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Patana, sorcière
Patana, sorcière
Patana, sorcière
Livre électronique284 pages4 heures

Patana, sorcière

Par mh,

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À propos de ce livre électronique

Qui est ce garçon devant son ordinateur ?
A-t-il vraiment, au travers de son écran, une conversation soutenue avec ce qu’il imagine être une sorcière ?
Il a des amis, il va au collège.
Sa famille ne serait-elle pas la plus normale des familles ?
Bientôt, il aura deux soeurs. Elles auront l’âge de son frère et le sien.
Elles viendront agrandir la fratrie,
emmêler leurs ancêtres.

Et elle Patana,
l’hurlante engluée dans l’écran,
qui est-elle ?

LangueFrançais
Éditeurmh,
Date de sortie9 mars 2018
Patana, sorcière

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    Aperçu du livre

    Patana, sorcière - mh,

    Résumé

    Qui est ce garçon devant son ordinateur ?

    A-t-il vraiment, au travers de son écran, une conversation soutenue avec ce qu’il imagine être une sorcière ?

    Il a des amis, il va au collège.

    Sa famille ne serait-elle pas la plus normale des familles ?

    Bientôt, il aura deux soeurs. Elles auront l’âge de son frère et le sien.

    Elles viendront agrandir la fratrie,

    emmêler leurs ancêtres.

    Et elle Patana,

    l’hurlante engluée dans l’écran,

    qui est-elle ?

    APPARITION DE PATANA

    Audric tombait dans les livres comme dans des puits.

    Assis en tailleur sur le canapé du salon, sur son lit, sur une marche de l'escalier, son texte dans les mains, il devenait imperméable à ce qui se passait alentour. L'autorité de maman ou de papa suffisait à peine à l'extraire de sa lecture. Il revenait aux activités de la famille, maladroit, rêveur, un rien exaspérant.

    Si Audric lisait beaucoup, il n'avait pas de préférences particulières. Il lisait. Férocement, n'importe quoi, jusqu'aux journaux de papa. À l'école, les élèves de sa classe l'appelaient « monsieur je sais tout ». Il développait, pour compenser, une énergie de chef de bande qui le transformait parfois en lutin farceur et énervé.

    — Bonjour mon mignon !

    Depuis peu, Audric, plus encore que Hector, son frère, s'était pris d'une folle passion pour l'ordinateur qu'un jour papa avait rapporté à la maison, sur l’un de ces coups de tête dont il était coutumier, malgré l’aversion de maman pour les écrans. Maman pouvait toujours râler, l'ordinateur était là, et elle n'était plus la dernière à s'en servir. L'ordinateur allait-il soustraire Audric à la lecture ? Non. Lire le rendait au calme après l'excitation de la machine.

    — Hi hi hi ! Tu verrais ta tête beau prince !

    Évidemment, l'apparition l'avait saisi. Elle avait bouleversé la régularité de ses traits. Les rares fois où il s'en préoccupait, Audric trouvait son physique commun. Des cheveux châtains, touffus, épais, doublaient, lorsque maman tardait à lui couper, le volume de son crâne. Son visage aux traits mobiles laissait la part belle à des yeux noirs aux coins un peu tombants. Son corps de petit garçon de dix ans portait cette tête avec une grâce réfléchie et parfois désordonnée.

    Hector, son frère était plus jeune de deux ans. Des cheveux aussi raides qu'Audric les avait bouclés, un regard aussi clair qu'Audric l'avait foncé, des états d'âme aussi fluctuants qu'Audric les avait stables. Adroit pour le quotidien quand Audric n'était à l'aise que dans le détail et l'analyse.

    Et cela arriva.

    — Audric, n'éteins pas ! Espèce de…

    Parfois, invité à un anniversaire chez un de ses copains de classe, Audric se disait qu'il avait de la chance. Il vivait dans une maison spacieuse et très agréable au regard des appartements biscornus et minuscules de certains de ses amis. Les arbres dans le jardin donnaient toutes sortes de fruits en été. Et sa ville, vieux bourg aux rues étroites encore pavées par endroits, était pleine de charme.

    Maman et papa, bon public pour les livres d'enfants, les fournissaient tant, que les étagères de leurs chambres penchaient sous leurs poids. Audric et Hector se rendaient une fois par semaine, accompagnés de leur père ou leur mère à la bibliothèque dans le bâtiment de la vieille mairie sur la place. Elle comblait les besoins de lecture de la famille sans la ruiner.

    Pour ajouter à la félicité, dont il se rassurait en comparaison, ses parents à ce qu'il ressentait s'entendaient plutôt bien. À la différence d'une bonne moitié de la classe, ils n'étaient pas divorcés, recomposés, et maman ne vivait pas seule avec eux deux. Audric avait parfois envié, à certains de ses camarades, leurs parents divorcés, leurs doubles cadeaux à Noël, leur double chambre et tous les autres avantages. Mais à l'idée que cela pourrait arriver chez lui, aux siens de parents, il était pris d'une angoisse, qui lui faisait préférer sa chambre avec Hector à une double chambre chez papa et chez maman.

    Depuis que papa avait rapporté l'ordinateur à la maison, un nouveau bonheur lui était échu. Cependant, maman avait fixé des quotas, comme pour tous les écrans. Réussir à lui arracher trois quarts d'heures d'ordinateur le soir entre les devoirs et le dîner, cela tenait du prodige. Alors parfois, Audric, avant qu'elle ne rentre, volait quelques minutes de plus, avec la complicité achetée d’Hector.

    — AUDRIIIIIIIIICCCCC ! ! ! !

    — Haaaaaaaa ! Hurla Audric.

    D'abord tétanisé par ce qui avait surgi devant ses yeux de l'autre côté de l'écran, Audric finit par laisser échapper une plainte allant décroissant jusqu'à se transformer, dans son corps, en frissons glacés. L'habitude qu'il avait de se pencher sur sa chaise lorsqu'il était devant l'ordinateur faillit lui être fatale. Il parvint cependant à rétablir son équilibre en agrippant le bord du bureau de ses doigts puis, se sentant lâcher prise, de ses ongles. Une amertume bizarre n’ayant rien à voir avec le jus d’orange qu’il venait de boire, lui monta aux lèvres.

    Audric n’avait rien d’un petit garçon particulièrement crédule, il ne croyait plus au père Noël depuis au moins... Noël dernier. Maman, qui n’était pas une rêveuse, n’encourageait pas ces sortes de « bêtises » comme elle disait. Il ferma les yeux très forts les rouvrit, cela allait sûrement passer.

    Non, cela ne passait pas. Toujours ÇA dans l'écran de son ordinateur. Bientôt, il n'en put plus de fixer cette vision de cauchemar.

    — Audric, n’éteins pas ! Espèce de...

    Il ne fit ni une, ni deux, il appuya sur le bouton marche-arrêt. Il parvint à traverser la maison, galoper jusqu’à sa chambre pour se précipiter pâle et tremblant dans son lit sous ses couvertures.

    AUDRIC TOMBE MALADE

    Dans la chambre des deux garçons, Hector lisait, tranquillement. Il venait de s'allonger sur son lit après avoir quitté le bureau, devant la fenêtre. Il s'y était installé pour coller une photo de son grand-père et sa grand-mère dans son journal. Un journal intime orné d'un verrou doré sur le côté, offert par son frère pour son anniversaire. Il ne manquait pas de le fermer au risque d'en égarer les clefs comme cela lui arrivait parfois.

    Lorsque qu'il entendit les pas de course dans l'escalier vit son frère se précipiter tel un forcené jusqu'à son lit, il comprit qu'il se passait quelque chose.

    — Qu'est-ce qui te prend ?

    Cela était inhabituel en effet, qu'Audric ait quitté l'ordinateur au bout de dix minutes, le visage défait. Hector avait insisté :

    — T’es malade ?

    — J’ai mal à la tête, avait répondu Audric d’une voix basse et tendue.

    Hector perplexe observa Audric le temps qu’il se fourre sous les couvertures, puis haussa les épaules et se replongea dans sa lecture.

    Audric se tourna et se retourna dans le lit. Tout habillé sous ses draps, il transpirait. Son cœur battait à tout rompre. Il essayait de se calmer, faisant défiler dans sa tête des images apaisantes, telles que maman le prenant dans ses bras, le cinéma avec papa, un oncle ou une tante inconnue qui leur enverrait des tonnes de cadeaux. Mais rien n'y fit. Il parvint néanmoins, à bout de nerfs, à s'endormir.

    À l’heure du dîner, quand maman les appela. Audric ne bougea pas. Hector s’approcha du lit de son frère, lui toucha l’épaule au travers des couvertures puis demanda :

    — Eh ! Eh ! ! Tu ne descends pas ?

    Audric était écarlate, des gouttes de sueur perlaient à son front. Hector l'observa un peu mieux et eut le plaisir de constater en hurlant :

    — Maman, Audric est malade !

    Le cri d’Hector transperça le cerveau d’Audric de part en part. Il se réveilla en se demandant ce qui se passait. Il se dit qu'il était sûrement malade. Il allait pouvoir rester à la maison et commença à en éprouver du plaisir lorsqu'il se souvint de ce qu'il avait vu dans l'ordinateur. Il ressentit plus encore son mal de tête. Maman allait monter. Il ne se voyait pas lui expliquer la raison de son malaise.

    — Hector, tu crois que les sorcières existent ?

    — Ouh là ! Répondit Hector en hochant la tête. T’as vraiment de la fièvre. Maman va s’inquiéter.

    — N'en parle pas. Oui, ce doit être la fièvre, tu as raison, s'empressa d'affirmer Audric.

    Hector descendit. Maman l'avait croisé dans l'escalier. Audric les entendit parler. Il ne tendit pas l'oreille. Il se laissa avoir mal. Il somnola. Il sentit la fraîche main de maman sur son front. Il se tourna vers elle, il ouvrit les yeux. Elle caressa son visage et le fixa un moment. Au bout de son inspection, elle décréta qu’il devait rester au lit. Il eut droit à : la diète, prise de température, sirop dégoûtant, suppositoires. Bref, peut-être avait-il été victime d’une vision, mais si cela n’était pas le cas, il était redevable à cette, ce... ça quoi, d’une série de petits plaisirs qu’il lui revaudrait.

    — Bon, dit Maman, si tu as encore de la fièvre demain, tu ne vas pas à l’école et j'appellerai le médecin.

    — Ce n’est rien maman, fit Audric d’une voix altérée. J’ai dû attraper froid. Je me repose demain, après j’irai mieux. Pas besoin de docteur !

    — Oui, dit maman, cela n’a pas l’air très grave. Je t’avais dit de mettre une veste aujourd’hui !

    — Mais non ! C’est pas la veste ! Fit Audric un peu énervé.

    Maman remonta la couverture sous le menton d’Audric.

    — Non ? Alors quoi ?

    Elle avait cet air ironique et tendre, des petites rides au coin de ses yeux plissés, comme lorsqu’elle sentait qu’on lui cachait quelque chose. Audric ferma les yeux, grimaça de douleur.

    — Ta tête ? Dit maman en s’approchant. Elle posa une bise sur la joue d’Audric.

    Avant de se lever pour descendre dîner avec Hector et papa, elle continua :

    — Tu me diras plus tard ce qui se passe Audric ?

    Sans attendre sa réponse, elle le laissa seul dans sa chambre. Il se rendormit presque aussitôt.

    Son sommeil fut agités. De cauchemar en cauchemar, il atteignit le petit matin, hagard. Sa fièvre n’avait pas baissé. Maman vint le voir. Il reçut sa présence comme un apaisement, mais cela ne dura pas. Elle partit travailler. La baby-sitter qu’elle avait prévenue la veille, arriva peut après. Véronique s’installa dans le salon, devant la T.V. ses cours ouverts sur la table basse et le laissa dormir. Au milieu de la matinée, la fièvre d’Audric tomba. Il avait faim. Il descendit dans la cuisine, fit un petit coucou dans le salon à Véronique, qui entre deux pubs, s’inquiéta :

    — Tu te lèves ? Tu vas mieux ?

    — J’ai faim, répondit Audric.

    — Tu veux que je te prépare quelque chose ?

    — Non, ce n'est pas la peine, je crois que je n’ai presque plus de fièvre. Je vais me débrouiller.

    Véronique se leva, s’approcha d’Audric dans l’encadrement de la porte et posa sa main sur son front. Il se rejeta vers l'arrière, après tout, elle n'était pas sa mère.

    — Oui, je crois que tu vas mieux.

    Elle retourna s'installer, devant ses cours et la télévision.

    — Si tu as besoin de moi tu appelles hein ?

    — Mmm, acquiesça Audric se dirigeant vers la cuisine.

    Sa tête ne lui faisait plus mal. S’il se sentait faible sur ses jambes, c’est que, depuis son goûter de la veille, il n’avait rien mangé. Il prit une assiette dans un placard, il ouvrit ensuite la porte du réfrigérateur. Il se servit un blanc de poulet, de la salade : tomates pommes de terre oeufs durs, qui restait du dîner. Il n’hésita pas dans les proportions, il avait tellement faim qu’il se sentait la force de faire un sort au reste de poulet entier, mais il se raisonna. Il se contenta d'ajouter à tout ce qu’il avait déjà pris, un morceau de gruyère et un ramequin de mousse au chocolat. Celle que papa aimait cuisiner quand il lui en prenait l'envie. Il posa tout sur un plateau. N’oublia pas de prendre un bon morceau de pain frais et un verre d’eau. Il amena le plateau dans la pièce près de la cuisine et le posa sur le bureau. Il regarda l’ordinateur qui se trouvait là. Il ne l’alluma pas, mais commença à manger. Sans s’arrêter, sans musique, et il ne cessait de fixer l’ordinateur. Lorsqu’il eut fini et que sur le plateau il ne restait absolument plus rien, il le ramena dans la cuisine. Il lava, rangea consciencieusement tout ce qu’il avait utilisé puis revint dans la pièce qu’il venait de quitter. Il s’installa devant l’ordinateur et approcha son doigt du bouton de marche.

    — Bon, c’était la fièvre. Il n’y a rien, se dit-il tout bas, pour se donner du courage. Si jamais ça recommence, ce ne pourra pas être la fièvre, je ne suis plus malade !

    Soudain il eut une idée, il allait prendre son appareil-photo. Si cela recommençait, il verrait bien s’il avait rêvé, s’il devenait fou ou quoi. Il courut jusque dans sa chambre.

    — Qu’est-ce qui se passe Audric ? Demanda Véronique, l’entendant monter l’escalier quatre à quatre.

    — Je vais chercher chercher mon cartable, et voir ce que j’ai à faire comme devoirs sur l’ordinateur. Il est dans ma chambre, dit Audric stoppant net pour ne pas éveiller les soupçons de Véronique et surtout qu’elle ne bouge pas !

    — Ne t’agite pas trop. Si ta fièvre remonte, tu devras te recoucher, cria-t-elle du salon.

    — Oui, oui, répondit Audric faisant patte de velours.

    Il chercha un moment avant de mettre la main sur l’appareil Polaroïd d’Hector. Curieusement, il l'avait rangé dans le tiroir des pulls de son armoire. Audric vérifia qu’il y avait bien une pellicule à l’intérieur, puis redescendit dans le bureau. Ça y était, il était paré.

    Il s’assit au bureau, il prit une longue inspiration, puis appuya sur le bouton bleu de marche.

    — Audric ? Tu veux déjeuner ?

    Véronique arrivait du salon. Elle allait dans la cuisine dans l’intention de préparer le repas, il était déjà midi. Il lui répondit agacé, de crainte qu’elle ne pénètre dans le bureau.

    — Non, je viens de manger.

    — Qu’est-ce que tu as mangé, je parie que tu t'es gavé de sucreries !

    Sur l’écran noir le temps que tous les logiciels se mettent en place, il ne se passait rien d’anormal.

    — Non, j’ai pris du poulet de la salade d’hier soir et même du fromage, et aussi un peu de mousse.

    — Bon, c’est bien, je crois que je vais prendre comme toi, fit Véronique de la cuisine. Il l’entendit ouvrir le réfrigérateur, puis soudain il la vit dans l’encadrement de la porte du bureau.

    — Qu’est-ce que tu fais ? C’est bien ?

    — Non, répondit-il embarrassé, j’éteignais, j’ai fini, je me connectais à l’agenda de l’école.

    Il appuya sur le bouton bleu pour éteindre cette fois la machine. Il n’avait pas du tout envie que Véronique vienne mettre son nez dans ses histoires. Il lui en voulut, mais fut en même temps soulagé de cette interruption qui retardait le moment où il devrait se mettre en face des apparitions d’hier.

    — Bon, je te laisse, je vois que je te dérange. Je vais manger dans le salon, tu vas bien ?

    Elle s’approcha de lui et posa encore, encore une fois sa main sur son front.

    — Oui, ça va mieux, affirma-t-elle. Tu devrais aller t’habiller. Tu vas attraper froid comme ça.

    Il était en pyjama. Il avait enfilé une robe de chambre mais ne l'avait même pas fermée. Oui, il allait s’habiller, de toute façon, tant qu’elle rôdait dans les parages, il ne pourrait rien faire tranquillement. Il y avait sûrement un bon film qui commencerait dès le début de l’après-midi. Elle resterait collée là pendant deux heures, il serait tranquille.

    Dans la cuisine, Véronique préparait son plateau. Alors qu’elle se servait de la mousse au chocolat, il en reprit un peu avec un des gâteaux secs qu’elle avait sortis du placard.

    — Bon, je vais voir les infos, dit Véronique, tu viens ?

    Elle tenait son plateau dans les mains, chargé à bloc. Véronique n’était pas aussi mince que maman, mais les régimes n'étaient pas sa tasse de thé.

    — Non, je vais finir ici, après j’irai m’habiller.

    — Tu pourrais dormir non ?

    Elle avait de drôles d’idées Véronique.

    — Non, non. Ne t’inquiète pas, je ne te dérangerais pas.

    Véronique secoua la tête, posa le plateau sur la table et s’approcha d’Audric :

    — Qu’est-ce que tu racontes, me déranger ? Tu ne me dérangeras jamais Audric enfin.

    Elle le saisit par l’épaule et lui assena au moins cinq bises sur les joues. Il n'y avait pas à douter : elle le prenait encore pour un bébé. Elle finit par une bise plus sonore que les autres dans ses cheveux et le lâcha enfin. Elle reprit son plateau, se dirigea vers le salon.

    — Si tu as besoin, ne sois pas ridicule tu m’appelles hein ?

    — Oui, Véronique.

    Surtout pas la provoquer. S’il voulait être tranquille dans l’après-midi, moins il en dirait, mieux ce serait.

    Il monta dans la salle de bains, il mit le chauffage à fond. Il retourna dans sa chambre chercher des vêtements propres. Il revint dans la salle de bain, se déshabilla et prit à toute allure une douche presque brûlante. Il se sécha avec l’immense sortie-de-bain que maman leur avait achetée samedi dernier au centre commercial. Il s’habilla et redescendit. En passant devant le salon, il constata que Véronique était en plein film. Parfait, elle ne viendrait plus le déranger.

    Il entra dans le bureau, s’assit devant l’ordinateur, et appuya sur le bouton bleu de marche. D’abord l’écran noir puis...

    — Eh bien ! Tu y as mis le temps ! Si on ne peut pas te parler cinq minutes sans que tu fasses une syncope, je choisis quelqu’un d’autre, les mauviettes, ça n’a jamais été mon fort ! ! ! ! !

    Audric recula, brusquement, mais cette fois, il ne tomba pas. Un plus âgé que lui en aurait perdu plus que son latin. Cela recommençait. À l’écran une forme à peu près humaine, une espèce d’affreuse bonne femme s’était avancée et, s'arc-boutant sur le bas de l’écran, présentait un visage difforme qui envahissait totalement l’écran. Elle était si près, si près, si monstrueuse, effrayante et... déplacée, qu’Audric ferma les yeux, et à tâtons tenta d’appuyer sur le bouton qui ferait disparaître cette...

    — Sorcière Audric, sorcière comme dans tes livres, et si tu touches à ce bouton TU AURAS AFFAIRE À PATANA ! Juré, craché, foie de bébé !

    Audric entrouvrit les yeux et vit sur l’écran, à l’intérieur un liquide visqueux qui dégoulinait.

    — Elle a craché ! Ne put-il s’empêcher de constater à voix haute malgré sa terreur.

    Tranquille, Patana dans le moniteur, après un pchitt de liquide nettoie vitres, passait déjà une raclette sur l’écran. Elle le nettoya si bien qu’Audric pouvait la voir parfaitement. Il se demanda s’il ne la préférait floue derrière la salive dégoulinante...

    — Bon sang de bon sang de bonsoir, qui m’a fichu un empoté pareil ! Avec tes fantaisies de femmelette je me retrouve coincée ici !

    — Clique là ! ! ! Il faut que je me retrouve.

    Un doigt crochu et noueux montra un petit dessin sur l’écran.

    Audric écarquillait les yeux, complètement abasourdi.

    — ALORS ! C’est pour aujourd’hui ?

    Elle avait hurlé. Audric eut soudain peur que la voix de Patana, par les haut-parleurs ne fasse arriver au galop Véronique, et il s’exécuta.

    La sorcière, puisqu’il fallait l'appeler comme cela, lui tournait le dos dans l’écran. Comme sur un tableau noir, elle effaçait les icônes. Maintenant, elle était toute seule sur l’écran noir avec le petit dessin, qu’elle lui avait indiquée.

    — Tu vois mieux là peut-être ! ! !

    L’endroit où elle lui avait demandé si gentiment de cliquer, était l’icône,du navigateur Internet. Maman ne voulait pas qu’il y aille quand il était seul, ainsi, ce ne fut pas sans réticence qu’il « cliqua ».

    La chose dans l’écran se tourna brusquement vers lui, approcha son visage à tel point qu’il ne voyait plus que ses yeux énormes et noirs, leurs reflets rougeâtres. Une sorte de fiche apparut derrière elle où il aperçut l’une des photos qu’il avait scannée pour le réseau de l’école. Elle se retourna, arracha la fiche derrière elle et lut :

    — Tu t’appelles Audric Cantelou, tu as dix ans. Tu as un frère de huit ans Hector Cantelou. Ta mère est Éva Sol, ton père...

    — Comment vous savez ? L'interrompit Audric si irrité maintenant, qu’il était bien loin de se trouver ridicule de parler ainsi à une machine.

    — Je me renseigne espèce d’humanuscule des cavernes ! J’ai passé les 800 dernières années de ma vie à me renseigner, alors ton arbre généalogique pour moi, c’est du pipi de grenouille.

    — Et même le nom de mon arrière-grand-mère ? Fit Audric dubitatif.

    Patana se plongea dans sa fiche.

    — Arrière-grand-mère, laquelle ? Lucette Chahuis, la couturière ? Louise de Menin, celle qui a ruiné ton arrière-grand-père...

    Elle continua, elle remonta de grand-mère en grand-père d’une branche de son arbre généalogique à une autre. Derrière l’écran, il y avait bien là ce qui pouvait honnêtement être considéré comme une sorcière, et la petite fiche concernant Audric qu’elle tenait auparavant dans ses mains aux ongles immenses et tordus s’était transformée en une feuille qui ne semblait pas avoir de fin. Elle lisait sans discontinuer comme récitant une prière. Puis elle se mit, toujours en lisant, à bouger un peu plus, imprimant un rythme vif à son corps. Ce corps diminuait dans l’écran. Alors il la vit danser, enfin, ce qu’il pouvait imaginer comme une danse. La fiche, maintenant sans fin, qu’elle tenait et qu’elle lisait toujours

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