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De Moscou à Valbonne: La vie d’Olga
De Moscou à Valbonne: La vie d’Olga
De Moscou à Valbonne: La vie d’Olga
Livre électronique426 pages6 heures

De Moscou à Valbonne: La vie d’Olga

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À propos de ce livre électronique

Dans le sud de la France, une Russe perd brutalement son mari et se retrouve démunie avec ses quatre enfants.

Olga, russe d’origine, vit avec sa famille dans un petit village du sud de la France. Son mari Piotr, homme d’affaires, s’écroule au retour d’un de ses fréquents voyages d’affaires entre Nice et Moscou. Il décède subitement, Olga se retrouve seule avec ses quatre enfants. Sans ressources, démunie, ne parlant pas bien français, elle risque l’expulsion du territoire à tout moment, elle n’a toujours pas reçu son titre de séjour. Ses enfants âgés de 4 à 18 ans sont tous scolarisés, elle souhaite rester en France.
Pour subsister elle fait des petits boulots. Elle décide de prendre des cours de français pour faciliter son intégration. Jacqueline, une prof de philo à la retraite lui donne des cours. Olga est instruite, diplômée de l’enseignement supérieur et apprend vite. Les deux femmes deviennent très vite amies et les cours débordent rapidement sur des discussions passionnées portant sur des thèmes aussi variés que la littérature, la philosophie, la politique, la linguistique, le sexe et les problèmes sociétaux en France et en Russie, etc. À travers cet échange régulier, Olga et Jacqueline découvrent tour à tour un pays, des moeurs dont elles ignoraient tout.
Tandis que la mort de Piotr demeure une énigme, Olga mène son enquête policière à distance…

Découvrez le parcours singulier d'Olga dans ce roman biographique et policier, de son intégration et sa rencontre avec Jacqueline à son enquête autour de la mort de son époux.

EXTRAIT

Même les dernières images de Piotr lui revenaient : au moment où il fut pris de convulsions, quand son visage se crispa. Ses yeux hagards semblaient la supplier de ne pas l’abandonner. Avait-il senti la mort venir à cet instant précis, quand dans un dernier râle, il lui avait dit je t’aime ?
Pourquoi à nouveau cette vision devant elle ? Ce terrible ressentiment à l’égard d’elle-même de n’avoir peut-être pas su ou pu le sauver l’envahissait, ce n’était donc pas fini ? Vivrait-elle toute sa vie avec ce plan-séquence ? Comme une mauvaise scène d’un film d’horreur qu’on veut oublier mais revenant sans cesse tel un cauchemar. Elle avait beau enfouir son visage dans ses mains, fermer les paupières, rien à faire, les yeux repassaient la séquence en boucle.
Comment mettre en application les principes de Jacqueline : l’ataraxie, l’hédonisme, si chaque fois cette scène apocalyptique reprenait le dessus, dévorant son esprit, incapable de s’en défaire ? Elle aurait voulu faire jouer son libre arbitre mais impossible. C’était donc ça le déterminisme ! Cette poignante scène où sa vie a basculé la voulait, puisque malgré sa volonté de s’en débarrasser, elle était toujours là. Comment « se créer liberté » Monsieur Nietzsche si on n’est pas libre ? Où était cette volonté de puissance ou plutôt vers la puissance, cette Wille zur Macht dont parle le philosophe dans plusieurs de ses œuvres ? Où était-elle cette force humaine ? Ce sipo matador, cette fameuse liane qui s’appuie sur le tronc raboteux de l’arbre pour aller vers la canopée, la lumière ? Olga voulait elle aussi aller vers la lumière mais c’était elle l’arbre, étouffé comme le lierre étouffe le tronc ou la pierre. En voyant cette sempiternelle image de Piotr, ses yeux muets hurlaient dans le vide tandis que son cœur exprimait le mépris, la volonté de lutter contre elle.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Patrick Cherbé - Chef d’entreprise retraité. Ancien traducteur-interprète à l’ambassade de France à Moscou (URSS). Enseignant de français à l’Institut du Commerce Extérieur de Shanghai. Retour forcé en France à la suite de la naissance de sa première fille handicapée. Carrière en France et à l’étranger dans le domaine de la parfumerie à Grasse. Son premier roman, Olga, est tiré d’une histoire vraie.
LangueFrançais
Date de sortie25 juil. 2019
ISBN9782956916208
De Moscou à Valbonne: La vie d’Olga

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    Aperçu du livre

    De Moscou à Valbonne - Patrick Cherbé

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    PATRICK CHERBÉ

    De Moscou à Valbonne,

    la vie d’OLGA

    Symbole de la Russie francophile d’antan

    Andreï écrit en français son Testament

    Merci Charlotte pour cette belle plume¹

    Ce matin-là elle guettait le portail dans le jardin. Des huissiers pouvaient venir à tout moment. Ses quatre enfants dormaient encore. Venue s’installer en France depuis peu, Olga avait laissé derrière elle sa Russie natale. Il y a tout juste six mois, jour pour jour, Piotr, son mari, un homme d’affaires, s’était écroulé au saut du lit, sans raison apparente. Le Samu n’avait rien pu faire. Elle restait seule dans un pays dont elle ne parlait pas la langue. Tout s’effondrait, la petite Russie qu’elle avait reconstituée en France se limitait à son mari et ses enfants. Un foyer qu’elle chérissait, loin de l’agitation moscovite, dans un petit village de la côte d’Azur près de Grasse. Elle se tenait volontairement à l’écart de la communauté russe installée dans la région, à Cannes, Nice ou Biot. Démunie, sans ressources, chaque matin l’angoisse de l’expulsion tenaillait ses entrailles.

    Une cigarette à la main, elle conjurait cette éventualité en préparant le petit-déjeuner sans quitter des yeux la grille qui séparait la propriété de la route. Déjà six mois qu’elle ne payait plus son loyer. Ses yeux verts, humides de chagrin, pleuraient toutes les nuits, ses longs cheveux bruns sur les joues tombaient de part et d’autre de son visage comme pour cacher son accablement.

    Les enfants allaient se lever, il fallait être forte, sourire, les préparer pour l’école.

    Sept heures passées, la journée était sauvée. Olga savait que les expulsions s’effectuaient dès six heures du matin. Ce n’était pas tant l’expulsion qui la rongeait mais plutôt le fait que, sans ressources, ses enfants pouvaient, à tout moment, lui être retirés, placés soit dans un organisme soit dans une famille d’accueil. Le téléphone portable provoquait aussi des moments de forte anxiété quand s’affichait sur l’écran : « numéro masqué ou contact inconnu ».

    Olga se sentait abandonnée une deuxième fois, à nouveau orpheline. Ses parents, des communistes convaincus, n’avaient pas supporté la vague des années quatre-vingt-dix. L’effondrement de l’Union Soviétique avait signifié pour eux la mort d’un idéal dont ils avaient été bercés durant toute leur vie.

    Sa maman s’était éteinte, au milieu des années deux mille dans leur kommunalka (appartement communautaire) où Olga avait passé son enfance et son adolescence. Son père, toujours en vie, vieillissait seul dans un petit appartement de banlieue de St-Pétersbourg.

    Fille unique, il ne restait à Moscou que son amie d’enfance, Lioudmila, qu’elle ne voyait plus. Quelques appels maintenaient un lien entre elles, mais Lioudmila avait aussi sa vie et la distance estompait peu à peu leurs rapports. Piotr avait donc été son sauveur et l’avait emmenée loin de ce pays dont elle ne voulait plus où plus rien ou presque ne la retenait.

    Ce nouveau deuil, la peur, l’inconnu, avaient fait beaucoup maigrir cette belle femme à la quarantaine passée. Une beauté aux yeux vert fusil, aux pommettes saillantes. Malgré sa maigreur, sa peau de lait témoignait de son authentique slavité et sa silhouette, son visage eurasien, ne laissaient pas insensibles les hommes qu’elle croisait. Anxiolytiques et cigarettes la maintenaient en vie, debout, malgré tous les malheurs qui s’abattaient sur sa vie.

    Elle attendait depuis longtemps sa carte de résidente. « Le dossier est en cours d’examen » lui avait signifié une lettre laconique de l’administration. Comment rester en France si cette carte n’arrivait pas. Sans domicile, sans adresse ?

    L’idée d’être expulsée du pays la traumatisait.

    Parfois dans la journée, lorsque les enfants étaient à l’école, elle essayait de comprendre.

    Pourquoi, Piotr, quarante-cinq ans, en bonne santé, ancien sportif de haut niveau, était mort le lendemain de son arrivée en France, de retour d’un voyage d’affaires à Moscou ? Elle ne lui connaissait pas d’ennemis, elle avait aimé cet homme, c’était un mariage d’amour. Elle l’aimait toujours. Sa tête était pleine de pourquoi. Pourquoi ne peut-on pas arrêter la course du temps, le tromper, enrayer sa machine infernale, revenir en arrière au lieu de buter sur ce mur muet, impassible, conjurer la fatalité sourde à toutes ses supplications ?

    Puis le quotidien, les démarches administratives, le retour des enfants occupaient à nouveau son esprit. Le temps passait ainsi, lui ôtant un peu de peur au ventre.

    Il fallait agir vite, elle voulait donner à ses enfants une vie et une éducation dignes d’un pays occidental, leur assurer un avenir que la nouvelle Russie ne garantissait pas ou plus. Elle avait trop souffert des inégalités, des diplômes vendus par des professeurs peu scrupuleux, de la corruption répandue à tous les niveaux de la société, des violences faites aux femmes qu’on ne respectait pas.

    Россия – страна чудес ! Russie, pays des merveilles ! soupirait-elle comme aiment le dire les Russes en se moquant de leur pays.

    Le peuple russe a ceci de singulier que les étrangers ont du mal à comprendre. Un fort patriotisme, un amour sans bornes de son histoire, de sa langue, et la ferme conviction de sa puissance dans l’arène internationale comme on dit dans les journaux. Mais une fierté non moins entachée d’un sentiment de dégoût vis-à-vis de lui-même. Une impression étrange nourrie de reproches à l’égard d’une russité trop mal affirmée, trop mal contenue, cachant une espèce d’animalité, de complexe d’infériorité qu’aucun Russe ne veut avouer.

    Aujourd’hui le Président russe incarnait tout ça. Une nation corrompue, dangereuse, imprévisible mais forte aux yeux du monde.

    Cependant Olga ne voulait plus de ce pays, trop de choses l’en séparaient désormais. Quelque chose s’était brisé en elle. La chute de l’URSS, la mort de sa mère avaient fait d’elle une autre femme.

    Elle ne supportait plus l’hypocrisie, le mépris des Autorités pour le peuple, la violence dans tous les domaines, l’injustice, la misère malgré l’opulence des « NouvoRRich » étalée à la face de tous.

    Olga savait qu’il suffisait de s’éloigner d’à peine deux cents kilomètres des grandes villes pour découvrir ce que les étrangers ne voient jamais.

    Des isbas déglinguées au fil des ans par la fonte du permafrost, provoquée par le traditionnel poêle central, unique source de chaleur. Des routes défoncées, des chemins boueux, impraticables, un chômage grandissant au sein d’une population ravagée par l’alcool et la drogue. Une campagne où le peuple vit de son potager tant bien que mal, en confectionnant tout l’été des conserves pour l’hiver dans les mêmes pots de verre utilisés sous l’ère soviétique. Comme avant, les vieilles grands-mères, les babouchka, survivaient en travaillant, en usant leurs dernières forces pour compenser des retraites miséreuses, indignes d’un grand pays. Il n’était pas rare d’en voir au bord des routes, par tous les temps, exposer leurs misérables conserves de concombres ou de cornichons marinés pour arrondir leur maigre pension de retraite.

    Non, rien n’avait changé dans la vraie Russie, Olga le savait.

    Elle ne supportait plus les compromissions, la morgue de ces oligarques soudainement reconvertis à l’orthodoxie qui s’affichaient dans les églises fraîchement restaurées, se croyant obligés d’assister aux messes le dimanche. C’étaient ces mêmes oligarques, anciens membres du Parti, qui persécutaient les popes encore dans les années quatre-vingts. Comme des girouettes, ils avaient tourné dans le sens du vent. À présent il était de bon ton d’avoir chez soi un « красный угол – krasni ougol », un petit coin dans l’entrée où on plaçait des icônes censées protéger le foyer. Ce n’était pas la religion qui pour Olga refaisait surface mais plutôt une religiosité obligée, une fausse dévotion.

    Pays de contrastes et de contradictions, la Russie n’offrait plus à Olga ce qu’elle souhaitait pour elle et ses enfants.

    Ni le Petit Père des Peuples, ni l’Armée Rouge, ni les nouveaux centres d’affaires ne trouvaient grâce à ses yeux.

    Le pays appartenait à une poignée de milliardaires, le reste de la population, des dizaines de millions de personnes vivaient misérablement, en dessous du seuil de pauvreté !

    Olga savait que l’URSS avait été construite sur des mensonges et ces mensonges perduraient. Des plans quinquennaux falsifiés, des millions de gens déportés dont son oncle qu’elle avait peu connu, interné à deux reprises, mort dans l’enfer de la Kolyma en 1984, des faux procès d’intellectuels, de médecins, musiciens, écrivains, artistes, peintres, danseurs… aux violences d’aujourd’hui envers les opposants au régime en place, aux trucages électoraux, aux crimes d’Etat, rien n’avait vraiment changé. Elle faisait partie de cette génération transitoire dont l’adolescence avait connu l’ancien régime mais dont l’enfant devenu adulte ne se reconnaissait pas dans la nouvelle société.

    Lors des élections présidentielles de mai 2018, une nouvelle fois truquées, elle repensa à ses parents qu’on envoyait dans le temps voter par bus entiers élire des dirigeants déjà désignés en haut lieu pour des décennies.

    Au vingt-et-unième siècle rien n’avait changé, la mascarade était toujours de mise. En 2018, même si dans les villes certains roulaient en quatre-quatre, on conduisait toujours les gens en bus jusqu’aux bureaux de vote. !

    À présent, son seul souci était de garder près d’elle et de rendre heureux ses enfants, d’apprendre le français pour pouvoir lire les livres d’Andrei Makine, cet écrivain d’origine russe qui n’écrit qu’en français, amoureux de la France, roulant les r comme un torrent du Caucase roule ses eaux. Quand ils avaient décidé avec Piotr de s’installer définitivement à l’étranger, Olga avait tout de suite opté pour la France et pas n’importe où en France, la Côte d’Azur était déjà chère à son cœur. Fine lettrée, cultivée, elle savait que depuis près de deux cents ans, la fleur de l’élite culturelle russe puis soviétique avait séjourné dans cette région. Pour son climat d’une part mais aussi pour la beauté des sites d’autre part. C’était bien connu, tous les grands écrivains et poètes louaient dans leurs œuvres la Riviera française.

    Par ailleurs, elle avait soif de découvrir la culture française, ses traditions, sa façon de penser, son mode de vie. Elle avait du pain sur la planche mais sa volonté était inébranlable.

    Au début de leur séjour, la famille vivait repliée sur elle-même, ils pensaient, vivaient et mangeaient russe.

    Mais depuis la mort de Piotr, Olga avait commencé à expérimenter peu à peu sa nouvelle existence, sa plongée, son immersion dans la société française. Ainsi, petit à petit, elle découvrait le quotidien, les us et coutumes des Français. Au début, des détails pratiques l’interpellaient et des dizaines de pourquoi émaillaient ses journées.

    Pourquoi les restaurants ne sont-ils pas ouverts à 10 heures du matin ou au milieu de l’après-midi ? Pourquoi les magasins n’ouvrent-ils pas le dimanche ? Pourquoi tant de règles à table, tant de codes ?

    Elle voulait aussi comprendre pourquoi l’aristocratie russe au dix-neuvième siècle n’employait que des précepteurs français, pourquoi celle-ci voulait absolument parler français.

    Pourquoi la phrase : « Я в Париж » (Ya v Parij – Je pars à Paris) utilisée ironiquement avant quatre-vingt-onze, quand il était impossible de quitter le pays, était si populaire et si souvent prononcée à Moscou.

    Elle voulait toucher du doigt la réalité. Paris, la France, avaient toujours été pour les Russes le symbole de la liberté, des lumières, de l’élégance, du raffinement. À présent donc, elle avait l’entière opportunité de vivre réellement ce qui n’avait été qu’utopie pour des millions de ses compatriotes jusqu’en 1991.

    Elle portait en elle cette part de rêve qui rendait les Russes tous plus ou moins amoureux de la France. Malgré la folle anabase napoléonienne qui fit tant de mal à ce peuple dans sa conquête vers l’Est, tous les Russes connaissaient les classiques français. Molière, Victor Hugo, Proust, trônaient en première place dans les bibliothèques de tous les foyers soviétiques à côté des volumes de Tolstoï et Pouchkine. La francophilie avant tout ! On trouvait peu ou pas du tout d’auteurs anglais, allemands ou américains. La culture étrangère se résumait aux écrivains français ou aux artistes de variété française comme Mireille Mathieu ou Joe Dassin, en France purs ringards, en Russie immenses stars.

    Alors le soir, pour oublier sa peine, ses malheurs, pour ne pas y penser, elle relisait Hugo, Proust ou des œuvres d’écrivains russes du dix-neuvième. Les poésies de Tioutchev, les romans de Tourgueniev lui faisaient remonter le temps.

    Elle imaginait Tourgueniev amoureux de Pauline Viardot qui l’avait tant aidé en France, son amie, sa confidente. Même si c’était un autre temps, à l’heure du smart phone et d’internet, elle ne pouvait s’empêcher de rêver a posteriori à cette période d’amour et d’amitié entre les Russes et les Français.

    Après tout, maintenant qu’elle était en France, pourquoi ne rencontrerait-elle pas à son tour un gentleman français qui la ferait rêver ? Qui lui redonnerait goût à la vie, un homme de culture, doux, attentionné, respectueux, amoureux ? Ces idées trottaient dans sa tête chaque soir puis s’évanouissaient dans son sommeil. Le matin les soucis reprenaient le dessus. Le dénuement, la peur, envahissaient son cœur, serré comme dans un étau dont les mâchoires ne lâchaient prise que le soir revenu.

    Une France si douce mais si angoissante à présent ! Olga était prise entre deux feux, une Russie dont elle ne voulait plus et une France qui officiellement ne l’acceptait, ne l’accueillait toujours pas. Elle n’avait plus qu’une solution, prendre les devants, s’immiscer, s’insérer, apprendre les codes, entrer dans les normes, les accepter. Elle avait vécu en vase clos avec Piotr et les enfants. À présent, seule, elle devait s’ouvrir au monde et à son nouveau pays.

    Un soir elle fut invitée à dîner chez des amis français. C’est ainsi qu’elle découvrit le rituel d’une soirée à la française. Le traditionnel apéritif, sacré, obligatoire avant tout repas, fut pour elle une vraie découverte. Quelle étrange habitude où femmes et hommes boivent un verre ou deux de champagne, de vin ou de whisky avant de passer à table !

    Pourquoi aussi peu ? Pourquoi discuter autant, un verre à la main en le sirotant interminablement ?

    Le temps paraissait d’autant plus long à Olga qu’elle ne comprenait pas les conversations. En Russie on vide le verre dès qu’il est servi, on lui fait honneur, on remercie ainsi l’hôte, on en reprend bien volontiers un deuxième, puis un troisième, puis… etc.

    Quand le vin est tiré…

    Ce dicton, bien que français, paraissait plutôt approprié à la tradition russe.

    Oui les Français sont étranges à bien des égards mais après tout c’est bien pour cela qu’ils vivent… « à l’étranger ! », remarqua-t-elle tout bas en esquissant un sourire. Elle avait noté, bien que parlant peu français, que le mot étranger, tout comme en russe, était calqué sur l’adjectif étrange.

    Quand vint le moment du repas, Olga fut stupéfaite de voir les convives attendre d’être placées une par une par la maîtresse de maison. Puis elle se fit expliquer le pourquoi de deux assiettes, l’emplacement et la quantité des couverts, le nombre de verres, le chemin de table, la couleur des vins, etc.…

    Ce soir-là, elle apprit beaucoup de choses. Les différents plats servis les uns après les autres, le changement de vins, l’éternelle lenteur de ce dîner la laissaient pantoise. En Russie tout est mis sur la table dès le début du repas, vins, alcools, champagne, plats sucrés, salés et chacun se sert ce qui lui plaît.

    Par ailleurs, elle trouvait ce dîner bien triste, chez elle il était d’usage de porter un toast toutes les cinq minutes, qui à la maîtresse de maison, qui à l’amitié, qui à la Russie etc. etc. Parfois on chantait aussi ou on déclamait des vers. Tous les Russes connaissent des poésies.

    Но почему так сложно ? Mais pourquoi autant de complications, de solennité ? pensa-t-elle en voyant la maîtresse de maison aller et venir entre la cuisine et la salle à manger tout au long de la soirée, ils sont fous ces Français !

    À présent elle savait qu’il était impossible de proposer à un français un borchtch (soupe aux choux traditionnelle) ou un verre de vodka à trois heures de l’après-midi. Ici tout était réglé, du petit-déjeuner au dernier repas de la journée avec des horaires bien précis.

    C’est dans ces moments aussi surprenants que déroutants qu’Olga oubliait tout de ses réalités actuelles. Sans trop s’en rendre compte, elle pénétrait ce monde si opaque, si incompréhensible pour un Russe. Elle découvrait des femmes et des hommes à la fois accueillants mais tellement éloignés de ce qu’elle avait imaginé.

    Cette soirée avait agi comme un déclic. C’était décidé. Dorénavant, pour elle et pour ses enfants, elle irait de l’avant, à la rencontre de ce peuple, elle serait un nouveau Tourgueniev.

    Mais toujours rien côté administratif. Ni russe ni française ! Pour la première fois elle se sentait apatride, une espèce de réfugiée ni économique, ni politique, un singulier sentiment d’inappartenance, de vide. Comme si sous ses pieds se dérobait le sol. Les jours passaient, ses économies fondaient, les enfants allaient à l’école, jour après jour une nouvelle vie s’installait. L’aîné, Anton, commençait à maîtriser le français, un espoir et une fierté pour Olga.

    Il lui traduisait le courrier, les nombreuses factures, les mises en demeure.

    Tous les fournisseurs menaçaient d’interrompre leur service prochainement (eau, gaz, électricité). Comme sa maman Anton souffrait de cette situation. Au lycée, il ne laissait rien paraître, s’occupait de ses sœurs et de son frère chaque matin et chaque soir avant le coucher.

    Son frère cadet Stepan âgé de quatre ans seulement, réclamait souvent leur papa. Il le prenait dans ses bras, lui offrant un moment d’artificielle paternité, de virilité qui rassuraient quelque peu le petit garçon.

    Anton, déjà grand par sa taille, devenait peu à peu l’homme de la famille, un poids bien lourd pour ses dix-sept printemps.

    Parfois le soir, après le coucher de sa jeune fratrie, il discutait avec Olga, s’interrogeant sur la mort subite, inexpliquée de son père.

    Officiellement, une rupture d’anévrisme l’avait emporté. Mais ni l’un ni l’autre, secrètement, n’y croyait.

    Olga, redoutant le pire, n’avait pas voulu demander une autopsie. Que serait-il advenu d’elle et de ses enfants si une autre cause avait été décelée par le médecin légiste ? Lorsque le médecin du SAMU diagnostiqua une rupture d’anévrisme fatale, elle ne dit rien. Elle ne voulait surtout pas alerter les Autorités sur ce point. La discrétion était le seul moyen d’arriver à ses fins : rester en France.

    Piotr était mort, cela ne l’aurait pas fait revenir hélas. Mais cette omerta contrainte laissait Anton perplexe.

    Piotr avait ses affaires en Russie, il faisait souvent des allers retours entre Nice et Moscou. Mais ni Olga, ni Anton ne savaient quel type d’affaires traitait Piotr. Jusqu’à sa mort, tout se passait bien, la famille était heureuse et personne ne parlait de son activité professionnelle à la maison.

    Depuis l’absence soudaine et brutale de son père, Anton s’était fixé un but : rendre le sourire à sa mère. Il savait que maîtrisant le français et s’étant fait des amis au lycée, il était en quelque sorte la courroie de transmission entre sa mère esseulée et les Français. Il prenait à cœur sa mission, sa mère ne pouvait pas rester dans cet état indéfiniment.

    C’est ainsi qu’il obtint de ses amis qu’elle fût invitée à de nouvelles soirées.

    Bien lui en prit car de nouvelles rencontres allaient peu à peu sortir sa maman de son isolement.

    Restaient en suspens ces sempiternelles démarches administratives qui n’avançaient pas malgré l’aide de certains voisins, parents d’élèves eux aussi. Sa situation les émouvait, ils s’indignaient des lenteurs. Ils avaient toujours pensé que leur pays, la France, terre d’accueil, venait toujours en aide aux plus démunis, même étrangers. Ils ne comprenaient pas ces lenteurs.

    Une femme seule avec quatre enfants ne pouvait être ignorée, délaissée à ce point.

    Au cours d’une soirée, deux mamans décidèrent de prendre le taureau par les cornes. L’une d’elles se proposa de donner chaque semaine des cours de français à Olga, l’autre de suivre et de relancer personnellement tous les services administratifs susceptibles de lui apporter des aides.

    Demeurait une urgence : trouver un nouveau logement avant l’expulsion.

    « J’ai cessé de me désirer ailleurs »

    Olga avait fait sienne cette phrase d’André Breton qu’il prononça en découvrant le site de St-Cirq-Lapopie. C’est ici, près de Grasse, qu’elle voulait rester, malgré tous les obstacles, malgré son insondable chagrin.

    Cependant, parfois une indicible nostalgie l’envahissait. L’hiver, le véritable hiver, lui manquait terriblement. Le grand froid, (maroz – мороз), quand il gèle à pierre fendre, qu’un samovar bien chaud vous attend au retour de l’école, derrière les vitres givrées et qu’on verse l’eau bouillante (кипяток – kipiatok) sur le thé infusant lentement. Quand la théière (чайник – tchaïnik) brûlante, avec à son extrémité la minuscule passoire (ситечко – sitiétchko) retenant les feuilles de thé, répand le breuvage dans la tasse ou le verre protégé, pour ne pas se brûler, par un porte-verre (подстаканник – podstakannik). Elle prononçait volontairement ces mots à voix haute et tous ces gestes, ces objets repassaient furtivement devant ses yeux lorsqu’elle repensait à sa mère. Elle la revoyait déposer dans une soucoupe un peu de confiture de baies sauvages (ягода – iagoda) cueillies l’été dans les forêts de bouleau (берëза – berioza). Anton avait vécu ce rituel si russe, pas Stepan, le petit dernier, ni ses deux sœurs trop petites pour s’en souvenir.

    Elle aurait voulu que tous ses enfants connaissent ces petits riens qui font qu’à travers ces images, il reste, malgré tout, une marque de russitude, une empreinte dans la mémoire de chacun.

    Soudain son portable vibra, l’une des mamans rencontrées au dernier dîner appelait. Olga tendit l’appareil à Anton. Une personne habitant à Paris proposait pour quelque temps de mettre à leur disposition gratuitement sa résidence secondaire située à Valbonne, tout près, en attendant que la situation s’améliore. Anton s’empressa de traduire. Enfin une éclaircie dans leur ciel si noir depuis la mort de Piotr ! Cette nouvelle offrait un peu de répit à la famille. Ne plus être menacée pendant quelque temps redonnait espoir à Olga.

    Quelques hommes forts prêtèrent leur concours et le peu de meubles d’Olga fut rapidement déménagé dans une maison du vieux Valbonne.

    Parmi ces hommes se trouvait un sexagénaire encore bien conservé, chirurgien de profession, spécialiste des fractures osseuses, divorcé. Elle l’avait connu suite à un accident de ski d’Anton qui s’était cassé la clavicule en chutant lourdement quinze jours après la mort de Piotr. Elle ne l’avait vu que deux ou trois fois, pendant l’opération d’Anton et en consultation postopératoire. Elle ne savait pas grand-chose de lui. Ils étaient restés en contact par téléphone et il s’était proposé de l’aider quand il avait appris qu’elle déménageait. Amateur de belles femmes il n’avait pas été indifférent au charme slave d’Olga. À la fin de la journée, il était resté le dernier à partir, elle lui avait offert de quoi se désaltérer et il profita de ce moment pour se déclarer à Olga. Connaissant sa situation l’idée lui vint de lui proposer de l’épouser. D’un coup de baguette magique, se marier revenait à éliminer tout problème financier et faisait d’Olga une Française à part entière.

    Elle fut aussi flattée que surprise par cette déclaration inattendue. L’échange fut bref, confus, à cause d’un vocabulaire restreint de part et d’autre. Comme elle, il ne parlait qu’un anglais limité à l’instar de la plupart des Français. Bien que cette proposition fût tentante, encore en deuil de son mari, Olga ne savait trop quoi penser de tout cela. La différence d’âge, la soudaineté de cette demande, le lieu et le moment mal choisis à son goût, la laissèrent pour le moins perplexe. Elle s’en sortit par une pirouette en lui faisant comprendre qu’elle allait réfléchir et le chirurgien prit congé d’elle.

    Elle n’en parla pas à Anton ayant peur de sa réaction. Piotr était encore parmi eux il n’y avait pas si longtemps. Tout cela allait trop vite et tout s’embrouillait dans sa tête.

    Aller aussi loin pour des papiers ! Elle n’y avait pas songé. Un mariage restait une affaire sacrée pour elle. Elle avait choisi son mari par amour, cela la rendait encore plus triste. Pourquoi était-il mort aussi tôt, aussi jeune ?

    Elle avait bien eu vent sur Nice Radio, la première radio franco-russe, de cette étrange affaire d’espion russe empoisonné avec sa fille à Londres. Mais elle ne pouvait y croire. Son mari n’était pas un espion, en tout cas pas qu’elle ne sache, juste un homme d’affaires, il ne faisait pas partie d’un groupe mafieux, du moins pas à sa connaissance.

    Mais sa mort survenue le lendemain de son retour de Moscou lui paraissait inexplicable, suspecte, énigmatique.

    Elle connaissait bien un ancien associé de Piotr, mais si peu, elle ne l’avait vu que deux ou trois fois. Elle lui aurait bien posé quelques questions mais les deux hommes ne travaillaient plus ensemble depuis plusieurs années. La seule chose qu’elle savait était que leur séparation s’était bien passée, chacun était reparti vers son destin. Ils s’étaient quittés en bons termes.

    Malgré tout elle savait que l’affaire de l’espion avait fait grand bruit. La France, l’Angleterre, l’Allemagne et les États-Unis s’étaient unis pour rejeter d’une seule voix le crime sur le gouvernement russe. Ce dernier, comme toujours, avait nié. Des dizaines et des dizaines de diplomates russes avaient été expulsés de ces pays occidentaux. Et bien sûr, comme toujours dans ces cas-là, par mesure de réciprocité Moscou avait expulsé autant de fonctionnaires des représentations diplomatiques de ces mêmes pays.

    Dans le passé, d’autres opposants au pouvoir du Kremlin, avaient été punis, empoisonnés aussi, mais jamais aucune Démocratie n’avait pu apporter la preuve que ces crimes étaient perpétrés par Moscou.

    Un point commun entre toutes ces affaires : la quasitotalité de ces décès s’était produite à Londres où s’était réfugiée la majorité des opposants au régime.

    Sur ce plan-là non plus, rien n’avait changé selon Olga. Avant 1991 on internait les инокомыслящие – inokomysliachtchie (littéralement ceux qui pensent autrement) dans des hôpitaux psychiatriques (психушки – psykhuchki) ou dans des camps de travail. Soljenitsyne, Amalrik pour les plus connus et bien d’autres avaient fait les frais de cette politique pour le moins radicale.

    Aujourd’hui on internait toujours et on éliminait ceux qui se réfugiaient à l’étranger.

    Ses pensées furent soudain interrompues par les pleurs de Stepan. L’enfant pleurait à chaudes larmes, il réclamait son papa, Anton n’était pas là. Olga saisit quelques livres pour enfants et lui raconta des histoires tirées des contes russes extrêmement nombreux, riches d’images et d’histoires.

    Les contes d’Afanassiev figurent parmi les plus connus, il en existe des dizaines et les enfants en raffolent. Olga se mit à lire Конëк – Горбунок (le petit cheval bossu), puis Терем-Теремок (Maison-Maisonnette) et Stepan se calma aussitôt, oubliant son chagrin.

    Ces petites histoires faisaient aussi partie de l’enfance d’Olga. Elle oubliait tout dès que sa maman lui en racontait une.

    Avec ce nouveau logement, Olga et Anton avaient recouvré un peu d’espoir. C’était comme une pause, une trêve après tant de soucis, de pression. Pour combien de temps ? Ils ne le savaient pas. De plus, la mairie de Valbonne venait de leur offrir des bons alimentaires. La situation s’améliorait un peu.

    Olga avait fait des études littéraires dans un premier temps (elle s’intéressait beaucoup à la littérature et à la philosophie), elle avait appris à penser et à philosopher d’elle-même quand, à la fin des années quatre-vingt-dix, les frontières de l’écrit et des livres étrangers s’ouvrirent aux intellectuels russes. Puis elle se lança dans des études d’architecte et de design. Maintenant qu’elle devait subvenir aux besoins de sa petite famille, elle avait dans sa tête un projet. Celui de travailler dès qu’elle le pourrait pour la communauté russe locale. Beaucoup de NouvoRRich recherchaient des architectes d’intérieur pour leur résidence niçoise ou cannoise. C’était une belle opportunité à saisir. Mais pour travailler il fallait exister officiellement. Se faire rémunérer au noir était un risque qu’elle ne voulait pas prendre. Olga souhaitait exister ouvertement, sans se cacher et créer pourquoi pas sa petite entreprise.

    Les jours passaient, la petite famille prenait ses marques dans le vieux village. Les cours de français que prenait Olga commençaient à lui donner un peu plus d’assurance quand elle s’adressait à quelqu’un.

    Un jour Antoine frappa à sa porte. Elle n’avait pas répondu à sa proposition, mais elle n’avait pas dit non.

    S’impatientant, il était venu sans la prévenir, délibérément. Surprise, Olga eut un mouvement de recul, elle l’avait oublié. Se marier était impensable pour elle mais elle ne savait pas comment le lui dire. Elle n’éprouvait pas de dégoût à l’égard de sa personne, mais quelque chose d’indéfinissable la retenait. Elle ne voulait pas le froisser. Antoine ne disait rien, il la regardait, laissant ses yeux parler à la place de sa bouche. Il s’assit en silence, elle lui proposa un thé, il acquiesça d’un hochement de tête, toujours sans prononcer un mot. On n’entendit plus que le kipiatok frémir puis bouillir. Elle servit le thé, le sitiétchko qui recueillait les petites feuilles se balançait au bout de la théière sous le poids de l’eau bouillante. Antoine observait la scène, Olga sentait son regard peser sur elle. Ils étaient seuls, Stepan dormait dans la chambre, Anton était au lycée, ses sœurs à l’école.

    Il se décida à dire quelques banalités en anglais, elle répondit en français, certes avec un fort accent mais Antoine, surpris, apprécia et la félicita. L’atmosphère s’était détendue. Elle portait une robe à fleurs légère, printanière, qui laissait deviner les formes très féminines de son corps de jeune femme, il était sous le charme. Les yeux verts perçants de la jeune femme, éclairaient son visage dont la blancheur contrastait avec ses longs cheveux noirs, dissimulant, au gré de ses mouvements de tête, de longues boucles d’oreilles. Elle dégageait une grande sensualité mi-gitane, mi-slave, une sorte d’Esmeralda eurasienne. Antoine était séduit.

    Il lui proposa de l’emmener déjeuner à Nice dimanche, la météo prévoyait une belle journée ensoleillée. Prise au dépourvu, elle ne dit pas non mais lui fit comprendre qu’elle devait s’organiser pour que les enfants ne soient pas seuls toute une journée. Bien qu’elle eût toute confiance en son fils aîné, Stepan, encore bébé, nécessitait une présence féminine.

    Anton allait rentrer d’un moment à l’autre, elle lui fit comprendre qu’il ne valait mieux pas pour l’instant qu’il le voie ici. Antoine comprit, acheva de boire son thé et partit. Il l’appellerait samedi pour confirmation.

    Effectivement, Anton, arriva peu après son départ. Mais il n’était pas seul. Brune, une grande et belle jeune fille l’accompagnait. Il la présenta à sa mère comme une camarade du lycée.

    Brune invitait Anton à passer l’après-midi, le dimanche suivant, avec d’autres amis chez elle, autour de la piscine. La fin de l’année scolaire approchait et les beaux jours donnaient des ailes aux adolescents.

    À présent Anton maîtrisait parfaitement le français. Il avait fait des progrès fulgurants ces derniers mois. Olga n’en était pas peu fière, plus le temps passait, plus Olga avait auprès d’elle un jeune homme devenant de plus en plus mature.

    C’était rassurant mais quelque peu troublant, le petit garçon avait disparu en quelques mois. Inconsciemment le côté viscéralement maternel d’Olga en prenait un coup.

    Outre Stepan, demeuraient les deux filles, Anika-Maria cinq ans et Alissa treize ans. Anton se proposa d’aller les chercher à l’école avec Brune.

    Olga resta seule un instant, Stepan allait certainement se réveiller d’une minute à l’autre.

    Tout allait très vite, trop vite. Le nouvel emménagement, ses projets, Antoine dans l’attente de sa réponse, Anton amoureux…

    Les choses allaient à cent à l’heure mais l’essentiel n’était pas réglé. La semaine prochaine une maman d’élève devait l’accompagner pour se rendre à l’antenne du Secours Catholique de Grasse pour essayer de trouver des solutions. Elle alluma une cigarette, soupira profondément, prit la tête entre ses mains pour essayer de réfléchir. Les événements se bousculaient dans son esprit, dans son for intérieur elle s’avouait un peu perdue.

    Il fallait pourtant se reprendre, elle réalisa combien Piotr lui manquait, des sanglots montèrent dans sa gorge, ses yeux se mirent à briller, sa vue se troubla, elle était au bord des larmes.

    L’espace d’un court instant elle revit son mariage avec Piotr, les naissances des enfants apportant chacune un peu plus d’amour dans le foyer. Tout ce bonheur s’était envolé, il fallait tout gérer tout à coup, les épaules de Piotr lui manquaient cruellement.

    Elle n’avait pas eu le temps de déballer tous les cartons et les photos, témoins de ce bonheur perdu. Cela en valait-il la peine à présent ? Les revoir, les exposer lui aurait fait encore plus de mal.

    « Боже Мой – Boje Moï ! Mon Dieu ! s’exclama-t-elle. Pourquoi la vie est-elle si cruelle ? »

    Elle décida d’envoyer un message whatsapp à son amie Lioudmila, elle avait besoin de lui parler, d’avoir un peu de réconfort, d’échanger ou de parler en russe avec quelqu’un. Lioudmila n’étant pas en ligne, elle referma son téléphone.

    Elle ressentait à cet instant toute la difficulté de ne pas maîtriser la langue du pays où elle vivait. Elle se demandait si elle parviendrait à surmonter

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