Le Sultan Misapouf et la princesse Grisemine: Un conte de fées grivois
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À propos de ce livre électronique
Le sultan Misapouf et sa femme se racontent leurs aventures coquines précédant leur mariage. Misapouf a subi dans sa jeunesse les malédictions et les épreuves de la fée Ténébreuse tandis que la princesse Grisemine a vécu des métamorphoses cocasses : tour à tour barbue, lapine et même pot de chambre. Des situations loufoques et coquines.
Un conte licencieux de Voisenon, désormais devenu un classique.
EXTRAIT
Ah ! dit un jour en soupant le sultan Misapouf, je suis las de dépendre d’un cuisinier, tous ces ragoûts-là sont manqués ; je faisais bien meilleure chère quand j’étais renard.
— Quoi, seigneur, vous avez été renard ! s’écria en tremblant la sultane Grisemine.
— Oui, madame, répondit le sultan.
— Hélas ! dit Grisemine en laissant échapper quelques larmes, ne serait-ce point Votre Auguste Majesté qui, pendant que j’étais lapine, aurait mangé six lapereaux, mes enfants ?
— Comment, dit le sultan, effrayé et surpris, vous avez été lapine !
— Oui, seigneur, répliqua la sultane, et vous avez dû vous apercevoir que le lapin est un mets dont je m’abstiens exactement : je craindrais toujours de manger quelques-uns de mes cousins ou neveux.
— Voilà qui est bien singulier, repartit Misapouf ; dites-moi, je vous prie, étiez-vous lapin d’Angleterre ou de Caboue ?
— Seigneur, j’habitais une garenne de Norvège, répondit Grisemine.
— Ma foi, dit le sultan, j’étais un renard du Nord, et il se peut sans miracle que ce soit moi qui aie mangé vos six enfants ; mais admirez la justice divine, j’ai réparé ce crime en vous faisant six garçons, et je vous avouerai sans fadeur que malgré ma gourmandise et mon goût pour les lapereaux, j’ai eu plus de plaisir à faire les uns qu’à manger les autres.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Claude-Henri de Fusée de Voisenon (1708-1775) était un abbé et homme de lettres à l'esprit ouvert. Élu à l'Académie, il a été historiographe des petits-fils de Louis XV, protégé de la duchesse de La Vallière et ami de Voltaire. Voisenon a laissé derrière lui une œuvre lyrique et dramatique considérable, qui compte quelques contes grivois : Zumis et Zelmaïde (1745), Le Sultan Misapouf et la princesse Grisemine (1746), Il eut tort (1750) ou encore Histoire de la félicité (1751).
À PROPOS DE LA COLLECTION
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Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans « l'Enfer des bibliothèques », les auteurs de ces œuvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement.
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En savoir plus sur Claude Henri De Fusée De Voisenon
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Avis sur Le Sultan Misapouf et la princesse Grisemine
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Aperçu du livre
Le Sultan Misapouf et la princesse Grisemine - Claude-Henri de Fusée de Voisenon
Discours préliminaires
Vous m’avez non seulement demandé, madame, un conte de fées, vous avez même exigé qu’il fût fait avant mon retour à Paris ; vous m’avez de plus ordonné d’éviter toute ressemblance avec tous ceux qui paraissent depuis quelque temps. Croyez-vous, madame, qu’il soit aussi facile de vous donner un conte de fées d’un tour neuf et d’un style moins commun que celui qui semble affecté à ces sortes d’ouvrages, qu’il est aisé à Messieurs les auteurs des Étrennes de la Saint-Jean et des Œufs de Pâques¹, d’ajouter chaque jour un nouveau chapitre à ces chefs-d’œuvre d’esprit et de bon goût ? Quoi qu’il en soit, l’obéissance étant une vertu que votre sexe préfère peut-être à toutes les autres, je me suis mis à l’ouvrage, et je vous envoie tout ce que j’ai pu tirer de mon imagination. Vous vous apercevrez, par le ton différent qui règne dans le cours de ce petit ouvrage, que mon imagination a peu de suite et change souvent d’objet. Elle dépend si fort de ma santé et de la situation de mon esprit, que tantôt elle est triste, tantôt bizarre, quelquefois gaie, brillante ; mais, en général, toujours mal réglée, et ayant peu de suite. Par exemple, le commencement de ce conte est singulier, le récit du sultan est vif, naïvement conté, et, je crois, assez plaisant jusqu’au désenchantement de la princesse Trop est trop. L’épisode du bonze Cérasin fournit encore un plus grand comique. Mais tout à coup arrive une description d’un temple et des différents cintres qui le composent ; cet endroit, auquel on ne s’attend pas, est, ce me semble, intéressant ; c’est, dommage qu’il ne m’ait pas été possible de faire dire tout cela à un autre qu’au sultan Misapouf, qui véritablement doit être étonné lui-même de tout ce qu’il débite de beau, et de la délicatesse des sentiments que je lui donne tout à coup. Les métamorphoses qui suivent la fin de l’enchantement de la princesse ne produisent rien de vif ni de bien piquant ; mais le sultan ayant annoncé au commencement de son histoire qu’il a été lièvre, lévrier et renard, il a bien fallu lui faire tenir sa parole. S’il ne lui est rien arrivé de plaisant sous les deux premières formes, c’est, en vérité, la faute de mon imagination. Et du peu de connaissance que j’ai de la façon de vivre et de penser de messieurs les lièvres : comme renard, il devait sans doute étaler toute la souplesse et la ruse qu’on attribue à cette espèce d’animal.
Au lieu de cela, je lui fais préférer une petite poule à une douzaine de gros dindons. Cette bévue, si peu digne d’un renard avisé, produit une catastrophe qui fait honneur à nos plus grands romans, et que le ton de ce conte ne promet sûrement pas. À l’égard de l’histoire de la sultane, je n’entreprendrai ni de la justifier ni d’en faire la critique. Elle est moins originale que celle de Misapouf ; et par là elle plaira moins à certaines gens, et sera plus du goût de beaucoup d’autres. Pour moi, je vous avouerai que j’en fais moins de cas que de celle du sultan, et que ce n’est pas ma faute si elle diffère de genre, de style, et de ton. Pourquoi est-elle venue la dernière ? Mon imagination s’est épuisée en faveur de Misapouf, et j’ai été obligé d’avoir recours à ma mémoire, pour me tirer de cette dernière histoire. Je souhaite que le tout ensemble puisse vous amuser un moment. Je serai suffisamment payé de ma peine et de mon travail. Vous trouverez sans doute que ce conte est un peu libre ; je le pense moi-même ; mais ce genre de conte étant aujourd’hui à la mode, je profite du moment, bien persuadé qu’on reviendra de ce mauvais goût, et qu’on préférera bientôt la vertu outrée de nos anciennes héroïnes de romans à la facilité de celles qu’on introduit dans nos romans modernes. Il en est de ces sortes d’ouvrages, comme des tragédies, qui ne sont pas faites pour être le tableau du siècle où l’on vit. Elles doivent peindre les hommes tels qu’ils doivent être, et non tels qu’ils sont. Ainsi ces contes peu modestes, où l’on ne se donne pas souvent la peine de mettre une gaze légère aux discours les plus libres, et où l’on voit à chaque page des jouissances finies et manquées, passeront, à coup sûr, de mode avant qu’il soit peu.
Vous serez étonnée qu’avec une pareille façon de penser