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Diplomatie et amour chretien dans le monde: La vie de S.E. Carmine Rocco Nonce Apostolique  Représentant de quatre papes de saint Jean XXIII à saint Jean-Paul II Nonce Apostolique au Brésil, aux Philippines et en Bolivie
Diplomatie et amour chretien dans le monde: La vie de S.E. Carmine Rocco Nonce Apostolique  Représentant de quatre papes de saint Jean XXIII à saint Jean-Paul II Nonce Apostolique au Brésil, aux Philippines et en Bolivie
Diplomatie et amour chretien dans le monde: La vie de S.E. Carmine Rocco Nonce Apostolique  Représentant de quatre papes de saint Jean XXIII à saint Jean-Paul II Nonce Apostolique au Brésil, aux Philippines et en Bolivie
Livre électronique386 pages5 heures

Diplomatie et amour chretien dans le monde: La vie de S.E. Carmine Rocco Nonce Apostolique Représentant de quatre papes de saint Jean XXIII à saint Jean-Paul II Nonce Apostolique au Brésil, aux Philippines et en Bolivie

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À propos de ce livre électronique

Traduit de l’italien par Jérôme Nicolas
S.E.  Mgr  Carmine  Rocco  a  traversé  les  grands  bouleversements  du  XXe  siècle,  de  la  Deuxième  Guerre  mondiale  aux  féroces  dictatures  de  l’Amérique  Latine  et  des  Philippines,  en  se  prodiguant  pour  le  bien  des  populations  et  pour  le  bien  de  l’Église.Son  témoignage  de  vie,  à  travers  ses  journaux  de  l’époque  de  Paris  occupé  par  les  nazis  jusqu’aux  épisodes  dramatiques  du  régime  de  Vichy  ;  sa  belle  et  profonde  amitié  avec  saint  Jean  XXIII,  qui  s’exprime  dans  la  longue  et  dense  correspondance  qu’ils  ont  entretenue  ;  les  défis  qu’il  a  dû  relever  pour  la  fondation  de  l’Université  Catholique  Bolivienne  ;  les  visites  du  saint  Paul  VI  aux  Philippines,  puis  celle  de  saint  Jean-Paul  II  au  Brésil,  constituent  des  pages  fascinantes  de  l’histoire  de  l’Église  œcuménique  et  racontent  la  dimension  humaine  et  spirituelle  d’un  homme  qui  a  consacré  sa  vie  à  cette  importante  Mission  pour  l’Église  dans  les  différents  continents.

 
LangueFrançais
ÉditeurSette Città
Date de sortie5 juin 2018
ISBN9788878536531
Diplomatie et amour chretien dans le monde: La vie de S.E. Carmine Rocco Nonce Apostolique  Représentant de quatre papes de saint Jean XXIII à saint Jean-Paul II Nonce Apostolique au Brésil, aux Philippines et en Bolivie

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    Aperçu du livre

    Diplomatie et amour chretien dans le monde - Sandra Pozzi Rocco

    Temoignage

    Preface

    † S.E. Giovanni D’Aniello Nonce apostolique au Bresil

    Quand on m’a demandé d’écrire la préface de ce livre, j’ai accepté immédiatement et très volontiers, pour deux raisons simples. D’abord, parce qu’en tant que représentant du Saint-Père au Brésil, je parcours maintenant les mêmes lieux que Monseigneur Carmine Rocco avait visités en son temps ; ensuite, parce que le souvenir d’une personne qui a consacré une partie de sa vie à ce peuple merveilleux est encore bien vivant aujourd’hui au Brésil. Écrire pour lui et sur lui m’a paru être un devoir, mais aussi une manière d’être le porte-parole de tant de Brésiliens qui l’ont connu et d’exprimer, a posteriori, de la gratitude et de l’affection pour tout ce qu’il a réalisé ici.

    Les pages qui suivent nous présentent la figure et l’activité de l’un des nonces les plus aimés du xx e siècle, dont le souvenir est toujours vivant chez ceux qui l’ont connu ou qui entendent faire son éloge aujourd’hui encore.

    Né à Camigliano, dans la province de Caserte, en Campanie, il fait ses études ecclésiastiques dans le diocèse de Calvi et Teano, avant de fréquenter l’institution qui s’appelait à l’époque l’ Accademia dei Nobili, l’ « Académie des Nobles » – l’actuelle Académie Ecclésiastique Pontificale –, une institution qui prépare les jeunes ecclésiastiques au service diplomatique du Saint-Siège dans les nonciatures du monde entier.

    Comme on sait, les nonciatures apostoliques diffèrent des ambassades traditionnelles, dont elles sont l’équivalent, car le représentant pontifical, avant même de représenter le Saint-Siège auprès du pays d’accueil, est surtout la présence visible de la sollicitude du Saint-Père et le pont qui unit l’Église Universelle à telle Église particulière.

    La diplomatie du Saint-Siège, qui entretient des rapports de réciprocité avec les nations, est selon les termes du cardinal Giovanni Battista Montini « l’art de créer et de maintenir l’ordre international, c’est-à-dire la paix ; c’est l’art, veux-je dire, d’instaurer des rapports humains, raisonnables, juridiques, entre les peuples, et non par la force ou à travers des tensions implacables ».

    Or, la question de la paix est l’une des premières préoccupations du service diplomatique de M gr Carmine Rocco. En effet, dès qu’il termine ses études et après avoir passé quelques mois au Secrétariat d’État à Rome, le 30 octobre 1939, à l’âge de 27 ans seulement, il est nommé à la nonciature apostolique de Paris, où M gr Valerio Valeri est nonce apostolique. La Deuxième Guerre mondiale vient juste de commencer : les troupes allemandes de Hitler ont envahi la Pologne, puis conquis la capitale française.

    La foi que lui a transmise sa famille et qui s’est renforcée pendant ses années de formation, lui a permis d’affronter avec sérénité ces années sombres, rendues encore plus dures et plus tristes par la nouvelle de la mort de son père, que la guerre l’empêche d’aller embrasser une dernière fois.

    À l’école de son maître Valerio Valeri, le jeune Carmine affronte les difficultés de l’invasion allemande, le transfert de la nonciature à Vichy, mais aussi la douleur causée par le massacre d’Oradour-sur-Glane, en juin 1944, que M gr Rocco considère comme « l’une des pages les plus horribles de l’histoire de l’humanité ».

    De retour à Paris et après que le gouvernement De Gaulle a refusé d’accréditer M gr Valeri comme nonce, M gr Rocco a la chance de rencontrer et de collaborer avec M gr Angelo Giuseppe Roncalli, le futur et bon pape Jean XXIII, qui deviendra ensuite son ami. Il doit affronter maintes difficultés aux côtés de M gr Roncalli : en particulier, l’insistance du gouvernement de Gaule qui exige la démission d’un certain nombre d’évêques qu’il considère comme hostiles à sa politique et, surtout, le problème de l’enseignement religieux dans les écoles.

    À la fin de la guerre – en mai 1945 –, la diplomatie du Saint-Siège se fait plus attentive à la politique mondiale, caractérisée par la disparition du président Roosevelt aux États-Unis, l’exécution de Mussolini en Italie et la fin du régime national-socialiste hitlérien en Allemagne.

    L’horizon se déplace aussi pour Monseigneur Rocco : au bout de sept années particulièrement difficiles passées en France, il est envoyé au mois d’août 1946 en Argentine, dans ce que le pape Pie XII avait coutume d’appeler « le continent de l’espoir ».

    Une fois arrivé en Argentine au début du mois d’octobre 1946, d’abord en qualité d’auditeur, puis de conseiller du nonce, M gr Fietta, Monseigneur Rocco doit se mesurer à la politique du régime péroniste, laquelle contribue au développement du pays, mais provoque également des tensions avec l’Église, en particulier à propos de l’enseignement religieux dans les écoles et du divorce. M gr Rocco reste à Buenos Aires jusqu’en 1953, l’année où il est rappelé au Vatican pour collaborer au Secrétariat d’État.

    Après plusieurs années de service comme collaborateur, le 19 janvier 1959, M gr Carmine Rocco est nommé nonce apostolique en Bolivie, un autre pays du « continent de l’espoir ». À cette époque, la Bolivie est continuellement sujette à des coups d’État, elle est en proie à des conflits sociaux et à des actions de guérilla – on se souvient que Che Guevara est mort dans ce pays. Les habitants indigènes connaissent de grandes souffrances, alors que les richesses du pays sont concentrées entre les mains de rares privilégiés.

    M gr Rocco arrive dans ce pays animé par la foi qui l’a toujours soutenu, par l’optimisme de sa terre natale et par la volonté de se mettre au service de ces populations et de leur transmettre l’amour de Dieu et de l’Église.

    Pour démontrer dans les faits son amour pour ce pays, le nonce se consacre d’abord à la construction d’un grand séminaire national pour la formation des futurs prêtres, une idée pleinement approuvée par la Conférence Épiscopale Bolivienne, puis à la fondation d’une université catholique, un projet d’une importance capitale pour le développement des futures générations. Ces projets d’une grande importance, qui exigent une grande énergie, sont systématiquement réalisés, grâce à l’appui des pères jésuites, avec une grande sérénité d’esprit, mais aussi avec la fermeté d’un homme qui connaît parfaitement l’importance de l’instruction chrétienne pour la jeunesse du pays et pour celle de l’Église.

    Après quelques années d’un ministère extrêmement fructueux dans le continent de l’espoir, M gr Rocco est appelé à changer d’hémisphère : Paul VI le nomme nonce apostolique aux Philippines. Cette nomination comme représentant pontifical dans le pays le plus catholique d’Asie confirme l’estime que M gr Rocco s’est acquise auprès du Saint-Père et de ses supérieurs du Secrétariat d’État. M gr Rocco doit ensuite préparer la visite du pape et recevoir celui-ci dans l’archipel, après le terrible tremblement de terre de 1968.

    En août 1973, M gr Rocco commence la dernière étape de son service diplomatique au Saint-Siège : il revient aux Amériques, comme nonce apostolique au Brésil, un pays qui connaît au cours de ces années une période difficile de son histoire moderne. Le pays est dirigé par un régime politique d’exception et différents mouvements s’affrontent au sein de son Église.

    Monseigneur Rocco se passionne immédiatement pour cette nouvelle réalité et se consacre inlassablement à son ministère, en tâchant de manifester la sollicitude du Saint-Père et l’amour de l’Église Universelle dans les régions les plus reculées de cet immense pays.

    Sans ménager ni son temps ni son énergie, il effectue des visites pastorales dans plusieurs régions du Brésil, il participe à l’importante assemblée CELAM à Puebla – Mexique – et il prépare le long voyage du pape Jean-Paul II au Brésil en juin-juillet 1980, dans lequel il accompagne le Saint-Père.

    En tant que son successeur dans ce pays-continent, je profite de cette occasion pour remercier tous ceux qui ont eu l’idée digne d’éloges de consacrer ce livre à S.E. M gr Carmine Rocco, qui est sans nul doute l’une des plus belles figures du siècle dernier.

    Ce livre nous permet de parcourir les itinéraires historiques de plusieurs pays du monde, mais il nous donne surtout la possibilité d’évoquer ou de découvrir la figure d’un ecclésiastique qui a fait de l’amour de Dieu le moteur d’une intense activité consacrée uniquement à une action évangélisatrice de plus en plus pénétrante et efficace.

    Le dévouement et l’amour, qu’il a amplement manifestés dans la fidélité de son service et dans son amour du prochain, ont été les qualités essentielles d’un évêque qui a pu dire, à la fin de son pèlerinage terrestre, qu’il a sincèrement œuvré pour témoigner du visage de Dieu d’amour et de miséricorde, qu’il a donné sa vie pour les autres et qu’il a contribué à écrire plusieurs belles pages d’histoire, où il a joué un rôle de premier plan, souvent dans des situations difficiles.

    Puisse le souvenir de S.E. M gr Carmine Rocco servir d’exemple à ceux qui ont été appelés, comme lui, à ce ministère particulier du Saint-Siège, mais aussi à ceux qui veulent, sincèrement, œuvrer à la construction d’une société et d’un monde de plus en plus caractérisés par l’amour et par le service du prochain.

    L’enfance et les etudes

    Camigliano est un village de deux mille habitants au pied du Monte Grande, dans la province de Caserte, en Campanie. La végétation qui l’entoure est âpre, par endroits aride, mais la bourgade n’en est pas moins gaie et riante, avec les couleurs pastel de ses habitations et ses ruelles étroites sur lesquelles donnent de grandes portes fermées dissimulant les cours des habitations.

    C’est dans ces cours que se passe en ce temps-là la vie des familles. Jusqu’à la fin du xx e siècle, c’est le lieu de rencontre de toute la communauté de l’immeuble : les vieux viennent s’y asseoir pour parler entre eux, les enfants jouent, les femmes tricotent, font du crochet ou préparent des tomates en conserve pendant que les hommes effectuent de petits travaux d’entretien. Chaque immeuble est un monde en soi, avec ses familles, ses règles et ses équilibres. C’est dans une grande maison blanche que le petit Carmine, le dernier des sept enfants de Vincenzo et Clementina Rocco, voit le jour le 9 avril 1912. Baptisé le 24 avril de la même année dans l’église paroissiale San Simeone Profeta, il reçoit les noms de Carmine, Gabriele, Giovanni. La famille Rocco est profondément religieuse et huit de ses membres ont même consacré leur vie à l’Église : outre le clerc Antonio Iovinio, deux sœurs de Vincenzo ont pris le voile au monastère San Biagio d’Aversa, deux neveux de Vincenzo sont devenus prêtres et trois de ses nièces religieuses.

    La famille se réunit chaque soir dans le salon du premier étage pour réciter le Saint Rosaire, avec tous les enfants et les invités éventuels. Vincenzo, le père de Carmine, est le directeur du bureau de poste de Camigliano ; Clementina, sa mère, s’occupe de la maison et de l’éducation des enfants, trois garçons et quatre filles : Francesco, dit Ciccio, Antonio dit Totonno et Carmine, Carmela, Anna, Gabriella, surnommée Biuccia, et Nicolina dite Lina.

    Malgré le début de la Première Guerre mondiale, dont le village ne perçoit toutefois que les lointains échos, l’enfance de Carmine est insouciante, bercée par l’affection de ses frères et sœurs, égayée par les jeux qui se déroulent dans la grande cour de la maison et par le rythme et les saisons de la vie paysanne. Les terres de la famille qui s’étendent au lieu-dit Monticello fournissent du vin, de l’huile et des fruits ; le potager cultivé au fond du jardin produit les légumes nécessaires aux besoins de la famille. Le raisin pour faire le vin, qui arrive dans la cour de la grande maison sur des charrettes traînées par des ânes, est pressé dans la cave à gauche de la porte : c’est une fête pour les enfants, mais aussi pour les adultes, car ce vin est de bonne qualité.

    À l’âge de douze ans, le petit Carmine est envoyé au séminaire de Calvi et Teano pour commencer ses études et entreprendre sa formation humaine et scolaire. Il s’y initie au latin, au grec, aux disciplines humanistes et, plus tard, à la théologie. C’est là qu’il prend conscience de sa vocation religieuse : il conservera plus tard un souvenir reconnaissant et empreint d’affection de ce séminaire, qui lui servira d’ailleurs de modèle pour les différentes institutions qu’il fondera ou développera dans les pays où il prêtera service comme envoyé de l’Église.

    Le séminaire de Calvi et Teano est un très beau bâtiment du xvi e siècle, sis à côté de la cathédrale et pourvu d’une riche bibliothèque où sont conservés des ouvrages très anciens. Les enseignants sont de savants religieux qui exercent leur métier avec beaucoup de passion, car il est normal que les jeunes gens qui se destinent à la vie religieuse reçoivent une formation de premier ordre. Convaincu d’avoir la vocation pour la vie religieuse, Carmine s’inscrit en 1930 au Séminaire Régional de Pausilippe, où il reçoit, sous le contrôle sévère des pères jésuites, la formation juridique et théologique qui lui servira pendant tant d’années. Cette institution accueille les élèves des séminaires diocésains destinés à être ordonnés prêtres.

    Le Séminaire de Pausilippe, fondé en 1898, est l’héritier d’une tradition vieille de plus de quatre cents ans (avec des interruptions forcées), puisque les Jésuites sont établis à Naples depuis 1552. Il voit le jour quand le provincial Giuseppe Marra décide de rouvrir l’École de Théologie et achète à cet effet aux enchères, pour 28.360 lires, un couvent dominicain situé au milieu des vignobles, à mi-pente de la colline du Pausilippe. Il est superflu d’ajouter que la vue dont jouit le couvent est d’une rare beauté. Une église consacrée à sainte Brigitte – la grande mystique et pèlerine suédoise qui a passé de longs mois de sa vie à Naples – s’élève tout à côté.

    Pour être transformé en « Collegium S. Aloissii ad Pausilypum », le couvent a besoin de travaux de restauration et d’agrandissement, afin d’être doté de trente-six chambres : on lui ajoute donc un troisième étage avec vingt chambres et un salon-bibliothèque orné d’étagères en bois (1900) réalisées par le frère Francesco Longobardi.

    Un jour, le provincial napolitain de la Compagnie de Jésus, le père Stravino, est appelé au Vatican : Pie XI l’accueille avec une sollicitude paternelle et beaucoup d’affection, et lui recommande d’accepter la direction du nouveau séminaire en construction, en concluant son exhortation par ces paroles mémorables :

    « C’est la plus belle œuvre que vous confie l’Église et le Vicaire du Christ ».

    Le Séminaire est inauguré le 29 avril 1912.

    Avec la Constitution apostolique « Deus scientiarum Dominus » (24 mai 1931), Pie XI édicte les règles juridiques auxquelles les instituts théologiques doivent se soumettre pour être reconnus comme des facultés théologiques pontificales.

    Carmine entre au séminaire en 1931 et commence à suivre les cours de théologie fondamentale, puis ceux de dogmatique, de grec biblique et d’hébreu, des matières auxquelles il s’applique patiemment et avec beaucoup de sérieux, comme en témoignent ses cahiers conservés aux archives du diocèse de Calvi et Teano. Ce sont des années aussi belles que fécondes, au cours des quelles le jeune homme forge sa conception missionnaire de l’Église. Il est d’ailleurs élu à l’unanimité président du cercle missionnaire du séminaire.

    Carmine publie une étude sur la condition de l’Église et des chrétiens en Inde, qui lui vaut un prix de S.A. le prince Humbert qui fréquente souvent cette école. En 1935, le cercle missionnaire de Pausilippe publie l’étude de Carmine Rocco, qui explique les raisons qui l’ont amené à s’intéresser à l’Inde :

    Après avoir étudié le continent africain les deux années précédentes, nous nous proposons d’étudier cette année, et l’année prochaine, le continent indien. L’immensité du territoire, égal à la superficie de l’Europe, moins la Russie, nous effraie ; mais ses 350 millions d’habitants réclament notre connaissance fraternelle, car ce sont eux aussi les fils du même Père qui est aux Cieux. Ce serait une joie et un réconfort extraordinaires de penser que ce sont nos frères dans la foi ; mais c’est une douleur amère de constater que seuls trois millions d’entre eux sont catholiques, contre 245 millions d’hindous et 75 millions de mahométans. La moisson est donc infinie. Et les ouvriers ? Il y a 8268 prêtres, frères laïques et sœurs. Oprerarii autem pauci. Et de quoi sera fait l’avenir ? Nous nous promettons de faire connaissance avec ce vaste continent, d’explorer, serait-ce à vol d’oiseau, ses différentes régions, de connaître tous ses habitants, surtout les parias, pour que les déshérités de tout ce qui est temporel trouvent, avec l’aide de notre prière, le réconfort en ce que seul Dieu peut donner.

    Carmine conclut la présentation de son étude en demandant que « notre amour missionnaire ne soit pas éphémère : formons en nous la conscience missionnaire qui nous accompagnera pendant toute notre vie de ministère ».

    Les cercles missionnaires des séminaires sont fortement encouragés par le pape Pie XI. Celui de Pausilippe fourmille d’activités socio-culturelles et religieuses, et même la Congrégation de la Propagation de la Foi fait son éloge par la voix de son recteur, Angelo Giuseppe Roncalli, le futur pape Jean XXIII. Le jeune Mario Vergara, camarade d’études de Carmine, est lui aussi membre du cercle missionnaire : en 1934, il entre dans la famille religieuse du PIME., puis il part pour la Birmanie, où il subira le martyre pour la foi catholique le 25 mai 1950.

    Né le 18 novembre 1910 à Frattamaggiore, Mario Vergara fréquente d’abord le Séminaire d’Aversa, puis celui de Pausilippe. Fin septembre 1934, il part pour la mission en Birmanie, où il se dévoue pour le bien des populations locales en leur apportant la catéchèse, tout en prodiguant aux enfants son enseignement et des soins médicaux. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, il se rend en Inde où il est le chapelain des soldats italiens à Bombay. En 1946, il parvient à rentrer en Birmanie, où il reconstitue, dans la solitude, les activités missionnaires que la guerre a interrompues : il apporte la catéchèse dans les villages et construit des dispensaires et des lieux d’assistance.

    Après l’indépendance de la Birmanie, en 1948, les lieux où travaille le père Mario Vergara deviennent le théâtre de conflits armés entre des groupes locaux animés par des idéologies anticatholiques. Le 15 mai, le père Mario et son catéchiste birman, Isidore Ngei Ko Lat, sont assassinés. Avant de partir pour la mission, le père Mario Vergara célèbre la messe dans la chapelle du séminaire, puis il déjeune avec les supérieurs et ses camarades. L’après-midi, tous les séminaristes l’accompagnent au port pour assister à son départ.

    À un camarade du Séminaire de Pausilippe qui lui demande pourquoi il veut partir en mission, alors qu’il y a également beaucoup de travail apostolique à faire en Italie, Vergara répond : « Parce que là-bas il y a l’espoir de more martire, de mourir martyr » Ce désir, c’est au séminaire qu’il l’a mûri. Le père Mario écrit en effet :

    Je ne peux pas penser sans une émotion et une gratitude profondes au renouveau spirituel que le Séminaire de Pausilippe a opéré en moi ; ce fut une inondation de grâce, spécialement pendant les deux premières années de théologie. Le poète Leopardi aimait la colline qu’il gravissait pour contempler l’infini. Moi, j’aimerai toujours la douce colline [1] qui a ouvert mon âme à l’amour dans lequel il est doux de naufrager. Un visiteur de Pausilippe disait que le Séminaire est un doux nid fait pour rêver ; moi, j’ai rêvé à Pausilippe la beauté de la vocation missionnaire [2] .

    Cet épisode montre comment Carmine se prépare à sa mission, en cultivant, grâce à sa formation théologique et juridique, le « Sensus Ecclesiae » qui caractérisera toute sa vie. Il conservera un souvenir et des liens très étroits avec le Séminaire de Pausilippe et ne manquera jamais de s’y rendre en visite à chacun de ses retours en Italie. Il y viendra pour la dernière fois en 1981, un an avant sa mort. Il fut accueilli à l’entrée par le recteur, il célébra la Sainte Messe et dîna ensuite avec les séminaristes. Le frère Corradino, « mémoire historique » du Séminaire, évoque en ces termes cette visite, à laquelle il a assisté personnellement :

    C’était une figure qui frappait par son port, par son regard, et parce qu’il était toujours immédiat et intuitif.

    Le 26 juillet 1936, jour de la fête de Sainte Anne, Carmine est ordonné prêtre dans la cathédrale de Teano par S.E. M gr Giuseppe Marcozzi, évêque diocésain.

    Il célèbre sa première messe solennelle dans l’église paroissiale San Simeone Profeta, en présence de nombre d’habitants du village et de toute sa famille, qui s’est élargie entre-temps à la suite du mariage de ses frères. Le climat est à la fête et Carmine, comme en témoigne sa cousine, l’abbesse Gertrude Parisi, manifeste une joie émue et pure. Désireux d’approfondir sa formation et ses études, il s’inscrit à l’Université Pontificale Grégorienne de Rome dont il suit les cours de droit canon de 1936 à 1939, avant d’être brillamment reçu à ses examens.

    En 1937, il est admis à l’Académie des Nobles, à Rome. Aujourd’hui encore, cet institut prépare les jeunes ecclésiastiques au service du Saint-Siège dans le monde.

    L’Académie des Nobles, rebaptisée plus tard « Académie Pontificale Ecclésiastique » par le pape Pie XI, a eu parmi ses élèves plusieurs papes, le dernier en date étant Giovan Battista Montini, le futur Paul VI, que le pape François a proclamé bienheureux le 19 octobre 2014. Dans son discours pour célébrer les 250 ans de l’académie, le 23 avril 1951, Giovan Battista Montini, qui est à l’époque substitut du Secrétaire d’État, explique clairement le but et les lignes directrices de cette académie :

    La diplomatie est l’art de créer et de maintenir l’ordre international, c’est-à-dire la paix ; c’est l’art, veux-je dire, d’instaurer des rapports humains, raisonnables, juridiques entre les peuples, et non par la force ou à travers des tensions implacables et l’équilibre d’intérêts, mais par la voie d’un règlement ouvert et responsable. Le meilleur diplomate est celui qui est capable de proposer le programme le plus étendu, le plus universel, celui qui sait trouver des formules qui puissent bénéficier à tous et qui propose des programmes de vie internationale, d’État à État, qui ne défendent pas les intérêts exclusifs de sa propre nation, mais qui apportent un bénéfice réciproque, qui aient un intérêt commun et une valeur universelle. Si la diplomatie s’exerce à travers une représentation responsable, et si elle tend à construire la paix, si elle est l’art de la paix, je dirais alors qu’aucune institution, qu’aucune forme d’activité entre les peuples n’appartient davantage à l’Église Catholique, que la paix, la vraie paix, prêche, cherche et produit plus que tout autre bien terrestre.

    La diplomatie du Saint-Siège envoie ses représentants, ses nonces, dans les différents pays, non seulement pour défendre – cela est évident – les droits de l’Église : mais aussi pour défendre les droits, pour servir les besoins du peuple auprès duquel elle se rend. Elle va apporter une parole de collaboration, elle va dévoiler les besoins de la population, elle va collaborer avec le gouvernement et la nation qui l’accueillent. Elle ne représente pas des intérêts opposés, mais coïncidant. Et c’est pour cette raison que la diplomatie se présente comme une forme d’amour entre les peuples ; et l’école qui les prépare, est une école de charité supérieure.

    Quand nous étions au séminaire, on nous enseignait à aimer les âmes, à aimer la paroisse, à aimer le diocèse. Ici, on nous enseigne à aimer les peuples entiers, à étendre les cœurs, à les ouvrir tout grand selon une magnanimité vraiment romaine, à ouvrir l’esprit à la considération des nations, des continents, des histoires les plus complexes, des formes de vie humaine. Ici, l’école dit à l’élève :

    Tu seras le serviteur de ces grands besoins, de ces besoins supérieurs, de ces immenses besoins.

    Une échelle de responsabilité est présentée à l’élève de l’académie :

    Plus tu monteras, plus tu serviras ; et souviens-toi que monter, cela veut dire porter le poids de nouvelles responsabilités ; et sache ce que représenter veut dire : cela veut dire donner, t’exposer toi-même pour un autre : oportet me minui, ilium autem crescere, plus tu monteras, plus tu trembleras pour ta mission, et tu devras confondre dans la prière et dans l’humilité l’exercice des fonctions qui te seront attribuées. La diplomatie est une représentation :

    Nous avons le sens de la représentation du Christ, de la représentation de l’Église.

    Et que ce soit notre but et notre mérite de pouvoir dire :

    « Je suis le Christ, je suis l’Église. »

    Carmine a fait siens les idéaux profonds dont est imprégnée l’Académie Pontificale, comme en témoignent sa vie et ses œuvres. Le 15 août 1939, Don Carmine est nommé par M gr Giovan Battista Montini au Secrétariat d’État à Rome. Et le 30 octobre 1939, Monseigneur Montini lui communique par lettre sa nomination comme attaché auprès de la nonciature apostolique de France.

    Voici le texte de cette missive : « Les excellentes qualités que vous avez manifestées dans les bureaux du Secrétariat d’État sont la meilleure preuve que vous serez à la hauteur de la confiance que vos supérieurs mettent en vous. »


    [1] de Pausilippe, [N.d.A.].

    [2] Père Mario Vergara, citation tirée d’une lettre aux séminaristes.

    La France et La Deuxieme Guerre mondiale

    La Deuxième Guerre mondiale vient d’éclater : le 1 er septembre 1939, l’Allemagne nazie a envahi la Pologne et, le 3 septembre, la France et la Grande-Bretagne ont déclaré la guerre à l’Allemagne. L’Union soviétique envahit l’est de la Pologne le 17 septembre 1939 et la Finlande le 30 septembre. Le jeune Carmine, âgé de seulement 27 ans, travaille maintenant à la nonciature d’un grand pays, la France : c’est depuis cet observatoire qu’il va assister à l’évolution de l’ensemble du conflit mondial.

    Carmine arrive à Paris en train. Le nonce Valerio Valeri et M gr Alfredo Pacini, son collaborateur, l’accueillent au siège de la nonciature, 10 avenue du Président-Wilson. Il apprend à Paris la mort de son père, Vincenzo Rocco, mais la guerre l’empêche de rentrer en Italie. Le 12 mars 1940, Don Carmine est nommé par le Saint-Père Camérier Secret Surnuméraire, avec le titre de Monseigneur. Il a 28 ans.

    Le 10 mai 1940, les Allemands attaquent les Pays-Bas et la Belgique en passant par la forêt des Ardennes et ils entrent en France. Rommel débouche sur la Meuse à Dinant ; Monthermé et Sedan tombent et l’avancée allemande se poursuit jusqu’à Paris, où les envahisseurs entrent le 14 juin 1940, sans combats : le gouverneur militaire de la ville, le général Pierre Héring, a déclaré Paris « ville ouverte ».

    Le 10 juin 1940, l’Italie déclare la guerre à la France et à l’Angleterre. Dans la nuit du 6 juin 1940, Paul Reynaud démissionne de son poste de président du Conseil et est remplacé par le maréchal Pétain, lequel forme aussitôt un nouveau cabinet. Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Paul Baudoin, demande l’armistice à l’Allemagne. Le 21 juin 1940, Hitler reçoit les plénipotentiaires français, à qui il communique les conditions de la capitulation, qui sont particulièrement sévères : les 3/5 du territoire national seront laissés à l’envahisseur occupant ; les prisonniers de guerre ne seront pas rendus à la France ; son armée sera réduite à 100.000 hommes. L’Allemagne prend le contrôle de Paris, du Nord de la France et de toute la côte atlantique, alors que le Centre et le Sud du pays, avec les colonies, restent sous contrôle français. Le gouvernement s’installe dans la petite ville de Vichy.

    La nonciature se déplace elle aussi à Vichy. Elle s’installe dans la Maison des Missionnaires, où elle occupe une dizaine de pièces, transformées en habitations et en bureaux. L’ensemble du corps diplomatique prend ses quartiers à l’Hôtel des Ambassadeurs.

    Les ambassadeurs s’installent dans des villas en location, à l’instar des ministres du gouvernement.

    La ville est petite et les dignitaires se rencontrent souvent.

    La nonciature de

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