Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

L'énigme Du Roi Salomon
L'énigme Du Roi Salomon
L'énigme Du Roi Salomon
Livre électronique306 pages2 heures

L'énigme Du Roi Salomon

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Dans ce roman, l'intrigue archologique fait revivre des moments intenses d'un pass souvent mconnu o s'entremlent l'Histoire et les croyances qui ont faonn notre socit. Le rcit se poursuit aux temps prsents avec un dnouement surprenant.



Le roi Salomon commande son joaillier une rosace de six ptales. Chaque ptale contient une inscription partielle et est confi des personnes de confiance qui le transmettront de gnration en gnration.




Un scientifique montralais qui est aussi un archologue amateur est contact par une organisation mystrieuse qui possde des trsors dart. Sollicit pour une expertise, il parvient remonter la filire de lorganisation. Ses aventures lamnent interagir avec les services secrets israliens, des musulmans qui prennent conscience de leur origine juive et des trafiquants dart qui entravent ses recherches.




Le contexte gnral est celui dun monde qui vit de plus en plus le choc des religions. Le scientifique russit retrouver les six ptales et leur message devient connu de la plante qui cherche en dcoder le secret, soit ladresse du Jardin dden. Or, ce message est double sens. Il est dcrypt alors que la plante angoisse par les conflits se familiarise avec une personnalit inspirante qui pourrait tre le messie.

LangueFrançais
ÉditeuriUniverse
Date de sortie10 févr. 2012
ISBN9781469764368
L'énigme Du Roi Salomon
Auteur

David Bensoussan

Dr. David Bensoussan of Quebec holds a PhD in Applied Sciences from McGill University. He has been involved in philanthropic and community organizations for many years. He is also a member of the Cross Cultural Round Table on Security of Canada and of the Selection advisory Board at Immigration and Refugee Board of Canada. He has published extensively in scientific fields and has filed a large number of patents. He has also written a number of literary works, including a Bible commentary (The Bible in its Cradle), a book of souvenirs (The son of Mogador), a historical novel (King Solomon’s Riddle), a historical essay (Spain of the Three Religions, Once upon a time in Morocco) and an art Book (A Jewish Wedding in Mogador) in collaboration with Asher Knafo. His other accomplishments include receiving a fellowship from the Matsumae International Foundation in Japan in 1988.

Auteurs associés

Lié à L'énigme Du Roi Salomon

Livres électroniques liés

Histoire du peuple juif pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur L'énigme Du Roi Salomon

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    L'énigme Du Roi Salomon - David Bensoussan

    Avant-Propos

    Il a été jugé utile de séparer en deux tomes distincts l’ouvrage La rosace du roi Salomon, du fait que bien des lecteurs souhaitent s’en tenir à la seconde partie, L’énigme du roi Salomon, qui se lit comme un roman et de façon indépendante de la première.

    La première partie, intitulée Sur les Rives de Mogador, promène le lecteur dans les dédales de l’histoire juive et de l’histoire de l’Afrique du Nord, domaines fascinants mais rarement documentés dans un même tout.

    Le lecteur est invité à se référer au besoin aux annexes et au glossaire en fin d’ouvrage.

    I. La Rosace Du Roi Salomon

    Le roi Salomon avait succédé à son père David et régnait sur le royaume uni des douze tribus d’Israël. La gloire de son règne s’étendit aux contrées les plus lointaines. Bien qu’il fût comblé en richesse et en sagesse, le roi Salomon s’inquiétait de l’avenir.

    Pensif, il songeait à sa destinée. Il avait hérité de son père David et de sa mère Betsabée un royaume puissant, et avait eu l’insigne honneur d’être appelé à bâtir une Maison pour l’Éternel. Il avait établi les normes d’impôts auxquelles tout le peuple devrait contribuer. Bientôt le Temple serait érigé dans sa munificence. Salomon était conscient qu’un danger planait sur Israël. Les Hébreux avaient voulu un roi au même titre que les autres nations. Ils auraient bientôt leur Temple. S’adonneraient-ils au service du Dieu unique et transcendantal ou à celui du Temple? Le commandement transmis à Moïse disait: « Vous me bâtirez un Tabernacle et J’habiterai parmi vous. »

    Or, il était possible que les Hébreux en arrivent à oublier ces paroles. Il se pourrait qu’ils pensent que l’Éternel réside dans le Temple au lieu d’être dans leurs âmes! Le Temple risquerait de devenir un objet d’adulation! En viendrait-on à oublier que « Seuls ceux qui auront les mains propres et le cœur pur » pourraient approcher l’aire du Temple ?

    Car que contenait le Temple en son Saint des Saints? Une arche faite d’acacia plaqué d’or comprenant les tables de la loi qui scellaient l’alliance entre l’Éternel et Israël. Il y avait aussi un chandelier et une table d’offrandes. Quant à l’Arche, elle était coiffée de deux chérubins aux ailes repliées. L’Arche avait accompagné Israël depuis qu’elle avait été conçue dans le désert du Sinaï. Elle avait été témoin de ses victoires fulgurantes comme de ses défaites cuisantes. On disait que l’Arche accentuait les victoires ou les défaites selon que les actions du peuple d’Israël agréaient ou non l’Éternel. Ne disait-on pas qu’elle constituait « Le piédestal de l’Éternel » ? Beaucoup attribuaient un pouvoir magique à ses chérubins d’or.

    Salomon prit sa décision. Il fit appeler Ouziel, son orfèvre personnel, et lui commanda une rosace en or d’un diamètre d’une palme, composée de six feuilles de lotus ciselées. Une septième pièce au centre était un médaillon en or sur les côtés duquel les feuilles de lotus s’inséraient. L’orfèvre s’exécuta et Salomon y grava une inscription codée de sorte qu’une fois les six feuilles assemblées, la rosace puisse être complète. En l’absence d’un seul morceau, il serait impossible d’en saisir le message.

    La question était de savoir à qui le roi pouvait faire suffisamment confiance pour confier les six feuilles de la rosace. Il savait que le peuple d’Israël encourrait de grands drames et des exils. Il lui fallait désigner six personnes de confiance dont la progéniture demeurerait assurément au sein du peuple d’Israël sans être soumise à l’assimilation ou à l’exil.

    Il fit placer la première feuille d’or dans le Saint des Saints. À Ébiatar, le prêtre déchu d’Anatot, en qui il avait confiance, il remit la seconde. La troisième échut au responsable de l’aire du Temple avec pour instruction de la placer tout en haut de la grande porte qui permettait d’y accéder. Il conserva la quatrième et la fit insérer dans le pied de sa table. La cinquième fut remise à sa parenté de la tribu de Juda. Il fit remettre la sixième à Yarel, navigateur appartenant aux tribus du Nord. Il donna la septième pièce centrale au grand-prêtre Tsadok. Toutes ces personnes reçurent l’ordre que chaque relique d’or soit conservée au sein de sa famille et transmise de père en fils. Salomon obtint d’eux la promesse qu’en aucun cas elle ne devrait être vendue ou délaissée.

    Un jour, se disait-il, lorsque les six feuilles seront retrouvées et rassemblées, le message pourra être révélé.

    II. Adieu Casablanca

    Casablanca, 1964. Alors qu’il donne un cours de physique à une lycéenne, Alain Oufrani interrompt son travail. Il entend le grondement d’une foule en furie. Alain et son élève regardent par la fenêtre. Depuis quelques jours déjà, le bruit court qu’auront lieu des manifestations ouvrières. Les voilà qui dégénèrent. Une foule immense arrivant de la Place de France déferle en hurlant le long du boulevard de Bordeaux et sur l’avenue des Régiments coloniaux. Les collèges sont saccagés, les chaises sont brisées. Il y a des jets de caillasses abondants, des voitures renversées, des autobus en feu, des cris, des blessés et des sirènes… Une ambiance d’escalier d’Odessa. Encore un peu et ce sera la révolution.

    Pourquoi?

    Tout débuta par une manifestation d’étudiants venus protester contre un nouveau décret : ceux qui n’auraient pas été reçus au brevet à l’âge de 17 ans seraient exclus de l’école. Mais ce n’était là qu’un prétexte à une plus ample manifestation en raison du mécontentement qui couvait depuis longtemps chez les petites gens. Une étincelle et tout s’enflamme. Chômeurs, étudiants et même enfants en bas âge déferlent dans les rues, créant une véritable marée humaine. Ils se défoulent en hurlant et en saccageant tout ce qui se trouve sur leur passage. Ils laissent éclater leur rage. C’est leur façon de crier leur désespoir. Certains murmurent que la révolte est sur le point d’être matée par le général Oufkir.

    Cailloux en mains, de jeunes manifestants se dirigent vers les écoles juives. Parmi les slogans, on entend celui d’ « Algérie algérienne! » Il faut croire que l’habitude de proférer ce slogan est bien ancrée dans les masses populaires, car cela fait longtemps que l’Algérie a obtenu son indépendance. La marée humaine se déverse dans les rues latérales. Maintenant, les clameurs sont audibles. Un groupe de manifestants se détache du peloton de tête et se rue en hurlant dans l’escalier de l’immeuble où se trouve Alain. Un grand bruit de verre brisé indique que les manifestants se sont attaqués à la porte d’entrée. Alain demande à son élève de se cacher dans la salle de bains. Avec l’aide de la servante musulmane, il s’apprête à barricader la porte d’entrée. « Ce sera peine perdue », dit la servante. Elle décide de sortir courageusement sur le palier et de s’adresser directement aux émeutiers en leur criant:

    - Ma kaïnsh leyhoud hna! (Il n’y a pas de Juifs ici!)

    L’argument est convaincant. Les manifestants quittent le bâtiment.

    Alain a 16 ans. Cet incident déclenche en lui des remises en question quant à son avenir. Pour lui, l’ère du sempiternel bouc émissaire des masses mécontentes doit s’achever. Il est temps de plier bagage. Alain ne fera que rejoindre la majorité des siens qui, au même moment, réalisent en Israël leur libération réelle et les lointaines prophéties bibliques du retour.

    À Casablanca, le temps est venu où il faut faire le point. L’avenir est ailleurs, car les jeunes Juifs aspirent à faire leurs études dans des universités prestigieuses à l’étranger. Ils veulent goûter à la liberté pleine et entière. Ils rêvent aussi de contribuer à bâtir l’État d’Israël. Ils ont conscience de leur situation précaire en cas de changement de régime. La monarchie marocaine est aux prises avec une extrême droite ultranationaliste et une extrême gauche contrôlée par des syndicats militants. Pour des raisons opposées, toutes deux promettent de s’en prendre aux Juifs une fois au pouvoir. Et pourtant! Il y a eu, il est vrai, une période d’euphorie durant laquelle on louait la coexistence judéo-musulmane. Mais cela remonte au lendemain de l’Indépendance marocaine, en 1956. C’est loin, déjà. Il y a eu des vagues d’arrestations de Juifs lorsque le président Nasser d’Égypte est venu en visite officielle à Casablanca en 1961. Ce n’est que lorsqu’un rabbin suisse a arbitrairement été emprisonné et qu’un scandale international s’en est suivi que ces arrestations ont cessé. Cet épisode a souligné la précarité de la condition des Juifs.

    D’un côté, la droite marocaine, l’Istiqlal, a un chef en charge du Ministère des Affaires islamiques lequel vante la conversion forcée de Juives mineures, allant jusqu’à publier les photographies de ces malheureuses. Cela a instauré la frayeur au sein des familles juives. Les slogans antijuifs ajoutent à la panique. Cette droite dégage l’impression de n’être satisfaite que d’un Maroc allant du Sénégal aux Pyrénées, un Maroc où les Chrétiens et les Juifs retourneraient au statut de dhimmi.

    De l’autre, la gauche marocaine dominée par l’UMT (l’Union marocaine des travailleurs) fait de la surenchère antisémite. Alain a eu accès à une brochure qui niait l’existence d’Israël en termes virulents. On y promettait de dépouiller de leurs biens les suppôts du capitalisme que représentent les Juifs…

    Ainsi, les principaux courants politiques désireux d’acquérir le pouvoir ont recours au plus ancien des moyens de propagande: la haine gratuite du Juif. Pour ce faire, on n’hésite pas à recourir à des slogans antisémites de l’Europe d’avant-guerre. Au centre de l’échiquier politique, la monarchie demeure relativement modérée. Un gros point d’interrogation plane sur son avenir. La vie insouciante de la jeunesse casablancaise ne fait pas oublier à Alain que sa liberté est loin d’être pleine et entière.

    Le fait que tout ce qui mentionne Israël soit proscrit par les autorités marocaines ne sert qu’à attiser le désir des jeunes Juifs casablancais d’en savoir plus. L’on fait tout pour avoir des nouvelles des siens dans un pays officiellement inexistant. La conscience des Juifs du Maroc ne peut faire abstraction de la nouvelle réalité juive au lendemain de la fondation de l’État d’Israël.

    Lors de la guerre d’Indépendance d’Israël, en 1948, un grand émoi s’était emparé de la communauté juive marocaine. Des émeutes contre eux avaient été perpétrées à Kenitra et à Djérada et les scènes d’horreur qui eurent lieu firent rapidement le tour des communautés juives du pays. À Djérada près d’Oujda, la populace déchaînée avait cerné et attaqué la petite communauté juive faisant 39 morts et 30 blessés graves. L’armée et la police françaises n’étaient intervenues que tardivement et sans empressement pour mettre fin à ce massacre. Les premiers volontaires juifs étaient partis à destination d’Israël. Alain se remémore l’atmosphère entourant cette époque par les récits qu’on en faisait. Quand sa ville natale de Mogador avait appris la mort de l’un des siens (de la famille Loeub) tombé au champ d’honneur, il y avait eu un rassemblement général au cours duquel le célèbre IDK (Isaac D. Knafo) était parvenu à émouvoir toutes les personnes présentes. Il avait touché la fibre sioniste qui sommeillait en chacun.

    À l’école primaire, il était courant que l’on apprenne qu’un tel msa lerets, pour signifier qu’il était parti pour la Terre Sainte. Tout au long de ses études, les classes s’étaient vidées régulièrement. Les enfants qui restaient étaient remplis de tristesse mêlée d’admiration en entendant ces mots: « msa lerets! » C’était du cimetière juif que se faisaient les départs pour Israël. Après les adieux déchirants aux défunts et les prières de circonstance, les familles s’embarquaient sous l’œil attristé des voisins et des amis musulmans. Certains n’approuvaient pas ces départs et affirmaient que le sultan ba’ liheud bzra’, avait vendu les Juifs contre du blé. Pour la grande majorité, le départ était un triste événement, mais inévitable. Beaucoup avaient les larmes aux yeux en faisant leurs adieux. Lorsque plus tard l’émigration pour Israël fut interdite, les départs se firent d’un camp situé hors de la ville d’où les émigrants étaient transportés en voiture dans le plus grand secret.

    L’épopée du Pisces et la publication du livre Exodus de Léon Uris ont été d’autres événements marquants dans la société où Alain a grandi. Le Pisces transportant une quarantaine d’immigrants clandestins vers Israël avait coulé dans le détroit de Gibraltar. Leurs noms étaient sur toutes les lèvres. Deux des familles étaient originaires de Mogador et firent l’objet de prières commémoratives dans les synagogues. Alain et ses amis avaient pris conscience qu’en tant que Juifs marocains, ils faisaient la une sur la scène internationale. L’émigration vers Israël était officiellement interdite et on prétendait se rendre au Canada. Sans l’autoriser officiellement, les autorités marocaines avaient admis l’inévitable départ de la majorité des Juifs.

    *     *     *

    Juin 1965. Une belle journée ensoleillée. On sent approcher l’atmosphère des périodes estivales au bord de la mer et dans les boîtes de nuit. Une fois les examens passés, la dolce vita recommencera dans l’insouciance la plus complète. On se retrouvera en bande dans les piscines du Lido et de Tahiti sur la côte casablancaise. Le flirt et les jeux dans l’eau permettront des journées d’une beauté langoureuse. Ces journées joyeuses assouviront à souhait la sensualité à fleur de peau des jeunes Casablancais.

    Alain prépare son baccalauréat. C’est maintenant ou jamais qu’il doit s’y consacrer pour assurer son avenir. Aussi s’impose-t-il une discipline de fer. Ce matin, alors qu’il commence sa journée de travail de révision, la porte d’entrée de sa maison s’ouvre brusquement. Son ami François entre en trombe :

    – Alain c’est la chance de ta vie, et c’est moi qui te l’offre aujourd’hui!

    – Sans attendre de réponse, il agrafe au veston d’Alain un macaron tricolore, lui enjoignant de le suivre sur-le-champ.

    – Merci pour la décoration, mais quel en est le sens?

    – Elle signifie que tu vas passer la plus belle journée de ta vie. Ce macaron est réservé aux conscrits du service militaire français.

    – Ce n’est pas pour moi.

    – Ce le sera pour la journée, dit François en enfourchant sa mobylette en direction du lycée de jeunes filles. Aujourd’hui, nous pouvons les embrasser toutes: les blondes, les brunes et les rousses, les effrontées et les timorées. Et c’est à l’œil qu’on va se permettre de faire la bise à toutes celles qui nous font rêver à longueur d’année.

    Ils arrivent au lycée de jeunes filles. Tous les futurs conscrits sont sur leur trente-et-un. Coiffés court, pimpants, ils s’avancent vers le groupe des jeunes filles en distribuant des accolades et en semant des bises. Les jeunes filles les plus timides s’y prêtent avec bonne humeur et certaines y prennent même du plaisir. L’image de ces jeunes s’engageant dans la vie de caserne—Dieu sait pour quel front—leur retire leur réserve naturelle. Les garçons entonnent des refrains à tue-tête, certains poussant jusqu’à la gaillardise. Aujourd’hui, ils peuvent ne pas être tout à fait raisonnables et ils en profitent pour oublier la pression des examens, les frustrations amoureuses et, peut-être aussi, une certaine appréhension de la vie de caserne.

    François est déchaîné et crie: « Alain, tu n’as pas essayé celle-ci. Ne manque pas celle-là. » Bien que cela soit contraire à sa nature, Alain se laisse prendre au jeu. Il est sensible aux avances de nombreuses filles à son endroit.

    En retrait se tient Paméla. Grande, cheveux châtains, calme de nature. Elle est la voisine de banc d’Alain. Ils ne se parlent que rarement, seulement pour échanger des propos sur certains professeurs ou discuter de l’utilité de tel ou tel cours pour leur avenir. Parfois même, ils cheminent ensemble sur la route du retour de l’école et se quittent avec regret. Alain apprécie Paméla et il sent que c’est réciproque. Il y a une distance entre eux, celle de l’écart qui, dans la société casablancaise, sépare les différentes confessions. Dans cette société, on n’encourage pas les relations qui pourraient mener à des attachements profonds et être source de complications.

    Alain se dirige vers Paméla qui l’accueille à bras ouverts.

    Tu m’as caché tes projets, Alain. Viens, partons d’ici…

    – Ils marchent ensemble, se rendent à la rue Blaise Pascal et s’assoient à la brasserie La Chope. Paméla rayonne. Une fois installée, elle demande à nouveau:

    – Pourquoi ne m’avoir jamais confié que tu t’engages?

    – Alain décide de révéler son jeu. Il enlève son macaron et dit:

    – Tu me connais Paméla, si je dois faire un service militaire, ce sera en Israël ; nulle part ailleurs. L’idée de porter le macaron vient de François qui a tenu à partager avec moi un moment de joie. Navré de te décevoir.

    – Comment as-tu pu te prêter à cette mascarade? Je te pensais trop intègre pour une telle activité.

    – Alain ne veut pas entrer dans des explications concernant la relation amoureuse qu’il a vécue et qui l’a profondément marqué. Il ne veut pas non être sur le banc des accusés. Il a toujours apprécié Paméla et décide de lui parler franchement.

    – Paméla, n’es-tu pas toi-même sortie de ta réserve naturelle aujourd’hui? Il y en a tant parmi nous qui passent leur temps à rêver durant les années de lycée! Aujourd’hui, c’est l’occasion de goûter au fruit défendu. Fut-ce de façon fugace! C’est tout!

    – Paméla lui prend la main longuement et dit en rougissant:

    – Tu sais, je ne regrette pas du tout le baiser que nous avons échangé tout à l’heure.

    – Moi non plus. Il y a eu une certaine électricité entre nous.

    Paméla sourit. Alain sent les mains glacées de Paméla. Ils se regardent sans mot dire.

    Ce soir-là, ils se promènent dans le parc avoisinant la grande cathédrale. Ils échangent des confidences, découvrant avec surprise tout ce qu’ils ont en commun. Ils parlent de sujets qui n’ont plus rien à voir avec ceux de lycéens: les musiques du monde, leur façon de se former un espace privé avec des écrits personnels et des lectures secrètes, leur vision de l’avenir. Paméla avoue que c’est la première fois qu’elle a de tels échanges avec un garçon. Elle se découvre une nouvelle dimension intellectuelle et affective. Finalement, ils s’assoient sur un banc.

    – Quels sont tes vrais projets Alain?

    – Je m’en vais en Israël dans un mois.

    – Pourquoi Israël?

    – C’est trop profond en moi pour te l’expliquer. C’est un rêve qui couve depuis 2000 ans et qui maintenant se réalise. Je ne veux pas laisser à d’autres le soin de bâtir ce pays.

    Paméla essuie une larme.

    – Je m’en vais étudier l’histoire de l’art à Paris puis à Rome. Tout un programme. Je ne t’oublierai pas.

    Ils échangent un long baiser et prennent le chemin du retour. Alain sent que Paméla est éprise de lui. Elle le cache de moins en moins. Elle se distingue des autres Françaises du lycée. Sa sincérité et son optimisme lui permettent d’envisager le monde avec confiance et sérénité. Durant les récréations, les garçons font mine d’afficher une assurance qui ne leur est pas naturelle. Quant aux filles, elles font montre de coquetterie. Les surprises-parties de la fin de semaine précédente et l’anticipation de la suivante sont leur sujet de conversation favori. Fils de riches colons pour la plupart, les lycéens français font état d’une certaine suffisance et comptent beaucoup sur la fortune de leurs parents et leur notoriété pour se faire une place au soleil. Ils ne ressentent pas comme les Juifs—dont bon nombre sont issus de milieux modestes—ce besoin déterminant de réussir des études brillamment. Certains d’entre eux ont véritablement l’envie d’étudier. Paméla en fait partie. Sa sensibilité irradiante la rend avenante. Sa personnalité simple et directe tranche avec toutes les inhibitions qui peuvent exister entre catholiques et juifs au sein de la société casablancaise.

    Peut-être Alain pense-t-il, qu’en d’autres circonstances, Paméla et lui… Mais il chasse cette idée de son esprit, car il n’y voit d’autre issue que le goût de l’interdit. Il faut être réaliste et accepter les choses comme elles sont. Il faut éviter les situations qui ne pourront aboutir. Bientôt, ils seront séparés. Ils se retrouveront loin l’un de l’autre et ne se reverront peut-être plus. En bas de chez elle, boulevard de la Gare, Paméla ne se résigne pas à monter l’escalier. Alain l’étreint une dernière fois, lui souhaite une bonne réussite dans la vie et la quitte d’un pas ferme.

    Deux semaines plus tard, Alain reçoit un appel de Pamela, lui demandant de l’accompagner à une soirée. Alain accepte et se rend chez elle. Elle est plus ravissante que jamais. Elle l’invite à entrer. Son appartement cossu est baigné par une lumière tamisée. Une chanson de Jacques Brel en remplit l’espace. Alain est stupéfait de découvrir tant de raffinement. L’art y est des plus recherchés. Une peinture de Braque retient leur attention. Alain est séduit par les explications nuancées de Paméla. Elle semble dans son élément, car sa timidité naturelle fait place à autre chose qu’il ignore d’elle: l’assurance du connaisseur. Elle lui présente des objets d’art variés et Alain est frappé par l’ampleur de sa culture et la justesse de ses propos. Plusieurs fois, sur le chemin du retour du lycée, ils ont plaisanté sur le fait qu’ils constituent à eux deux une mini encyclopédie. Paméla excelle en latin, en grec et en italien. Quant à Alain, sa connaissance de l’hébreu, de l’araméen, du judéo-espagnol et du judéo-arabe constitue un volet très différent, mais bel et bien complémentaire. Aujourd’hui, ils s’aperçoivent qu’ils ont une soif immense de savoir et que, chacun de leur côté, ils ont développé une compréhension profonde de l’histoire et de l’art. Indépendamment du côté sacré du latin du catéchisme et de l’hébreu biblique ou de l’araméen du Talmud, ils aiment se plonger dans les civilisations du passé. Tout objet d’art est perçu selon des perspectives et des symboles qui vont bien au-delà de leur formation lycéenne.

    Paméla change de microsillon. Elle offre un jus de fruit à Alain et s’assoit près de lui. « Si je me permettais de rêver, dit-elle, j’aimerais faire avec toi le tour des musées de la planète. Imagine un peu… » Leurs mains se cherchent, leurs visages se rapprochent. L’air de l’Adagio d’Albinoni résonne avec une rare limpidité. Les accents langoureux des violons expriment la beauté du moment et la tristesse des adieux imminents. Alain et Paméla ne savent comment cela s’est produit. Tout a débuté par un baiser posé au creux de la nuque de Paméla qui lui a rendu un baiser passionné. La fougue de leurs dix-sept ans y est sûrement pour quelque chose. D’abord hésitantes, les mains d’Alain se font plus sûres. Il dégrafe son soutien-gorge sous sa robe et cueille dans sa paume le galbe d’un sein pointu et ferme qui n’attend qu’à être pris. Paméla lui décoche un sourire complice et aide Alain à lui faire explorer son corps. Ils se découvrent des élans qu’ils se sont interdits jusqu’à présent. Paméla fait glisser sa robe, et permet à Alain d’oser davantage. Ils ne pensent plus à la soirée à laquelle

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1