Les Forçats de la route: Tour de France, Tour de Souffrance
Par Albert Londres
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À propos de ce livre électronique
Albert Londres
Albert Londres. Journaliste français et grand voyageur (1884-1932) il parcourut la Russie, le Japon, l'Inde et le Proche-Orient. ... Albert Londres, né le 1er novembre 1884 à Vichy et mort le 16 mai 1932 dans l'océan Indien, est un journaliste et écrivain français.
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Aperçu du livre
Les Forçats de la route - Albert Londres
Les Forçats de la route
Tour de France, Tour de Souffrance
Albert Londres
FV Éditions
Table des matières
Le Havre, 22 juin 1924
Les frères Pélissier et Ville abandonnent. Beeckman gagne la troisième étape.
Dans la poussière, de Brest aux Sables-d’Olonne
Ils ont dormi entre Les Sables et Bayonne…
Les coureurs du Tour à l’assaut des Pyrénées. Bottecchia vainqueur
La septième étape du Tour de France
Un accident à la huitième étape du Tour de France. Mothat gagne l’étape. Bottecchia toujours en tête du classement général
Dans les coulisses du Tour
Sur le Tour de France. Dix millions de Français sont en folie
Ceux de la onzième…Le Luxembourgeois Frantz gagne Briançon-Gex
De Metz à Dunkerque, sous la pluie, contre le vent. Bellenger, vainqueur de l’étape
Partis plus de cent cinquante, ils reviennent soixante !…
Le Havre, 22 juin 1924
Hier, ils dînaient encore à onze heures et demie du soir, dans un restaurant de la porte Maillot ; on aurait juré une fête vénitienne car ces hommes, avec leurs maillots bariolés, ressemblaient de loin à des lampions.
Puis ils burent un dernier coup. Cela fait, ils se levèrent et voulurent sortir, mais la foule les porta en triomphe. Il s’agit des coureurs cyclistes partant pour le Tour de France.
Pour mon compte, je pris, à une heure du matin, le chemin d’Argenteuil. Des « messieurs » et des « dames » pédalaient dans la nuit : je n’aurais jamais supposé qu’il y eût tant de bicyclettes dans le département de la Seine.
Comme le tram « 63 » voulait faire son métier de tram, c’est-à-dire conduire sa clientèle à Bezons-Grand-Cerf, les « messieurs » et les « dames » l’arrêtèrent, en lui criant :
– Place ! Ils arrivent !
Les coureurs arrivaient en effet : ils se rendaient à Argenteuil pour prendre le départ.
Bientôt, la banlieue s’anima : les fenêtres étaient agrémentées de spectateurs en toilette de nuit, les carrefours grouillaient d’impatients, de vieilles dames, qui d’ordinaire doivent se coucher avec le soleil, attendaient devant leur porte, assises sur des chaises, et si je ne vis pas d’enfants à la mamelle, c’est certainement que la nuit me les cachait.
– Regarde ces cuisses ! criait la foule, ça c’est des cuisses !
Les coureurs arrivèrent dans un sous-bois ; là, on attendit une heure.
– Est-ce qu’on part ? demanda l’un, très en colère.
Mais un autre :
– À quoi bon s’énerver ?
Un commissaire fit l’appel des cent cinquante-sept noms. Les Français répondaient : « Présent », les Italiens : « Présente ».
Et ce que les Flamands disaient, je ne l’ai pas compris.
Alors, le commissaire lâcha :
– Allez !
De la foule, une petite voix de femme cria :
– Bonne chance, Tiberghien !
Et cent cinquante-sept hommes prirent la route.
Un quart d’heure plus tard, j’aperçus le numéro 223 qui changeait un pneu sur un trottoir. C’était le premier guignard. J’arrêtai ma Renault.
– Eh bien ! lui dis-je, vous n’êtes pas verni ?
Il me répondit :
– Il faut bien qu’il y en ait un qui commence.
Mais soudain montèrent des cris de : « Fumier ! Nouveau riche ! » et « Triple bande d’andouilles ! »
Je fus obligé de constater que, quoique étant seul, la triple bande d’andouilles n’était autre que moi. Alors je vis que j’avais interrompu la marche de tout un peuple passionné qui suivait les coureurs d’un pas olympique.
Il faisait encore nuit, nous roulions depuis une heure et, cette fois, tout le long d’un bois que nous traversions, de grands feux de sauvages s’élevaient. On aurait cru des tribus venant d’apprendre la présence d’un tigre dans le