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J'ai été une esclave sexuelle...
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Livre électronique273 pages4 heures

J'ai été une esclave sexuelle...

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À propos de ce livre électronique

Quand l'adolescence se change en cauchemar…Tout d'abord séduite à un très jeune âge par le sentiment de fraternité, de sécurité des gangs de rue et par leur côté charmeur, je ne vis pas le piège qui venait à moi. C'est au début de ma vie d'«adulte» que ce piège se referme complètement, faisant de moi une esclave sexuelle…Effacer qui je suis, séduire simplement…-Applaudissez la seeeeeexxxxxxxxxxyyyyyy Saaabbbbrrriiiinnnaaaa, lance le DJ en appuyant sur le bouton play de son amplificateur.-C'est alors que débuta ma chanson, le signal de mon entrée en scène, Shynes, dont le titre, Bad Boys, en disait déjà long sur mon type de fréquentations. Cette chanson me rappelait les raisons pour lesquelles j'acceptais sans pudeur de me dénuder devant ce public hétéroclite. L'afflux d'adrénaline accélérait avec les battements de mon coeur. Et je sortais des coulisses avec un sourire aussi plastique que provocateur. Habillée d'une robe rose flash, parfaite pour les blacklights, je mettais en valeur mon teint basané. Les regards convergeaient rapidement vers la jupette coupée en diagonale qui laissait bien entrevoir ma cuisse, puis mes fesses bombées. Un simple mouvement de déhanchement et les hommes devinaient mon sexe à peine camouflé par un ministring. Ce test me confirmait que j'avais tout ce qu'il fallait pour les allumer. Le décolleté plongeant de ma robe, quant à lui, offrait ma poitrine ronde et, pour la touche finale, je portais de longues bottes noires jusqu'aux cuisses avec des talons de plus de six pouces. J'acceptais de me livrer aux fantasmes de mes spectateurs…
LangueFrançais
ÉditeurBéliveau
Date de sortie14 juin 2013
ISBN9782890926073
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    Aperçu du livre

    J'ai été une esclave sexuelle... - Carpentier Mélanie

    de 12-14 ans.

    Introduction

    Pourquoi ai-je été attirée par les gangs de rue au seuil de l’adolescence ? Honnêtement, j’avoue avec une certaine candeur que j’ai été séduite par l’impression de solidarité et de puissance qui se dégageait de la culture des gangs. Les gars qui formaient en quelque sorte une famille me firent l’effet d’être gentils, séduisants et protecteurs. Leur approche attentionnée du début m’a fait croire que j’étais une personne spéciale. Alors que je grandissais sans me sentir réellement valorisée et protégée par mes propres parents, cette fragilité m’a piégée.

    Au sein de la confrérie, il y avait la solidarité, la reconnaissance, et j’ai cru que ma grande solitude prendrait fin. Je me sentais belle et désirée comme dans les contes de fées. Je reprenais les stéréotypes de ces histoires tant entendues de mon enfance, prête à tomber en admiration devant le prince charmant qui allait me faire monter sur son grand cheval blanc. Je croyais alors que mon héros était ce genre de leader qui mène les gangs, qui réussit à s’imposer envers et contre tous. Le sentiment de sécurité, l’amour et le pouvoir de posséder ont formé le cocktail d’admission. Mon rêve d’avoir une vie facile, où je n’aurais qu’à lever le petit doigt pour avoir tout ce que je voulais s’est transformé en cauchemar. Car pour obtenir tout ça, j’aurais dû me demander : « Qu’est-ce que j’aurai à faire en échange ? »

    Les hommes en général me fascinaient et je cherchais à me rendre intéressante à leurs yeux. Pas étonnant que j’aie été abusée dès ma tendre enfance sans jamais dénoncer le coupable. Mon père le connaissait et je suis persuadée qu’il savait. Or, il ne m’a pas protégée de ces abus. J’ai donc cru que, dans le gang, je ne serais plus à la merci du premier venu. J’ignorais que j’allais devenir une simple marchandise…

    L’autre confession qui me semble importante concerne la publicité dirigée vers la consommation, axée sur l’avoir et la facilité. L’argent et l’accessibilité au confort matériel me séduisaient, car je sortais d’un milieu confortable, sans plus, mais justement parce que tous les échanges familiaux étaient basés sur le matérialisme, nous n’entretenions pas une relation saine avec l’argent. Je désirais tout avoir : une belle vie, de beaux vêtements, les moyens de mettre en valeur mon physique, mais surtout je voulais de l’attention. Ma confiance en moi se nourrissait de ce nouveau pouvoir, d’attirer les regards admiratifs, sans soupçonner que j’allais y sacrifier bien d’autres valeurs, au passage.

    Ce sont principalement ces trois facteurs qui m’ont entraînée dans cette jungle que je croyais celle de mon avenir : j’avais faussement l’impression d’être quelqu’un. Mais la réalité a été tout autre. Je n’ai été qu’un instrument dont on s’est servi, sans jamais me démontrer le moindre respect, jusqu’à ce que la dégradation devienne insupportable. Je ruinais mon présent et j’hypothéquais lourdement mon avenir.

    Heureusement, j’ai pu rebondir. Mon récit, je l’espère, servira aux femmes qui sont restées piégées dans ce monde de servitude sexuelle.

    Prologue

    J’ai la tête qui tourne de plus en plus vite… J’ai mal au cœur… J’ouvre les yeux pour trouver une salle de bain. Mes paupières sont lourdes, je mets ma main sur ma bouche… Vite ! Faut que je me lève. Chaque os me fait souffrir, je sens mes muscles engourdis. J’ai mal au cœur et au corps. Une fois à peu près debout, je regarde autour de moi. Qui est cet homme affalé à mes côtés ? C’est pas chez moi ici !

    Sur ce lit que je ne reconnais pas, je suis complètement nue. Les murs tournent et le plancher tangue comme si j’avais trop bu. Je respire avec difficulté. Comme si j’avais fait de la coke à l’excès. Hier soir ? Cette nuit ? Je n’ai aucune idée de ce qui s’est passé. Dans la pièce à côté, quelqu’un a bougé puis a mis la musique à fond, de quoi réveiller les morts ! Il me semble qu’ils sont plusieurs à repartir le party et à danser. J’entends le bruit des bouteilles de bière qu’on ouvre, des verres qu’on entrechoque. Je cherche un point de repère pour voir quelle heure il est.

    Une fille me voit. Elle a les yeux beurrés de mascara, les seins nus, les cheveux en bataille. Elle se penche vers moi en sifflant :

    « Beau bébé ! Tu baises aussi les filles ? Je voudrais un petit câlin…

    – Hummm… J’vais vomir… La toilette ?

    – Derrière toi… Veux-tu que j’y aille avec toi ?

    – Non, j’veux être seule… »

    Je me balance comme une barque et j’ouvre la porte. L’odeur de vomi me fait ravaler ma propre salive. Je glisse par terre, près du bol de toilette.

    Plusieurs minutes passent. Je finis par attraper une serviette sur un crochet pour m’éponger la bouche. Je parviens à me relever lentement. En croisant le miroir, j’ai honte. « Mel est pas belle ! » me crient des voix dans ma tête. Je mouille un coin de la serviette avec de l’eau froide et je me lave… Qu’est-ce que je fais ici ? Où est-ce que je suis ?

    Enroulée dans un immense drap de bain, je ne pense plus qu’à sortir d’ici, me sauver... Mes vêtements, mon sac à main… La fille danse avec trois gars en se collant sur eux. Elle l’a eu, son câlin !

    Le gars ivre mort dans le lit ronfle. On dirait un gros ours endormi sur le dos avec le sexe pendant. « C’est qui, lui ? » Aucun souvenir de ce qui s’est passé. Je passe mon index sur mon sexe et je sens la zone encore gluante de sperme. « NON... Pas avec lui ? » L’envie de vomir me reprend. Il y a un verre de mousseux flat sur la table de chevet ; je le bois. Black-out sur les dernières heures. Tout est effacé.

    Effacer qui je suis, simplement séduire.

    « Applaudissez la très seeeeeeexxxxxxxxxxyyyyyyyyy Saaabbbbrrriiiinnnaaaa ! » lance le DJ en appuyant sur le bouton play de son amplificateur.

    C’est alors que commence ma chanson, le signal de mon entrée en scène. C’est la musique du rapper Shyne sur son album Bad Boy, ce qui en dit déjà long sur mon genre de fréquentation. J’adore cette chanson qui vient de la rue, de mon vécu. J’apprécie particulièrement le rif que le chanteur allonge BLING BLING. Ce message me rappelle les raisons pour lesquelles j’accepte sans pudeur de me dénuder devant ce public étrange. L’adrénaline monte avec les battements de mon cœur… et je sors des coulisses avec un sourire aussi artificiel que provocateur.

    Habillée d’une robe rose flash, parfaite pour les blacklights, qui met en valeur mon teint basané, les regards convergent vers la jupette coupée en diagonale qui laisse bien entrevoir ma cuisse, puis mes fesses bombées. Un simple mouvement de déhanchement et les hommes devinent mon sexe à peine camouflé par un mini string. YES ! Ce test me confirme que j’ai tout ce qu’il faut pour les allumer.

    Le décolleté plongeant de ma robe met en valeur ma poitrine généreuse et, pour compléter le tableau, je porte de longues bottes noires jusqu’aux cuisses avec des talons de plus de six pouces. J’accepte de me livrer aux fantasmes de mes spectateurs… clients potentiels des heures à venir. La scène se réchauffe et mon plaisir aussi augmente dans mon numéro de strip-tease.

    La deuxième partie de mon show marque un crescendo avec Xxplosive de l’électrisant Dr Dre que le public scande. WOW ! Ma technique habituelle fonctionne puisqu’un premier client se couche sur la scène avec un billet à la bouche. J’ai l’impression qu’il est plus intéressé par un spectacle particulier. C’est en me penchant au-dessus de lui que je constate qu’il tient entre ses dents un billet de cent dollars US. Je lui souris : ma soirée s’annonce payante !

    La chanson est terminée, les applaudissements fusent et je me réfugie dans ma loge. Je me prépare pour la finale du spectacle. J’enfile en vitesse une longue robe blanche très moulante et fendue de bas en haut sur le côté. J’échange également mes bottes de pute pour des souliers plate-forme à talons hauts aiguilles, assortis à ma robe. Lorsque la chanson Back At One de Brian McKnight fait entendre ses premières mesures, je reviens sur scène, le temps de conclure mon showcase.

    C’est la seconde partie de la soirée qui va consacrer mon talent. Je fais donc une entrée lascive, suggérant un feeling sensuel et racoleur afin de provoquer le désir des spectateurs. Danser n’est qu’une bande-annonce pour moi. Le généreux client ne me quitte pas des yeux. Il lève son verre en me montrant la coupe de champagne qui m’attend sur sa table. Au lieu de retourner en coulisse, je termine ma scène en descendant le rejoindre, alors que les sifflets des envieux retentissent de tous les coins de la salle. Le verre me fait l’effet d’une bouteille ; j’essaie de rester éveillée en me faisant une ligne de cocaïne. Puis, plus rien !

    Chapitre 1

    Le retour sur l'enfance

    Rien ne me réussit. « Mel est pas belle ! » me crient encore des voix dans ma tête. Mes amis savent bien comment me mettre en colère. Ma mémoire travaille dans le désordre et il m’arrive des flashes du passé. Je me retrouve toute petite et j’ai l’impression de me revoir comme dans un film sur grand écran.

    Je revis mes débuts à l’école. Mes bulletins de l’école primaire ont formé une sorte de mosaïque. Avec le recul, je le constate, ils ont tracé le profil de ma personnalité. Mes comportements changent dès que je suis privée d’attention : crises excessives, besoin d’être entourée, personnalité changeante¹.

    Malgré les problèmes de socialisation, j’obtenais de très bons résultats et j’accumulais les mentions d’excellence. Je me rappelle que, lorsque je ramenais un bon bulletin à la maison, j’avais droit à un repas, dont je choisissais le menu, et à un petit cadeau, comme une des poupées Fraisinette que je collectionnais.

    Je suis née le 14 janvier 1978 en pleine tempête de neige ; on dit que notre naissance représente la vie que nous aurons. C’est vraiment à ça que ma vie a ressemblé ! Mais heureusement, après la tempête vient toujours le beau temps.

    Très jeune, je suis déjà en opposition à ce que la vie m’offre.

    Déjà à la maternelle, à l’heure de la sieste obligatoire, je pique des crises et je me cogne la tête sur le plancher. Je suis aussi réticente à partager les jouets avec les autres. Ce dessin que j’ai fait, qui illustre la couverture de mon bulletin de l’école maternelle, doit probablement contenir des réponses à mon instabilité dès cet âge-là.

    À cause de mes comportements, on pense que je suis une petite fille gâtée. Je crois plutôt que c’est une enfant traumatisée qui grandit en exprimant une forme de victimisation. Sur le carton, dans le coin d’une maison, en bas à droite, j’ai dessiné un pénis très détaillé, alors que les enfants de mon âge dessinent une maison, un soleil et un jardin. Dans ma réalité, j’ai même utilisé deux couleurs différentes pour bien différencier le pénis et les testicules. Est-ce un signal pour que les adultes décodent que je suis une enfant abusée ? Bizarrement, aucun adulte n’a relevé mon appel au secours.

    Lorsque ma petite sœur Maritza est née, en septembre 1984, l’attention de mes parents se concentre sur elle, me privant ainsi de la partie d’attention à laquelle j’ai été habituée. Je ne fais plus rien de bien, comme si je n’existais plus ! Ce petit être adorable, avec qui j’aime jouer, ma mignonne poupée vivante s’est placée comme un écran entre les adultes et moi. Mes parents se fâchent souvent contre moi et je ne suis jamais à la hauteur de leurs attentes.

    Je dois devenir responsable et gentille, me fondre doucement dans le paysage de la famille normale. Mais je n’y parviens pas. C’est alors que, privée de compliments, d’encouragements, d’attention et d’affection, je commence à utiliser la manipulation pour arriver à obtenir ce que je veux.

    À sept ans, je me dis que je devrai être meilleure que les autres, plus gentille, plus belle, moi qui ne suis jamais assez ceci ou cela pour mériter naturellement quelque chose. Je découvre qu’en mentant et en trichant, j’obtiens des résultats et même des récompenses. Ça marche ! Ça doit donc être la bonne méthode !

    Je me souviens d’un après-midi passé au parc avec ma petite sœur et mes parents. Mon père a fait l’acquisition d’une caméra vidéo et il s’amuse à nous filmer. Il m’a demandé de me placer en retrait afin qu’il puisse filmer ma sœur qui fait ses premiers pas. C’est une situation très difficile pour moi. Je veux applaudir ma sœur, l’entourer, jouer à l’aider à marcher, mais je me sens repoussée, exclue. Tasse-toi, Mélanie ! Je me revois m’éloigner de la scène familiale, le cœur rempli d’amertume…

    À l’école, je cherche la bagarre de plus en plus souvent avec les enfants de mon âge. Je veux leur montrer que je suis la plus forte, convaincue que mon père va trouver que j’ai du cran, du caractère, et que je suis une tough ! Comme ça, il va me remarquer et je serai quelqu’un pour lui…

    Au cours de mes années à l’école primaire, j’ai des difficultés à créer des liens avec les autres élèves. De plus, je dérange en classe, parce que je parle trop. J’ai un gros problème : je refuse toute forme d’autorité imposée.

    Quelle est la cause de mes dessins suggestifs, qui continuent d’exprimer ma détresse récurrente et que personne ne perçoit ? Cet ami de mon père qui est tout le temps à la maison et qui profite de la moindre occasion pour me tripoter… Mon propre père qui a lui-même subi de la violence et qui reproduit certains patterns… Sur certains dessins, j’ai peint une tête de corbeau. Sur d’autres, je reconnais un professeur très sévère qui, de son long bec pointu, me menace de son autorité.

    Et puis, je tourne les pages de mon album de dessins d’enfant. Les larmes me montent aux yeux. J’ai le cœur gros, j’éclate en sanglots. Chaque page en couleur évoque une scène douloureuse. Sur celle-ci, j’ai fait deux petits canards entourés de longues herbes et de fleurs immenses et colorées. Mon père a l’habitude de nous appeler, ma sœur et moi, ses deux petites fesses de canard. À côté des canetons, il y a une grande maison envahie par la végétation. Elle est toute en hauteur, en forme de pénis et, dans le ciel, une rangée de vilains corbeaux, becs pointés vers le bas, qui menacent d’attaquer les deux petits canards sans défense. J’ai beau grandir, une fillette en moi pleure encore sa détresse.

    La détresse va me pousser à dénoncer les abus. J’ai alors onze ans et, par un après-midi d’hiver, je n’en peux plus, je veux être entendue.

    « Papa, je veux te parler, dis-je en insistant.

    Il prend une bière avec son ami, qu’on appellera oncle Bernard.

    – Va jouer avec tes poupées, ma poupée, lance-t-il en riant, car il se trouve très drôle.

    – Papa, faut que tu m’écoutes… J’aimerais ça que mononcle Bernard s’en aille et qu’on joue tous les deux, juste toi et moi. OK !

    – J’ai passé l’âge de jouer avec les petites filles, moi, c’est les grandes qui m’intéressent, ajoute-t-il en faisant un clin d’œil à son meilleur ami.

    – Moi, j’aimerais ça jouer avec toi », me propose l’écœurant avec son regard bizarre qui me fait peur.

    En entrant dans le salon, ma mère voit bien, d’après le nombre des bières vides qui s’accumulent sur la table, que les hommes sont paquetés.

    « Toi, arrête de pleurnicher et va surveiller ta petite sœur. Il faut que j’aille m’acheter des cigarettes. Tu es assez grande pour la surveiller maintenant. À ton âge, moi, je gardais déjà chez les voisins pour gagner des sous.

    – J’aime pas ça la garder, elle est trop bébé !

    – Écoute-moi… et je vais te rapporter un popsicle si tu restes tranquille. J’en ai pour dix petites minutes. »

    Ma petite sœur est occupée à jouer avec ses Barbies ; elle les coiffe, les habille et les fait parler comme les grands. En me voyant avec mon air contrarié, elle dit :

    « Ma Barbie est belle et Mel est pas belle ! »

    Elle va répéter cent fois sa petite comptine pour me faire fâcher, et quand je riposte sur un ton autoritaire pour qu’elle se taise, elle me frappe. Et c’est moi qui serai punie… parce que je n’ai pas été gentille avec elle !

    En revoyant ces épisodes de mon enfance, je redeviens la petite fille qui demandait constamment qu’on l’écoute, qu’on entende sa détresse, qu’on réponde à ses attentes, à ses besoins. Et comme ça n’arrivait pas, je m’imposais dans la vie de mon entourage comme un problème de plus à gérer. Ce qui me frappe principalement, c’est mon besoin d’attention criant.

    Je sais maintenant que les abuseurs savent reconnaître ce type d’enfant, fille ou garçon, prêt à tout pour avoir de l’importance aux yeux d’un adulte.

    Aujourd’hui encore, je vois clairement que mes dessins révèlent que je souffrais des abus que je subissais, mais mes appels à l’aide ont été ignorés, banalisés et mal interprétés. Pourquoi n’ont-ils rien vu ?

    Et, progressivement, c’est un message accablant qui s’est imprimé en moi :

    « Tu ne vaux rien, tu ne vaux pas la peine qu’on s’intéresse à toi. »

    La blessure de la confiance en soi est sans aucun doute ce qui m’a rendue plus vulnérable, volontairement ou par instinct de survie.


    1 Dans le rapport de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) je retrouve ce descriptif de la personnalité limite, syndrome d’un choc post-traumatique que je crois être relié à un abus sexuel subi en bas âge.

    Chapitre 2

    L'accident qui change tout

    Ma survie s’est jouée quelques mois plus tard. J’adorais faire de la bicyclette. J’aimais le vent dans mes cheveux, la sensation que mon corps respirait. Je me mettais à rêver que j’allais m’envoler. Les maisons défilaient de plus en plus vite. Je passais devant l’école, le dépanneur, puis le McDonald où je me retournais en faisant un ou deux beaux « huit » immenses dans le stationnement pour revenir dans notre quartier. Maman m’interdisait de dépasser cette limite.

    Ce 31 août 1990, en plein rêve sur mon vélo, en une seconde, je me suis envolée pour vrai. Une voiture m’a heurtée et puis, plus rien…

    Je suis étendue sur l’asphalte dans un état apparemment inconscient. Pourtant, des scènes tournent en boucle dans ma tête. Comme dans un film, j’observe l’attitude de mon père qui se dispute avec ma mère. Puis, j’assiste à leurs nombreuses séparations en me demandant si c’est ma faute. Ma respiration s’est arrêtée et j’entends mon père me crier :

    « T’es juste une menteuse. Mon ami est un bon gars. J’m’en s’rais aperçu, sacrament. J’suis ton père ! Bernard, y fait rien de mal, y est toujours après téter sa bière avec moé. Tu veux juste attirer mon attention, hein ? » Et puis, ça repart encore, les gros mots, les chicanes, les insultes, les reproches, les séparations… « ARRÊTEZ ! »

    Un policier a tourné ma tête afin de dégager ce qui m’empêche de respirer en attendant l’arrivée de l’ambulance.

    Je suis inerte, comme un gros paquet de linge tombé dans la rue. Je veux crier ce qui se passe dans ma tête, je veux répondre aux cris que j’entends. Mais rien ne sort de ma bouche. J’entends des bips tout autour de moi. Des gens parlent :

    « Traumatisme crânien, commotion cérébrale, caillot de sang au cerveau, mâchoire fracturée. J’espère qu’elle veut vivre, sinon on va la perdre… »

    Dans une sorte d’écho lointain, étrange, les infirmières et les médecins essaient de me sauver. Je n’arrive pas à ouvrir mes paupières, ni même à bouger mon petit doigt.

    Je suis restée dans le coma pendant douze jours. On m’a dit par la suite quand je suis revenue à moi que, pendant les cinq premiers jours, l’équipe médicale était persuadée que je ne pourrais pas survivre. L’opération la plus délicate a été d’extraire le caillot qui s’était formé dans mon cerveau. Même si les chirurgiens n’étaient pas certains de pouvoir me sauver, ils devaient tout de même m’opérer pour prévenir une inflammation dans la boîte crânienne, ce qui m’aurait sûrement coûté la vie.

    Lorsque j’ai repris connaissance, ma mâchoire était très douloureuse à cause de la fracture et je ne pouvais pas parler parce que j’étais intubée par la bouche. Je me suis donc servie de mes mains pour communiquer avec mes parents, moi qui avais appris le langage des signes à l’école primaire avec mes amies. Paralysée du côté gauche, moi qui suis gauchère de nature, j’ai dû réapprendre les notions de base, comme me servir d’une cuillère ou d’un crayon. Un vrai combat de tous les instants ! C’est d’ailleurs grâce à mère que je suis encore gauchère aujourd’hui, car elle a toujours refusé que j’apprenne à me servir de ma main droite. Et j’ai dû me réhabiliter à tout prix !

    Comme mes jambes ne répondaient plus, je me suis déplacée d’abord en fauteuil roulant pour ensuite réapprendre à marcher.

    Par je ne sais quel miracle, ma volonté de me réadapter m’a habitée et obsédée même. Je refusais d’être une personne handicapée ou d’en avoir l’air. Cet orgueil farouche m’a rendue combative. Et, à la limite de l’épuisement, je reprenais les exercices pour marcher, un pas de plus, encore un autre… en délaissant progressivement les appuis…

    Mon horaire comprenait de la réadaptation, de l’ergothérapie, des visites chez un psychologue, les suivis médicaux et tout le travail pour redevenir une adolescente normale, et ainsi de suite. Ajoutez à cela que j’ai dû subir une seconde intervention chirurgicale afin de corriger le strabisme dont j’étais atteinte par suite de l’accident. Mon séjour à

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