Entre le début de l’offensive russe en Ukraine, le 24 février 2022, et son geste fou, lorsqu’elle exhibe une affiche « non à la guerre » en plein journal télévisé, dix-neuf jours se sont écoulés. La fibre résistante de Marina Ovsiannikova, journaliste au service étranger de la première chaîne russe, Pervy Kanal, est pourtant née des années plus tôt, sans qu’elle ait senti le courage de l’exprimer. Mère russe, père ukrainien, une enfance dans Grozny bombardé, puis l’exil, déjà… Les premiers tirs de Vladimir Poutine en Ukraine la révoltent et font voler en éclats sa réserve. Une héroïne est née.
L’histoire de sa famille est celle de tant d’autres de l’ère post-soviétique, déchirées par la folie meurtrière de dirigeants mégalomanes. Si ce passé lui a donné le courage de dire non, cela s’est fait au prix de multiples sacrifices. Marina Ovsiannikova a perdu dans la bataille son fils de 17 ans, Kirill, manipulé par son ex-mari, journaliste pour la chaîne de propagande Russia Today, et sa mère, fidèle au président russe.
À la suite de son acte de rébellion, la journaliste a quitté la Russie pour tenter d’enquêter sur les crimes de Poutine en Ukraine ; elle y est revenue, puis a de nouveau manifesté et a été assignée à résidence après avoir passé une nuit en détention. Jusqu’à ce terrible constat : son avenir, c’était la prison ou l’exil.
La quadragénaire réussit finalement à s’évader en octobre 2022 avec sa fille de 11 ans, Arisha, en rejoignant un pays balte au terme d’un incroyable périple supervisé par Reporters sans frontières.confie-t-elle depuis une messagerie cryptée.