Y a juste les folles qui changent pas d'idée
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À propos de ce livre électronique
Depuis ce jour, je porte en permanence mes lunettes roses qui embellissent tout ! C'est une chance, parce que mon nouveau statut de gestionnaire de l'entreprise familiale m'angoisse un brin (comprendre « beaucoup »), surtout que je n'ai pas le choix de côtoyer Roman Noir (du type mystérieux et ténébreux, mais qu'on voudrait tant percer à jour), mon ancien béguin.
Au moins, je peux me défouler avec Nouvelle Littéraire (l'amant sexy et excitant qui ne veut pas trop s'attacher. Parfait pour une histoire d'un soir !), qui est devenu un ami précieux, sans oublier mon frère et mes copines. Epaulée par eux, je ne vois vraiment pas ce qui pourrait mal tourner !
Après tout, j'ai trouvé mon Roman d'Amour, pas vrai ?
Pas vrai ?!
Joanie Mailhot Poissant
Ses histoires commencent dans des cahiers Canada et ont comme thème principal : l’amour. Il n’aurait pu en être autrement pour cette adolescente un peu trop mélodramatique. Aujourd’hui, Joanie Mailhot Poissant est une enseignante de français qu’elle espère un peu délurée. Les mots sont et seront donc toujours au centre de sa vie. L’amour aussi.
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Aperçu du livre
Y a juste les folles qui changent pas d'idée - Joanie Mailhot Poissant
Chapitre 1
La suite
Juin. Le même décor, la belle saison. Les mêmes rues que je parcours depuis des années. Les mêmes oiseaux qui sont revenus nous chanter des airs connus. Des fleurs qui nous éclaboussent de leurs couleurs vives. Des papillons qui exposent leur chorégraphie juste pour moi. Des arcs-en-ciel qui jaillissent malgré l’absence de soleil. Et, s’il pleuvait, ce serait merveilleux, parce qu’il tomberait probablement du chocolat.
Peut-être que certaines choses ont changé depuis l’année dernière, finalement. Ce sont sûrement les lunettes roses que j’arbore depuis janvier qui améliorent tout. Ces lunettes qui font que je ne trouve rien à redire sur rien, qui m’ont fait perdre mon sens critique, parce que noyé dans un caramel de sentiments tendres. Grâce à elles, je suis devenue la fille qui sourit à la moindre niaiserie, qui marche toujours d’un pas léger, la tête haute, le cœur vivant. Celle que je détesterais si elle n’était pas moi. Bref, la fille complètement, totalement, merveilleusement amoureuse.
Voilà maintenant six mois que je file le parfait bonheur, comme dans les films, avec Roman d’Aventures. Six mois que je ne me pose pas de questions, que je vis chaque moment avec passion. Rapidement, il a été évident qu’il allait venir habiter chez moi et que ç’allait devenir un chez-nous. Il y a pris ses aises comme s’il y avait toujours demeuré. Nous avons retrouvé notre histoire là où nous l’avions laissée, mais en tellement meilleur. En plus assumé.
Une autre chose a changé depuis l’année dernière. Une blouse ajustée, un veston malgré la chaleur. Un nouveau titre. Une nouvelle contenance. Du moins, j’essaie de me le faire croire. Oui, me voilà officiellement diplômée, responsable de la Librairie Marchand et propriétaire d’une garde-robe plus adulte, plus sérieuse. Comment qualifier mon état d’esprit par rapport à cette récente réalité ? Disons que mon nouveau titre va avec mon nouveau linge : il m’est inconfortable. Moi, Arielle Marchand, patronne ? C’est une chance que je porte mes lunettes roses en permanence, sinon je serais incapable de vivre avec cette angoisse qui serre mes tripes chaque fois que mon réveil sonne le matin et que je dois me diriger vers ma librairie. Ainsi, depuis deux mois, je carbure au café, ce qui n’aide en rien mon état constant de fébrilité, d’équilibriste qui avance sans filet.
Mais, ce matin, il faut que ce soit différent. Ce matin, ce sera différent. Je mets de ce pas mon costume de Super Confiante. Je dois embaucher un autre employé. Mon père n’étant pratiquement plus présent, le manque de personnel est vite devenu évident. Roman Noir et moi ne pouvons assumer toutes les heures nécessaires au bon fonctionnement de la librairie. Et, honnêtement, voir une autre face que la sienne me fera le plus grand bien. Mes lunettes roses et mon cœur rempli d’amour pour Roman d’Aventures me permettent de le tolérer, mais il reste que j’endure son air au-dessus de ses affaires et ses remarques insupportables presque tous les jours. Aujourd’hui ne fait évidemment pas exception. Dès que je franchis la porte et fais retentir la clochette, j’arrive face à face avec Roman Noir, accoté au comptoir de la caisse, qui me reluque de la tête aux pieds avec un sourire en coin.
— Madame la patronne, entame-t-il avec un salut militaire.
Mayday ! Mayday ! Activation des lunettes roses requise immédiatement ! Ouf ! Elles ne m’abandonnent pas, une fois de plus. Je fais donc un rictus légèrement forcé et me dirige vers l’arrière-boutique, où j’ai déjà tout préparé hier pour mes entrevues. D’ailleurs, la première chose que j’ai tenu à faire après l’obtention de mon titre officiel a été le ménage dans ce bordel. Mon père, au fil des ans, avait lâché prise sur cet environnement si petit, pourtant. J’en ai eu pour une semaine à mettre de l’ordre là-dedans, sous les yeux amusés de mon père, à qui je tendais, outrée, des relevés de compte tapés à la machine à écrire, datant de 1989. Des tonnes de papier à la récupération et un meilleur système de classement plus tard, mon lieu de travail me semble presque coquet. Je prends la peine de disposer les différentes chemises de différentes couleurs contenant le curriculum vitæ de mes différents candidats sur le bureau devant moi, et de placer trois crayons (on ne sait jamais) tout près.
Alors que je révise pour la centième fois (j’exagère à peine) mes notes sur les qualités que je cherche chez un bon employé, je perçois une voix familière. Mon père entre dans l’arrière-boutique, vêtu d’un bermuda à carreaux et coiffé de ses lunettes de soleil.
— Papa ! Qu’est-ce que tu fais ici ? dis-je, tout sourire.
— Je suis venu voir si tout allait bien, avant ma ronde de golf.
Une partie de moi aurait envie de s’accrocher à ses jambes, comme quand j’étais petite, et de serrer fort en le suppliant de ne pas partir. Mais je me retiens, vu mes vingt-neuf ans et mon désir de montrer à mon père que j’ai la situation bien en main et qu’il peut compter sur moi. Alors que je m’apprête à le rassurer, Roman Noir vient nous rejoindre.
— Ne t’inquiète pas, Jacques¹ ! Arielle est super bien préparée. Et, de toute façon, je suis là ! Je vais l’aider.
Je le fusille du regard. Comment ose-t-il supposer que j’ai besoin d’aide ? Pense-t-il que je suis incapable de quoi que ce soit toute seule ? Je sais qu’il sait que j’ai fait mon certificat en gestion d’entreprise à reculons et que je suis morte de peur à l’idée d’échouer. Il se doute peut-être même que chaque décision me paraît aussi grosse qu’une montagne. Mais le fait qu’il agisse devant mon père comme si j’étais démunie devant une tâche simple m’enrage. Évidemment, ce dernier n’y voit que du feu.
— Excellent ! répond-il en donnant à Roman Noir une bonne tape virile dans le dos, comme seuls les hommes complices savent le faire. Alors, je vous laisse à votre vie de salariés, les jeunes.
Mon père nous salue en riant, avant de se diriger vers la porte. Roman Noir est sur le point de faire comme si de rien n’était et de retourner à ses affaires, mais je sens une boule de rage incontrôlable monter en moi. C’était une goutte de trop dans le vase archiplein de ressentiment que j’ai envers Roman Noir. J’explose :
— C’était quoi, ça ? (Il me regarde, incrédule.) Tu penses vraiment que je ne sais rien faire toute seule ? Ce n’est pas parce qu’au début je n’étais pas certaine de vouloir gérer la librairie que c’est encore vrai (l’est-ce ?). Et je tiens à te rappeler que, malgré tout, c’est moi qui gère la place (qu’est-ce que je suis en train de dire ? ce n’est tellement pas moi de me proclamer la patronne comme ça !), et que tu me dois le respect (ça y est ! j’ai soixante-dix ans) !
— D’accord…, répond-il comme s’il ne savait pas du tout de quoi je parle.
— Maintenant, j’ai besoin de me concentrer avant que la première candidate arrive, que je tranche.
Il tourne les talons lentement, l’air incertain de ce qui vient de se passer. Pour être franche, je n’en sais rien non plus. Le fond du message était vrai, mais c’est sorti beaucoup trop agressivement. Oh ! Je me doute de ce que vous pensez. Vous vous dites : « C’est clair qu’elle l’aime encore. Elle se défend en se forçant à le détester. » Vous avez tout faux. Il est évident que mon histoire avec Roman Noir reste ambiguë et que mes sentiments se mélangent quand je suis en sa présence, mais, dans ces sentiments, il n’y a certainement pas d’amour, celui-ci étant totalement et parfaitement investi du côté de Roman d’Aventures. D’ailleurs, juste de songer à lui me redonne un air gaga. Alors que je commence à me détendre en me remémorant ma soirée d’hier avec mon amoureux, Roman Noir surgit devant moi.
— En passant, Arielle, peut-être que ce serait beaucoup plus simple si tu acceptais que je ne souhaite pas ton malheur. Que jamais je ne voudrai te nuire. Je ne me lève pas le matin en pensant à quoi dire ou faire pour te contrarier. Au contraire, je cherche souvent des façons de t’aider, de te faire sourire, même. Parce que je sais que tu es stressée. Mais je trouve que tu t’en sors bien, malgré tout. Si tu veux, je peux te vouvoyer et t’appeler madame Marchand, mais ça pourrait aussi être bien qu’on essaie de faire équipe. Tout à coup que ce serait l’fun !
Il me tourne le dos et part, me laissant bouche bée et honteuse. Sa vérité toute crue me fait l’effet d’une bombe. Ça m’affecte parce que je n’ignore pas qu’il a raison. Je sais que je suis trop rude avec lui depuis que nous partageons nos heures de travail, qu’un mur s’est érigé entre nous et que c’est moi qui l’ai construit. À cause de ma douleur. Pour me protéger. J’ai supposé que Roman Noir voulait me nuire, du moins qu’il ne voulait pas m’aider. J’ai imaginé que tous ses gestes, ses remarques et ses paroles étaient mesquins. C’est comme si le dossier « Roman Noir » ne s’était jamais vraiment fermé, mais surtout réglé. Malgré l’omniprésence du dossier « Roman d’Aventures » et des lunettes roses qui viennent avec, il reste une petite place malsaine pour Roman Noir dans mon esprit. Il est temps que je tire un trait là-dessus. Mais comment ? Je vais le voir, je fais une blague douteuse dont moi seule ai le secret, pour ajouter encore plus de malaise à la situation ? Je bafouille et m’humilie davantage ? J’ai beau admettre que toute cette rancune a assez duré, quelque chose me freine dans mon élan. On dirait que le chemin à parcourir est trop long. Parce que ça fait trop longtemps qu’il est cahoteux.
Je prends tout de même mon courage à deux mains et me lève pour le rejoindre. Il fait comme s’il ne me voyait pas et continue le classement des livres. J’entre littéralement dans sa bulle, mais il ne flanche pas. Il est fâché et il a toutes les raisons de l’être. Je l’interpelle. Il daigne me lancer un regard furtif.
— Je peux faire quelque chose pour vous, madame Marchand ?
— D’abord, tu peux arrêter de m’appeler madame Marchand et…
Je bloque. Je veux lui dire que je m’excuse, que je veux travailler avec lui. Parce qu’il est bon, très bon, même, et que je ne peux me permettre de le perdre comme employé. Je réalise alors qu’il aurait pu partir il y a longtemps. Que pour lui non plus ça n’a pas dû être évident. Peut-être a-t-il ressenti un certain malaise, lui aussi, malgré le dysfonctionnement de son cerveau qui l’empêche d’avoir un sentiment quelconque. Bon ! Arielle ! Si tu souhaites que ça se règle, il faut que tu laisses tomber ce genre de pensée. Alors que j’essaie de trouver la bonne phrase à dire, une jeune femme à l’air hagard entre dans la librairie. Elle fait un tour rapide sur elle-même et son regard s’arrête brusquement sur Roman Noir. Un large sourire s’affiche sur son visage, puis elle se dirige vers lui pour lui tendre la main.
— Salut ! Moi, c’est Noémie Laverdière-Dupras. Je viens pour l’entrevue.
Elle s’accote sur le comptoir de la caisse dans le but évident de dévoiler la naissance de sa poitrine. Il faut dire que, vu son jeune âge – seize ans seulement –, elle doit tout juste venir d’avoir des seins, la pauvre, et elle en est sûrement tout émoustillée.
— Alors, tu ferais mieux de te présenter à madame Marchand, dit-il en me désignant.
Noémie ne prend même pas la peine de dissimuler sa déception et se tourne vers moi.
— Ah ! C’est toi qui fais les entrevues ?
— Bonjour, enchantée de vous rencontrer, que j’insiste en lui tendant la main.
Je déploie de gros efforts pour ne pas la juger, même si elle vient d’essayer de séduire mon employé (qui a le double de son âge), de me tutoyer et est vêtue d’un minishort en jeans et d’une camisole moulante.
— Moi aussi, je suis enchantée de vous rencontrer ! tente-t-elle de se reprendre en attrapant ma main, mais en lançant un regard vers Roman Noir.
Cela me donne une idée de génie ! Je vais inviter Roman Noir à faire l’entrevue avec moi. Cela prouvera ma bonne foi à la perspective de l’intégrer dans les affaires de la librairie et lui démontrera que je lui fais confiance !
— En fait, nous sommes des associés. (Bon, j’en mets pas mal, là, mais je préfère de loin cette tactique à celle des excuses gênantes.) Nous serons donc deux pour votre entrevue.
Roman Noir semble perplexe, mais me suit tout de même. Je ne sais pas ce que nous ferons s’il y a des clients ; nous aviserons en temps et lieu. Pour le moment, je souhaite que cela favorise notre trêve. Noémie ne peut cacher son enthousiasme en reluquant son (elle l’espère) futur collègue jusqu’à l’arrière-boutique. Je m’installe derrière mon bureau et elle se place devant, à côté de Roman Noir qui s’assoit sur un classeur, faute d’espace. Je vois d’ailleurs son air amusé et je ne suis pas certaine de ce qui le provoque. Je commence l’entrevue avant de me poser trop de questions. De toute façon, il est plus que temps que j’attire l’attention de la candidate, qui envoie des flèches de Cupidon pas du tout subtiles vers Roman Noir.
— Alors, Noémie ! (Elle me regarde enfin.) Pourquoi avoir postulé à la Librairie Marchand ?
— Ah ! Ben… c’est que moi, j’aime VRAIMENT lire. Surtout des romans d’amour, ajoute-t-elle en affichant un air coquin qu’elle dirige vers Roman Noir.
Charmeur, il lui rend son sourire. Noémie doit prendre ça comme un signe qu’il est intéressé, parce que ses joues s’empourprent. Pourtant, je sais qu’il n’en est rien. Il ne peut quand même pas être charmé par une… adolescente ! Non ? Non !
— Est-ce que tu lis autre chose ? que je lui demande.
— Euh… des magazines, aussi ! Et quelques BD.
Elle semble aussi fière de son bagage littéraire que si elle venait de m’avouer qu’elle avait fini en trois jours À la recherche du temps perdu de Proust.
— Ah oui ! Tu lis des BD ? Moi aussi, j’adore ça ! déclare Roman Noir avec trop d’enthousiasme pour que ça sonne vrai.
Décidément, il joue avec elle. Une partie de moi dénonce son attitude. Pauvre fille ! Il crée de faux espoirs alors qu’elle n’y voit que du feu et qu’elle se trémousse presque de plaisir sur sa chaise. Toutefois, elle n’a pas la bonne attitude. Se présenter à une entrevue habillée de manière limite provocatrice et tenter de séduire les employés n’est peut-être pas la meilleure stratégie pour être engagée. En fin de compte, elle me fait un peu pitié. Elle sent le besoin de plaire, de toutes les façons possibles, pour avoir quelque chose en retour, même si c’est un emploi. Elle ne doit pas avoir appris à vanter qui elle est plutôt que son corps. Triste. Je me force à continuer. Peut-être me surprendra-t-elle.
— Et Noémie…, dis-je, ayant envie de claquer des doigts pour qu’elle me regarde. Quel serait ton plus grand défaut ?
— Euh… Je crois que… Mon plus grand défaut, c’est sûrement que… Je suis perfectionniste ! Oui ! Vraiment ! Moi, je n’arrête pas tant que ce n’est pas parfait, déclare-t-elle, un sourire fier aux lèvres.
Je ne peux m’empêcher de rire intérieurement devant ce cliché de réponse. Je sais que cette question est sournoise. Que répond-on quand on cherche à se vendre comme employé ? Mais je vais vous dévoiler un secret : ce n’est pas nécessairement la réponse qui importe, c’est plutôt comment la personne se sort d’une situation délicate. Voilà ! Je subirai sûrement les foudres de mes comparses gestionnaires, mais c’est dit !
— Ton CV indique que tu as travaillé bénévolement à la bibliothèque de ton école, que je poursuis. Parle-moi de ça !
— Ben, il n’y a pas grand-chose à dire. C’est ça, là, j’ai fait du bénévolat.
Je sens qu’elle est mal à l’aise, mais, comme elle ne semble pas vouloir s’épancher sur le sujet, je n’insiste pas. Il est évident, à ce stade, que l’entrevue ne mène nulle part. Je ne pense pas que Noémie s’intégrerait bien dans notre équipe. Elle ferait un super duo avec Roman Noir, mais pas pour les bonnes raisons. Je décide toutefois de terminer l’entrevue, question d’être équitable.
— Tu sais que tu travaillerais surtout la fin de semaine ?
— Quoi ? Juste les fins de semaine ?
— Au début, oui. Et, si tout va bien, tu auras plus d’heures dans la semaine.
— Ben là, c’est que je ne suis pas sûre que je vais pouvoir, dit-elle, paniquée. J’ai mon cours de hip-hop le samedi matin. Et c’est pas mal les fins de semaine que je vois mes amies.
Je reste interloquée. Elle espère quoi ? Du neuf à cinq la semaine ? Puis, elle se rappelle soudainement la présence de Roman Noir. Elle change d’attitude :
— Je vais travailler avec toi ?
— Oui, c’est sûr ! répond-il en lui décochant un clin d’œil.
Il commence à en faire un peu trop. Il est temps que je mette un terme à tout ça avant qu’elle s’accroche à lui.
— Tu travaillerais avec l’un ou l’autre d’entre nous le temps qu’on te forme, oui, mais ensuite tu serais seule. Il est donc important qu’on engage quelqu’un de confiance, que j’insiste.
— Oh ! Mais je suis vraiment de confiance ! Ma mère me le dit tout le temps. Je garde souvent mes sœurs plus jeunes !
Elle est presque touchante. Une partie de moi est attendrie par la naïveté de cette adolescente. Peut-être que je pourrais lui laisser une chance ? Elle s’adresse alors à Roman Noir, m’achevant :
— Toi ? T’as des questions pour moi ?
Elle tourne son corps vers lui dans une position suggestive, tout en enroulant une mèche de ses cheveux autour de ses doigts. Bon ! Là, ça va faire ! Je dois clore cette séance de séduction qui semble finalement rendre Roman Noir mal à l’aise. Fini de jouer.
— Je crois que madame Marchand a tout dit ! lui indique-t-il en me lançant un regard complice.
Ai-je bien vu ? Un regard complice ? Dans le sens de « on fait équipe » et de « on est sur la même longueur d’onde » ? Youhou !
— Oui ! Noémie, je suis heureuse de t’avoir rencontrée ! On te donne des nouvelles !
Je me lève sans lui laisser le temps de réagir et j’invite Roman Noir à l’accompagner à l’avant. Elle semble un peu désemparée, mais se laisse emporter par l’odeur des phéromones de mon collègue jusqu’à la porte. Avant de partir, elle se retourne vers lui et dit :
— Tu m’ajouteras sur Facebook, on fera de quoi ensemble ! J’ai un spectacle de hip-hop bientôt, tu pourrais venir me voir. Ce serait nice !
Elle s’approche de lui et lui chuchote quelque chose à l’oreille. Elle lui lance alors un dernier au revoir de la main en ayant pris soin de se mordiller la lèvre inférieure, puis quitte la librairie, sûrement certaine que ses charmes l’ont ébloui. Pauvre chouette, elle va être déçue ! Roman Noir me regarde alors d’un air sérieux. Oh non ! Il est encore fâché. Ma stratégie a échoué. Il se dirige vers moi et prend le CV de Noémie.
— C’est quoi, son nom complet, que je le note pour ce soir ? marmonne-t-il pour lui.
Pardon ? Veut-il vraiment la contacter ? Il ne peut quand même pas être intéressé par cette ingénue ! Et que dire de l’aspect légal de la chose ? Je suis sur le point de perdre tout le respect qu’il me restait pour lui quand il éclate d’un grand rire franc.
— Je te niaise, Arielle ! Voyons ! C’est une gamine !
— Méchant phénomène, hein ! que je lance, décidant de rire avec lui.
— En passant, elle n’a pas fait de bénévolat pour son école. C’étaient des travaux forcés.
— Noooon ! que je m’exclame, ayant peine à y croire.
— Et elle avait l’air très fière de me l’avouer.
— Elle a dû saisir ton aura de rebelle, que je le nargue, me sentant assez à l’aise pour le faire.
Il s’esclaffe, beau joueur, et je le suis. Puis, nos rires s’estompent peu à peu et un silence empreint de malaise s’installe. Je prends (encore) mon courage à deux mains.
— Excuse-moi. Je pense que je n’ai pas été juste envers toi. Depuis… tu sais, ce qui s’est passé…
— C’est correct, Arielle, me coupe-t-il, n’ayant visiblement pas plus envie que moi de se remémorer notre passé. Je voulais seulement te dire que tu peux quand même me faire confiance. Que je vais être là pour toi et la librairie si t’as besoin d’aide.
— Merci.
— Et… je suis vraiment content pour toi. Que tu sois heureuse, je veux dire.
Je baisse la tête, timide, mais souriante. Lorsque je pense à Roman d’Aventures, c’est toujours un peu comme ça que je me sens. Tellement heureuse, mais aussi un peu gênée par tant de bonheur. La dernière remarque de Roman Noir m’a touchée. Et soulagée. Je me rends compte qu’un immense poids s’est enlevé de sur mes épaules. C’est que d’entretenir de la rancœur pour quelqu’un, ça gruge de l’énergie ! Je pourrai maintenant me concentrer sur les vraies affaires, comme trouver un employé fiable pour que nous puissions enfin souffler un peu.
— Je vais te laisser faire passer le reste des entrevues seule, reprend-il. Tu n’as pas besoin de moi.
Je lui souris et lui demande de m’envoyer les candidats lorsqu’ils arriveront.
— Oui, chef ! dit-il, moqueur, comme pour signifier le début de la trêve.
Le deuxième candidat se présente avec quinze minutes de retard. Il doit être au début de la vingtaine, a les cheveux en bataille, des vêtements négligés et un air bête. Non, ce n’est pas Roman Noir 2. Il n’a pas l’aura mystérieuse qui va avec. C’est juste un gars à l’air bête. Ça va de mal en pis. Allez, Arielle ! Ne te fie pas aux apparences !
— Scuse du retard, j’ai manqué mon bus.
— Ça arrive, que je le rassure alors qu’il garde son air bête.
— Ouin ! Mon coloc a oublié de me réveiller. Je le lui avais dit, pourtant ! Il est tellement pas fiable. Mais bon, je n’ai pas le choix. Pas les moyens de payer un loyer seul !
— OK, pas de problème. (Non mais, on ne passera pas dix minutes sur son retard ! À sa place, j’essaierais plutôt de me le faire oublier !) Donc, Julien, que je poursuis en ayant regardé son nom sur son CV, pourquoi vouloir travailler à la Librairie Marchand ?
— J’ai besoin d’une autre job.
— D’accord !… Et pourquoi ça ?
— Mon boss m’a crissé dehors.
— Ah bon… (Je suis de plus en plus mal à l’aise. À côté de Julien, Noémie semble la candidate idéale.) Puis-je demander la raison du renvoi ?
— Aucune idée.
Je doute fort qu’il n’ait aucune idée de la raison de son renvoi, parce
