Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Droit constitutionnel belge: Fondements et institutions
Droit constitutionnel belge: Fondements et institutions
Droit constitutionnel belge: Fondements et institutions
Livre électronique1 708 pages18 heures

Droit constitutionnel belge: Fondements et institutions

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Après la plus longue crise de l’histoire politique de la Belgique, la sixième réforme de l’État (2012-2014) a nécessité la révision de pas moins de quarante-sept dispositions constitutionnelles et l’adoption de très nombreuses lois spéciales, lois ordinaires et conventions de coopération entre l’État fédéral, ses Communautés et ses Régions. Le présent ouvrage entend prendre la mesure des changements que cette réforme apporte au droit constitutionnel d’un État certes frappé de plein fouet par des revendications indépendantistes, mais confronté dans le même temps à l’européanisation de son système juridique, à l’internationalisation des droits fondamentaux et à l’universalisation des préoccupations économiques, écologiques et sécuritaires. Inscrit dans la perspective du droit positif et de la théorie juridique, ce livre se caractérise notamment par une conception originale des fondements du droit constitutionnel, par la formulation d’une théorie générale des droits et libertés en droit belge, par l’inclusion des données des droits international et européen dans le cadre constitutionnel et par le réexamen des rapports entre la Constitution et le droit de l’Union européenne. Premier précis de droit constitutionnel belge en langue française intégrant l’ensemble des modifications résultant de la nouvelle réforme de l’État, il tient compte des derniers développements de l’actualité législative et jurisprudentielle. Il est conçu pour répondre aux besoins des étudiants et des praticiens du droit constitutionnel, mais aussi de tous ceux que le droit public et, plus fondamentalement, l’assise juridique de l’État et de son pouvoir intéressent.
LangueFrançais
Date de sortie25 nov. 2014
ISBN9782804463625
Droit constitutionnel belge: Fondements et institutions

Auteurs associés

Lié à Droit constitutionnel belge

Livres électroniques liés

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Droit constitutionnel belge

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Droit constitutionnel belge - Yves Lejeune

    couverturepagetitre

    Derniers titres parus dans la collection

    Impôt des personnes physiques

    Michel DE WOLF, Jacques MALHERBE, Jean THILMANY, 2013

    Justice constitutionnelle

    Marc VERDUSSEN, 2012

    Droit des obligations - Volume 1. Théorie générale du contrat

    Patrick WÉRY, 2011

    Éléments de droit du travail

    Anne-Valérie MICHAUX, 2010

    Précis de droit administratif. Tome III - Le contrôle de l’Administration

    David RENDERS, 2010

    Droit des assurances

    Marcel FONTAINE, 2010

    La compétence en droit judiciaire privé

    Gilberte CLOSSET-MARCHAL, 2009

    Leçons de méthodologie juridique

    Jean-François VAN DROOGHENBROECK, François BALOT, Geoffrey WILLEMS, 2009

    Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larciergroup.com.

    © Groupe Larcier SA, 2014

    Éditions Larcier

    Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

    ISSN 2030-658X

    EAN : 978-2-8044-6362-5

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    Abréviations et sigles

    Ouvrages cités en abrégé

    A. ALEN & K. MUYLLE, Handboek : ALEN (André) & MUYLLE (Koen), Handboek van het Belgisch Staatsrecht, Malines, Kluwer, 2011.

    F. DELPÉRÉE, Le droit constitutionnel : DELPÉRÉE (Francis), Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Bruylant, Paris, LGDJ, 2000.

    M. PÂQUES, Droit public élémentaire : PÂQUES (Michel), Droit public élémentaire en quinze leçons, Bruxelles, Larcier, 2005.

    M. UYTTENDAELE, Précis (3e éd.) : UYTTENDAELE (Marc), Précis de droit constitutionnel belge — Regards sur un système institutionnel paradoxal, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 2005.

    J. VANDE LANOTTE & G. GOEDERTIER, Handboek (7e éd.) : VANDE LANOTTE (Johan) & GOEDERTIER (Geert), Handboek Belgisch Publiekrecht, Bruges, die Keure, nouvelle édition revue, 2013.

    J. VELU, Droit public : VELU (Jacques), Droit public. Tome 1er : Le statut des gouvernants, Bruxelles, Bruylant, 1986.

    Autres citations et conventions méthodologiques

    À des fins didactiques, deux tailles de caractères sont utilisées dans le corps du texte. Cette présentation permet de distinguer, d’une part, l’exposé des données fondamentales et, d’autre part, des développements qui nuancent, complètent ou illustrent le propos ainsi que des indications bibliographiques.

    Les citations des arrêts de la juridiction constitutionnelle belge sont faites en tenant compte de la dénomination officielle de celle-ci au moment où l’arrêt a été rendu. Les décisions antérieures au 7 mai 2007 sont donc imputées, comme il se doit, à la Cour d’arbitrage ; les décisions ultérieures, à la Cour constitutionnelle, terme qui désigne la même institution à partir de la même date.

    Les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle, le Conseil d’État, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne sont cités le plus souvent sans référence de publication. Ils sont accessibles en texte intégral sur les sites internet de ces juridictions.

    Si l’on entend mettre en relief tout ou partie d’une citation, les mots sur lesquels on veut insister sont placés en italiques ou, plus rarement, en caractères gras. Afin de ne pas alourdir les citations, l’avertissement usuel « italiques / gras ajoutés » n’est utilisé ni à l’issue de chaque citation, ni en note infrapaginale. Cette mention doit être tenue pour intégralement reproduite en chaque occurrence.

    La collectivité régionale dont la région bilingue de Bruxelles-Capitale circonscrit le territoire est désignée tantôt sous le nom de Région bruxelloise, tantôt sous celui de Région de Bruxelles-Capitale, puisque la Constitution coordonnée utilise l’une et l’autre appellations.

    Une bibliographie sélective reprend en fin de volume les ouvrages généraux récents ou fréquemment cités.

    Le précis tient compte des sources disponibles au 1er juillet 2014.

    Avant-propos

    Cet ouvrage est né de l’enseignement du droit public puis, plus précisément, du droit constitutionnel à des générations d’étudiants en science politique, en économie et en sociologie de l’Université catholique de Louvain. Il a trouvé sa forme première à la faveur de l’enseignement que l’Université de Namur m’a demandé de dispenser à ses étudiants en droit de 2007 à 2010. L’accueil favorable réservé à la première édition m’a incité à remettre sur le métier l’ouvrage à peine sorti des presses.

    La présente édition conserve le plan général ainsi que les orientations fondamentales qui avaient présidé à la rédaction initiale. Elle s’inscrit dans la perspective doctrinale d’un positivisme juridique attaché non seulement à analyser la lettre, mais aussi à tenter d’expliquer les origines, la systématique et les tendances de fond du droit constitutionnel de la Belgique, tel que l’ont produit, le produisent et l’appliquent les pouvoirs publics belges.

    Parfois, ce droit fait l’objet d’approches idéologiques ou donne lieu à des réflexions politologiques. Or il repose sur une technique rigoureuse. C’est à cette technique et à l’axiomatique qui la fonde qu’on s’attache pour détailler sans a priori les constantes et les évolutions qui sont le lot de la Constitution belge. Le regard se veut aussi objectif que possible, afin de rendre mieux compte du rôle propre du droit dans la vie — ou la survie — de l’État et de la société qu’il reflète.

    Sans modifier le fil conducteur de l’ouvrage, on a revu en profondeur et mis à jour systématiquement l’ensemble du texte. Les importantes évolutions que vit le droit constitutionnel de la Belgique à l’issue de la sixième réforme de l’État expliquent qu’il faille s’étendre quelque peu pour en exposer les traits majeurs. On en dira autant de l’évolution de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, soucieuse tout à la fois de préserver l’équilibre étatique, de ne contrarier ni les grands consensus fédéraux qui « œuvrent à la paix communautaire », ni les orientations politiques de l’Union européenne, et d’étendre le plus largement possible sa protection sur les gouvernés, fût-ce quelquefois en prenant des libertés avec la Constitution.

    Plus que jamais, la perception des fondements axiomatiques du droit public, d’une part, et de l’influence considérable des droits international et européen, d’autre part, nous paraît nécessaire à une analyse juridique cohérente de l’organisation politique et administrative du pays.

    Ce livre serait-il le dernier cliché d’un ordre voué à une disparition prochaine ou le panégyrique d’un système qui s’adapte aux exigences nouvelles sans trahir l’héritage de ses fondateurs ? Ni l’un ni l’autre. Plus simplement, il étudie les règles constitutionnelles contemporaines d’un État certes frappé de plein fouet par des revendications indépendantistes, mais confronté dans le même temps à l’internationalisation des droits fondamentaux de la personne et à l’universalisation des préoccupations économiques, écologiques et sécuritaires. Peut-être l’étude des fondements auxquels le Livre I est consacré paraîtra-t-elle à cet égard plus intéressante que l’analyse des multiples institutions, si ingénieuses soient-elles, engendrées par la succession des révisions constitutionnelles. C’est affaire d’appréciation.

    *

    *     *

    Pour n’être l’œuvre que d’un seul, ce livre n’aurait pu être écrit ni publié si son auteur n’avait bénéficié de précieux concours dans l’élaboration de la deuxième édition. Mme J. Modave a assuré le dépouillement hebdomadaire de la doctrine pertinente. Mme A. Anthoon en a effectué l’encodage, a réalisé la plupart des cartes, a aménagé les dessins et a préparé l’index de la jurisprudence citée. Mlle M. Vanderbeeck m’a aidé à relire le tapuscrit final et les épreuves de l’ouvrage. Que toutes en soient vivement remerciées.

    Crainhem, le 1er juillet 2014.

    Introduction

    1Le présent ouvrage se divise en deux parties. La première s’attache à cerner les fondements du droit constitutionnel belge, la seconde à révéler le statut, les fonctions et les interactions des diverses institutions fédérales et fédérées qui se côtoient dans la maison belge.

    La structure adoptée est née des besoins de l’enseignement. Un cours est comme le courant d’une rivière : il y a un sens, une direction à suivre. La source du cours d’eau, ce sont les concepts fondamentaux du droit public. Il s’agit de définir l’État, son pouvoir souverain et sa personnalité morale, les types de collectivités publiques qu’il admet en son sein et les groupements internationaux dont il fait partie.

    En Belgique comme dans tout autre État, il convient de distinguer la Constitution des autres règles de droit en vigueur sur tout ou partie du territoire national. Ensuite, de la même manière que le voyageur qui descend la rivière découvre de nouveaux paysages, l’aménagement de ces règles en un système normatif cohérent conduit le lecteur aux mécanismes qui préviennent ou sanctionnent la transgression de cet ordonnancement, lequel intègre des règles de plus en plus nombreuses d’origine internationale ou européenne.

    Ces prémisses posées, il reste à expliquer les principes essentiels d’organisation et d’exercice du pouvoir en Belgique avant d’entamer l’examen des institutions composant l’Autorité fédérale et les Pouvoirs fédérés. Il faut tout d’abord s’arrêter à la souveraineté de la Nation, puis aux limites de fond et de but qui empêchent le pouvoir de s’exercer de façon absolue. Le lecteur retrouve ici le principe de l’État de droit et rencontre à cette occasion les droits de l’homme et du citoyen garantis, mais aussi réglementés, dans l’État belge. Il lui est donné également de s’interroger sur les vertus réelles ou supposées de finalités assignées par la Constitution à l’action des autorités publiques.

    Il importe en outre d’analyser les principes qui gouvernent les relations entre les institutions fédérales et ceux qui régissent l’organisation des collectivités publiques infraétatiques. Parmi les principes fondamentaux à identifier, il sied de mettre en évidence le caractère démocratique du pouvoir exercé dans l’État. La démocratie belge, essentiellement représentative, fait appel à la représentation proportionnelle dans un cadre territorial le plus souvent sectionné en plusieurs circonscriptions électorales.

    2La seconde partie de l’ouvrage se développe en suivant un plan très simple. Elle expose les règles constitutionnelles qui régissent l’organisation, la compétence et le fonctionnement des organes exécutifs et des assemblées parlementaires au sein de la collectivité fédérale, de chaque Communauté, de chaque Région et de chaque commission communautaire bruxelloise.

    En premier lieu, on étudie les institutions groupées sous l’intitulé « Autorité fédérale ». La fonction législative est dévolue aux Chambres, dont la composition reflète la dualité fondamentale du pays. L’analyse révèle aussi que le bicaméralisme, sans être de façade, concède une évidente primauté à la Chambre des représentants. Le Roi détient formellement la fonction exécutive, mais celle-ci ne peut s’exercer que du consentement du gouvernement fédéral et de la majorité parlementaire qui le soutient. Le gouvernement belge est l’organe moteur du pouvoir étatique, comme dans tous les pays qui connaissent un régime parlementaire. Son fonctionnement est tributaire de sa structure partisane et de son agencement linguistique, constitutionnellement paritaire au niveau ministériel.

    Ensuite, les institutions communautaires et régionales sont présentées en trois temps. Le premier consiste en une délimitation des sphères de compétence matérielle et territoriale de chaque collectivité fédérée. La deuxième étape permet de synthétiser le régime constitutionnel commun des parlements et des parlementaires, des gouvernements et des ministres des Communautés et des Régions. La troisième phase consiste en l’analyse des particularités des régimes respectifs de la Région de Bruxelles-Capitale, des commissions communautaires bruxelloises et de la Communauté germanophone.

    L’examen des relations mutuelles de l’Autorité fédérale et des institutions fédérées clôt l’ouvrage. Il porte successivement sur les lieux de concertation entre les autorités fédérales et fédérées, sur les procédures d’endiguement ou de résorption des conflits d’intérêts, enfin sur les manifestations du fédéralisme coopératif et sur les modes d’association des autorités fédérées à l’exercice du pouvoir fédéral en Belgique.

    Livre I

    Les fondements

    SOMMAIRE

    TITRE I

    L’État, ses collectivités publiques et son environnement international

    TITRE II

    L’ordonnancement des règles de droit en vigueur dans l’État belge

    TITRE III

    Le pouvoir dans l’État belge

    3Plan du livre

    Le droit constitutionnel se définit comme le corps des règles de droit essentielles fixant, au sein de l’État, l’organisation, le fonctionnement et les attributions des principaux organes de celui-ci, ainsi que les relations entre ces organes et les particuliers.

    Les fondements du droit constitutionnel peuvent dès lors se subdiviser en trois parties.

    La première de celles-ci (titre I) permet de définir l’État lui-même de façon abstraite et d’étudier les rapports qu’il entretient, sous l’angle interne, avec les collectivités publiques qu’il englobe et, d’un point de vue externe, avec les associations d’États et les organisations internationales qu’il contribue à fonder.

    La deuxième partie (titre II) présente les diverses règles de droit formant l’ordre juridique belge, la hiérarchisation et le compartimentage de celui-ci sous l’égide de la Constitution, ainsi que les mécanismes visant à assurer la cohérence de ce système normatif.

    La troisième et dernière partie (titre III) est centrée sur l’analyse du pouvoir dans l’État belge. Elle se subdivise elle-même en trois chapitres. Le premier montre que la souveraineté nationale est au fondement de ce pouvoir, mais que le concept d’État de droit ou de « prééminence du droit » (rule of law), le respect des droits fondamentaux ainsi que l’énonciation de buts constitutionnellement assignés à l’action des autorités publiques encadrent et limitent à la fois l’exercice du pouvoir. Le deuxième chapitre évoque les principes touchant à l’organisation et à la structuration du pouvoir en Belgique : la séparation des pouvoirs, le parlementarisme, le fédéralisme et la décentralisation territoriale. Enfin, le dernier chapitre décrit les conditions démocratiques de l’exercice du pouvoir : le régime représentatif, le suffrage universel et la représentation proportionnelle, mais aussi les consultations populaires et le rôle des pouvoirs de fait.

    Titre I

    L’État, ses collectivités publiques et son environnement international

    SOMMAIRE

    CHAPITRE I

    L’État

    CHAPITRE II

    Les collectivités publiques au sein de l’État

    CHAPITRE III

    L’État au sein de son environnement international

    4Introduction

    Le droit constitutionnel est intimement lié à l’État. C’est au sein de celui-ci que la nécessité se fait jour d’ordonner les attributions et le fonctionnement des institutions qui gouvernent la collectivité. Mais qu’est-ce que l’État et quelles relations entretient-il avec la communauté nationale ? En quoi est-il une personne juridique ? Quelles sont les caractéristiques de son pouvoir et à quoi sert le territoire qui lui est reconnu ? Quel est, à cet égard, le rôle dévolu à ce qu’on appelle les « autorités publiques » ? Telles sont les questions que pose, à tout le moins en droit, la définition de l’État (nos 5 et s.).

    L’État peut restreindre sa liberté d’action en accordant une autonomie organique et matérielle à des ensembles humains qu’il identifie sur son territoire, au sein de sa population. Cette autonomie peut consister en une simple décentralisation territoriale ou même en l’exercice de fonctions étatiques d’auto-organisation et de législation selon un régime de type fédéral (nos 27 et s).

    Il ne faut pas se méprendre. L’État n’est pas seul. Il ne vit pas dans une autarcie complète. Depuis que la communauté internationale existe, l’État doit compter avec d’autres États, tout aussi souverains que lui. Les liens qu’il tisse avec ses congénères restreignent sa liberté d’action et sa plénitude de compétence. Les groupements interétatiques dont il fait partie peuvent le conduire, dans son propre intérêt, à leur abandonner l’exercice de compétences normatives et juridictionnelles dans des domaines de plus en plus étendus (nos 44 et s.).

    Chapitre I

    L’État

    5Introduction

    L’État peut être défini comme un groupement humain, c’est-à-dire une collectivité possédant une homogénéité minimale : la communauté des nationaux (no 8), dotée par un statut — la Constitution — d’une structure institutionnelle exerçant une autorité souveraine exclusive (nos 14 et s.) sur la population (no 9) vivant sur un territoire déterminé (nos 6 et 7).

    En raison de son institutionnalisation (no 18), ce groupement est un être juridique immatériel titulaire de droits et d’obligations, c’est-à-dire une personne morale, doté d’organes : des autorités publiques ou gouvernants (no 24) exprimant sa volonté par des commandements juridiques (no 19). En raison de sa souveraineté, il est nécessairement une collectivité publique ; en raison de son territoire, cette collectivité est territoriale.

    De manière synthétique, on peut donc qualifier l’État de collectivité publique territoriale disposant de la souveraineté.

    SECTION 1

    LA COMPOSANTE GÉOGRAPHIQUE : LE TERRITOIRE DE L’ÉTAT

    La première composante de l’État est son territoire. Il convient d’en préciser la définition, l’utilité et la délimitation.

    6L’utilité du territoire. Le territoire est une portion du globe terrestre qui constitue à la fois le lieu d’établissement de la population de l’État et le support physique de l’activité de celui-ci.

    L’assise géographique sur laquelle l’État repose permet en effet non seulement de déterminer la composition de sa population, mais aussi de circonscrire son action, c’est-à-dire de fixer le cadre territorial des compétences des autorités publiques.

    Le territoire est soumis à l’autorité et au pouvoir exclusifs de contrainte de l’État. On dit que celui-ci y exerce sa souveraineté (no 16).

    7Les différentes parties du territoire et les frontières. Cette portion du globe est délimitée par des lignes appelées frontières et comprend :

    un domaine terrestre ;

    un domaine maritime qui le prolonge ;

    au-dessus de ceux-ci, un espace aérien (ou atmosphérique).

    Le domaine maritime comprend, outre les havres ou ports, la mer territoriale qui s’étend sur 12 milles marins (22,224 km) ¹ à partir de la laisse de basse mer ².

    L’espace aérien surjacent est essentiellement régi par la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 (aviation civile), qui apporte des exceptions au principe de compétence exclusive de l’État sous-jacent (les « libertés de l’air »).

    Les frontières sont, pour la plupart d’entre elles, fixées par traités. Cependant, les limites du territoire ne peuvent, d’après le droit belge, être « changées ou rectifiées » qu’« en vertu » d’une loi d’habilitation (no 486).

    C’est en 1839 que, par le Traité de Londres (19 avril 1839), la plupart des limites du domaine terrestre du Royaume ont été fixées avec les Pays-Bas et le Luxembourg. Les territoires d’Eupen, Malmedy et Moresnet ont été attribués à la Belgique par le Traité de Versailles (28 juin 1919) ³. La frontière franco-belge a, pour l’essentiel, été fixée par le Traité de Courtrai du 28 mars 1820.

    SECTION 2

    LA COMPOSANTE HUMAINE : LES NATIONAUX DE L’ÉTAT

    §  1. NATION ET POPULATION

    L’État est l’habitat d’une collectivité : les nationaux, mais sa population comporte aussi des étrangers.

    8La Nation, un concept polysémique. L’ensemble des individus attachés à l’État par un lien juridique de nationalité forme la « Nation » actuelle ou synchronique, qui comprend l’ensemble des nationaux représentés hic et nunc par les parlementaires, et qui s’exprime par le moyen des élections législatives.

    La « Nation » peut aussi désigner le Souverain entendu comme le titulaire initial, originaire, du pouvoir souverain dans l’État. C’est la Nation abstraite, continue, permanente ou encore « la chaîne formée par les générations de nationaux passées, présentes et futures » (H. DUMONT), au nom de laquelle les fondateurs de l’État ont prétendu s’exprimer ⁴. Elle est parfois appelée « nation diachronique », par opposition à la « nation synchronique ».

    À notre estime, c’est une erreur d’opposer ainsi le « peuple actuel » au « peuple perpétuel » (M. GAUCHET), la Nation des électeurs contemporains (le « peuple ») à la Nation souveraine intemporelle. On perd de vue qu’aux yeux des fondateurs de la philosophie politique moderne, la Nation n’est qu’un être moral ⁵. Or, toute personne morale se voit reconnaître l’unité et la permanence, malgré le nombre et le renouvellement incessant de ses membres. En outre, elle n’agit que par le truchement de personnes physiques ayant qualité pour agir en son nom, en tant qu’organes habilités à exprimer la volonté collective. C’est donc la même Nation au nom de laquelle l’État a été créé jadis et au nom de laquelle s’expriment aujourd’hui des représentants, en Belgique (no 384) comme dans nombre d’autres pays ⁶.

    La Nation peut dès lors désigner à la fois l’ensemble des nationaux vivants et le titulaire initial de la souveraineté, c’est-à-dire la Nation actuelle ou synchronique et la Nation perpétuelle ou diachronique. Selon les Constitutions françaises de 1793 (art. 7) et de l’an III (art. 2), « le Souverain (nation diachronique) est l’universalité des citoyens français (nation synchronique) ».

    Enfin, le terme de nation peut aussi servir à désigner sur le plan sociologique, c’est-à-dire en fait, la collectivité humaine caractérisée par un sentiment d’identité propre fondée sur une communauté de traditions, de culture et d’aspirations, par un vouloir-vivre commun et par la conscience de son unité politique. À cet égard, on distingue une conception ethnique et une conception volontariste de la nation ⁷. Toute nation est une collectivité humaine qui veut exprimer son unité et sa volonté sur le plan politique.

    9La population. La population qu’abrite l’État ne se limite pas aux nationaux. Elle comporte également des étrangers : des individus possédant la nationalité d’autres États, des réfugiés et des apatrides…

    Nul ne peut exiger d’être accueilli et de séjourner sur le territoire d’un État dont il ne possède pas la nationalité : le droit subjectif d’asile n’existe pas. L’État n’a pas l’obligation d’accueillir les étrangers. Il a le droit de réglementer leur entrée et leur séjour sur son territoire ⁸.

    §  2. LA NATIONALITÉ

    A. Le concept et son corollaire

    10Définition. La nationalité, au sens juridique du terme, est le lien de droit public, d’allégeance ou de sujétion, qui unit une personne — physique ou morale — ou une chose — navires, avions… — à un État déterminé.

    La nationalité est un statut juridique que l’État octroie ou impose en vertu de sa souveraineté ⁹. La nationalité ainsi accordée n’est cependant opposable aux autres États, spécialement sur le terrain de la protection diplomatique ¹⁰, qu’à la condition d’avoir été accordée sur la base d’un lien de rattachement effectif.

    Sur le plan international, seuls les États ont le droit d’octroyer une nationalité ; toutefois, dans les États fédéraux, les collectivités fédérées ¹¹ peuvent quelquefois déterminer les conditions auxquelles les personnes physiques ou morales seront considérées comme leurs ressortissants. Ce type de rattachement porte le nom d’indigénat ou, parfois, de « citoyenneté » ¹² ou de sous-nationalité.

    Les nationaux restent attachés à leur État par ce lien, même lorsqu’ils se trouvent à l’étranger.

    11La citoyenneté. La citoyenneté est, dans son sens premier, un corollaire de la nationalité ¹³. Elle désigne l’ensemble des droits politiques, c’est-à-dire l’ensemble des droits de participation des individus à la gestion des affaires publiques de leur pays (no 283).

    Au sens (trop) large, la citoyenneté désigne parfois de façon imprécise l’ensemble des droits fondamentaux garantis et protégés par l’État.

    Dans un sens voisin du précédent, la citoyenneté de l’Union européenne, instituée par l’article 20 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et confirmée par l’article 9 du Traité sur l’Union européenne (TUE) ¹⁴, ajoute à la « citoyenneté nationale » — entendez : la nationalité étatique — divers droits ¹⁵ et devoirs garantis ou imposés aux nationaux des États membres de cette Union ¹⁶. Selon la jurisprudence, ce statut « a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres » de l’Union ¹⁷.

    La citoyenneté de l’Union ne remplace pas la « citoyenneté nationale ». Selon les mêmes articles, elle est reconnue à « toute personne ayant la nationalité d’un État membre » de l’Union. Est donc de plein droit citoyen européen celui auquel un État membre accorde sa nationalité.

    B. Modes de détermination de la nationalité

    Il y a lieu de distinguer la nationalité d’origine et la nationalité adventice.

    12Quant à la nationalité d’origine. La nationalité d’origine est celle qui revient à l’individu au moment même de sa naissance. L’article 24, § 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ¹⁸ dispose à cet égard : « [t]out enfant a le droit d’acquérir — entendez plus généralement : obtenir, se voir reconnaître — une nationalité » ¹⁹.

    On distingue en théorie deux critères d’attribution de la nationalité d’origine : le droit du sol (jus soli) et le droit du sang (jus sanguinis).

    Le jus soli est le système en vertu duquel l’enfant se voit reconnaître automatiquement la nationalité de l’État sur le territoire duquel il est né, sans qu’il soit tenu compte de la nationalité des parents. La preuve est facile à rapporter, mais la solution risque d’être souvent arbitraire : la présence de la mère dans un État déterminé, au jour de la naissance, peut être purement fortuite ; elle n’atteste pas nécessairement un attachement réel de la personne à la nation à laquelle on prétend l’intégrer. Cette conception d’origine féodale est essentiellement un moyen destiné à assurer l’assimilation des immigrants.

    Le jus sanguinis est le système en vertu duquel l’enfant se voit reconnaître la nationalité de son père ou de sa mère au jour de la naissance et sans qu’il soit tenu compte du lieu de celle-ci. Cette conception plus individualiste est notamment répandue en Europe.

    Il peut paraître à la fois simple et rationnel de faire dériver la nationalité des enfants de celle des parents. Mais ce système a des faiblesses : il suppose que la nationalité des parents soit elle-même certaine ; or, dans le cadre du jus sanguinis, il n’en sera ainsi qu’à la condition que la nationalité des grands-parents soit incontestable.

    L’existence de ces deux systèmes d’attribution est une source de conflits de nationalités (double nationalité ou apatridie).

    13Quant à la nationalité adventice. La nationalité adventice est celle qui est obtenue par un individu postérieurement à sa naissance. Elle peut découler soit d’une attribution automatique (en Belgique : cas de l’enfant adopté, ou encore de l’enfant d’une personne acquérant ou recouvrant une nationalité…) soit — plus souvent — d’une démarche d’acquisition volontaire. Dans la première hypothèse, les individus visés sont généralement mineurs d’âge ; dans la seconde, ils ont généralement atteint l’âge de la majorité et doivent manifester objectivement leur attachement à l’État concerné.

    SECTION 3

    LA COMPOSANTE POLITIQUE : LE POUVOIR SOUVERAIN DE L’ÉTAT

    14Plan de la section

    Le pouvoir souverain dont il va être question est celui de l’État. Il ne s’agit plus ici de rechercher la source de ce pouvoir dans l’État : ce serait là le thème du titulaire originaire de la souveraineté, qui a été examiné plus haut à propos de la définition de la Nation. Il s’agit à présent de déterminer les caractères (§ 1) et le contenu (§ 2) de la souveraineté étatique. De ces éléments découle la personnalité morale de l’État (§ 3).

    §  1. LES CARACTÈRES DU POUVOIR DE L’ÉTAT

    Ces caractères sont au nombre de cinq : la nature originaire du pouvoir étatique, son exclusivité et son effectivité territoriales, sa qualité souveraine et son institutionnalisation.

    15Le caractère originaire. L’État ne tient son propre pouvoir que de lui-même : on dit qu’il a la « compétence de la compétence ». Originairement, les prérogatives inhérentes à l’exercice de la puissance publique n’appartiennent qu’à lui. Il peut les conférer à d’autres autorités publiques dans l’État (nos 28 et s.) ou en dehors de lui (nos 45 et s.).

    16L’effectivité et l’exclusivité territoriales. Le pouvoir étatique est exclusif sur son territoire. Sur un territoire donné, ne s’exerce en principe que le pouvoir d’un seul État.

    Il doit aussi être effectif : le pouvoir doit assurer réellement les compétences externes et internes de l’État. L’effectivité n’est rien d’autre que la maîtrise réelle du pouvoir étatique sur les personnes et les objets qu’il prétend régir.

    En outre, il s’exerce quelquefois de façon extraterritoriale :

    sur certaines zones maritimes, par exemple sur la zone économique exclusive ou sur le plateau continental, que le droit international reconnaît à l’État au-delà de sa mer territoriale ;

    sur les nationaux à l’étranger, notamment pour assurer leur protection diplomatique ²⁰.

    17Le caractère souverain. Le concept de souveraineté, apparu à la fin du Moyen Âge pour légitimer l’indépendance du roi de France face aux prétentions hégémoniques de la papauté et du Saint-Empire romain ²¹, sert désormais à justifier la possession par l’État d’un pouvoir suprême, plénier et discrétionnaire.

    Le pouvoir souverain est en effet :

    suprême : c’est le degré ultime de pouvoir, consistant à commander et à n’être commandé par personne (indépendance par rapport à tout autre pouvoir : l’État exerce son pouvoir à l’abri de toute sujétion) ;

    plénier : la compétence de l’État reste indéterminée quant à son objet ²² ;

    en principe, discrétionnaire : la liberté d’action de l’État est entière.

    Dans les relations internationales, l’accent est mis sur l’aspect négatif de la suprématie du pouvoir étatique : l’État est indépendant, c’est-à-dire affranchi de toute subordination vis-à-vis des autres membres de la communauté internationale.

    Quant à la plénitude de compétence et à la liberté d’action de l’État, le droit international — qui règle les rapports entre les États et les autres membres de la communauté internationale — peut leur assigner des limites. Outre les engagements internationaux pris par les États (traités), on considère de plus en plus aujourd’hui que la souveraineté n’est pas illimitée : elle devrait toujours s’exercer dans le respect de certaines exigences démocratiques posées par le droit international général.

    18L’institutionnalisation. Le pouvoir étatique est institutionnalisé, c’est-à-dire qu’il présente une double caractéristique. Tout d’abord, il n’est pas individualisé, ce qui veut dire qu’il ne découle pas des qualités personnelles du chef qui l’exerce. Ensuite, il se caractérise par sa permanence et sa continuité : une dissociation s’opère entre le pouvoir, pérenne, et les individus qui en sont investis à titre précaire.

    L’État est présenté comme le titulaire abstrait et intemporel d’un pouvoir dont les agents sont dépositaires passagers, sujets à révocation ou à renouvellement. Il est donc considéré comme un être juridique immatériel titulaire de droits et d’obligations, c’est-à-dire qu’il est revêtu de la personnalité morale (voir § 3).

    §  2. LE CONTENU DE LA SOUVERAINETÉ

    Non sans quelque approximation, on peut estimer que le pouvoir souverain de l’État permet à celui-ci de commander en forme juridique, de juger et de contraindre quiconque sur son territoire.

    19Le pouvoir de commander, de juger et de contraindre. L’État dispose du pouvoir originaire de commander, de juger et de contraindre. Il détient des prérogatives de puissance publique ²³, qui lui permettent de prendre des mesures obligatoires à l’égard des tiers « en déterminant de manière unilatérale [ses] propres obligations à l’égard des tiers ou en constatant unilatéralement les obligations de [ces] tiers », selon les termes mêmes de la Cour de cassation de Belgique ²⁴.

    Le pouvoir de commander s’exprime de manière générale par l’établissement d’un ordre (ou système) juridique : le droit « interne » qui « ordonne » l’État, ses structures, son activité, ses rapports avec les individus et les groupements en un ensemble cohérent de règles obligatoires formulées en principe sur le mode unilatéral ²⁵.

    Ce pouvoir de commandement s’exprime aussi par le droit d’ordonner des expropriations ou des réquisitions ou par la faculté d’occuper du personnel statutaire. Le pouvoir de contrainte s’exprime par la soumission des personnes en litige à un règlement qui tranche leur différend avec force obligatoire, tout en procurant une interprétation uniforme des règles applicables ²⁶. Il s’exprime encore en levant des impôts ou des troupes, en recourant à la force publique pour exécuter les jugements et les décisions administratives, en pratiquant des saisies et des expulsions, en plaçant des condamnés sous écrou…

    20Les sujétions de puissance publique. Dans l’exercice de sa souveraineté, l’État moderne s’est soumis lui-même à des sujétions plus importantes que celles qui sont imposées aux particuliers et aux personnes morales de droit privé. Les règles de droit qui s’imposent à lui conditionnent la légalité de ses actes et de ses comportements de manière beaucoup plus stricte que celles que les individus doivent respecter ²⁷. Par exemple, il ne peut utiliser ses prérogatives que dans un but d’intérêt général et il ne peut y renoncer ; le libre choix de ses contractants devient l’exception.

    21La souveraineté existe-t-elle en soi ? La souveraineté n’est pas une réalité en soi. C’est une construction de l’esprit : l’idée qu’elle exprime n’existe que dans la pensée des hommes. Toutefois elle a été et reste encore le moyen le plus commode de justifier l’indépendance mutuelle des États et la contrainte exercée par les autorités publiques sur les individus qui circulent sur le territoire de ces États. En outre, si un État reconnaît que le titulaire originaire de la souveraineté en son sein est la Nation ou le peuple (nos 8 et 236 à 239), cette valeur démocratique y légitime son pouvoir. C’est pourquoi le concept subsiste, intangible, dans l’axiomatique juridique.

    §  3. LA PERSONNALITÉ MORALE DE L’ÉTAT

    22Les caractéristiques de la personnalité morale. Une personne morale est un groupement ayant la personnalité juridique ²⁸ et étant par conséquent sujet de droits, c’est-à-dire titulaire de droits et d’obligations. Elle se voit reconnaître l’unité et la permanence. Elle se manifeste par le truchement de personnes physiques ayant qualité pour agir en son nom, en tant qu’organes.

    Certaines personnes morales disposent de prérogatives de puissance publique qui leur sont conférées par l’État (nos 28 et 36) : ce sont des personnes morales de droit public. Les organes de celles-ci sont des institutions publiques, appelées « autorités publiques » ou parfois « gouvernants ».

    23Le substrat de la personne morale « État ». Pour les uns, c’est le pouvoir qui est personnifié : le pouvoir institutionnalisé. Pour les autres, c’est le groupement humain qui est personnifié : le « peuple de l’État », c’est-à-dire les nationaux. En ce cas, on peut qualifier véritablement l’État de « collectivité publique ».

    En fait, une nation sociologique ²⁹ trouve, ou souhaite généralement trouver, l’expression politique de son identité dans un État. C’est l’État-nation.

    En droit, la doctrine française classique présente l’État comme l’être qui personnifie la Nation permanente. Selon cette théorie, il y a confusion entre la souveraineté de l’État et celle de la Nation. En effet, « la puissance suprême de volonté étatique ³⁰ est dans la Nation ³¹ agissant par l’intermédiaire de ses organes », pour citer R. Carré de Malberg ³². Ce qui revient à dire : le pouvoir de l’État appartient à la Nation qui l’exerce par l’intermédiaire de ses représentants, lesquels sont les organes de la Nation et de l’État.

    24Les organes de la personne « État » en droit public interne. L’État, sujet titulaire de droits et d’obligations selon le droit étatique, est une personne morale de droit public interne. En Belgique, il s’agit de la collectivité fédérale ³³, distincte de toutes les collectivités publiques infraétatiques qu’elle intègre ³⁴. Les autorités publiques qui lui servent d’organes sont essentiellement le Roi, le gouvernement fédéral (ministres, secrétaires d’État), les Chambres fédérales, la Cour constitutionnelle, le Conseil d’État, les cours et tribunaux judiciaires ainsi que les juridictions administratives fédérales.

    25Les organes de l’État sur le plan international. Tout État, titulaire de droits et d’obligations en droit international, est à ce titre un sujet de droit international.

    Dans les relations internationales, les organes qui représentent un État sont le plus souvent son chef d’État et son gouvernement. Néanmoins le comportement de tout organe étatique et, plus généralement, de toute autorité publique infraétatique, « quelle que soit la position qu’[elle] occupe dans l’organisation de l’État, et quelle que soit sa nature en tant qu’organe du gouvernement central ou d’une collectivité territoriale de l’État, est considéré comme un fait de l’État d’après le droit international » ³⁵. Au sens du droit international, l’État désigne donc la collectivité globale intégrant toutes les collectivités publiques infraétatiques et leurs organes.

    26La terminologie de la Constitution belge. La notion d’« autorité(s) publique(s) » figure dans la Constitution belge aux articles 28 et 30, relatifs au droit de pétition et à la liberté de l’emploi des langues. Le concept d’« autorités » — sans qualificatif — est utilisé aux articles 135, 142 et 162 : il vise, selon les cas, des autorités publiques fédérales, communautaires ou régionales. L’article 164, pour sa part, évoque les attributions des autorités (publiques) communales.

    Quant aux substantifs « Belgique » ou « État », ils apparaissent plusieurs fois dans le texte constitutionnel. Ils revêtent des sens différents qu’il est utile d’identifier selon les occurrences :

    Articles 1er, 2, 3 et 194 (« Belgique ») : la collectivité étatique globale, la société globale ;

    Articles 4 (« Belgique ») et 7 (« État ») : le territoire étatique ;

    Articles 87 et 167, § 1er, al. 2 (« État ») : la collectivité étatique globale, sujet du droit international ;

    Article 10 : la collectivité étatique globale ou l’ensemble des nationaux ;

    Article 21 : les autorités publiques, spécialement les autorités fédérales ;

    Articles 170, 173 et 181 : l’État sujet du droit interne, appelé aussi « collectivité fédérale ».

    1. Cette largeur maximale, autorisée par l’article 3 de la Convention des Nations Unies du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer (Mon. b. 16 septembre 1999), a été adoptée par la Belgique (L. 6 octobre 1987).

    2. La laisse de basse mer « est indiquée sur les cartes marines à grande échelle reconnues officiellement par l’État côtier » (Conv. sur le droit de la mer, art. 5). Cette ligne correspond au niveau le plus bas atteint par la marée à la basse mer (lors d’une marée de vives eaux).

    3. Un traité germano-belge du 24 septembre 1956 a rectifié le tracé de la frontière entre la Belgique et l’Allemagne.

    4. En droit belge, « tous les pouvoirs émanent de la Nation » (Const., art. 33). Voir infra, no 240.

    5. Dans la première version du Contrat social, connue sous le nom de Manuscrit de Genève, Jean-Jacques ROUSSEAU écrit que « le souverain n’est par sa nature qu’une personne morale, qu’il n’a qu’une existence abstraite et collective, et que l’idée que l’on attache à ce mot ne peut être unie à celle d’un simple individu » (Du contract social ou Essai sur la forme de la république, liv. I, chap. IV, p. 294-295 dans les Œuvres complètes, t. III, Paris, Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, 1964).

    6. Sur la notion de personnalité morale et la théorie des êtres moraux chez Hobbes, Pufendorf et Rousseau, voir les très érudites observations de R. DERATHE, Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps, Paris, J. Vrin, 1950, rééd. 1970, p. 397-410.

    7. La conception ethnique, dite « allemande » (HERDER, FICHTE), de la nation met l’accent sur des caractéristiques objectives comme la race, la langue, la religion, la culture. La conception volontariste, dite « française » (RENAN), de la nation met l’accent sur l’aspect subjectif : le sentiment d’appartenance à une communauté distincte fondée sur un passé commun, le désir de continuer à vivre ensemble et la volonté de préserver et de faire valoir cet héritage.

    8. « D’après un principe de droit international bien établi les États ont le droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, de contrôler l’accès des non-nationaux sur leur sol » (CEDH [gde ch.], 18 octobre 2006, Üner c. Pays-Bas, § 54 ; dans le même sens : 21 octobre 1997, Boujlifa c. France, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI, § 42 (« droit de contrôler […] l’entrée et le séjour des non-nationaux » ; 31 octobre 2008, Darren Omoregie and others v. Norway, § 54). — Sur le statut des étrangers en Belgique, voir infra, nos 259 à 270.

    9. Sur les conditions d’acquisition et d’attribution de la nationalité belge, voir infra, nos 246 à 258.

    10. En vertu de ce mécanisme de droit international, un État fait siens les griefs de l’un de ses ressortissants victime d’un fait internationalement illicite commis par un autre État ; il réclame réparation du préjudice à cet autre État.

    11. Sur les notions d’État fédéral et de collectivités fédérées, voir infra, nos 38 et s.

    12. Voir R. BARAKOVA, « Citoyenneté et nationalité : concordance ou discordance ? », dans Nationalité et citoyenneté. Perspectives de droit comparé, droit européen et droit international (M.-P. Lanfranchi, O. Lecocq & D. Nazet-Allouche, dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 163-175.

    13. Voir M.-P. LANFRANCHI, « Les notions de nationalité et citoyenneté interrogées par le droit international public », dans Nationalité et citoyenneté (précité), p. 39-63. Sur la citoyenneté, voir aussi les études réunies par A.-M. LE POURHIET dans les Cahiers du Conseil constitutionnel, no 23, 2007, p. 62-103.

    14. Dans la rédaction qui résulte du Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007.

    15. Droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu’aux élections municipales dans l’État membre où le citoyen de l’Union réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, etc. (voir nos 281 et 299).

    16. Sur ces traités, voir infra, no 58.

    17. C. Const., nos 49/2011 et 50/2011 du 6 avril 2011, respectivement B.14.1 et B. 69.1 citant CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, C-184/99, point 31 ; 17 septembre 2002, Baumbast et R, C-413/99, point 82 ; CJUE, 2 mars 2010, Rottmann, C-135/08, point 43. Adde CJCE, 2 octobre 2003, Garcia Avello, C-148/02, point 22 ; 19 octobre 2004 (ass. plén.), Zhu & Chen, C-200/02, point 25 ; 8 mars 2011 (gde ch.), Zambrano, C-34/09, point 41 ; 5 mai 2011, McCarthy, C-434/09, point 47.

    18. Sur ce Pacte, voir infra, no 281.

    19. Voir aussi l’article 7 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, ouverte à la signature le 20 novembre 1989.

    20. Voir supra, no 10 en note.

    21. Voir par ex. A. TRUYOL SERRA, « Souveraineté », dans Vocabulaire fondamental du droit, Archives de philosophie du droit, t. 35, 1990, p. 313-325.

    22. L’État assume la pleine responsabilité du destin de la communauté nationale établie sur son territoire.

    23. Voir par ex. sur la question : J. DEMBOUR, Droit administratif, Faculté de droit de l’Université de Liège, 3e éd., 1978, nos 4 et 40, p. 14 et 87 ; A. MAST, A. ALEN et J. DUJARDIN, Précis de droit administratif belge, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1989, nos 54 à 56, p. 59 et s. ; A. BUTTGENBACH, Manuel de droit administratif, 3e éd., 1re partie, Bruxelles, Larcier, 1966, no 49, p. 52 ; M.-A. FLAMME, Droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1979, t. Ier, nos 6 et s., p. 7 et s.

    24. Cass. (ch. réunies), 6 septembre 2002, Meulenijzer c. Instituut Zusters van de Onbevlekte Ontvangenis, Pas., 2002, no 422, p. 1548, concl. G. Bresseleers ; J.T., 2002, p. 696 ; R.R.D., 2002, p. 540, note X. Delgrange ; N.j.W., 2002, p. 130 ; R.W., 2002-2003, p. 817, concl. G. Bresseleers ; T.O.R.B., 2002-2003, p. 90 ; C.D.P.K., 2003, p. 93, noot B. Verbeeck ; R.A.B.G., 2003, p. 52, concl. G. Bresseleers ; T.B.P., 2003, p. 58, noot J. De Staercke. — Cass. (ch. réunies), 6 septembre 2002, L. c. KUL, R.W., 2002-2003, p. 819, concl. G. Bresseleers. — Cass. (ch. réunies), 30 mai 2011, Vlaams Doping Tribunaal & Communauté flamande c. Malisse, Pas., 2011, no 363, p. 1519, concl. G. Dubrulle ; A.P., 2011, p. 333, concl. G. Dubrulle ; J.T., 2012, p. 71, concl. G. Dubrulle, note Th. Bombois.

    25. Quant à l’ordre juridique belge, voir nos 145 et s.

    26. Les législateurs, les gouvernements, les administrations, les tribunaux et même les particuliers donnent nécessairement une interprétation des règles de droit qu’ils appliquent ou qu’ils prétendent respecter. Il reste que seuls les tribunaux imposent leur interprétation des règles qu’ils appliquent pour mettre fin aux litiges qui leur sont soumis.

    27. Sur la notion d’État de droit, voir infra, no 271.

    28. Tout être humain est par ailleurs une personne juridique.

    29. Sur la définition factuelle ou sociologique de la nation, voir supra, no 8.

    30. C’est-à-dire le pouvoir souverain, la souveraineté.

    31. Entendue comme le titulaire permanent de la souveraineté dans l’État (no 8).

    32. Contribution à la théorie générale de l’État, t. Ier, p. 193.

    33. Sur cette terminologie, voir infra, nos 332, 352 et 431.

    34. Ces collectivités sont aussi des personnes morales de droit public interne (voir infra, nos 27 et s.). Leurs organes, appelés à agir en leur nom et pour leur compte, sont également des « autorités publiques ».

    35. Article 4, § 1er, du projet d’articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, annexé à la résolution A/RES 56/83 adoptée le 12 décembre 2001 par l’Assemblée générale des Nations Unies.

    Chapitre II

    Les collectivités publiques au sein de l’État

    27Plan du chapitre

    L’État, collectivité territoriale souveraine, ne monopolise jamais entièrement l’exercice du pouvoir de commander, de juger et de contraindre qu’il possède initialement. Ce pouvoir, il le confère à de multiples autorités publiques disséminées sur son territoire afin que celles-ci puissent gérer de manière autonome les intérêts de certains groupements d’individus qu’il englobe et dont il délimite les contours. Les ensembles humains ainsi identifiés sont le plus souvent territoriaux. L’État les dote de la personnalité morale de droit public et leur permet de se gouverner par le truchement de ces autorités. Ce sont des collectivités publiques infraétatiques (section 1).

    Au sein de l’État, les collectivités publiques jouissent d’une compétence de libre initiative et d’un pouvoir normatif d’ampleur et de nature variables. Tantôt il s’agira d’un régime combinant autonomie locale et subordination au législateur ; tantôt l’État leur reconnaîtra un pouvoir législatif semblable à celui qu’il possède lui-même (section 2).

    SECTION 1

    LA NOTION DE COLLECTIVITÉ PUBLIQUE

    28Définition. Une collectivité publique a pour substrat un groupement humain.

    C’est une personne morale disposant, en vertu du droit objectif, de la capacité de se gouverner elle-même par le truchement d’organes ayant qualité pour agir en son nom, ainsi que d’un patrimoine et de ressources propres ; ayant une activité et une capacité limitées par le principe de spécialité, qui lui interdit de faire des actes ne se rapportant pas à l’objet particulier qui est le sien.

    Elle est régie par le droit public, ce qui se marque par les caractéristiques suivantes :

    a)pas de liberté d’affiliation des particuliers (appartenance obligatoire à la collectivité publique) ;

    b)possession de prérogatives de puissance publique :

    pouvoir de prendre des mesures obligatoires et exécutoires à l’égard des tiers (no19),

    pouvoir confié à des autorités publiques (qui sont les organes de la personne morale de droit public),

    pouvoir attribué dans un domaine particulier de compétence (ces matières forment l’« objet » de la personne morale de droit public) ;

    c)soumission de la collectivité publique — comme toutes les personnes de droit public — à des sujétions plus importantes que celles qui sont imposées aux particuliers et aux personnes morales de droit privé :

    la collectivité publique doit ne servir que l’intérêt général,

    les règles de droit qui s’imposent à elle conditionnent la légalité de ses actes et de ses comportements de manière beaucoup plus stricte que celles que les personnes morales de droit privé doivent respecter.

    La première des collectivités publiques est l’État lui-même ¹.

    Les collectivités publiques sont parfois dénommées collectivités territoriales ou, en Belgique francophone, collectivités « politiques » ².

    29Caractère généralement territorial. La plupart des collectivités publiques infraétatiques sont territoriales, c’est-à-dire qu’elles sont localisées sur une portion du territoire de l’État. La base géographique sur laquelle elles reposent permet non seulement de déterminer leur composition humaine, mais aussi de circonscrire l’action de leurs autorités. Les collectivités territoriales sont donc des personnes de droit public dont le substrat est un groupement humain et dont la compétence, délimitée par un territoire, s’étend à tous ceux qui y circulent.

    SECTION 2

    LES RELATIONS DE L’ÉTAT AVEC SES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES

    30Plan de la section

    En examinant les relations juridiques établies entre les diverses catégories de collectivités publiques infraétatiques et l’État lui-même, on distingue classiquement deux formes d’organisation : la décentralisation territoriale et le fédéralisme. Toutefois, d’autres types d’États à structure complexe existent à côté des États fédéraux proprement dits. Il est dès lors préférable d’adopter pour critère distinctif la nature, législative ou non, de l’autonomie allouée à certaines catégories de collectivités publiques existant dans l’État. Soit ce dernier se borne à accorder à toutes ses collectivités une autonomie locale s’inscrivant dans un système de décentralisation territoriale (§ 1), soit il dote une catégorie particulière d’entre elles de fonctions proprement étatiques, leur conférant ainsi une autonomie dont l’illustration la plus complète et la plus harmonieuse est celle que possèdent les collectivités « membres » d’un État fédéral (§ 2).

    §  1. L’ÉTAT ET SES COLLECTIVITÉS LOCALES : LA DÉCENTRALISATION TERRITORIALE

    31Des collectivités infraétatiques décentralisées. Tout État, qu’il soit unitaire ou que sa structure soit plus complexe, admet en son sein l’existence de collectivités publiques territoriales décentralisées : communes, départements, provinces, etc., souvent appelées collectivités locales ou pouvoirs locaux.

    Celles-ci gèrent des affaires locales (no 33) dans le respect de la subsidiarité (no 34). L’autonomie qui leur est ainsi reconnue s’exerce selon les modalités déterminées par un législateur (no 32), dans le respect de la légalité et sous le contrôle de la collectivité supérieure (no 35). Les relations juridiques entre les collectivités décentralisées et la collectivité supérieure se définissent donc comme un régime d’autonomie, mais aussi de subordination. C’est la raison pour laquelle on recourt souvent, en Belgique, à l’appellation de « pouvoirs subordonnés » pour désigner les collectivités locales.

    La décentralisation territoriale dont ces collectivités infraétatiques bénéficient doit être soigneusement distinguée du procédé de décentralisation fonctionnelle (no 36).

    32Une législation statutaire. Une collectivité publique supérieure (dans un État unitaire : l’État lui-même ; dans un État fédéral comme la Belgique : essentiellement chaque collectivité fédérée ³) fixe par voie législative le statut juridique de ces collectivités décentralisées, c’est-à-dire leurs règles générales de compétence, d’organisation, de fonctionnement et de contrôle. Les collectivités décentralisées ne jouissent donc pas du droit de fixer elles-mêmes la forme et le mode de fonctionnement de leurs institutions. Pareille « autonomie organisationnelle » n’appartient qu’à des collectivités constitutives d’un État fédéral ⁴.

    33L’autonomie locale. La Charte européenne de l’autonomie locale est un traité international ouvert à la signature des États membres du Conseil de l’Europe à Strasbourg le 15 octobre 1985 ⁵. Son article 3 dispose :

    « [p]ar autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques » (art. 3, § 1er).

    L’autonomie matérielle confère aux collectivités locales le pouvoir de gérer des affaires locales, non autrement définies. En Belgique, ces affaires portent le nom d’« intérêt communal ou provincial ». D’une part, les collectivités locales peuvent se saisir, dans leur ressort territorial, de tout objet qu’elles jugent relever de leur intérêt ; d’autre part, ce droit d’initiative est appelé à s’exercer sans aucune habilitation préalable, tant du point de vue des matières à régler que des modes d’action à mettre en œuvre.

    Cette autonomie matérielle n’est pas illimitée : une collectivité publique supérieure peut préciser, conditionner, limiter ou supprimer une attribution relevant de la compétence des collectivités locales, sans pouvoir cependant porter atteinte à l’essence de l’autonomie locale.

    En ce sens, les paragraphes 2 et 4 de l’article 4 de la Charte disposent que

    « [l]es collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité ».

    « Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi ».

    L’autonomie locale comporte également un volet organique. L’autonomie organique des collectivités locales découle de la libre élection de leurs organes ou, à tout le moins, de leur assemblée délibérante.

    34Le principe de subsidiarité. L’article 4, § 3, de la Charte européenne de l’autonomie locale énonce un principe de subsidiarité :

    « [l’]exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches du citoyen. L’attribution d’une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l’ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d’efficacité et d’économie ».

    La subsidiarité apparaît alors à la fois comme un principe de préférence accordée aux autorités plus proches du citoyen et comme la justification de l’intervention du niveau supérieur quand le niveau inférieur n’est pas en mesure de remplir les mêmes fonctions ou ne le peut que de manière moins satisfaisante. La disposition citée privilégie le premier aspect mentionné.

    De manière plus générale, la subsidiarité conduit à privilégier une répartition des tâches qui soit pensée davantage en termes de complémentarité qu’en termes d’exclusivité.

    35Le respect de la légalité et la tutelle « administrative ». En outre, la collectivité supérieure soumet les collectivités locales au respect de la légalité, ce qui revient à dire que ces collectivités ne disposent pas d’un pouvoir législatif et ne peuvent prendre que des décisions de nature infra-législative, dites le plus souvent « administratives ».

    Il existe un contrôle administratif, traditionnellement qualifié de tutelle administrative, organisé par voie législative sur les collectivités décentralisées. L’autorité qui en est investie n’est pas un tribunal qui devrait être saisi par un plaignant : c’est une autorité administrative supérieure qui exerce d’office son contrôle dans les cas et de la manière prévus par la loi ou par une norme ayant force de loi.

    Ce contrôle serait plus exactement dénommé « tutelle de droit public » car il n’a rien de commun avec la tutelle de droit civil : il n’a pas pour objet de protéger des incapables. Tout en préservant largement la liberté d’initiative des collectivités sur lesquelles il s’exerce, il sanctionne le devoir qui incombe à ces collectivités de respecter le droit créé par l’ensemble des personnes publiques supérieures et, pour autant que ce droit le prescrive, l’intérêt général dont ces dernières sont les gardiennes. L’examen de conformité à l’intérêt général, dit « tutelle d’opportunité », permet au contrôleur de faire prévaloir ses vues et l’idée qu’il se fait de la manière dont les autorités contrôlées doivent exercer leurs compétences.

    En principe, le contrôle de tutelle ne permet pas à l’autorité de tutelle de statuer à la place de l’autorité sous tutelle : il se manifeste tantôt par des avis préalables, des autorisations ou des approbations (tutelle préventive), tantôt par des suspensions ou des annulations (tutelle répressive) de décisions prises par l’autorité sous tutelle. Ces procédés de tutelle sont déterminés par la loi ou par une norme ayant force de loi.

    L’annulation de tutelle a le même effet erga omnes et rétroactif qu’une annulation qui serait prononcée par une juridiction (nos 187 et 197). Elle en diffère cependant à un double point de vue :

    elle joue d’office et non seulement sur requête ;

    si la loi (ou la norme ayant valeur de loi) le prévoit, le motif de l’annulation peut consister non en une violation de la légalité, mais en une incompatibilité de la décision contrôlée avec l’intérêt général.

    On notera que les décisions de l’autorité administrative de tutelle doivent être elles-mêmes légales et sont soumises aux mêmes contrôles juridictionnels de légalité que les décisions de l’autorité sous tutelle ⁶.

    36Décentralisation territoriale et décentralisation fonctionnelle. Les collectivités locales décentralisées ne sont pas les seules personnes morales de droit public infraétatiques, puisqu’il existe aussi des collectivités publiques dotées d’une autonomie beaucoup plus large, telles les collectivités fédérées (nos 38 et s.). Toutefois l’espèce « collectivités publiques » n’épuise pas la variété des personnes publiques. Celles-ci sont généralement classées en deux catégories, par référence à l’« objet » personnifié, à la « matière première » que l’on trouve à l’origine de la création de la personne morale : le groupement humain et le territoire que celui-ci habite, dans un cas ; des intérêts, un patrimoine spécial ou des institutions publiques, dans l’autre. Dans le premier cas, c’est un ensemble d’hommes et de femmes qui est érigé en titulaire de droits et de pouvoirs pour constituer une collectivité publique. Dans le second cas, c’est un patrimoine, une tâche ou une institution publique chargée de gérer certains intérêts qui est personnalisé et bénéficie à tout le moins d’une autonomie organique et financière : on parle alors d’organismes publics personnalisés.

    Cette seconde catégorie de personnes publiques est constituée d’institutions détachées ou, du moins, distinctes de l’administration de l’État ou d’une collectivité constitutive de celui-ci. De tels organismes sont dotés de la personnalité morale, possèdent des organes et jouissent d’une autonomie plus ou moins strictement mesurée. Ils reçoivent des compétences spécifiques et sont soumis à un contrôle de tutelle présentant les mêmes traits que celui qui s’exerce sur les collectivités décentralisées. Le procédé auquel on recourt pour les configurer s’appelle donc la décentralisation fonctionnelle ou par services.

    §  2. L’ÉTAT À STRUCTURE COMPLEXE ET SES COLLECTIVITÉS CONSTITUTIVES

    37Définition et classification. Lorsque certaines collectivités publiques forment une catégorie particulière de personnes morales habilitées par le pouvoir central à se donner une législation spécifique et à la modifier à l’avenir, l’État est dit « à structure complexe » ou « État composé ».

    On distingue parfois les systèmes des États composés selon que le respect du partage des compétences matérielles entre la collectivité générale et les diverses collectivités particulières est, ou non, garanti par la Constitution ou par le droit international.

    Lorsque la Constitution de l’État consacre cette répartition (par exemple, dans les États fédéraux), ou lorsqu’un traité international garantit une autonomie législative à une ou plusieurs collectivités particulières (par exemple, au profit des Îles d’Åland en Finlande), il existe normalement un parfait « équilibre » entre l’ordre juridique général et les ordres juridiques de base, entre le législateur central et les législateurs « locaux » : en principe, le législateur central ne peut porter atteinte au caractère complexe de l’ordre juridique de l’État. Répondent le plus souvent à ce critère les États fédéraux (A) ou encore ceux qui pratiquent le régionalisme politique. Ces derniers voient en effet leur autonomie garantie par la Constitution nationale, à la différence des États qui font dépendre l’autonomie régionale de la seule volonté du législateur national (B).

    A. Le fédéralisme sensu stricto

    38Des collectivités infraétatiques investies de pouvoirs étatiques. L’État fédéral est un État composé non seulement de collectivités locales décentralisées, mais aussi de collectivités publiques dotées de la plupart des fonctions étatiques : constituante, législative, gouvernementale, juridictionnelle.

    Ces collectivités — on lit souvent « entités », ou parfois « unités » constitutives (ou composantes) — sont fédérées. En doctrine, elles sont généralement appelées « États » (États fédérés, États membres, deelstaten), bien qu’elles ne le soient pas puisqu’elles ne sont souveraines ni au sens du droit interne, ni au sens du droit international. Ces collectivités publiques infraétatiques sont des personnes de droit public interne. Seul l’État fédéral lui-même, c’est-à-dire la collectivité globale, est souverain et considéré à ce titre comme un véritable État, c’est-à-dire comme un État au sens du droit international (no 25).

    La Belgique est un État fédéral qui comprend deux catégories de collectivités fédérées : des Communautés et des Régions disposant d’un pouvoir normatif qu’elles exercent sous la forme de « décrets ayant force de loi » ou d’« ordonnances » (nos 350 et s.).

    Un État fédéral peut résulter de l’association ou de l’agrégation d’États antérieurement indépendants (ex. : États-Unis d’Amérique, Allemagne, Suisse — processus de fédération), ou provenir d’un phénomène de dissociation ou de restructuration d’un État anciennement unitaire (ex. : Autriche, Belgique, Brésil, Mexique — processus de fédéralisation). Alors que la fédération se réalise par la conclusion d’un traité fondateur appelé à devenir la Constitution du nouvel État, la fédéralisation d’un État préexistant se réalise par la révision de sa Constitution.

    39La répartition des compétences matérielles. Tout État fédéral répartit ses compétences entre les autorités centrales et les autorités des collectivités fédérées. La Constitution fédérale établit les règles de cette répartition en recourant à une ou plusieurs techniques : l’énumération de compétences exclusives combinée à la compétence résiduelle, les compétences concurrentes, les compétences parallèles et les compétences partagées. On entend par :

    compétences (exclusives) d’attribution : les compétences matérielles énumérées par ou en vertu de la Constitution et expressément attribuées soit aux autorités fédérales, soit aux autorités fédérées ;

    compétences (exclusives) parallèles : les compétences identiques attribuées d’une part aux autorités fédérales, d’autre part aux autorités fédérées ;

    compétences partagées : les matières dans lesquelles les autorités fédérales peuvent exercer leur compétence sous forme de lois-cadres, les autorités fédérées restant maîtres de fixer les détails par voie législative ;

    compétences concurrentes : les matières dans

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1