La Forêt de Brocéliande: Quatre histoires arthuriennes de fées, de druides, et de magie, inspirées des romans des chevaliers de la Table Ronde
Par Félix Bellamy
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À propos de ce livre électronique
Ainsi dans Brun de la Montagne, on apprend comment les fées distribuent les dons aux enfants exposés à la fontaine des Merveilles. Le Roman de Merlin nous narre quant à lui la façon dont Viviane parvint à enserrer l'enchanteur dans la prison d'air de leurs amours. Le Roman de Ponthus raconte comment le bon chevalier Ponthus conquit la belle Sidoine près de la Fontaine et du Perron de Bellanton. Li Romans de Claris et Laris, le dernier en date des romans arthuriens, nous fait connaître, au delà des noms des célèbres fées Morgane et Viviane, le nom de fées moins connues : Brimeholz et Salatrie la Sage...
Félix Bellamy nous offre ici un succulent florilège d'oeuvres rares contribuant à l'édification de la légende arthurienne et de la célèbre Forêt de Brocéliande. Un ouvrage incontournable du druidisme et de la culture celtique.
Félix Bellamy
Félix Bellamy (né à Rennes le 17 juin 1828, mort le 2 janvier 1907) est un chimiste français. Après de nombreuses publications scientifiques, ses travaux à la fin du xixe siècle portent essentiellement sur la légende arthurienne, la forêt de Brocéliande et sa localisation dans la forêt de Paimpont en Bretagne. Par son action, il a véritablement sanctuarisé la forêt de Paimpont et localisé le tombeau de Merlin. Il est notamment l'auteur de : - La fontaine de Barenton, Revue de Bretagne et de Vendée; - La forêt de Bréchéliant : la fontaine de Bérenton, quelques lieux d'alentour, les principaux personnages qui s'y rapportent : tome premier / Félix Bellamy, Rennes, J. Plihon et L. Hervé, 1896; - La Forêt de Bréchéliant, la fontaine de Bérenton, quelques lieux d'alentour, les principaux personnages qui s'y rapportent : tome second / par Félix Bellamy, Rennes, J. Plihon et L. Hervé, 1896.
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Aperçu du livre
La Forêt de Brocéliande - Félix Bellamy
Table des matières
Avertissement
BRUN DE LA MONTAGNE
A. — Notice
B. — Le roman
I
II
III
IV
V
Appendice
A. Présentation aux fées
B. Orientaux en Bersillant
C. Pieux langage
LE ROMAN DE MERLIN
I. Avant-propos
II. La genèse de Merlin
III. La tour de Vertigier
IV. Louve et Liépard
V. Viviane
VI. La Saint-Jehan-Baptiste
VII. L’Homme sauvage
VIII. Troisième et quatrième entrevue
IX. Cour d’Artur à Cramalot
X. Retour à Viviane
XI. Le Nain
XII. Comment Merlin print congié du roi Artuset de la reine Genièvre, et leur dist que c’estoitla dernière fois qu’ils le verroient
XIII. L’Enchantement
XIV
Appendice
A. Origine de Merlin
B. Vertigier
C. Les trois causes de mort
D. Les rois Ban, Bohors, etc.
E. Viviane
F. La fontaine
G. L’archevêque Dubrice
H. Kylkh y gwynfyd (le cercle du bonheur)
Note de l’éditeur :
LE ROMAN DE PONTHUS
I
II
Comment Ponthus se partist de la cour du Roy secrètement
Comment Ponthus manda ung nain par toutes les contrées de France et de Bretaigne, annoncer ung fait d’armes qui se feroit en la forest de Bertelien tous les mardis de l’an
Comment Ponthus conquist premier Bernard de la Roche, et l’envoya prisonnier a la belle Sidoine
Comment Ponthus conquist Geoffroy de Lusignan et l’envoya prisonnier à la belle Sidoine
Comment au tiers mardi Ponthus conquist Landry et l’envoya à la belle Sidoine
Comment le quart mardi Ponthus conquist Thiébault de Bloys, comte de Mortaigne, et l’envoya comme les autres, et aussi des autres chevaliers aux mardis ensuyvans
Comment Ponthus fit faire un convis (festin) et fit donner aux chevaliers à chacun selon qu’il avait desservi
III
Appendice
A. Vennes — Rennes, ville rouge
B. La fontaine des merveilles
LI ROMANS DE CLARIS ET LARIS
I
II
IV
V
BRUN DE LA MONTAGNE
A. — NOTICE
Voici un roman où l’on nous transporte en Bréchéliant, à la Fontaine merveilleuse ; cette fois, ce ne sont plus des tempêtes et des dislocations du ciel que l’auteur va mettre en branle ; ses devanciers d’ailleurs ont épuisé le chapitre des fureurs de la fontaine ; mais c’est par des scènes plus douces qu’il se propose de nous intéresser. Ce sont les Fées de Bréchéliant qu’il va nous montrer se réunissant à leur fontaine sous la douce clarté des astres de la nuit, et exerçant une de leurs principales prérogatives, celle de décerner à un jeune enfant, au fils d’un prince, les destinées de sa vie suivant leur bon plaisir.
Nous ne serons pas surpris que, suivant l’auteur du Roman de Brun de la Montagne, le seigneur Butor de la Montagne ait cédé à la tentation d’envoyer son fils nouveau-né aux fées de Bersillant (Bréchéliant), persuadé qu’il en reviendrait excellemment doué, et avec le présage des plus heureuses destinées.
Le Roux de Lincy, le premier, à ma connaissance, dans son ouvrage Le Livre des Légendes (1836) a reproduit plusieurs fragments (725 vers en tout) du roman manuscrit de Brun de la Montagne. Nous y trouvons le curieux épisode de la présentation de l’enfant aux fées ; il y a joint une brève analyse de l’œuvre.
M. de la Villemarqué, dans son intéressant article Visite au Tombeau de Merlin (Revue de Paris, t. XLI, 1837, p. 45) avait condensé en quelques pages les principaux traits de ce même épisode du roman. On trouvera encore cette même scène des Fées assez longuement reproduite, partie littéralement, partie abrégée en prose empreinte d’archaïsme pour s’harmoniser avec le langage du poète, dans le livre de Baron du Taya, Brocéliande, (1839), sous le titre : Les Fées et l’Enfant. — L’auteur, ainsi qu’il le note lui-même, se servit de fragments inédits qui lui furent communiqués par M. Paulin Paris.
Le tome XXII de l’Histoire littéraire de la France (1852) p. 348-349, contient une courte notice de M. Paulin Paris sur le même roman. — Enfin en 1875, M. Paul Meyer a publié ce qui en reste, 3926 vers, en y joignant une analyse de l’ouvrage ¹.
Le Roman de Brun de la Montagne est une chanson de geste que plusieurs critiques considèrent comme étant de la fin du XIIIe siècle. — M. Paulin Paris croit qu’il est de cette époque, voir du commencement du XIVe. — Selon M. P. Meyer, il serait plutôt de la seconde moitié du XIVe siècle.
Il ne nous en est parvenu qu’un fragment de 3926 vers, c’est le début du poème ; il prend le héros à sa naissance, et le mène jusqu’à la quinzième année de son âge seulement, époque où il va commencer à courir les aventures. Ce fragment est par stances monorimes, stances de longueurs fort inégales, de dix, vingt, trente vers et davantage ; les vers sont de douze syllabes.
Si on en juge par ce qui nous en a été conservé, il ne faudrait que médiocrement regretter la perte du reste, disent les connaisseurs. On ne saurait nier en effet qu’un fastidieux remplissage n’encombre trop souvent la suite des évènements ; les détails inutiles n’y sont point épargnés ; l’auteur prend plaisir à les développer : il n’omet rien.
Cependant, ce fragment n’est point dépourvu d’intérêt, au contraire même. C’est le seul roman connu où l’on ait introduit pareille scène de la présentation d’un enfant nouveau-né aux Fées des Fontaines. Et bien que le style soit souvent obscur et difficile, l’œuvre cependant n’est pas sans de gracieux détails et quelques vers bien tournés.
M. Paul Meyer est porté à supposer que l’auteur, qui d’ailleurs est inconnu, appartenait au Nord de la France. Aux raisons philologiques qui le lui font supposer, on pourrait ajouter cette autre considération, que, à quatre reprises au moins l’auteur cite avec une certaine complaisance l’eau de Saine (vers 592, 951, 1551, 3129). Peut-être vivait-il sur ses bords.
Le nom de Barenton n’est pas cité dans l’ouvrage, il est seulement question de la fontaine de Bersillant. Cependant, il n’y a pas grande témérité à dire que cette fontaine où le poète assemble les fées est celle de Barenton, car Wace nous a appris que c’est à Barenton qu’elles se réunissent. Quant à la forêt appelée Bersillant, ce ne peut être que Brocéliande. Ce nom de Bersillant est répété plus de vingt fois dans le poème ².
L’auteur, j’en suis persuadé, ne connaissait que bien vaguement cette forêt de Bersillant ou de Brocéliande, et pas mieux la Fontaine aux Fées. Mais, où et quelles qu’elles fussent l’une et l’autre, en son opinion, c’est là qu’il a placé le principal et le plus intéressant épisode du fragment qui nous a été conservé, et c’est au voisinage de la forêt assurément que se passent les autres évènements. En effet, le château de Butor de la Montagne est tout près de la forêt, puisqu’il suffit de moins d’une nuit : de quelques heures, pour que l’enfant pût être porté du château à la fontaine et pour être rapporté au château. Rien de cette histoire n’est donc étranger à la forêt de Bersillant ou Bréchéliant, et elle entre de droit en mon sujet.
Voici donc en abrégé ce que raconte l’histoire.
B. — LE ROMAN
I
Le poète commence par nous exposer (des vers 16 à 25) que les rois et les princes autrefois faisaient porter leurs enfants dans les forêts, les lieux déserts, les prairies, sous un arbre, ou près des fontaines, espérant qu’ils y recevraient, de la part des fées, les destinées qui leur assureraient bonheur et gloire en leur vie ³.
(26) Certain jeudi au mois d’avril,
… au mois d’avril que li bois sont fuelli,
Violetes partout espanissent aussi,
Et que poind la verde herbe, et li pré sont foilli,
un puissant et vaillant seigneur de race royale, nommé Butor, sire de la Montagne, qui déjà vieux avait épousé une jeune femme, venait d’en avoir un fils.
(44) Grande fut la joie quand la dame fut délivrée, et le sire se prit à rendre grâces à Dieu. L’idée lui vint, pour avantager l’enfant, de le faire porter à une fontaine près d’un rocher, où les fées avaient coutume de venir s’ébattre :
49 De lez une fontaine, assez près du rochier ;
Car il avoit repaire de fées ou gravier
Qui aloient ou lieu touz dis esbanoier.
(53) « Pars, ami, dit-il à son messager, pars avertir mes barons qu’ils viennent bien vite, car je veux les consulter. Mon épouse vient de me donner un moult bel enfant, et je veux l’envoyer, sans aucun retard, recevoir ses destinées. » (59) — (66) Le messager galope, rapide comme le vent ; il rassemble les barons, ils étaient plus de cent, et les invite, au nom du sire, à venir en grande hâte ; il s’agit de porter aux fées l’enfant de leur maître, pour qu’il ait ses destinées à la volonté de Dieu.
(87) C’est folie, se disent entre eux les barons ; veut-il donc se débarrasser de son enfant, le seigneur ? Vraiment, il ne saurait trouver meilleur expédient, car il se pourra bien rencontrer serpent ou lion qui lui aura bientôt donné la mort. — Cependant, ils s’apprêtent à partir. « Retourne bien vite, disent-ils au messager, et rapporte à Monseigneur qu’il est plus sage de garder l’enfant. »
Le messager prend les devants, et tant galope qu’il crève son cheval au milieu d’une forêt. — (128) Il y rencontre quatre murdriers : « Ami, lui disent-ils, paie le droit de passage. » — L’infortuné leur expose sa pénurie, et leur raconte que pour accomplir en toute hâte l’ordre de son maître, il a tellement poussé son cheval que celui-ci est tombé de fatigue en chemin (160)
— Mais d’où viens-tu, lui demande un des quatre bandits, quel est ton seigneur ?
— Mon maître, répond-il, de sa dame vient d’avoir un petit enfant ; il le veut envoyer à la Roche-Dormant, et m’a dépêché pour convoquer ses barons. Son nom est Butor, le puissant seigneur de la Montagne. (192)
A ce nom le meurtrier tressaille de joie.
— C’est mon cousin germain, lui dit-il. Tiens, par l’amour que j’ai pour mon cousin germain et pour sa gentille épouse, prends ce mien cheval de Syrie (240), et si ta n’as ni denier ni maille, je vais t’en donner. Et je lui dois bien cela, car sans lui certain jour j’aurais été pendu comme larron meurtrier.
— Seigneur, répond le messager, je vous rends grâces, et puisque vous êtes de la noble lignée de Butor, apprenez-moi votre nom. (227)
— Ami, répond le meurtrier, je suis Morgadas, né en Tarsie. Allons, achève ton message, et salue de ma part Butor et sa chevalerie. Quant à moi, je reste avec ces compagnons, car je suis né pour le mal.
— Seigneur, dit le varlet, jamais homme ne fit telle courtoisie à pauvre messager. (239)
(217) Le messager donne de l’éperon au coursier de Syrie, et bientôt rencontre Butor entouré de vingt chevaliers, avec lesquels il s’était avancé à sa rencontre. Le messager lui fait savoir que ses barons désapprouvent sa résolution d’envoyer son enfant aux fées, car c’est l’exposer à être tué par quelque animal féroce.
(297) Butor, loin d’être dissuadé, persiste fortement.
— Quoi qu’ils en pensent, dit-il, mon fils sera porté, car cela lui vaudra biens et honneurs. Mais dis-moi, viendront-ils aujourd’hui ?
— Sire, répond le varlet, chacun s’apprêtait, personne ne refusait, mais tous s’inquiétaient pour votre enfant, car ils craignent qu’il périsse, et si cela arrivait, certes avant trois jours ma dame affolerait de douleur. (310)
— C’est vrai, dit Butor, et à moi-même bientôt de mon corps la vie partirait. Mais que Dieu nous préserve. (314)
Le messager raconte ensuite son aventure dans la forêt et la générosité de Morgadas de Tarsie, le cousin germain de son seigneur. (352)
Puis tous retournent au château pour dîner. (375) Le dîner fut noblement servi. Mais, pour Butor, rien de ce qu’on lui servait ne lui plaisait, car il ne pensait qu’à envoyer son enfant à la Fontaine pour qu’il eût bonne aventure, et cela le rendait soucieux. (430)
(431) Un messager vient annoncer que les cent barons approchent. Butor, le dîner fini, monte à cheval et, accompagné de ses chevaliers, se porte à leur rencontre. (475)
(476) Il n’alla pas loin sans trouver les venants. A la vue de leur seigneur ceux-ci mirent pied à terre, le saluèrent et lui rendirent honneur ; puis fort courtoisement lui demandèrent pourquoi il les avait mandés (489)
— Pour Dieu, leur dit Butor, de vous je veux prendre conseil. (490)
De ma jonne moillier ⁴ ai un moult bel enfant
Et si n’a pas troys jors qu’elle en ot travail tant
Qu’onc dame n’en ot plus entretout son vivant.
Or le veu ge envoyer au bois de Bersillant ;
Une fontaine y a belle et clere et luissant ;
Et sachiez por certain qu’il i a repair grant
De fées seulement qui y vont esbatant.
Or i pourroit cheoir aventure plaissant,
Et destinée aussi noble et moult souffissant.
Distes moi vos conseil a un brief mot errant ⁵. » (502)
(503) « Seigneur, lui répond Bruiant, un chevalier que Butor estimait comme le plus prudent, Seigneur à quoi donc pensez-vous ?
Je suis certain que vous allez tout radotant,
vous n’avez ni sens ni raison, que vous voulez perdre votre fils nouveau-né, que nous aimons tant. Vous êtes âgé, vous avez de vastes domaines, et si l’enfant périssait, qui tiendrait après vous votre vaillante cité ? Sire, nous vous prions au nom de Dieu, de ne pas attrister votre cœur. » (515)
Mais Butor, qui consultait moins pour prendre avis que pour recevoir approbation, s’entête. « C’est ma résolution, dit-il, quoi que vous en pensiez, de l’y envoyer avant qu’il soit demain, car je sais qu’on y obtient des sorts qui peuvent nous mener à grand honneur et profit ; à la grâce de Dieu, nous l’y enverrons ! » (525)
Les barons ne résistent pas et promettent d’accomplir le bon plaisir de leur seigneur, bien qu’ils redoutent un malheur pour l’enfant (533) — (534) Tous ensemble reprennent le chemin du château. Butor était plein de joie en pensant que son fils allait être porté au lieu
Où li repairs estoit des fées amoureus (bienveillantes)
qui lui donneraient esprit, sagesse, bravoure.
(555) Butor a brisé la résistance des barons, mais ce n’est pas tout, il lui faut obtenir aussi le consentement de la dame, et avec elle il procède avec plus de ménagement. Étant donc entré en ses chambres, il la complimente et la plaint d’abord, car elle était bien souffrante ; puis abordant le sujet, il procède par insinuation. « Belle sœur, lui dit-il, je ne déguiserai rien, et sans plus tarder je veux connaître votre intention » ; et il lui tient ce discours monotone à la vérité, mais de rime agaçante,
562 « Il a des lieus faés aux marches ⁶ de Champaigne,
Et aussi en a il en la Roche grifaigne ⁷,
Et si croy qu’il en a aussi en Alemaigne
Et ou bois de Bersillant par desous la montaigne,
Et nonporquant aussi en a il en Espaigne ;
Et tout cil lieu faé sont Artu de Bretaigne ⁸. (567)
— (568) Oh ! sans doute, répond la dame sa compaigne, le