourd’hui, d’affirmer la présence de trisomie 21 au troisième mois de la grossesse, par amniocentèse. Enfin, dans certains pays, une prise de sang permet désormais d’établir sans risque la fiabilité du diagnostic (risque de 1 % d’avortement, lié à l’amniocentèse). Cette pratique ouvre la voie au dépistage général des anomalies et le droit de sélectionner, brandi au nom de la liberté (eugénisme).

    « Je voudrais ici relater la façon courageuse dont certains parents ont su assumer cette grande épreuve. La question posée est donc, aujourd’hui encore : Faut-il assumer ? Comment assumer ?

    « Les faits remontent à la fin des années 1970. La pouponnière accueillait à ce moment des enfants handicapés de 0 à 3 ans. Mme M. dirigeait cet établissement à effectifs réduits, de 25 enfants, ce qui permettait une qualité rare de relation avec les parents et aussi interpersonnelle.

    « Mme M. reçoit une demande d’admission d’un bébé atteint de trisomie 21, âgé de huit jours. Accompagnée de l’assistante sociale, elle se rend à la maternité où était né l’enfant. En pareil cas, le diagnostic tombait comme un couperet dur et froid qui mettait les jeunes parents en état de crise. Et voici ce qui avait été dit à l’infortunée maman : Cet enfant sera idiot… Si vous gardez cet enfant, vous n’aurez pas ‘un’ handicapé, mais ‘trois’ (l’enfant et les parents). Ne vous attachez pas à lui… Si vous vous attachez à lui, il vous aimera. Vous ne pourrez plus vous en séparer. Votre vie sera un calvaire.

    « Dès lors, la projection dans l’avenir est trop crue, trop insupportable, et les parents, ne s’étant jamais préoccupés de ce problème, ne pouvaient manifestement pas faire face à un pareil dilemme. Ainsi, ils perçoivent une immense solitude, prennent donc des décisions radicales, à savoir : abandon légal, prise en charge par la DDASS¹¹ de la responsabilité juridique du bébé, et placement en pouponnière.

    « Cet enfant est donc admis dans notre établissement. Il semble se développer facilement, a une croissance correspondant à son état et ne présente aucune malformation associée, notamment cardiaque.

    « Or, un beau jour (l’enfant avait environ six mois), la maman se rend à notre pouponnière pour voir son enfant. Théoriquement, elle n’avait pas le droit de faire cette démarche, puisqu’elle l’avait légalement l’abandonné. Cependant, elle brave cette interdiction et, nous dit-elle, n’en pouvant plus, elle raconte son désespoir et sa situation psychologique de grande culpabilité qui lui rend la vie intolérable. Cela devenait une grande obsession… Toute la journée, elle se demandait si son enfant allait bien, était heureux, en un mot, s’il recevait toute la chaleur affective qu’elle aurait pu lui donner, elle, sa maman. Devant le désarroi de cette mère éplorée, Mme M. décide de lui montrer son enfant.

    « La maman regarde longuement son enfant. Il n’a pas l’air d’un monstre, et même il sourit, la regarde, bouge, tend sa main. Mme M. le donne à sa mère qui le prend dans ses bras en le berçant. En insistant un peu, Mme M. lui demande si elle veut lui donner son biberon. Elle hésite quelques instants puis accepte et, pour la première fois, elle peut enfin effectuer un geste de vraie mère.

    « Elle reviendra toutes les semaines pour lui donner son repas, le laver même, et le changer, et s’habituer tout doucement aux gestes naturels de contacts physiques, affectifs et psychologiques. L’instinct maternel n’est pas inné, et il faut beaucoup de patience pour reprendre le contact et les liens naturels normaux.

    « Devant la persistance et l’insistance de ce comportement, Mme M. lui offre la possibilité de reprendre le bébé chez elle, durant les week-ends.

    « En fin de compte, les parents vont réintroduire une procédure légale, et reconnaîtront leur enfant une deuxième fois. L’enfant sera repris définitivement au foyer parental.

    « Je dois ajouter qu’aucune pression n’a été effectuée sur ces parents.

    « Assumer totalement cette épreuve semble avoir été une solution libératrice ; on a abouti à une véritable renaissance. Nier un événement de cette sorte conduit à un inconfort psychologique durable.

    « Mais, bien sûr, ces parents courageux ne doivent pas être laissés seuls, et toute la réussite de ce qui va se passer ensuite sera liée à la manière d’accompagner, de suivre, d’aider cette famille.

    « Nous pouvons augurer que toute cette histoire se poursuive favorablement, puisque, à quelques années de là, les parents sont venus nous présenter solennellement leur deuxième enfant qui était le plus normal possible. »


    (9) Georges HOURDIN, journaliste (1899-1999), a fait paraître ce livre en 1991, aux éditions Desclée De Brouwer.

    (10) Étude des chromosomes humains.

    (11) Direction départementale des affaires sanitaires et sociales.

    - 3 -

    LE COMBAT D’UNE VIE

    Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent.

    Victor Hugo

    Je suis plein d’admiration pour le courage dont Christian Hernandez et son épouse ont fait preuve, depuis le jour où ils ont découvert, désemparés, que leur fils Yves était porteur de trisomie 21. Ils ont été contraints à faire face à de grandes difficultés, qui auraient dû leur être largement épargnées si le climat social avait été autre. Nous reviendrons sur cette question essentielle du « climat social », qui se révèle être l’une des conditions déterminantes de la qualité de vie de toute personne en situation de faiblesse.

    Christian Hernandez et son épouse ont trouvé la force de surmonter cette épreuve de façon exemplaire, et se sont appliqués à éduquer Yves de manière structurante et épanouissante. Le combat qu’ils ont mené tout au long de leur vie, au bénéfice des plus faibles et des plus démunis, n’est pas moins admirable. Ce témoignage de Christian Hernandez le démontre :

    « Je suis né d’une famille française d’Algérie. Je me suis longtemps investi dans la défense des personnes handicapées, à la fois par la force des choses et grâce aux circonstances. Sur le plan éthique, je dois dire que mon épouse et moi-même, en tant que jeunes catholiques, étions disciples de François d’Assise, ce qui explique notre longue route auprès des plus pauvres, des plus exclus. Ma femme a passé ses dernières années comme bénévole des Restos du Cœur.

    « Nous avons eu deux enfants. L’aîné est manager d’un organisme d’étude du logement social, avec la France pour champ d’action. Le second, Yves, est trisomique. Il a cinquante-trois ans.

    « Quand Yves est né, mon épouse avait vingt-sept ans ; moi, trente. Nous ignorions complètement les questions liées au handicap. C’est dire notre immense désarroi, à sa naissance. Le patron du journal où je travaillais nous envoya consulter un de ses amis, grand médecin. Celui-ci nous indiqua que l’on pouvait comparer notre enfant à une bûche, et si nous le mettions dans un placard nous constaterions qu’il serait toujours une bûche. Donc, il n’y avait rien à faire. Ce fut un vrai drame. Mon épouse en conçut une extraordinaire culpabilité, au point de penser au suicide, sentiment qu’elle finit par surmonter grâce à son courage exceptionnel et à son sens du devoir de mère. Je fus moi aussi assommé, mais finis par réagir face à ce coup du sort. Faire face et tenter de survivre, c’était la seule chose à faire, en essayant d’épargner à notre fils aîné les douleurs inhérentes à la situation.

    « À partir de ce moment, nous nous embarquâmes pour une très longue traversée qui dure jusqu’à aujourd’hui, et qu’il s’agissait de réussir de notre mieux, en gérant toutes les contradictions issues de la situation et en essayant d’être des parents dignes et responsables et, surtout, en nous appuyant l’un sur l’autre, nous aidant l’un l’autre, en vivant d’un amour indéfectible, jusqu’à ce que la mort nous sépare.

    « Ce que nous avons eu à vivre supposa beaucoup d’efforts, de sacrifices, de don de soi, dans une société qui, au mieux à l’égard des parents, est compatissante et nous plaint, mais nous laisse encore à l’écart. Personne n’était capable de nous informer ou de nous donner des conseils.

    « Mon épouse et moi avons été animés d’une rage de faire le maximum pour obtenir pour nos enfants le meilleur avenir possible. Des spécialistes nous confirmèrent ce que je pensais, à savoir que mon épouse, contrairement à son obsession, n’avait aucune responsabilité dans l’état d’Yves, d’autant qu’il n’y avait, ni de son côté ni du mien, d’antécédent héréditaire.

    « Nous sommes donc devenus, bien malgré nous, des spécialistes du handicap. Mon épouse, malgré sa santé précaire et une vie professionnelle bien remplie, réussit à faire l’éducation d’Yves d’une façon admirable. Pour ma part, je m’étais très fortement impliqué dans la création d’institutions.

    « Alors que la loi obligeait les parents à envoyer leurs enfants à l’école, nous autres, parents d’enfants handicapés, handicapés nous-mêmes, avons vu nos enfants rejetés de l’école et avons été contraints de bricoler quelque chose leur convenant plus ou moins. Je signale, à ce propos, que mon fils Yves a été par deux fois expulsé de l’école maternelle par deux inspecteurs d’Académie : à Marseille tout d’abord, puis en région parisienne. Je note au passage l’errance sémantique qui montre l’embarras de la société devant cette catégorie de personnes : Yves fut successivement considéré comme inadapté (remarquez que c’est lui l’inadapté, et non la société qui ne fait pas face à ses obligations), puis affublé de l’adjectif mongolien qui vient du mongol, et donc un barbare. Encore faut-il noter les appellations antérieures, du genre idiot du village ou, pire, le pseudo-scientifique crétin, remplacé par débile léger ou profond, pour en arriver au terme de trisomique.

    « Face aux carences de l’État qui était aux abonnés absents, et donc par nécessité, je me lançai dans la création d’institutions. Ma profession et mes relations m’y ont aidé. Je créai donc une association locale, autour de trente familles, et ensemble nous ouvrions un IMP (Institut médico-pédagogique).

    « Après l’IMP que je gérais complètement en tant que parent, président de l’association et conseiller municipal délégué, il fallut prévoir la suite, c’est-à-dire l’ouverture d’un IMPro (Institut médico-professionnel)¹², sorte de centre d’apprentissage. Mais il fallait encore voir plus loin, et prévoir l’âge adulte qui arrivait pour certains jeunes. Je trouvai un lieu pour créer un CAT (Centre d’aide par le travail)¹³. Après ces exploits, je passai la main à ma vice-présidente.

    « Pour moi le moment était venu de diriger l’hebdomadaire départemental dont j’étais le rédacteur en chef. De fil en aiguille, je créai encore un CAT, flanqué d’un foyer de vie, dont je passai la direction effective à une autre association, l’APAJH¹⁴. J’encourageai encore la création de plusieurs autres établissements. Tout ceci avait attiré l’attention sur moi, et un dirigeant du PCF¹⁵ me demanda de prendre des responsabilités au plan national. Je fus bombardé responsable de la politique du handicap qui, alors, n’existait pas, puis coordinateur d’un secteur de travail intitulé Santé – cadre de vie. Au PCF j’étais une sorte d’ovni rebelle à la discipline, sans ambition de carrière, préoccupé seulement du bonheur des petites gens.

    « J’ai été amené à faire des études supérieures in vivo, et j’ai grandi intellectuellement au contact de nombreux spécialistes de très haut niveau, occupant diverses fonctions, au plan national ou européen. En 1981, à la demande du ministre de la Fonction publique, je devins chargé de mission interministérielle pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, jusqu’en 1984. J’ai pu faire entrer de nombreux jeunes ayant un handicap dans la fonction publique, avec le soutien d’associations de parents. Mission extraordinaire pour l’ancien apprenti métallo SNCF que j’étais au tout début de ma carrière.

    « De 1984 à 1987, je fus directeur de cabinet pour l’action sociale, au Conseil général du Val-de-Marne. Puis, au moment de ma retraite, je créai une entreprise commerciale d’étude politique et sociale. Sur le plan professionnel mon épouse occupa divers postes, jusqu’à assurer des responsabilités de cadre. Tout au long de sa carrière, elle a été constamment guidée par le souci de venir en aide, le mieux possible, aux plus pauvres et aux plus démunis.

    « Après avoir convaincu mon épouse que nous avions assez travaillé et beaucoup donné, nous devînmes des retraités paisibles mais occupés, elle par les Restos du Cœur et moi par une association d’aide aux jeunes drogués. »


    (12) Pour les IMP et les IMPro, voir précisions au chapitre « L’école, portes ouvertes ? », note 32 p. 61.

    (13) Établissements accueillant des travailleurs en situation de handicap. Voir précisions au chapitre « Travailler : Où ? Comment ? », note 46 p. 85.

    (14) Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés.

    (15) Parti communiste français.

    - 4 -

    PLUS SEMBLABLES QUE DIFFÉRENTS

    Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis.

    Antoine de Saint-Exupéry

    Trisomie : ce simple mot déstabilise, angoisse et peut faire peur. Il est en effet directement associé à celui d’un handicap mental qui, de surcroît, dérange visuellement, attire et polarise les regards. La trisomie 21 demeure le symbole du handicap mental, l’icône de la différence.

    Mais qui sont donc ces enfants, ces adolescents, ces adultes trisomiques, parfois nommés aujourd’hui encore « mongoliens » ou « mongols » ? Des termes susceptibles de drainer des représentations négatives, voire effrayantes, pas toujours exemptes d’un certain racisme sous-jacent. Qui sont ces êtres étonnants, surprenants qui, il est vrai, peuvent nous déconcerter ? Des naufragés, des visiteurs venus d’on ne sait trop où, faisant irruption dans un monde qui ne semble plus être véritablement en mesure de les accueillir. Un monde trop compliqué, inaccessible, où l’on n’a plus le temps de faire du sentiment ; où il est impératif d’être autonome, rapide, efficace, rentable et compétitif, car la loi du marché et de l’argent y règne souvent en maître, dicte et impose ses règles. Une société de l’apparence et de la performance qui ne laisse que peu d’espace aux plus faibles.

    On s’interroge sur le sens que peut avoir l’existence de ces personnes. Quelle place leur donner ? Où les caser ? Que faire pour elles et avec elles ? Ne vont-elles pas, leur vie durant, représenter un boulet à traîner ? Ne seront-elles pas, bien malgré elles, une source permanente de souffrance, un calvaire pour leurs parents, la fratrie ? Le couple parental ne va-t-il pas exploser ? Elles-mêmes pourront-elles connaître une certaine forme de bonheur ? Ne sont-elles pas prédestinées à être malheureuses ? Beaucoup considèrent que leur vie ne vaut pas la peine d’être vécue. La médiatisation de certaines prises de position accentue l’impression que, pour ces hommes et ces femmes, mieux vaut ne pas vivre que vivre handicapé ; la question de l’opportunité de leur venue au monde est posée.

    En France, 96 % des grossesses où l’enfant à naître a été dépisté trisomique se terminent par une interruption dite médicale de grossesse ou IMG¹⁶ ; c’est le taux le plus élevé en Europe. L’État consacre chaque année 100 millions d’euros au dépistage anténatal. Même si le choix de l’IMG ne réjouit personne, c’est celui qui, de fait, est le plus souvent retenu, selon les cas, comme le meilleur ou le moins mauvais, voire le plus réaliste.

    La trisomie 21 est une anomalie congénitale d’origine chromosomique, qui se caractérise, dans 95 % des cas, par la présence d’un chromosome 21 supplémentaire. Là où les personnes ordinaires ont 46 chromosomes dans chaque cellule, les personnes porteuses de trisomie 21 en ont 47 (trois chromosomes 21 au lieu de deux). Cette anomalie peut se présenter, soit dans chacune des cellules de leur corps, et dans ces cas on dit que la trisomie 21 est libre et homogène ; soit, plus rarement, dans une partie d’entre elles, et il s’agit alors de trisomie 21 dite en mosaïque ; soit sous forme encore plus rare : par fusion du chromosome surnuméraire à un autre chromosome ; on parle alors de trisomie 21 par translocation. Il existe enfin des trisomies 21 partielles où seule une partie du chromosome 21 est en surnombre.

    En France, environ 65 000 personnes sont aujourd’hui atteintes de cette maladie ; un enfant sur 700 est conçu porteur de trisomie 21 ; il ne s’agit donc pas d’une maladie rare. Elle touche indifféremment les enfants des deux sexes. Ceux et celles qui en sont affectés peuvent présenter, dans certains cas, des pathologies diverses : malformations cardiaques, digestives, rénales ou oculaires, pour lesquelles un traitement existe. Les malformations cardiaques, fréquentes (40 %), sont maintenant bien diagnostiquées et souvent opérées dès la naissance. Dans un cas sur deux, ces pathologies surajoutées n’apparaissent pas.

    Si elles possèdent toutes un chromosome de plus que les autres, un déficit mental, une diminution fréquente du tonus musculaire, et quelques aspects somatiques, toutes les personnes porteuses de trisomie sont singulières et se développent de manière unique. Comme chacun d’entre nous, elles ont elles aussi les caractéristiques génétiques de

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