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La sixième âme
La sixième âme
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Livre électronique389 pages5 heures

La sixième âme

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À propos de ce livre électronique

Londres est aux prises avec un tueur en série barbare, surnommé Hérode par la presse populaire. Quatre femmes ont été enlevées à intervalles rapprochés, leurs corps mutilés et abandonnés. Quand une cinquième femme, Julia Caton, est kidnappée chez elle en pleine nuit, l’inspecteur David Rosen sait que le temps presse pour la sauver… Il reçoit un mystérieux coup de téléphone du père Sebastian Flint, un prêtre énigmatique qui en sait un peu trop sur les enlèvements. Quand il apparaît que le père Flint était autrefois le grand spécialiste de l’occulte au Vatican, l’enquête prend un tournant de plus en plus troublant. Mais ce n’est pas avant que Rosen découvre l’existence d’un texte ancien — censé être la réponse du diable à la Bible — que la véritable horreur du plan d’Hérode commence à se dévoiler. Rosen est inexorablement attiré dans le repaire du tueur où il découvrira une terrible vérité, à savoir que le châtiment d’Hérode est absolu et qu’il existe des choses bien pires que la mort…
LangueFrançais
Date de sortie14 déc. 2015
ISBN9782897529475
La sixième âme
Auteur

Mark Roberts

Mark Roberts est né et a grandi à Liverpool. Il a étudié à l’Université Saint-François Xavier. Il a enseigné pendant vingt ans et au cours des dix dernières années, il a travaillé comme enseignant spécialisé. Le Manchester Evening News lui a conféré le prix de la meilleure nouvelle pièce de théâtre. La sixième âme est son premier roman pour adultes.

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    Aperçu du livre

    La sixième âme - Mark Roberts

    Cantiques 1,15

    Prologue

    Dans son rêve, Julia Caton tenait son nouveau-né dans ses bras et était remplie de l’amour le plus profond qu’elle ait jamais connu. Lentement, le rêve se dissipa. À trois heures et demie du matin, elle se réveilla et s’assit avec précaution sur le bord du lit. Elle croisa ses mains sur son ventre gonflé et murmura :

    — Mon bébé.

    Elle caressa son ventre.

    — Je dois aller à la salle de bain.

    Il était inutile d’ouvrir la lumière de la salle de bain en raison de la lueur ambrée du détecteur de mouvement de la porte voisine, déclenché par le chat qui miaulait.

    Elle pensa : « C’est une bonne répétition pour tous ces réveils la nuit qui s’en viennent. » Un sourire se dessina sur son visage devant la perspective de porter, de nourrir et d’aimer son bébé.

    Le détecteur de mouvement de la porte voisine s’éteignit automatiquement.

    La salle de bain fut subitement plongée dans le noir.

    La porte se referma silencieusement derrière son dos douloureux.

    Julia distingua le contour de sa tête dans le miroir de l’armoire de toilette au-dessus du lavabo. À l’extérieur, le chat émit le même bruit qu’un bébé qui pleure et le détecteur de mouvement se ralluma. Dans le miroir, une ombre bougea. Les mains de Julia se figèrent le long de son corps et ses yeux s’illuminèrent dans le miroir. Derrière eux, une autre paire d’yeux brillait.

    Elle ressentit une vive douleur à l’arrière de son avant-bras gauche, quelque chose transperçant soudainement sa peau. Elle ouvrit la bouche, prête à hurler.

    L’individu plaqua sa main sur son visage, et ses doigts s’enfoncèrent dans l’intimité de sa bouche, appuyant fermement sur sa langue et abaissant vivement sa mâchoire inférieure afin de bloquer le cri de l’intérieur. Elle aperçut vaguement les dents de l’individu et le blanc de ses yeux briller dans la surface sombre du miroir.

    Alors qu’elle s’effondrait dans ses bras, une série de pensées effroyables lui traversa l’esprit à propos de l’étranger dans sa salle de bain.

    Elle était la cinquième femme enceinte qu’il attaquait. Il allait l’emmener. Et elle ne reviendrait jamais.

    Et tandis que la porte se refermait sur ses sens, une voix murmura dans le vide :

    — Je ne suis pas venu des ténèbres. Je suis les ténèbres elles-mêmes.

    1

    En chemin vers la rue Brantwood, juste après avoir brûlé le troisième d’une série de quatre feux rouges, l’inspecteur principal David Rosen fut arrêté par deux agents de la circulation dans une BMW. Le moteur toujours en marche, il leur montra son insigne tout en descendant sa vitre. Ils en vinrent directement au fait.

    — Hérode, cinquième victime, heure d’or¹.

    Ils lui firent signe de partir.

    Quelques minutes plus tard, Rosen freina brusque­ment devant le périmètre délimitant la scène de crime. En dépit de la nécessité d’agir vite, il resta figé un instant, happé par le souvenir de l’enterrement auquel il avait assisté la veille. Il pouvait encore entendre la douleur vive de la mère de Sylvia Green quand le cercueil de sa fille avait disparu derrière un rideau dans le crématorium. C’était pour lui ses quatrièmes funérailles en autant de mois. Et l’intervalle entre chaque meurtre devenait de plus en plus court.

    Les quatre victimes, leurs visages et leurs noms, leurs vies, s’entrechoquaient constamment dans sa tête.

    Quatre femmes mortes, et le tueur était aussi inatteignable qu’il l’avait été depuis la première. Il essaya de respirer lentement pour se libérer du stress qui lui enserrait la poitrine.

    — Allez ! se dit-il à lui-même.

    Il se précipita hors de sa voiture vers l’arrière de la fourgonnette blanche des enquêtes criminelles, où la sergente-détective Carol Bellwood se tenait, déjà vêtue et prête à entrer au 22, rue Brantwood. Il s’empara d’une combinaison de protection blanche sur l’étagère métallique de la camionnette.

    Des perles de pluie lumineuses s’étaient déposées sur les cheveux noirs de Bellwood, qui étaient coiffés en rangées de tresses serrées contre son cuir chevelu.

    — Depuis combien de temps es-tu ici ? demanda Rosen tout en s’habillant.

    — Trois minutes, répondit Bellwood.

    Rosen analysa globalement la scène.

    Il était tout juste sept heures passées, un matin sombre de mars. Deux rangées d’imposantes maisons jumelées des années 1930 se faisaient face de chaque côté de la rue de banlieue aisée. Les trottoirs de chaque côté étaient flanqués d’arbres et chaque maison disposait de trois mètres de jardin entre la porte d’entrée et la clôture qui bordait la chaussée.

    À l’est, le croissant de lune au-dessus de la rue Brantwood n’était pas la seule source de lumière. Le numéro 22, la maison où ils avaient été appelés, était illuminé par le projecteur sur le toit de la fourgonnette de la police scientifique.

    Rosen regarda la maison d’à côté.

    — Numéro 24, dit-il. C’est la seule maison dont les lumières sont éteintes.

    Ses fenêtres étaient noires. Toutes les autres maisons, allant de treize à la fin de la trentaine, étaient allumées, les voisins éveillés et conscients d’une présence policière qui s’était faite rapidement de plus en plus imposante.

    Rosen, un homme bien bâti dans la cinquantaine, les cheveux noirs, se pressa d’enfiler ses gants en latex, mais plus il se précipitait, plus il échouait.

    — Allez, dit Bellwood doucement. Le temps presse.

    Elle déroula la masse bloquée sur le dos de la main de Rosen et il ressentit une pointe d’embarras au contact de la jeune femme.

    — Les rideaux s’agitent.

    — J’espère que quelqu’un a vu quelque chose, dit Rosen. Voyons ce que les agents de police ont trouvé.

    Rosen enfila ses couvre-chaussures sans aucun des soucis que les gants lui avaient causés.

    Trois policiers en uniforme, un sergent et deux gendarmes, se tenaient à la porte du numéro 22, montant la garde devant le ruban de police bleu et blanc, le visage sombre, silencieux.

    — Inspecteur principal Rosen, dit le sergent.

    — Sergent, répondit Rosen, qui avait déjà vu son visage quelque part, mais ne se souvenait pas de son nom. Qui était là en premier ?

    — Les agents de police qui ont répondu, l’informa le sergent. J’ai pris la relève à mon arrivée.

    — Qui est dans la maison ? demanda Rosen.

    — La police scientifique.

    Le sergent jeta un bref coup d’œil sur son carnet, vérifiant les noms sur son journal de contrôle qui indiquait ceux qu’il était autorisé à laisser passer.

    — L’agente-détective Eleanor Willis et le sergent-détective Craig Parker.

    — Où est le mari ?

    Le sergent montra d’un signe de tête la voiture de police la plus proche, la porte grande ouverte, où un grand homme en salopette bleue impeccable, les pieds plantés sur le trottoir et la tête baissée, vomissait dans le caniveau.

    Comme Rosen regardait le mari, il remarqua un inspecteur de police nouvellement promu, Robert Harrison, appuyé contre la porte passager d’une voiture banalisée, qui regardait dans sa direction. Pris sur le fait, Harrison détourna la tête.

    — Qu’est-ce que le mari vous a dit ? demanda Rosen, qui dirigea son attention vers les agents.

    — Qu’il avait été appelé à deux heures quarante-huit du matin, répondit le premier agent.

    — Deux heures quarante-huit ? Aussi précis ?

    Le deuxième agent montra une camionnette verte garée tout près, une Mercedes commerciale.

    — Regardez la camionnette, monsieur.

    — Je l’ai repérée en arrivant, déclara Carol Bellwood. Il est écrit, sur le côté de la camionnette : « Ingénieur Phillip Caton, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, solutions de plom­berie et chauffage personnalisées. » Il y a un numéro de téléphone cellulaire et une image de Neptune brandissant son trident et domptant les vagues. Un monsieur sûr de lui, non ?

    — Non.

    Rosen observa Caton essuyer sa bouche sur sa manche.

    — Il nous a donné une heure, dit le premier agent. Et puis il s’est effondré.

    — Nous avons dû le sortir de force de la maison avant qu’il vomisse sur les lieux du crime.

    — Des traces d’effraction dans la maison ?

    Leur silence fut éloquent. Caton leva les yeux du vomi dans le caniveau vers le groupe devant la clôture.

    — Robert !

    Rosen rompit le silence et lui fit signe d’avancer. Harrison vint à la clôture.

    — David ? dit Harrison.

    — Carol va parler au mari.

    Rosen montra Phillip Caton.

    — Écoute-la lui poser des questions, prends des notes, ne l’interromps pas.

    Rosen se tourna vers le sergent.

    — Je prends la relève de la scène du crime maintenant. Merci pour ce que vous avez fait. S’il vous plaît, restez à la porte et ne permettez à la sergente-détective Carol Bellwood de passer la porte jusqu’à instruction contraire.

    * * *

    Juste au moment où il entrait dans la maison, il entendit derrière lui un homme pleurer dans une détresse renouvelée. Rosen était content que ce soit Carol Bellwood, pas lui, qui ait la tâche de soutirer de l’information à Phillip Caton. Après tant d’années comme enquêteur, il ne pouvait pas s’empêcher de se demander s’il était témoin d’un homme qui souffrait sincèrement ou de la performance d’un excellent acteur.

    1. N.d.T.: Expression propre à la médecine d’urgence qui souligne l’importance d’agir promptement.

    2

    La police scientifique avait travaillé vite et bien. De la porte d’entrée à l’escalier, et pour chaque marche qui menait en haut à la salle de bain et aux chambres, le sergent-détective Parker et l’agente-détective Willis avaient prévu une série de plaques d’aluminium. Rosen emprunta la passerelle de fortune jusqu’au milieu du vestibule, tout élément de preuve laissé sur le tapis étant protégé par des plaques métalliques surélevées.

    Rosen s’arrêta devant une photo. Sur le mur se trouvait une photo encadrée, un portrait de mariage de Phillip et Julia Caton : elle était voilée et belle en blanc ; lui était moins à son avantage avec son chapeau haut de forme et sa queue-de-pie. Mais leurs sourires étaient radieux et le soleil brillait sur eux, tout comme il l’avait fait sur sa femme, Sarah, et lui voici de nombreuses années.

    Rosen monta l’escalier avec une sensation accrue de douleur.

    Sur le palier, en haut de l’escalier, l’agente-détective Eleanor Willis, le visage pâle et les cheveux roux, utilisait une paire de pinces à long manche pour déposer une aiguille hypodermique dans un sac de preuves transparent. Puis elle regarda dedans.

    — Il y a du sang sur l’aiguille, dit-elle à Rosen comme il passait.

    — Mais ce ne sera pas le sien, répondit-il.

    Le sergent-détective Craig Parker était à genoux en train de découper l’épaisse moquette verte avec un couteau Stanley, à l’endroit où elle rencontrait la plinthe sur le seuil de la porte de la salle de bain. Une tache fraîche sur la moquette s’étendait de la salle de bain vers le haut de l’escalier. Parker le fit remarquer à Rosen.

    — Il l’a piquée dans la salle de bain, dit-il. Puis il l’a traînée dans l’escalier.

    — J’aime le son d’un accent geordie² par un froid et sombre matin, répondit Rosen.

    — Bien le bonjour à toi aussi, pauvre petit cockney³.

    Parker regarda Rosen par-dessus son masque et ajouta :

    — Ça va, David ?

    Rosen se baissa.

    — Tu es un habitué, Craig ?

    En guise de réponse, Parker sourit tristement.

    — On n’a trouvé aucune trace d’effraction.

    Le visage de Craig Parker était l’équivalent humain de celui d’un limier. Ses yeux fatigués en avaient assez vu et les cernes dessous trahissaient une grande fatigue alors qu’il était à trois mois de la retraite, après trente ans au Service de police métropolitaine.

    — Eleanor !

    Parker se leva lentement tandis que son assistante ressortait de la chambre en tendant le sac hypodermique de Rosen.

    Il était resté un peu de liquide dans la chambre.

    — Thiopental, sans aucun doute. L’anesthésiant privilégié d’Hérode. L’aiguille a dû tomber alors qu’il la conduisait hors de la maison, dit Rosen.

    Willis se plaça en face de Parker. Au compte de trois, ils soulevèrent simultanément le morceau de moquette et le transportèrent dans la chambre la plus proche, un espace vide à l’arrière de la maison.

    — Quelque chose dans les chambres ? demanda Rosen.

    — Rien jusqu’à présent.

    « Rien » était définitif ; « jusqu’à présent » était plein de promesses cachées.

    — Craig, combien de temps pour passer à travers toute la scène de crime : la maison, le jardin, la rue dehors ?

    — Trois jours, résonna la voix de Parker dans la pièce du fond.

    — Si le mobile reste le même, dit Rosen, elle sera morte d’ici là. Aucun signe d’effraction, tu dis ?

    — C’est la première chose que nous avons cherchée. Aucune.

    — Les voisins, au numéro 24 ?

    — À en juger par le jardin à l’arrière, l’état des fenêtres et la peinture à l’extérieur, personne ne vit là, observa Willis, qui se dirigeait vers la salle de bain.

    En revanche, le châssis intérieur de la fenêtre de la salle de bain du numéro 22 était net, sa blancheur éclatante soulignée par la poudre dactyloscopique foncée que Willis y saupoudrait.

    Rosen regarda les portes des chambres fermées.

    — Laquelle est la chambre du bébé ?

    Willis pointa les poils de son pinceau de relève d’empreintes digitales.

    Se trouver dans une chambre prévue pour un bébé qui n’y dormirait probablement jamais, ni n’y jouerait, ou pleurerait, ou respirerait entre ses murs décorés de nuages peints remplit Rosen d’une douleur extrême. Son échec à faire quoi que ce soit à ce jour pour arrêter ce qui se passait était presque insupportable.

    Rosen aperçut le contour fantomatique de son reflet dans la vitre de la fenêtre, l’enchevêtrement de ses cheveux noirs bouclés qui rappelait un jeune garçon contrastant avec l’entrecroisement des rides et des cernes sur son visage pâle.

    Il regarda la rue de banlieue bien nette, les belles voitures et les maisons enviables, et se concentra sur l’agent-détective Robert Harrison, qui se tenait derrière Carol Bellwood alors qu’elle essayait de parler à Phillip Caton. Son regard errait.

    Les arbres dans la rue étaient grands, larges et peu espacés.

    C’était une rue discrète, à l’écart, un endroit agréable où vivre.

    Rosen appela Craig Parker, qui le rejoignit à la fenêtre de la chambre.

    — Peux-tu voir de l’autre côté de la rue à travers les arbres ? Peux-tu ? demanda Rosen.

    — Non, je ne vois pas grand-chose, David, répondit Parker.

    — Et c’est exactement ce sur quoi il a misé. Je vais au numéro 24.

    « Je veux sortir d’ici. »

    — Pourquoi ? demanda Parker.

    — Aucun signe d’effraction. Aucune femme enceinte à Londres ne va ouvrir sa porte d’entrée au milieu de la nuit, pas dans le climat actuel, pas étant donné ce qui s’est passé. Je vais à côté. Je cherche un point d’entrée.

    — Mais David, comment le tueur pourrait-il être entré au numéro 22 en passant par le 24 ?

    Rosen leva une main.

    — Je dois vérifier.

    Lorsque Rosen atteignit la rue, il remarqua que, alors qu’il s’était trouvé à l’intérieur du numéro 22, Caton était devenu d’un drôle de teint jaunâtre, de la couleur de la cire. Une horrible idée traversa l’esprit de Rosen. Il espéra que l’angoisse de Caton n’était pas causée par le fait d’avoir commis une erreur stupide quand il avait quitté la maison pour aller travailler.

    « En partant, se demanda Rosen, au milieu de la nuit, avez-vous accidentellement laissé la porte ouverte ? »

    2. N.d.T.: Accent typique des habitants du Tyneside (nord-est de l’Angleterre).

    3. N.d.T.: Londonnien parlant un anglais populaire.

    3

    Tous les panneaux de la clôture entre les numéros 22 et 24 de la rue Brantwood étaient vieux, mais parfaitement intacts. La décision d’élargir la scène de crime venait d’une combinaison d’expérience et d’instinct. En 1999, Rosen avait été sur les lieux d’un crime où il n’y avait pas de preuve d’effraction, mais il était apparu que le tueur était entré par un conduit d’aération entre les appartements voisins.

    Il leva les yeux vers le toit du numéro 24 : un patchwork d’ardoises qui avaient glissé ou qui étaient carrément manquantes rendait la maison et les combles vulnérables aux éléments. Il regarda sa montre. Huit heures. Le temps filait. Une heure entière s’était écoulée pendant ce qui avait semblé être une minute.

    À l’avant de la propriété, un garage fermé attaché au côté du numéro 24 lui bloquait le chemin vers la cour arrière. Il saisit le haut de la clôture qui séparait les numéros 22 et 24, stabilisa son pied sur le nœud épais d’un arbuste et passa par-dessus. Les panneaux de la clôture craquèrent sous son poids comme il sautait dans le jardin d’à côté.

    Il regarda ses pieds. Le sol était jonché de déjections de plusieurs espèces d’animaux. Au niveau des yeux et à moins d’un mètre, un oiseau s’envola d’un buisson.

    — Tout va bien, David ?

    La voix de Bellwood provenait du jardin du numéro 22.

    Il répondit :

    — Oui !

    Mais bien sûr, il n’était pas certain que ce soit la vérité.

    Rosen se tourna en entendant Bellwood escalader la clôture. Elle sauta gracieusement dans le jardin du numéro 24.

    Un bac, renversé depuis longtemps par un renard ou un autre charognard, gisait sur le côté près de la maison. Les déchets — des emballages alimentaires et des journaux où apparaissaient les gros titres, les triomphes sportifs et les catastrophes depuis les dix-huit derniers mois — gisaient pêle-mêle sur le sol non loin de la porte arrière.

    Rosen sentit son pouls s’accélérer en se rapprochant de la porte. Il regarda sa montre : il était huit heures et quelques secondes. Il pensa à sa femme, Sarah, et son rendez-vous avec leur médecin généraliste. Le temps filait. Il voulait y aller avec elle, il lui avait promis qu’il le ferait, et puis ça… La cinquième et sordide incursion d’Hérode dans la vie d’autres personnes.

    Quelque chose en lui vacilla. Chacun de ses nerfs devint à vif devant ce qu’il vit.

    La porte arrière du numéro 24 était entrouverte, un panneau de verre de la porte absent de son cadre, proprement ôté.

    Quelqu’un avait pris la peine de ne pas fracasser la porte pour ne pas attirer l’attention des voisins. Rosen regarda la zone autour du panneau manquant. C’était un travail méticuleux.

    — Carol ?

    — Oui ?

    — Actuellement, peut-on exclure le mari pour le meurtre ?

    — Son histoire se tient. J’ai appelé son client. Il était à Knightsbridge, comme il l’a dit.

    — Il y a eu une effraction. Qui est ici parmi l’équipe maintenant ?

    — Harrison fait acte de présence, le sergent-détective Gold est avec Caton, Corrigan et Feldman sont ici et interrogent les voisins. David ?

    — Oui ?

    — Harrison est nuisible.

    — Qu’a-t-il fait ?

    — Juste au moment où tu allais entrer au numéro 22, Caton a dit : « Pensez-vous qu’Hérode l’a eue ? » Harrison est intervenu en répondant : « Ça ressemble à ça, oui. » Caton est devenu hystérique. Je ne l’aime pas, David.

    — Je comprends.

    Cela expliquait le soudain accès de sanglots de Caton.

    — Est-ce que Caton a dit quelque chose ? Quelque chose d’utile ?

    — Il n’arrêtait pas de demander si nous savions ce que Hérode faisait avec les fœtus.

    — Et tu lui as dit quoi ?

    — Que nous n’avions rien de sûr. J’ai évité de dire le mot utilisé par le psychologue judiciaire, trophée. Adhères-tu à cette spéculation cousue de fil blanc, David ?

    — Non, dit Rosen.

    Incapable de fournir une autre hypothèse sur les bébés absents, il opta pour quelque chose de concret :

    — Va demander une deuxième équipe de police scientifique pour le numéro 24.

    Avec le bout du petit doigt de sa main gauche, il poussa la porte entrouverte à son coin supérieur droit.

    C’était la maison d’une vieille dame.

    Il y avait une aura, comme si quelqu’un était mort là depuis longtemps, sans être perturbé par la compassion ou le devoir, caché dans la lumière feutrée.

    * * *

    Un peu moins de vingt minutes plus tard, une seconde équipe de police scientifique était sur les lieux, arrivant de Shepherd’s Bush⁴. Silencieusement et efficacement, ils garnirent de plaques les principaux couloirs depuis la porte arrière du numéro 24 jusqu’à la porte d’entrée, l’escalier et chacune des portes principales, à l’étage et en bas.

    Le second officier, qui descendait l’escalier, dit à Rosen :

    — Il y a un cadavre dans le lit de la chambre principale, à l’avant de la maison. Il est là depuis un certain temps. Nous ne l’avons pas touché.

    L’équipe semblait pressée de partir.

    — Nous devons vraiment parler avec le sergent-détective Parker à côté, pour élaborer une stratégie.

    Les agents de la police scientifique s’en allèrent. Rosen, à présent seul, se sentait opprimé. Quelque chose dans le sol, quelque chose de fétide, peut-être un champignon, poussait dans les fondations de la maison, nourrissant de bois ses spores qui s’y étaient frayées, irrigué par l’humidité qui faisait penser à un système météo d’intérieur propre au numéro 24.

    Où étaient ses proches ? Une maison mitoyenne de cinq chambres rue Brantwood n’était pas négligeable dans un héritage. Où étaient les prétendants à cette succession ? Pourquoi personne n’avait cherché à habiter la maison, sans parler de la vendre ?

    Il imagina sa femme Sarah, âgée et seule, mourante, et sa mort passant inaperçue, leur maison à l’abandon, forcée par un aliéné quelconque, puis examinée par des policiers désespérément en quête d’indices.

    Il essaya l’interrupteur, mais pas de courant. Comme il avançait plus loin dans la maison, elle devenait de plus en plus sombre. Le papier tontisse rouge, devenu vert et brun à cause de l’humidité, semblait se dissoudre dans la profonde obscurité.

    Les tapis persans creusaient sous les pieds de Rosen, lui rappelant la sensation désagréable des faux planchers des attractions de fête foraine. Mais il ne pouvait voir aucun signe physique d’un intrus, juste l’univers d’une vieille dame figé dans le temps. Ailleurs, dans une autre pièce, une horloge mécanique de belle facture faisait encore tic-tac, le battement de cœur de la maison.

    Une tache de lumière jaune apparut sur le mur, sa source directement derrière lui. Rosen pivota et Carol Bellwood sortit de l’ombre.

    Il était heureux que le nouveau membre de l’équipe lui vienne en renfort.

    — Comment va Caton ? demanda Rosen.

    — Pas bien, mais nous en avons terminé avec lui pour l’instant.

    Comme ils montaient l’escalier, les années d’air vicié formaient une toile de fond aux particules de poussière qui dansaient dans la lumière des lampes de poche.

    Rosen s’arrêta près du palier. Chaque porte à l’étage était fermée, sauf une.

    Il se dirigea vers la porte de la salle de bain ouverte.

    Une faible lumière filtrait dans l’obscurité à travers le verre givré.

    — David ? Ça va, David ?

    Il avait le regard fixe, perdu dans ses pensées, les yeux rivés vers le plafond, vers la porte en bois du grenier.

    — Allons voir les chambres, dit-il.

    * * *

    Dans la chambre principale, le haut d’une tête humaine était visible sur l’oreiller. La couette sur le lit était remontée, donnant l’impression d’une carte en relief, avec les contours d’un corps humain en dessous. Rosen tira le bord de la couette, mais il était collé au drap sur le matelas. Quand il tira un peu plus fort, on entendit un bruit de déchirure, celui du tissu, de la surface en dessous. Bellwood entra derrière lui, sa lampe de poche éclairant ce qui restait du corps.

    « Je suis désolé, pensa Rosen. Je suis désolé que vous ayez été laissée ici sans personne pour vous pleurer ou marquer votre passage. »

    Elle était couchée en position fœtale, un squelette fragile, les genoux repliés jusqu’aux coudes, les poignets près de sa bouche, son crâne niché dans une touffe de cheveux gris.

    Rosen reposa la couette.

    Peu importe ce qui avait causé sa mort, on l’avait laissée pourrir dans les draps et se dessécher. Cette pensée enragea et attrista Rosen à parts égales.

    Tweed. Il y avait une bouteille à moitié utilisée de parfum Tweed sur la coiffeuse de la vieille dame et une brosse à cheveux en ivoire dans laquelle il restait un enchevêtrement de cheveux gris à jamais piégés dans le réseau de soies. Sa boîte à bijoux était ouverte, bien rangée, non dérangée. Sur la commode à côté se trouvait un médaillon en or en forme de cœur. Il était ouvert. D’un côté du cœur, une photo de deux enfants, une adolescente et un petit garçon ; de l’autre côté, une petite mèche de cheveux foncés.

    — Qui êtes-vous ? demanda Rosen aux enfants du médaillon.

    — Et où êtes-vous maintenant ? dit Bellwood en caressant le médaillon de sa lumière.

    — Qu’en est-il des autres chambres ? demanda Rosen.

    — Toutes vides sauf celle à côté d’ici. On y va ?

    La chambre voisine de celle de la vieille dame était une pièce de musée. Une chambre d’adolescente, du début des années 1970, le magazine Jackie ouvert sur le lit, une des premières chaînes stéréo avec un quarante-cinq tours de Mud, Tiger Feet, et des affiches sur le mur de David Bowie en Ziggy Stardust, et Paul Gadd en Gary Glitter.

    — Je me demande si…, dit Rosen en examinant une photo encadrée d’une jeune fille de treize ans toute mince.

    Il prit la photo, s’interrogeant sur ce qu’elle était devenue.

    — Peut-être que la vieille dame s’est accrochée à un moment dans le temps, que la jeune fille a grandi et…

    — Peut-être.

    Il regarda la photo — les vêtements de la jeune fille, ses cheveux blonds en dégradé — et pensa qu’elle datait de 1973 environ.

    — Elle était un peu plus âgée que moi en 1973. Mais nos chemins ne se seraient jamais rencontrés, déclara Rosen avec nostalgie.

    — Comment ça ? demanda Bellwood.

    — J’ai grandi à Walthamstow. Ce type de rue, ce quartier, c’était au-delà de mes

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