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Les thérapies de couple et de famille: Modèles empiriquement validés et applications cliniques
Les thérapies de couple et de famille: Modèles empiriquement validés et applications cliniques
Les thérapies de couple et de famille: Modèles empiriquement validés et applications cliniques
Livre électronique444 pages5 heures

Les thérapies de couple et de famille: Modèles empiriquement validés et applications cliniques

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À propos de ce livre électronique

Les thérapies de couple et de famille, un traitement efficace contre les troubles psychopathologiques.

Les thérapies de couple et de famille sont des traitements particulièrement appropriés dans la prise en charge d’un ensemble de troubles psychopathologiques, comme les troubles du comportement alimentaire, les troubles des conduites, les abus de substances, et ce, tant chez l’adulte que chez l’enfant ou l’adolescent. Les thérapies de couple et de famille sont également indiquées en cas de problèmes spécifiquement relationnels comme l’insatisfaction et le conflit dans les couples, le manque d’autorité dans la relation parent-enfant ou encore les troubles de l’attachement.

Ce livre est le premier à répertorier les thérapies qui ont vu leur efficacité validée par la recherche selon les canons contemporains de l’évaluation des traitements (evidence-based practice). Douze modèles thérapeutiques sont exposés par des psychologues et des psychiatres européens et américains selon une structure récurrente : champs d’application, techniques d’intervention, données de validation et vignette clinique. Ces modèles sont classés par thème : l’enfance, l’adolescence, le couple, la famille et les groupes.

Destiné aux professionnels du monde de la psychologie, cet ouvrage de référence identifie les dynamiques relationnelles au sein d'un couple et d'une famille et leurs modèles thérapeutiques.


CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Un livre d’une grande valeur pratique, à la fois informatif et humain. – Cerveau & Psycho

À PROPOS DES AUTEURS

Nicolas Favez est professeur de psychologie clinique du couple et de la famille à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université de Genève en Suisse. Il est également co-responsable de l’Unité de Recherche du Centre d’Étude de la Famille (IUP, DP-CHUV) de l’Université de Lausanne. Ses thèmes d’enseignement actuels sont les relations de couple, le développement normatif de la famille (principalement la transition à la parentalité), les modèles d’évaluation et le travail thérapeutique dans le domaine de la thérapie de famille.

Joëlle Darwiche est professeure de psychologie clinique du couple et de la famille et directrice du Family and development research center (FADO) à l’Institut de psychologie de la faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne.
LangueFrançais
ÉditeurMardaga
Date de sortie18 avr. 2016
ISBN9782804703448
Les thérapies de couple et de famille: Modèles empiriquement validés et applications cliniques

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    Aperçu du livre

    Les thérapies de couple et de famille - Nicolas Favez

    Introduction

    Les thérapies de couple et de famille s’enracinent dans un historique qui remonte au début du XXe siècle et à la prise de conscience de l’importance des relations effectives – et non seulement intériorisées – dans le développement et le maintien de troubles psychologiques chez l’individu. Après une période de foisonnement conceptuel et de création de modèles d’intervention, ces thérapies ont commencé à se soumettre à des procédures de validation empirique qui ont attesté de leur efficacité et permis de préciser les processus expliquant le changement thérapeutique. Cette introduction présente deux chapitres, le premier consacré aux grandes étapes du développement des thérapies de couple et de famille, le second à un état des lieux des évidences empiriques dans ce domaine.

    1. Bref historique des thérapies de couple et de famille

    Nicolas Favez & Joëlle Darwiche

    Les thérapies de couple et les thérapies de famille visent le traitement d’une large palette de troubles psychologiques, qui vont des difficultés d’adaptation à la psychopathologie, en tenant compte de leurs liens avec les relations proches. Elles constituent deux domaines distincts par certains aspects, notamment relativement à certains types de troubles qu’elles traitent (ceux en lien avec la sexualité, spécifiques des thérapies de couple par exemple) et aux techniques thérapeutiques associées, mais proches, voire identiques par d’autres, notamment dans leurs référentiels théoriques et dans l’ensemble des techniques thérapeutiques génériques aux interventions portant sur les relations. De fait, alors qu’il y a des thérapies réservées aux couples ou aux familles, nombre d’approches thérapeutiques sont « de couple et de famille ».

    Dresser un historique de ces thérapies n’est pas une tâche facile ; elles se sont développées dans de multiples endroits simultanément, souvent indépendamment les unes des autres, se réclamant de filiations diverses et de référentiels théoriques variés – leur point commun étant de proposer un cadre de travail multipersonnes et de viser spécifiquement des dimensions relationnelles de la vie psychique des individus. Ce chapitre vise à mettre en évidence quelques étapes importantes et quelques personnes éminentes dans le développement de ces thérapies, sans prétendre à l’exhaustivité. Nous reprenons et développons pour cela en partie l’historique présenté dans deux ouvrages consacrés à l’évaluation psychologique du couple et de la famille (Favez, 2010, 2013). Par souci de commodité, nous présentons séparément les thérapies de couple et les thérapies de famille, bien que, comme nous le verrons, plusieurs auteurs ont joué un rôle important pour les unes comme pour les autres.

    La thérapie de couple

    Gurman et Snyder (2011), dans leur manuel de thérapies de couple, proposent la définition suivante : « La thérapie de couple se réfère à un ensemble d’interventions diverses proposées à des partenaires impliqués dans une relation intime, dont le but est de réduire la détresse relationnelle et de promouvoir le bien-être relationnel. Elle est en général proposée sous forme de sessions conjointes – c’est-à-dire que les deux partenaires rencontrent ensemble et simultanément le même thérapeute. La thérapie de couple concerne non seulement les couples hétérosexuels mariés, mais aussi les couples cohabitants, les couples de même sexe ainsi que les partenaires qui vivent séparément » (p. 485). Dans la littérature scientifique, notamment anglo-saxonne, ces thérapies sont fréquemment présentées sous le label « thérapies maritales ». Il est néanmoins maintenant d’usage de parler de thérapies de couple, afin d’englober toutes formes de relations intimes et pas seulement celles des couples mariés.

    Ces thérapies sont les héritières directes du conseil conjugal. L’acte de naissance de ce dernier remonte à la création du centre de consultation maritale à New York (Marriage Consultation Center) en 1929. Il ne s’agissait pas à l’époque de thérapie ni de conseil conjugal au sens où il est pratiqué maintenant, mais plutôt de « bons conseils » pratiques, prodigués par des professionnels qui n’avaient pas de formation spécifique à la thérapie relationnelle : des éducateurs, des assistants sociaux ou des gynécologues qui fréquentaient des couples ou des personnes en couple dans leurs activités professionnelles courantes (Gurman & Snyder, 2011). Particularité importante, ces interventions étaient prodiguées en entretien individuel et non de couple. L’expansion de ces activités a transformé ce métier en corporation : en 1942, l’Association américaine des conseillers conjugaux (American Association of Marriage Counselors) est créée ; elle changera ensuite de nom deux fois : en 1970, elle devient l’Association américaine des conseillers familiaux et conjugaux (American Association of Marriage and Family Counselors) pour intégrer une dimension familiale, puis en 1978 elle devient l’Association américaine de thérapie conjugale et de famille (American Association for Marriage and Family Therapy) qui regroupe les thérapies de couple et de famille. Entre-temps, un tournant important est pris dans les années 1960 : le conseil conjugal ne se restreint plus à des aspects concrets de la vie commune ; des théories psychologiques sont utilisées pour expliquer les difficultés que les couples rencontrent et les problèmes relationnels et émotionnels viennent sur le devant de la scène. Les premiers concepts utilisés sont issus de la psychanalyse (voir par exemple Leslie, 1964) : les difficultés relationnelles sont vues comme la conséquence de projections que les partenaires du couple font l’un sur l’autre d’expériences précoces négatives dans la relation avec leurs mères ou leurs pourvoyeurs de soins principaux durant l’enfance. La thérapie est pensée de façon à faire prendre conscience aux partenaires de la distinction entre les aspects « objectifs » de la personnalité de chacun et ce que chacun attribue à l’autre en fonction de ses propres projections, ainsi qu’à modifier ces projections. Corollaire de cette nouvelle façon d’envisager le conseil, ce sont les deux partenaires qui sont reçus et traités ensemble ; le cadre thérapeutique devient alors multipersonnes. Un essor important de ce conseil devenu thérapie se produira ensuite avec l’émergence des thérapies d’inspiration systémique. Les approches systémiques ont en effet, par définition, proposé des concepts interpersonnels qui s’appliquent au couple et, bien entendu, à la famille.

    Ainsi, dans un article célèbre de 1965, Don Jackson, psychiatre cofondateur du Mental Research Institute de Palo Alto qui fut, comme nous le verrons plus bas, l’un des moteurs du développement de la thérapie de famille systémique, a défini la relation maritale comme régie par un ensemble de règles non formulées qui répondent au principe du quid pro quo (« ceci pour cela », Jackson, 1965a). Selon son approche, une relation ne peut être équilibrée que s’il y a un échange de « bons procédés » et de comportements positifs des époux l’un envers l’autre : par exemple, si l’un des partenaires sort un soir avec des amis, cela « autorise » informellement l’autre à faire de même dans un avenir proche ; pareillement, un geste affectueux de l’un « appelle » un geste affectueux de l’autre en retour. Cet échange garantit un équilibre relationnel qui peut toutefois se rompre. Dans certains cas, l’un des partenaires ne respecte pas les termes de l’échange et ne donne pas autant qu’il reçoit ; dans d’autres, les règles deviennent absolument rigides et aucune modulation n’est possible : Monsieur ne pourra par exemple pas sortir une deuxième fois avec des amis tant que Madame ne sera pas sortie à son tour. La relation se tend alors entre les époux, chacun se sentant lésé, et les revendications prennent le pas sur l’affection. Pour Jackson, l’absence de quid pro quo est un facteur de mise en danger de la relation. Lederer et Jackson (1968) ont proposé en conséquence un ensemble d’interventions thérapeutiques visant à faire prendre conscience aux partenaires de ces règles et à les aider à les restaurer ou à les changer. Cette approche, largement critiquée depuis, notamment parce que l’équilibre de la relation de couple ne semble pas fondé sur ce principe d’échange (Gottman, 1998), n’en reste pas moins l’une des premières à s’appuyer sur des concepts spécifiques à la relation de couple.

    Un autre concept devenu central dans ces thérapies est celui de pouvoir, proposé par Jay Haley (1963a), l’un des chefs de file de la thérapie systémique. Pour lui, la dynamique du mariage (comme celle de tout système humain) est avant tout une affaire de pouvoir ; les difficultés dans le couple vont surgir quand la structure hiérarchique n’est pas claire (qui s’occupe de la gestion des finances, par exemple) ou lorsqu’elle est trop rigide, soit déséquilibrée (le pouvoir est tenu par un seul des partenaires sans possibilité d’alternance), soit compétitive (les deux partenaires veulent contrôler les mêmes domaines de la relation et s’affrontent pour avoir le contrôle). Haley voit la production de plaintes relationnelles, voire même la présence de symptômes comme une façon pour le plaignant de récupérer ou d’augmenter son pouvoir dans le couple.

    Satir (1964) a décrit de son côté le rôle que joue le couple et l’interaction avec un partenaire dans la construction d’une estime de soi forte. Pour elle, les difficultés de couple viennent d’une incapacité de l’un ou des deux partenaires à oser être totalement « authentique » dans la relation et à exprimer des émotions vraies – principalement la capacité à montrer sa vulnérabilité, à assumer la responsabilité de ses propres émotions et à demander de l’aide. Son approche thérapeutique, à mi-chemin entre les approches systémiques et humanistes, consistait à encourager la congruence émotionnelle (le lien entre les émotions montrées et ressenties) et l’expression des besoins de proximité avec l’autre et d’affection.

    Parallèlement, des thérapies de couple ont été développées dans d’autres courants théoriques de la psychothérapie. Ellis et Harper (1961), dans une optique cognitivo-comportementale, ont proposé de considérer l’importance de cognitions dysfonctionnelles dans l’irruption de problèmes conjugaux. Pour eux, la relation va être en danger dès lors que l’un des partenaires (ou les deux) a des attentes irréalistes relativement à la relation ; par définition, ces attentes ne seront pas remplies, ce qui provoquera chez le partenaire une déception chronique et une évaluation négative de la relation, le poussant à se comporter de façon négative avec l’autre (avec colère et ressentiment). Ce dernier, en retour, va également avoir une évaluation négative de la relation et les deux partenaires partent ainsi dans un cercle vicieux de comportements négatifs réciproques. Dans la même veine, Jacobson et collaborateurs (Jacobson, Waldron & Moore, 1980) considèrent les renforcements positifs mutuels dans le couple comme essentiels à la « réussite maritale »; une incapacité à étendre la palette des renforcements aboutit à une usure par extinction de l’intérêt réciproque.

    Ces concepts ne sont que quelques exemples, parmi les plus emblématiques, de l’émergence d’approches thérapeutiques spécifiques à la relation de couple qui ont participé à l’instauration de la thérapie de couple comme un domaine d’intervention de plein droit.

    Actuellement, deux types d’approches sont prédominants, notamment parce qu’ils ont fait leurs preuves empiriquement selon les critères présentés au chapitre suivant : dans les premiers se trouvent les thérapies qui, dans la suite d’Ellis et Harper, mettent l’accent sur les distorsions cognitives dans la perception des événements relationnels liés au fonctionnement du couple et sur les comportements et émotions dysfonctionnels qui s’ensuivent. Le traitement vise à modifier ces distorsions chez les partenaires afin de rétablir un fonctionnement ajusté du couple (Dattilio, 2010; Epstein & Baucom, 2002). Parmi les extensions les plus répandues de cette approche, l’on trouve la thérapie de couple comportementale intégrative (Integrative Behavioral Couple Therapy ; Jacobson & Christensen, 1996) qui a été développée par Jacobson ; cette thérapie allie des aspects purement comportementaux avec des stratégies visant à promouvoir l’acceptation lorsqu’il subsiste des différences qui s’avèrent irréductibles. Une autre forme de thérapie dans cette tradition consiste à intervenir sur la gestion du stress à deux (Bodenmann, 2005; voir Charvoz & Bodenmann, chapitre 1 de la partie III, « Couples »). Les difficultés du couple sont comprises ici comme une difficulté à se soutenir réciproquement pour faire face aux facteurs de stress, qu’ils soient internes à la famille (comme l’arrivée d’un enfant) ou externes (comme les tensions dues à l’activité professionnelle) ; une situation de stress intense met en effet à l’épreuve les capacités individuelles à faire face (le coping) et pousse l’individu à signaler son état de stress à son partenaire. Celui-ci peut alors répondre en miroir, en manifestant du stress à son tour, ou alors répondre positivement en étant empathique et soutenant, ou enfin répondre négativement en critiquant ou en se désengageant, ce qui va introduire un déséquilibre dans la relation et menacer sa stabilité.

    Dans les seconds se trouvent des thérapies expérientielles et inspirées par les théories de l’attachement ; leur représentante principale est la thérapie de couple focalisée sur les émotions (Emotionally Focused Couple Therapy), initialement proposée par Greenberg et Johnson (1988), dans la lignée de la thérapie développée par Satir (1964) : le postulat de cette approche est que toute personne a un besoin existentiel d’avoir un contact sécurisant et émotionnellement valorisant avec une personne proche. Le conflit de couple ou l’insatisfaction conjugale dériverait d’un non-accomplissement de ce besoin de base. La thérapie va donc consister à promouvoir l’intimité émotionnelle, à favoriser l’expression des besoins et la reconnaissance de ceux de l’autre et à promouvoir la « responsivité » émotionnelle. Il y a eu depuis une séparation en deux bras de cette thérapie : Johnson (2004) a développé de son côté le rôle de l’attachement dans les processus émotionnels de la relation ; pour elle, une relation saine est basée sur un attachement « sûr » qui crée un contexte de protection pour chacun des partenaires qui peuvent ainsi réguler mutuellement leurs émotions et prendre du recul par rapport aux facteurs de stress qu’ils rencontrent. Lorsque les partenaires négligent leurs besoins émotionnels respectifs, des « blessures d’attachement » surviennent qui provoquent une perte de confiance dans la relation et un éloignement progressif. Greenberg a quant à lui mis l’accent sur l’aspect expérientiel du couple, vu comme une matrice de validation et de développement de l’identité de soi à travers les expériences relationnelles, qui répondrait en cela à un besoin primaire de l’individu qui s’ajoute au besoin de protection (Greenberg & Goldman, 2008; voir Woldarsky Meneses & Ragama, chapitre 2 de la partie III, « Couples »).

    Enfin, il faut mentionner une dimension relationnelle qui est à la fois centrale dans la vie des couples et a en même temps un statut ambigu dans les thérapies : il s’agit de la sexualité. Jusqu’à la fin des années 1960, les difficultés sexuelles étaient considérées principalement en termes de traumatisme individuel et n’étaient pas envisagées comme étant spécifiquement en lien avec les relations de couple. Elles étaient traitées dans le cadre de traitements psychanalytiques visant à résoudre les conflits à l’origine des peurs sexuelles ou par des traitements comportementaux centrés sur les symptômes. Un tournant important a été pris en 1970 suite à la publication par Masters et Johnson d’une étude présentant leur approche thérapeutique, basée sur l’apprentissage des aptitudes et du fonctionnement sexuel et surtout constituée d’entretiens de couple. L’acte de naissance des « thérapies sexuelles » a été signé quelques années plus tard avec l’ouvrage d’Helen Kaplan, La nouvelle thérapie sexuelle (1974) ; une large palette de traitements impliquant les couples et mettant en lien les dysfonctions sexuelles et la détérioration de la relation s’est développée dans la suite de cette publication. À partir de la fin des années 1980, les thérapies sexuelles ont pris un virage médical, avec un accent de plus en plus fort mis sur les traitements mécaniques et médicamenteux des dysfonctions sexuelles (voir le manuel de Binik & Hall, 2014, par exemple). Tout au long de ces différentes étapes, les thérapies sexuelles et les thérapies de couple sont restées relativement dissociées les unes des autres, même si les thérapies sexuelles ont été faites avec des couples ; des efforts d’intégration ont néanmoins été entrepris visant à tenir compte de la globalité des dimensions sexuelles et relationnelles tant dans les thérapies visant spécifiquement la sexualité que dans celles s’adressant au fonctionnement du couple en général (McCarthy & Thestrup, 2008; voir Medico, chapitre 3 de la partie III, « Couples »).

    La thérapie de famille

    La thérapie de famille est un terme générique qui désigne un ensemble de traitements basés sur le postulat que les problèmes et les symptômes individuels sont intimement liés aux modes d’interactions entre les membres de la famille (Hazelrigg, Cooper & Borduin, 1987) et dont le but premier est de changer certains aspects d’un système familial (Pinsof & Hambright, 2002). Le terme « famille » est rarement défini, au vu de la difficulté à déterminer précisément ce qu’il recouvre (la famille n’a pas de définition juridique, au contraire de l’union maritale) ; ces thérapies peuvent ainsi s’adresser à deux parents et leurs enfants mineurs, à un parent et ses enfants, à un couple adulte et ses propres parents, ainsi qu’à toutes les combinaisons génération-nelles possibles. Les premières thérapies de famille ont été développées dans le champ de la psychiatrie (notamment dans le traitement de patients atteints de troubles schizophréniques), mais elles se sont ensuite diversifiées en incluant d’autres troubles (troubles du comportement, violence, toxicodépendances, par exemple) et en s’étendant à des problématiques relevant des troubles de l’adaptation (échec scolaire, gestion du divorce et de ses conséquences sur les enfants).

    Bien qu’il existe des thérapies de famille de diverses obédiences théoriques, les thérapies systémiques ont pris une telle importance dans le domaine que les termes « thérapie de famille » et « thérapie sys-témique » sont souvent pris pour synonymes – ce qu’ils ne sont pas. Toutefois, au vu de la prédominance des approches systémiques, nous nous sommes principalement basés dans cet historique sur le développement de ces dernières. Par approche systémique, nous entendons des thérapies qui se réfèrent explicitement à la théorie des systèmes et à la cybernétique. Nous mentionnerons toutefois également quelques grandes figures des thérapies de famille psychanalytiques, cognitivo-comportementales et humanistes – d’autant plus que quelquefois, le développement de ces thérapies se confond avec celui des approches systémiques – ainsi que des approches dites « centrées sur la famille ».

    La genèse et la première vague des thérapies systémiques

    La thérapie de famille systémique a connu une évolution en plusieurs vagues (voir l’ouvrage coordonné par Elkaïm, 1995 et Goldbe-ter-Merinfeld & Elkaïm, 2007 pour des historiques détaillés) ; elle a émergé à partir de la fin des années 1930, lorsque des psychiatres, dont Nathan Ackerman, alors chef de service à la Menninger Child Guidance Clinic au Kansas, ont commencé à plaider pour l’incorporation des familles de leurs patients dans les traitements, non seulement comme thème dans une thérapie – le patient parle de sa famille -, mais aussi concrètement, c’est-à-dire que les membres de la famille soient présents en séance (Ackerman, 1938). Ces premiers efforts ont été accompagnés, comme en thérapie de couple, de l’émergence progressive de théories et d’un vocabulaire spécifiquement interpersonnels pour caractériser la situation familiale des personnes en souffrance. Ruth et Theodore Lidz, deux psychiatres américains, proposent par exemple, à partir d’une étude sur les familles de patients souffrant de troubles schizophréniques, de parler de « schisme » familial pour décrire des familles dans lesquelles deux groupes se sont créés et sont en conflit, et de « déséquilibre » pour décrire des familles dans lesquelles l’un des membres détient et exerce tout le pouvoir ; leur étude a par ailleurs mis en avant la surreprésentation de perturbations familiales chez ces patients (Lidz & Lidz, 1949).

    Parallèlement, la pratique en thérapie de famille a connu une impulsion théorique importante suite au développement de la cybernétique et des théories de la communication, en plein essor depuis la fin du second conflit mondial, qui ont été utilisées pour modéliser le fonctionnement familial (Shannon & Weaver, 1949; Wiener, 1948). Les travaux de l’anthropologue Gregory Bateson sont parmi ceux qui ont permis un import de ces théories dans le domaine de la thérapie. Bateson a collaboré dans un premier temps avec le psychiatre Jurgen Ruesch à des études visant à comprendre les troubles psychopathologiques en termes de perturbations de la communication et à définir la relation entre patient et thérapeute en termes systémiques (Ruesch & Bateson, 1951/1988). Il a poursuivi ensuite ses travaux avec un groupe de travail financé par la fondation Macy dans lequel se trouvait un autre psychiatre, Don Jackson ; le groupe a publié en 1956 un article (« Toward a theory of schizophrenia ») qui a fait date dans le domaine de la thérapie systémique. Cet article présente une étude sur la communication dans les familles de patients schizophrènes et propose le terme de « double contrainte » (Bateson et al., 1956) pour décrire une perturbation particulière de la communication dans laquelle l’individu se trouve face à deux demandes contradictoires (les injonctions dites primaires et secondaires), dont l’exemple classique est l’enfant à qui la mère demande verbalement de lui montrer son affection (première injonction, « demandant » à l’enfant de s’approcher), mais sur un ton froid dénotant le rejet (deuxième injonction, « décourageant » l’enfant de s’approcher), tout en ayant l’interdiction de dire l’impossibilité dans laquelle il se trouve de pouvoir répondre à ces deux injonctions : c’est l’injonction tertiaire, selon laquelle il est interdit de « métacommuni-quer », soit de communiquer au sujet de la communication (en disant par exemple « Ce que tu me demandes est impossible », ou « Qu’est-ce que tu veux vraiment ? »). Toute tentative de métacommunication serait interprétée par la mère comme une remise en cause de la relation (« Si tu me dis que ce que je dis n’est pas clair, c’est que tu ne m’aimes plus »). Cette troisième injonction constitue le réel processus pathogène de la double contrainte car elle introduit une confusion de niveaux entre les faits (la demande ponctuelle d’affection) et la relation (aimer en général). Dans la suite de ces travaux, Don Jackson a fondé en 1958 le Mental Research Institute à Palo Alto, en Californie, un centre de recherche et de consultation (à partir de 1966) devenu l’épicentre du développement et de la diffusion des thérapies de famille systémique. Jackson et Ackerman ont par ailleurs fondé en 1962 la revue Family Process, qui a été et est encore un média de première importance dans la diffusion des concepts et des recherches gravitant autour de la thérapie de famille systémique.

    Le changement majeur qu’ont amené ces théories est l’adoption du postulat selon lequel un trouble psychique n’est pas une maladie qui réside dans le patient, mais plutôt le résultat d’un ensemble d’interrelations avec les « autres signifiants »: par exemple, le comportement délinquant d’un adolescent peut se comprendre comme une réponse au conflit quotidien et intense entre ses deux parents, conflit qui tend à s’estomper quand les parents doivent s’occuper de leur enfant ; celui-ci apprend ainsi que son comportement a comme bénéfice de rapprocher ses parents, ce qui l’encourage à persister. Ce postulat a conduit à ne plus considérer la souffrance psychique dans un vide social et a replacé l’individu dans son contexte de vie. Il a permis également de tenir compte du fait que toute intervention thérapeutique, même celles ne visant que la symptomatologie individuelle, a un impact sur les relations proches d’un patient, ce qui explique pourquoi un changement positif – par exemple une femme sort de sa dépendance à l’alcool – peut s’accompagner d’un changement négatif dans son entourage – son mari connaît à ce moment un épisode dépressif majeur, car s’occuper de sa femme malade était devenu pour lui un rôle valorisant qu’il perd avec la guérison ; en retour, sa propre dépression augmente le risque de rechute chez sa femme. Ce type d’enchaînement répond à une dynamique que les approches systémiques ont classiquement décrite sous le terme d’« homéostasie » (Jackson, 1965b), soit la tendance d’un système à rester stable en utilisant des mécanismes correcteurs qui entravent le changement ; ce mécanisme n’est pas en soi pathologique – il est nécessaire pour assurer la pérennité de tout système -, mais s’il se rigidifie, il peut empêcher une famille de procéder aux adaptations nécessaires en vue de faire face aux exigences dues à la croissance de ses membres et aux contraintes de l’environnement. Les approches systémiques iront jusqu’à considérer que la pathologie individuelle ne fait qu’exprimer un dysfonctionnement d’un système relationnel ; le symptôme sera considéré comme une « métaphore » de la difficulté rencontrée par le système (ce qui aura comme fâcheuse conséquence que, généralisé à outrance, ce postulat mènera certains à désigner la famille comme « responsable » de tous les troubles psychiques de ses membres – ce qui est abusif et ne correspond pas à la réalité de tous les cas de figure possibles de pathogenèses).

    En 1967 paraît un ouvrage emblématique des approches systémiques, Pragmatics of human communication (Watzlawick, Helmick Beavin & Jackson, 1967/1972), qui propose une synthèse théorique des travaux menés sur la communication et pose les axiomes de la communication humaine, dont le plus célèbre, « il est impossible de ne pas communiquer », se réfère à l’inévitable impact que le comportement de chaque individu a sur ceux qui l’entourent – la communication va donc au-delà de l’échange volontaire d’informations, toute interaction est communication en ce que les actes des uns et des autres s’influencent mutuellement.

    Ce foisonnement théorique et cette nouvelle façon d’envisager la pathologie vont donner naissance à une première génération d’approches thérapeutiques qui, influencées par la cybernétique, s’intéressent aux processus de rétroaction dans la famille, notamment ceux qui maintiennent l’homéostasie du système familial malgré les dysfonctionnements et provoquent une résistance dans la thérapie que le praticien devra contourner à l’aide d’un ensemble de techniques spécifiques. Beaucoup de celles-ci ont été inspirées par la pratique d’un psychiatre et hypnothérapeute, Milton Erickson, qui prônait une position active de la part du thérapeute, des interventions centrées sur les symptômes et l’utilisation de paradoxes thérapeutiques ou de prescriptions absurdes, techniques qui permettent de passer outre la prise de conscience et donc évitent les écueils de la résistance¹. Parmi les approches thérapeutiques de cette première vague, les plus connues sont les suivantes :

    – la thérapie de Palo Alto (quelquefois dénommée thérapie brève, ou thérapie communicationnelle, ou encore thérapie stratégique) ; pour cette approche, les problèmes viennent de l’utilisation répétée de solutions inadaptées qui forment des escalades de rétroactions positives, soit le « plus de la même chose »: au lieu d’inventer une nouvelle solution, le système applique la même de façon de plus en plus intense, même si elle ne fonctionne pas (Fisch, Weakland & Segal, 1982/1986; Watzlawick, Weakland & Fisch, 1974/1975) ;

    – les approches stratégiques de Jay Haley et Cloe Madanes à Washington (Haley, 1973, 1976; Madanes, 1981) et de Selvini Palazzoli à Milan (Palazzoli et al., 1980/1982), pour qui les problèmes ont une fonction de protection du système (comme mentionné plus haut, la délinquance d’un adolescent détourne les parents de leur conflit et maintient ainsi le système familial entier) et viennent également de hiérarchies non respectées (les parents ne sont plus en contrôle du fonctionnement de la famille) ;

    – la thérapie structurale de Salvador Minuchin à Philadelphie (Minuchin et al., 1967; Minuchin, 1974/1979), pour qui les interactions familiales sont régies par un ensemble de règles qui les rendent organisées et prévisibles, donc qui les structurent. Ces règles déterminent l’organisation de la famille en sous-systèmes qui sont délimités par des frontières qui régulent les contacts entre ses membres et entre les membres de la famille et l’extérieur ; les parents forment par exemple un système conjugal dans lequel les enfants n’ont pas droit de cité car relevant de la relation intime du couple, mais ils forment également un système parental (qui sera dénommé plus tard système copa-rental) qui est lui orienté vers les enfants. Les problèmes vont surgir lorsque dans une famille, toutes les frontières sont totalement imperméables ou, à l’autre extrême, totalement perméables, empêchant la mobilisation de la famille lorsque l’un de ses membres est en difficulté dans le premier cas, ou en extrémisant la dépendance des membres les uns par rapport aux autres dans le second cas, rendant toute autonomie individuelle impossible.

    Chacune de ces approches a développé un ensemble de techniques d’intervention visant à rétablir un fonctionnement adéquat du système familial, le thérapeute officiant en tant qu’expert dans l’intervention.

    La deuxième vague des thérapies systémiques

    Dans l’enchaînement du développement de ces approches, un autre courant de pensée a émergé, influencé notamment par la cybernétique de second ordre pour laquelle un système observé n’existe pas en dehors de l’observateur. De nouvelles approches thérapeutiques se sont développées, constituant une deuxième vague dite « postmoderne »: parmi elles se trouvent les thérapies centrées sur les solutions, les thérapies constructivistes ou encore constructionnistes, dont la popularité a été croissante dans les années 1970 et 1980. Le changement majeur qu’elles ont introduit dans la pratique systémique a été de considérer que le thérapeute n’est pas un expert agissant en dehors du système familial, mais qu’il « fait système » avec la famille et qu’il ne pourra rien savoir de la famille en dehors de l’ensemble qu’il forme avec elle. En conséquence, le thérapeute ne peut aider à résoudre des problèmes qui ont surgi dans un système qu’il ne connaît pas (la famille sans le thérapeute) et ne pourra pas connaître ; il peut donc tout au plus poten-tialiser la créativité et les solutions imaginées par le système qu’il forme avec la famille. Suivant ces principes, la relation entre thérapeute et famille devient fondamentalement collaborative ; le thérapeute ne soigne pas un système familial, il en prend soin (caring and not curing). Il ne s’agit plus d’une thérapie de la famille, mais avec la famille ; corollaire, le thérapeute ne considère plus que les systèmes familiaux résistent au changement, mais que le processus de changement n’a simplement pas encore abouti (de Shazer, 1984). Voici quelques exemples d’approches de cette deuxième vague :

    – l’« équipe réfléchissante » (Andersen, 1991), qui vise à donner la plus grande transparence aux réflexions des thérapeutes : la famille est reçue par une équipe, et une partie de la séance est consacrée à une discussion entre les membres de cette équipe sur ce qu’ils pensent et envisagent à partir de ce que la famille a raconté. Cette discussion a lieu au vu et au su de la famille ;

    – Anderson et Goolishian ont promu une thérapie basée sur une discussion collaborative dans laquelle idées et opinions sont échangées de façon libre entre thérapeute et famille ; l’idée est que le problème va en quelque sorte se dissoudre dans l’ensemble des solutions qui seront envisagées (Anderson & Goolishian, 1988) ;

    – les approches constructionnistes (Gergen, 1985) considèrent que l’individu crée sa propre réalité, et que cette réalité est construite dans l’interaction sociale et peut fluctuer selon les variations du contexte. Les thérapies dites narratives de Michael White ont par exemple pour but une coconstruction de réalité entre thérapeute et famille par le biais d’une narration qui fasse sens et soit acceptable pour la famille, et ce, quelle que soit la « réalité » d’événements passés qu’il n’est plus possible de modifier ni même de connaître (White & Epston, 1990/2009).

    Bien que l’on puisse séparer certaines approches comme étant de la première ou de la deuxième vague, il n’y a pas toujours dans la pratique un cloisonnement imperméable entre elles, et bien des approches de première vague ont évolué vers ou ont incorporé des éléments apportés par les approches de deuxième vague.

    Les thérapies de famille d’autres obédiences théoriques et l’émergence d’une troisième vague systémique

    Parallèlement, les thérapies de famille se sont développées dans d’autres courants thérapeutiques, quelquefois de façon très intimement liée aux thérapies systémiques, au point que certaines approches sont revendiquées par plusieurs courants. C’est le cas de thérapies psychanalytiques intergénérationnelles comme celle de Murray Bowen, qui s’intéresse à la différenciation de l’individu par rapport à sa famille d’origine et aux processus de triangulation (Bowen, 1978/1984), ou comme l’approche contextuelle d’Ivan Boszormenyi-Nagy, basée sur les loyautés et sur le sens de ce qu’il appelle l’« éthique relationnelle », à savoir la recherche d’un équilibre entre donner et recevoir qui constitue selon lui le processus de base de toute relation humaine (Boszormenyi-Nagy & Spark, 1973). Très proches également du courant systémique, certaines thérapies expérientielles comme celle développée par Virginia Satir (qui fut membre du Mental Research Institute) : pour elle, la suppression des émotions et l’incapacité à vivre

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