Au passage du Gois

Depuis qu’elle vivait sur une île, Virginia était sensible aux musiques que lui prodiguait la nature. Dès son réveil, elle parcourait lentement la grève qui s’étendait derrière sa maison de pêcheur à la façade blanche trouée de volets bleus. Elle était en symbiose avec l’univers qui l’entourait. Elle épiait les cris un peu rageurs mais surtout quémandeurs des mouettes qui survolaient l’île de Noirmoutier du nord au sud et d’est en ouest. La musicienne, lauréate de plusieurs prix internationaux, s’était retirée sur cette bande de terre il y avait bientôt dix ans.

C’est à bord du bateau touristique qui faisait, pendant l’été, deux allers et retours entre le continent et Noirmoutier qu’elle avait arpenté cette île insolite qui l’avait séduite quand elle était adolescente. Elle empruntait la liaison maritime de neuf heures à Fromentine. Une heure plus tard, elle posait le pied au lieu-dit « La Fosse », à Noirmoutier. Elle disposait de la journée entière pour découvrir les secrets de l’île à bord du bus qui desservait les principales communes de Noirmoutier-en-l’Île, de L’Épine, de La Guérinière et de Barbâtre. Le soir, elle embarquait sur le bateau à dix-neuf heures quinze à destination du continent. Virginia avait effectué cette traversée des dizaines de fois. Elle connaissait l’île comme sa poche.

Son coup de foudre pour Noirmoutier remontait à l’enfance. Elle avait d’abord observé l’île de loin, quand elle se promenait dans le marais sur le continent. La maison de ses grands-parents, où elle venait régulièrement passer ses vacances, se situait sur une étendue de canaux, de champs et de polders à perte de vue. Immergée dans le paysage sauvage de la côte vendéenne, elle avait puisé son inspiration d’artiste précoce dans l’observation de la mer qui s’étendait à l’infini. Au-delà des prairies, elle s’était sentie suspendue comme un matelot sur son nid de pie, pointant le regard sur les reflets jaunes et verts de cette terre