À propos de ce livre électronique
Lucien n'a besoin de rien ni de personne... jusqu'à ce qu'il la rencontre.
Des loups métamorphes disparaissent, et c'est à Lucien Sauvage, un des Gardiens de la meute, de retrouver les coupables et de les éliminer. Lorsque son enquête le mène dans un club de striptease et qu'il rencontre la belle Catty Steele, Lucien comprend que la danseuse méfiante pourrait bien représenter son seul espoir de découvrir la vérité ; enfin, à condition qu'il résiste à la tentation de la toucher assez longtemps pour gagner sa confiance.
Catty Steele n'a aucune raison de faire confiance aux hommes, et encore moins à un loup métamorphe macho habitué à ce qu'on lui obéisse au doigt et à l'œil. Tout ce qui l'intéresse, c'est trouver un moyen de s'en aller. De quitter ce club. Cette ville. Cette existence sans avenir. Malheureusement, le propriétaire du club n'a aucune intention de la laisser partir. Mais lorsque Lucien lui demande son aide, elle n'arrive pas à refuser, malgré les risques. Elle accepte de l'aider à condition qu'il garde leur alliance secrète, et tant qu'il comprend qu'elle ne compte pas laisser le loup séduisant et mystérieux lui donner des ordres. Et qu'elle n'a absolument aucune intention de l'inviter dans son lit.
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Aperçu du livre
Son loup héros - Jodi Vaughn
Son loup héros
Serie Romances Des Loup Gardiens
Jodi Vaughn
Copyright © 2016 par Jodi Vaughn en tant que Shadow of a wolf moon
Conception de la couverture par Melody Simmons
Tous les droits sont réservés.
Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit ou par tout moyen électronique ou mécanique, y compris les systèmes de stockage et de récupération d'informations, sans l'autorisation écrite de l'auteur, sauf pour l'utilisation de brèves citations dans une critique de livre.
Réalisé avec Vellum Réalisé avec Vellum
Table des matières
Chapitre un
Chapitre deux
Chapitre trois
Chapitre quatre
Chapitre cinq
Chapitre six
Chapitre sept
Chapitre huit
Chapitre neuf
Chapitre dix
Chapitre onze
Chapitre douze
Chapitre treize
Chapitre quatorze
Chapitre quinze
Chapitre seize
Chapitre dix-sept
Chapitre dix-huit
Chapitre dix-neuf
Chapitre vingt
Chapitre vingt-et-un
Chapitre vingt-deux
Chapitre vingt-trois
Chapitre vingt-quatre
Chapitre vingt-cinq
Chapitre vingt-six
Chapitre vingt-sept
Chapitre vingt-huit
Chapitre vingt-neuf
Chapitre trente
Chapitre trente-et-un
Chapitre trente-deux
Chapitre trente-trois
Chapitre trente-quatre
Chapitre trente-cinq
À propos de l’auteur
À propos de l’auteur
Chapitre un
— Le monde du striptease comporte des règles. Règle numéro un : n’utilise jamais ton vrai nom.
Catty Steele gardait une voix et une expression neutres, malgré son envie irrésistible de secouer la nouvelle danseuse et de la faire sortir par la porte arrière avant qu’elle ne commette la pire erreur de sa vie.
Mais chacun fait ses propres choix, elle le savait mieux que personne.
— Je ne sais pas si j’aurais choisi Bambi comme nom de scène, reprit-elle. Personnellement, j’aurais essayé de trouver quelque chose d’un peu plus original.
La musique retentissante du club faisait vibrer les tubes de rouge à lèvres sur les coiffeuses de la loge, et l’air dans la pièce était saturé par la fumée épaisse des cigarettes.
— Bambi, c’est mon vrai prénom.
La petite voix de Bambi était assortie à ses yeux de biche. Heureusement, la voix n’avait aucune incidence pour réussir en tant que stripteaseuse. Avec ses cheveux blond platine et son corps qui semblait sortir d’un magazine Playboy, Bambi pouvait gagner beaucoup d’argent.
— Catty, c’est pas ton vrai prénom ? demanda la jeune fille en fronçant ses sourcils parfaitement épilés avant de faire une bulle avec son chewing-gum.
— Mon vrai prénom, c’est Katy. Je l’ai transformé en Catty quand j’ai commencé à travailler pour le club.
Le fil invisible enroulé autour de son cœur se resserra un peu, lui provoquant une brûlure insidieuse. Cette vieille souffrance familière s’éveillait chaque fois qu’elle pensait à ses choix de vie. Elle avait tourné le dos à une existence normale et coupé les ponts avec sa famille aisée pour travailler dans un club de striptease de la Nouvelle-Orléans. La pire erreur de sa vie.
— Ah.
Bambi fit éclater sa bulle de chewing-gum et baissa les yeux sur son costume, un bikini vert sombre avec un soutien-gorge échancré à paillettes.
— J’adore le vert. C’est ma couleur préférée, dit-elle avec un sourire enfantin.
Catty eut envie de lui rétorquer que ce qu’elle aimait n’avait aucune importance. Dans moins de dix minutes, tout ce qu’elle portait serait éparpillé sur scène devant des mecs obèses à l’haleine fétide et aux mains baladeuses.
— Règle numéro deux, continua-t-elle en levant deux doigts. Tu peux toucher les clients, mais les clients ne peuvent pas te toucher.
C’était une règle que beaucoup de danseuses oubliaient dans les coins sombres du club. Catty était une des rares à rester inflexible, et c’était aussi pour cette raison qu’elle évitait les coins sombres.
— Mais... c’est pas ce que Meadow a dit.
— N’écoute pas ce que dit Meadow, répondit-elle en baissant la voix.
Meadow taillait des pipes contre quelques billets dans les salons privés. Catty faisait peut-être du striptease, mais elle n’aurait vendu son corps pour rien au monde.
— Meadow te racontera aussi que tu n’as pas besoin de payer tes impôts. Ce qui m’amène à la troisième règle : paie toujours tes impôts. L’IRS est une plaie si tu ne le fais pas.
— Compris.
Bambi regarda par-dessus son épaule vers le fond de la loge, où Celine, la manager du club, les fixait d’un air mauvais.
— Je crois que Celine ne m’aime pas. Elle m’a déjà hurlé dessus deux fois, murmura Bambi.
— Celine hurle sur tout le monde. Ne te fais pas remarquer, et tout se passera bien.
D’après la rumeur, Celine avait été stripteaseuse, il y a très, très longtemps, mais les années et le tabagisme n’avaient pas été tendres avec elle. Et être constamment entourée de jeunes femmes superbes ne faisait rien pour améliorer son humeur.
Bambi lança un regard apeuré en direction de la gérante.
— Ça n’a rien à voir avec toi, Bambi. Celine n’aime personne. Fais ce qu’elle dit, ne te drogue pas et sois à l’heure. Elle n’est pas du genre à dorloter les danseuses, mais elle est juste et elle ne laisse jamais personne nous manquer de respect.
— Cinq minutes, Bambi, appela Celine de sa voix rauque.
Les danseuses déambulaient dans la pièce. Certaines enfilaient leur prochain costume, d’autres remettaient une couche de rouge à lèvres ou examinaient leur poitrine dans le miroir.
— De quoi j’ai l’air ? demanda Bambi en posant les mains sur les hanches.
— Il te faut un haut plus petit.
— Mais celui-là est à ma taille, dit-elle en baissant les yeux sur sa tenue.
— C’est bien ça le problème. Il te faut une taille plus serrée pour faire déborder ta poitrine. Les clients ne viennent pas ici pour voir un défilé de mode, ils viennent pour mater des seins.
— Bambi ! Bouge tes fesses !
À l’admonestation sèche de Celine, toutes les filles se recroquevillèrent derrière les coiffeuses de la loge.
— Tiens, mets ça, dit Catty en sortant un petit haut de bikini noir d’une armoire.
— Mais il est pas assorti avec le bas.
— Aucune importance.
Bambi enfila rapidement le petit haut.
— Ça couvre à peine mes tétons.
— C’est tout l’intérêt, répondit Catty avec un petit geste d’impatience. Tu ferais mieux d’y aller avant de mettre Celine en rogne.
— Merci, Catty, dit Bambi en s’éloignant vers la scène.
— Une autre louve qui part à l’abattoir, marmonna Jill en donnant un petit coup de coude à Catty.
Ses cheveux brun clair tombaient en cascade dans son dos, savamment bouclés. Son maquillage, complet avec des traits d’eye-liner noir et du rouge à lèvres rouge sombre qui mettait en valeur sa bouche charnue, lui donnait l’air d’une top-model. Elle portait un petit haut blanc presque inexistant, un bas de bikini et de vertigineuses bottes blanches à talons. Elle était le fantasme incarné de tous les hommes.
— Nan, elle n’est pas comme nous. Elle est humaine, soupira Catty en se laissant tomber sur un tabouret devant une coiffeuse.
Jill s’assit à côté d’elle et l’observa de ses yeux noisette.
— Est-ce que ça va ?
— J’aurais dû lui conseiller de partir, de rentrer chez elle et de ne jamais revenir, dit-elle en regardant son amie dans les yeux. C’est déjà assez dangereux pour des louves. Je n’ose pas imaginer ce qui peut arriver à une humaine en travaillant ici.
— Tu sais aussi bien que moi que ça n’aurait servi à rien. Voire même ça lui aurait encore plus donné envie de bosser ici.
Une ombre de quelque chose qui ressemblait à du regret passa dans le regard de Jill.
— Je sais, je sais. Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle en désignant un paquet blanc posé sur les genoux de son amie, essentiellement pour changer de sujet.
Pas besoin de la déprimer elle aussi.
— J’ai un petit cadeau pour toi.
La voix de Jill tremblait légèrement, mais Catty ne parvint pas à déterminer si c’était de l’excitation ou de la nervosité.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Ma paire de talons préférée, annonça Jill en sortant les chaussures rouges et en les agitant sous le nez de Catty.
— Je ne peux pas accepter, c’est tes escarpins fétiches. Et puis, tu en as besoin pour danser.
— Non, ma fille. C’est la deuxième surprise, dit Jill en prenant les mains de Catty dans les siennes. C’est mon dernier soir.
— Tu t’en vas ? s’exclama Catty.
Elle sentit son cœur s’affoler.
— J’ai économisé assez d’argent pour reprendre la fac. Je commence dans quinze jours. Je vais devenir infirmière, lui annonça-elle avec un grand sourire.
— Attends, quoi ?
Entre le sifflement dans ses oreilles et la musique du club, elle n’était pas sûre d’avoir bien entendu.
— Pas la peine d’avoir l’air si surprise, gloussa Jill.
Catty força les muscles de son visage à sourire, tout en luttant contre la panique qui enserrait sa poitrine. Si Jill s’en allait, elle serait vraiment toute seule.
— Je n’arrive pas à croire que tu vas partir. Je ne savais même pas que tu voulais devenir infirmière. Je croyais...
— Que je comptais rester stripteaseuse toute ma vie ? taquina Jill.
— Non, ce n’est pas ce que je voulais dire. C’est juste...
Elle était heureuse pour son amie. Elle était même vraiment ravie pour elle. Mais elle n’avait pas envie de la perdre.
— Tu sais que j’ai vécu des moments difficiles. Et être défoncée la plupart du temps n’a rien aidé, dit Jill en touchant distraitement la croix en argent autour de son cou.
— Alors, qu’est-ce qui t’a décidée à partir ?
Elle voulait savoir ce qui lui avait fait sauter le pas pour décider de mener une vie différente.
— J’imagine que j’en ai eu assez. Assez d’en avoir marre, tu vois ce que je veux dire ?
Catty voyait exactement ce qu’elle voulait dire. Ces derniers mois, elle avait souvent pensé à s’en aller pour de bon, mais elle n’avait pas de plan qui tenait la route. Où irait-elle ? Que ferait-elle ?
— Il n’est pas trop tard, dit Jill en lui prenant le bras. Tu n’es plus la fille en colère contre le monde entier que tu étais en arrivant ici, Catty. Toi aussi, tu dois partir et continuer ta vie.
— Je ne sais pas.
La peur lui nouait le ventre. Elle ne pouvait pas rentrer chez elle. Ses parents seraient anéantis s’ils apprenaient qu’elle était devenue stripteaseuse. C’était cette crainte qui la paralysait, la maintenait enchaînée à ce trou à rats.
Une lueur d’espoir gonfla dans sa poitrine. Peut-être pourrait-elle avoir une seconde chance et changer de vie une bonne fois pour toutes. Elle ne pouvait pas rentrer chez elle, mais elle pouvait repartir à zéro ailleurs.
— Ma fille, je ne sais même pas comment tu as fait pour te retrouver ici, murmura Jill en regardant autour d’elle. Tu n’es pas comme nous, Catty. Tu es destinée à faire de grandes choses. Tu n’es pas à ta place ici. Tu ne l’as jamais été.
Catty se tortilla sur son siège. Comment pouvait-elle avouer à son amie qu’elle avait commencé le striptease parce qu’elle voulait être remarquée, reconnue ? Grandir dans une famille pour qui la réussite était une fin en soi avait été comme être en prison. Elle avait choisi cette carrière pour assouvir son besoin égoïste d’être reconnue.
Tout cela lui paraissait désormais très futile.
Imaginer ce que ressentirait son frère s’il apprenait ce qu’elle avait fait était suffisant pour la submerger de culpabilité.
— Casse-toi loin d’ici, Catty, continua Jill à mi-voix. Tu sais aussi bien que moi que les loups ici trempent dans des affaires craignos. Même les Gardiens ne peuvent pas nous aider. De toute façon, ils ne viennent même plus par ici.
Elle regarda par-dessus son épaule et baissa encore d’un ton.
— J’ai entendu des rumeurs. Il parait que les danseuses vues avec un loup en dehors du club sont punies et que le loup est tué sous leurs yeux. C’est pas normal. Si Big Mike est prêt à tuer un métamorphe, qu’est-ce qui te dit qu’il ne te ferait pas la même chose, ma chérie ?
Les loups étaient bien plus nombreux que les humains au Triple X. Pour le propriétaire du club, les humains ne constituaient pas une menace. C’étaient les métamorphes qu’il tenait à l’œil. Big Mike laissait les filles danser pour des loups, tant que ça n’allait pas plus loin. Mais c’était la première fois que Catty entendait dire qu’il était prêt à tuer un autre mâle.
Elle cligna des yeux pour chasser les larmes qui menaçaient de rouler sur ses joues. Se mettre en couple avec Big Mike avait été une erreur monumentale. Ils n’étaient plus ensemble, mais elle était certaine qu’il n’hésiterait pas à lui faire du mal s’il le jugeait nécessaire.
— Tiens, tu en as plus besoin que moi, déclara Jill en détachant son collier et en pressant la petite croix dans la paume de Catty.
Catty eut un petit rire triste en observant la croix qui luisait sous les lumières de la loge.
— Tu crois vraiment que Dieu peut me sauver ?
Dieu l’avait oubliée depuis longtemps.
— Dieu peut sauver ton âme, aucun doute là-dessus, dit Jill en souriant. Mais l’argent peut te sauver la peau.
Chapitre deux
Lucien Sauvage souleva une planche en bois au-dessus de sa tête et la cloua à la cloison. Il cligna des yeux pour chasser les gouttes de sueur qui coulaient et épongea son front moite.
Le soleil brûlant d’Arkansas était impitoyable, chauffant au fer rouge tout ce qu’il touchait.
Il faisait une chaleur à crever.
— Tu as besoin d’aide avec ce mur ? demanda Jaxon, qui s’approcha pour lui tendre une bouteille d’eau.
Lucien serra ses mâchoires, secoua la tête et continua à donner des coups de marteau.
— J’ai pas besoin de ton aide, Jaxon.
Il n’avait jamais besoin d’aide. Il préférait faire les choses seul.
— Il était temps que tu te ramènes sur le chantier, ajouta-t-il. Les autres Gardiens sont là depuis six heures du matin. Tu as deux heures de retard.
Il ne masquait pas son agacement. La chaleur, combinée à l’interruption de Jaxon, lui tapaient sur les nerfs. Et puis, il était en train de rôtir sous sa veste en cuir. Être un loup n’aidait pas : leur température corporelle était plus élevée de quelques degrés que celle des humains.
— C’est pas comme si on me payait pour être ici. C’est pour la bonne cause, grommela Jaxon en retirant son t-shirt et en le laissant tomber sur une pile de bois.
— Tu ferais mieux de t’habituer au travail manuel, mon gars. Une fois que ce foyer sera terminé et ouvert, Skylar espère en construire d’autres pour aider les jeunes filles défavorisées.
Skylar était la compagne du Gardien Zane. Après avoir connu une enfance des plus difficiles, elle avait créé une association pour protéger des jeunes filles en difficulté, Le Refuge de Skylar.
— Et même si les bonnes causes ne sont pas ton truc, tu devrais au moins t’inquiéter du pari que tu as fait avec Damon et Jayden. S’ils terminent leurs murs avant les nôtres aujourd’hui, on doit payer leurs bières.
La chaleur qui le harcelait décuplait sa mauvaise humeur. Il dut se retenir d’envoyer son poing dans la figure de Jaxon pour l’avoir associé à ce pari débile. À la place, il glissa le marteau dans la ceinture de son jean et prit une autre planche. Plus vite ils auraient terminé, plus vite ils pourraient s’en aller. Il pouvait presque sentir son sang s’épaissir à mesure qu’il suait toute l’eau de son corps.
— Relax, mon pote. On peut encore gagner. Tu te laisses atteindre par la chaleur, c’est tout, lâcha Jaxon en mettant sa main en visière au-dessus de ses yeux et en s’appuyant sur un tas de planches proprement empilé. Il fait une chaleur d’enfer et tu portes quand même ta foutue veste en cuir.
— Va te faire foutre, Jaxon.
Lucien avait parlé d’une voix menaçante et, pour un inconnu, cet avertissement aurait suffi. Mais Jaxon le connaissait bien, et il n’était pas du genre à craindre les avertissements.
— Toujours à jouer les cowboys solitaires. Je sais pas comment tu fais, mon frère. Je m’incline devant ta coolitude et ton cuir noir.
Jaxon se pencha en avant dans un simulacre de révérence.
— Qu’est-ce que tu fiches, Jaxon ? Tu lèches le cul de Lucien ?
Barrett Middleton, le chef de la meute d’Arkansas et le commandant des Gardiens, approcha avec une pile de planches posées sur l’épaule. Il avait l’air agacé.
— Il est super chiant, grommela Lucien en se saisissant d’une autre planche et en commençant à la clouer. Et au fait, Jaxon : coolitude, c’est pas un mot, trouduc.
Lucien aurait bien aimé retirer sa veste. Il aurait adoré travailler sur le chantier uniquement vêtu de son jean et de ses bottes, comme ses frères Gardiens. Mais il n’était pas comme les autres Gardiens. Il était différent. Ils étaient tous promis à un brillant avenir. Le sien lui avait été dérobé par une personne en qui il avait aveuglément confiance. Désormais, il ne faisait plus confiance à personne ; et sans confiance, il ne pourrait jamais faire réellement partie de leur fraternité.
Ni maintenant, ni jamais.
— Trouduc non plus, c’est pas vraiment un mot. Juste une insulte pourrie, remarqua Jaxon en tendant une boîte de clous à Lucien.
— Si, c’est un mot.
Lucien ramassa une autre planche en priant intérieurement pour que le loup le laisse tranquille. Il aimait la solitude.
— Il a raison, dit Barrett d’un ton pince-sans-rire.
— Sans déc’ ? demanda Jaxon en se tournant vers le chef de meute.
Barrett sortit son téléphone de la poche arrière de son jean et pianota sur les touches d’une seule main. Il pivota pour protéger l’écran du soleil, et la pile de planches sur son épaule faillit entrer en collision avec le crâne de Jaxon. Il l’évita de justesse.
— Fais gaffe à ton bois, mec, gronda Jaxon en reculant de quelques pas.
— Crois-moi, Jaxon, tu es bien la dernière personne que je souhaite voir toucher mon bois.
Le ton impassible de Barrett tira un petit sourire involontaire à Lucien.
— Trouduc, reprit Barrett qui s’était repenché sur son téléphone. Terme insultant désignant une personne stupide ou agaçante. Synonymes : trou du cul, connard, enfoiré, salaud.
— Trou du cul, c’est dans le dico ? s’enquit Jaxon en regardant le téléphone.
— C’est vraiment important ? On est à la bourre.
Lucien jeta un coup d’œil en direction de Damon et Jayden. Ils avaient presque terminé de monter leurs murs.
— Je peux regarder ?
Jaxon tendit la main vers le téléphone de Barrett, mais le chef de meute le leva au-dessus de sa tête.
— Même pas la peine d’y penser, gronda-t-il.
Jaxon testait constamment les limites de leur chef de meute. Lucien ne comprenait pas pourquoi il semblait incapable d’accepter l’autorité de son supérieur et de se mettre au travail. À croire que pour lui, la vie n’était qu’une grande farce.
— Hé, Damon, tu savais que trou du cul était dans le dico ? cria Jaxon pour faire porter sa voix jusqu’à l’autre bout du chantier.
— Ouais. Juste en dessous de la photo de Jayden, répondit Damon en faisant entrer un clou dans une planche en un seul coup de marteau.
Rapide comme l’éclair, il planta un autre clou.
— Lucien, on dirait bien que tu vas payer ton coup ce soir, railla Jayden. Tu veux qu’on te renvoie Jaxon, ou tu préfères qu’on le garde avec nous ? Quitte à gagner, autant qu’il nous divertisse.
— Gardez-le, lâcha Lucien en clouant une autre planche avant d’essuyer la sueur sur son front. Peut-être qu’il vous déconcentrera assez pour que je rattrape notre retard.
Un peu après midi, Lucien dépassa la rangée de Harley garées et se dirigea vers le camion. Il prit une bouteille d’eau glacée dans la glacière et but une longue gorgée, appuyé contre le hayon. Son regard acéré se promena sur les Gardiens en train d’œuvrer sur le chantier, puis sur les hectares de pré vert entourant le futur foyer pour jeunes filles.
Des souvenirs de son enfance, de sa famille et de sa maison l’envahirent, accompagnés de nostalgie.
Barrett, qui était installé sur le siège conducteur, sortit du camion et s’approcha.
— C’est étrange.
Lucien se redressa et mit les mains dans ses poches. Il était si profondément perdu dans ses pensées qu’il avait parlé à voix haute.
— Qu’est-ce qui est étrange ? demanda Barrett en sortant une bouteille d’eau de la glacière.
Lucien haussa les épaules pour essayer de les débarrasser du poids qui les alourdissait.
— La meute. C’est une famille plus unie que la plupart des familles de sang.
— C’est vrai.
Barrett, comme à son habitude, s’exprimait d’un ton neutre. Cerner le chef de meute n’était pas facile. Barrett ne parlait jamais de sa vie privée ou de ses origines. Ça ne dérangeait pas vraiment Lucien. Barrett avait la réputation d’être l’un des chefs de meute les plus respectés et les plus fiables des États du Sud. C’était tout ce qui comptait.
— Ce ne sont pas toujours les liens du sang qui définissent une famille. Parfois, ton propre sang te trahit.
Sans le nommer, Barrett faisait référence à un secret qu’ils partageaient tous les deux.
— Ça ne devrait jamais se produire.
La colère s’éveilla dans le cœur de Lucien et se répandit dans ses veines comme une traînée de poudre. Il termina la bouteille d’eau, espérant que sa fraîcheur calmerait la vieille fureur familière qu’il portait en lui depuis si longtemps.
— Si tu n’attends rien des gens, ils ne peuvent pas te décevoir, dit Barrett en croisant les bras, son regard sur ses Gardiens en train de travailler.
Lucien sentit sa respiration s’affoler. Il avait trop chaud et envie de se battre. La colère qui montait en lui menaçait de lui couper le souffle.
— Tu ne comprends pas. On m’a volé mon avenir. Mon destin.
Barrett fit un pas vers lui. Il ne laissait jamais ses émotions transparaître ; c’était une de ses qualités. Mais à cet instant, ses traits n’étaient absolument pas impassibles. Il avait les poings serrés et semblait en proie à la colère, lui aussi.
Il se pencha vers Lucien en plissant les yeux, les mâchoires serrées.
— Non, c’est toi qui ne comprends pas. Tu n’obtiendras jamais ce que tu espères. Même après l’avoir coupé de ta vie, tu continues d’attendre quelque chose de ton frère, mais ça n’arrivera jamais. Cette attente finira par te détruire. Tu es avec les tiens au sein de cette meute. C’est elle, ta vraie famille.
— Il a une dette envers moi, cracha Lucien entre ses dents.
— L’amertume que tu ressens vis-à-vis de ton frère sera ton talon d’Achille si tu ne fais pas attention, Lucien. Tes cicatrices ne disparaîtront jamais. Mais si tu
