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Des Hommes Dangereux (Such Men Are Dangerous)
Des Hommes Dangereux (Such Men Are Dangerous)
Des Hommes Dangereux (Such Men Are Dangerous)
Livre électronique243 pages3 heures

Des Hommes Dangereux (Such Men Are Dangerous)

Évaluation : 3.5 sur 5 étoiles

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À propos de ce livre électronique

A military noir thriller from early in Lawrence Block's lengthy career, it deals with an ex-Green Beret, Paul Kavanagh, who is called out of semi-retirement on a little island in Florida to steal a shipment of high-tech weapons being stored in South Dakota -- an entertaining stand-alone with plenty of twists and turns and reversals, as military heists are apparently not that easy to pull off.
LangueFrançais
Date de sortie5 janv. 2015
ISBN9781633399440
Des Hommes Dangereux (Such Men Are Dangerous)
Auteur

Lawrence Block

Lawrence Block is one of the most widely recognized names in the mystery genre. He has been named a Grand Master of the Mystery Writers of America and is a four-time winner of the prestigious Edgar and Shamus Awards, as well as a recipient of prizes in France, Germany, and Japan. He received the Diamond Dagger from the British Crime Writers' Association—only the third American to be given this award. He is a prolific author, having written more than fifty books and numerous short stories, and is a devoted New Yorker and an enthusiastic global traveler.

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  • Évaluation : 3 sur 5 étoiles
    3/5
    "You're the me I hate!"Pretty good heist thriller! Reminded me a lot of the Parker novels by Richard Stark, which is a good thing! Paul Kavanagh retreats to Mushroom Key, a little island off the Florida coast after an unsuccessful job application. Totally off the grid! Then, a different job offer comes up, and...Stolen military goods, bureaucratic incompetence, and the good ol' double cross(s) lead us along to a pretty good ending! "Vacations are fun, but they're right. The best part is getting home again."
  • Évaluation : 4 sur 5 étoiles
    4/5
    A very early Block -- originally published under the name Paul Kavanagh -- this story of an ex-Green Beret is classic Block, with all the grit and emotional suspense necessary to make two unsympathetic characters entirely charming.

Aperçu du livre

Des Hommes Dangereux (Such Men Are Dangerous) - Lawrence Block

DES HOMMES DANGEREUX

un roman de Lawrence Block

––––––––

UN

LES GRATTE-PAPIERS de l'Agence se ressemblent tous. Ils sont tous un peu plus grands que la moyenne, portent des costards sombres, des chemises blanches et des cravates à rayures. Ils boivent du scotch avec de l’eau ou du bourbon avec de l’eau ou, l’été, des vodka Collins. Ils vont à la gym une fois par semaine pour jouer au handball ou au squash. Ils sourient beaucoup, mais pas assez pour vous taper sur les nerfs. On ne les prendrait pas pour des chefs de vente ou des agents d’achat, mais ils pourraient tout à fait travailler aux Ressources Humaines. Si vous les aviez souvent côtoyés, vous les reconnaitriez tout de suite – ce qui n’a aucune importance puisqu’ils ne sont jamais infiltrés, et ne quittent presque jamais la ville de Washington – donc peu importe qu’on les reconnaisse ou pas.

Celui-ci n’était guère diffèrent des autres. Il était un peu plus maigrichon que la plupart, et la course d’endurance devait être son sport favori. Il me serra la main fermement et me parlait en me regardant droit dans les yeux. Sa voix résonnait de sincérité et de détermination. Mais ça ne veut jamais rien dire, tout ça.

— Désolé qu’on ait pris tant de temps avec votre évaluation, Monsieur Kavanagh, dit-il. Vous savez ce que c’est, les moulins de Dieu et les rouages de la bureaucratie. 

— Aucun problème. 

C’était vrai. Ils m’avaient logé au Doulton et ils allaient payer ma note de frais : j’étais très content de mes trois semaines de bonne bouffe et de confort luxueux. Je n’étais pas pressé ; la patience compte autant que l’action dans la vie.

— La ville de Washington vous plaît ?

— Ouais.

— Et vous êtes bien installé ici ?

— Tout à fait.

— Bien. 

J’attendais qu’il poursuive, mais je me rendis vite compte qu’il n’allait rien ajouter de plus. J’envisageai un instant d’attendre qu’il baisse les yeux le premier. Mais à quoi bon, c’était bien ma chambre mais c’était sa ville, on jouait donc avec ses règles. Il m’attendait, ce qui voulait dire qu’il avait une réponse pour moi, ce qui voulait dire qu’il y avait une question que j’étais censé lui poser.

Je souris avec un minimum de chaleur et lui balançai trois questions :

— Bon, et bien où dois-je aller et qui dois-je voir et quand est-ce que je commence ?

Son regard s’assombrit juste comme il fallait.

— C’est une bonne question, dit-il. Mais je suis désolé de vous dire, Paul, qu’il n’y a rien en ce moment, pas dans votre rayon, disons. Et la situation actuelle ...

— Attendez.

Il s’arrêta et me regarda, l’air perplexe.

— Reprenons depuis le début, proposé-je. Je ne suis pas venu à Washington en me trimballant un point d’interrogation sur la tête. C’est vous qui m’avez appelé, pigé ? Vous m’avez demandé de me joindre à votre équipe et comme je n’avais rien de mieux à faire, je suis venu. J’ai passé tous vos entretiens et tous vos examens sans faire d’histoires, et ce pendant trois semaines. Et maintenant ...

— Vous serez rémunéré pour votre temps.

— Je m’en fiche de ça ! Si mon temps n’a aucune valeur, je m’en fiche d’être payé ou non.

Je quittai mon fauteuil confortable et traversai la pièce recouverte de moquette épaisse pour m’approcher de la grande fenêtre, avec vue imprenable sur le Capitol de notre pays, avant de me retourner à mi-chemin.

— Ecoutez, je n’y crois pas qu’il n’y ait plus de poste disponible. Il y a toujours un poste disponible. Ce que vous voulez dire, c’est que la personne qui voulait Paul Kavanagh a changé d’avis pendant ces trois dernières semaines. Et ce que je voudrais savoir c’est pourquoi.

— Paul...

— Je veux savoir, et je veux que vous me le disiez. Peut-être que vous aimeriez qu’on aille discuter ailleurs parce que vos collègues ont placé cette chambre sur écoute. Ca ne me dérange pas, mais... 

— Ne soyez pas bête. On n’a pas mis de micros.

— Vraiment ? Alors on est dans la merde parce qu’il y a un petit micro dans la douille de la lampe depuis que je suis arrivé, et...

Il se leva.

— C’est un des nôtres.

— Evidemment. Ecoutez, Dattner...

— Georges.

— Georges. Je connais le jeu, Georges. Vraiment. J’y ai joué et je le connais bien. D’accord?

— Oui.

— Je ne vous demande donc pas de revenir sur votre décision, parce que ce n’est pas vous qui l’avez prise et, de toute façon, ils ne reviennent jamais sur leur décision. Je sais tout ça. Okay ? (Il acquiesça). Tout ce que je veux, c’est une explication. A un moment donné au cours de ces trois dernières semaines quelqu’un a changé d’avis et je veux savoir pourquoi. Je connais mon dossier sur ces dix dernières années. Laos, Viêt-Nam, Cambodge : j’ai toujours été bien noté, je le sais, et il n’y a rien qui aurait pu apparaître récemment qui n’y était pas déjà depuis longtemps, n’est-ce pas ?

— Continuez.

— Quoi d’autre, alors ? Mon dossier civil ? Je n’en ai pas. Ma famille ? Ils étaient tous de droite, sauf mon oncle qui a voté Truman en 1948, et de toute façon ils sont tous morts maintenant. La fac ? Je n’y ai jamais signé de pétition ni rejoint de groupe politique. J’ai joué au foot et j’avais toujours eu des notes moyennes. Quelqu’un voulait que je pose ma candidature au conseil de classe mais je n’avais ni le temps ni l’inclination. Après mon diplôme, j’ai fait un bout d’essai avec les Steelers mais j’étais trop léger pour passer professionnel. En août mon père est mort, et en septembre je me suis engagé dans l’Armée. Ils m’ont nommé chef de section pendant l’entraînement, et j’ai choisi l’armée de l’air parce que j’avais le vertige et que je ne voulais pas l’admettre. La moitié des gars que je connaissais y étaient pour la même raison. Les autres voulaient se faire tuer et certains ont réussi. Et puis dix ans ont passé, vous connaissez l’histoire. J’aurais pu y rester dix ans de plus, mais tôt ou tard la jungle on s’en lasse. Je suis donc rentré et je suis ici, et...

Je me suis retourné en pleine phrase et me suis approché de la fenêtre. J’étais agacé. Ce discours n’avait pas sa place dans cette situation. Je laissais la colère m’envahir. Il y a des moments où ça vaut la peine, des moments où l’accumulation d’émotions peut vous aider à mieux fonctionner. Ce n’était pas le cas ici.

Je regardais la ville de Washington jusqu’à ce que la tension se dissipe, puis je fis face à Dattner. Georges. Il me demanda s’il y avait quelque chose à boire. J’avais une bonne bouteille de Scotch dans l’armoire mais je lui répondis non. Je lui proposai d’appeler le room service, s’il le souhaitait. Il dit que ce n’était pas la peine.

Je décidai de me rasseoir, lui se tenait encore debout.

— C’est à vous, dis-je.

— Pardon ?

— C’est à votre tour maintenant. J’ai parlé, maintenant c’est à vous. Je ne porte plus l’uniforme depuis quatre mois, et il est inconcevable que j’aie pu faire quelque chose de suspect entre-temps. Je n’ai côtoyé ni communistes ni agents étrangers. Je n’ai côtoyé personne, je... Merde, à la fin ! Soit je constitue un risque pour la sécurité, soit je suis incompétent. Vous allez me dire lequel c’est, et comment vous vous êtes rendu compte.

Il me lança un long regard interrogateur, puis ses yeux fixèrent un instant la lampe au-dessus de nous où ils avaient planqué leur petit micro. Je pense que c’était délibéré.

— Je vous ai déjà dit ce tout ce que je suis autorisé à vous dire.

— Evidemment.

— Donc ...

Un autre silence, mais j’avais compris.

— Je ne lâcherai pas l’affaire, lancé-je vers le micro. Si vous partez maintenant je vais faire beaucoup de vagues, jusqu’à que je comprenne ce qui se passe. Solliciter des gens, poser des questions jusqu’à ce que j’obtienne une réponse. Je peux même aller voir mon Sénateur, ou bien des journalistes.

— Non, ne faîtes pas ça, c’est une mauvaise idée. Paul, si je vous dis ce que je sais, vous en resterez là ?

Il souriait, mais sa voix restait grave.

— Si ça tient la route, répondis-je.

— Ca je ne sais pas. Pour moi c’est plausible, mais pour vous... 

— On verra bien. Incompétent ou dangereux ?

— Un peu des deux.

Je sentais la colère monter en moi, les muscles de mes jambes et de mon ventre se raidirent instantanément. Je l’attendais, je savais qu’elle viendrait, qu’il me faudrait masquer toute réaction. Il s’en rendit sans doute compte. Mais le petit micro au plafond ne pouvait pas le capter. Ma voix restait nonchalante, presque légère.

— Racontez-moi tout.

C’est ce qu’il fit.

J’avais raison, ce n’était pas à cause de mon dossier du service militaire, de mes années de fac ou avant, ni de ma famille. Ce n’était pas quelque chose que j’avais fait.

C’était ce que je suis.

— On a passé ces trois semaines à vous observer de très près, dit Dattner. On en sait plus sur vous que vous n’en savez vous-même, ce qui ne vous surprendra pas. Une partie de notre enquête concernait votre passé, et tout ça était nickel, comme vous l’avez dit. On le savait déjà bien avant qu’on vous convoque à Washington. Si votre dossier n’avait pas été parfait, on ne vous aurait jamais contacté. On a tout vérifié quand même, évidemment, mais il n’y avait rien. Mais votre passé n’était qu’une partie. Le reste de l’enquête consistait à déterminer qui vous étiez désormais. C’est pour ça qu’on a fait tant d’entretiens et d’examens. Tous les formulaires que vous avez remplis avaient un objectif. Que savez-vous de ces tests ?

— Simplement que j’en ai passé suffisamment pour toute une vie.

— Vous avez une idée de ce qu’on cherchait à savoir ?

J’ai haussé mes épaules.

— Si je suis fou ou pas, je suppose. Les épreuves politiques étaient assez évidentes. J’imagine que quelqu’un pourrait facilement mentir.

— Pas aussi facilement que vous pourriez le croire.

— Sans doute. Je ne suis pas un expert. Quant aux autres, il y avait des épreuves physiques que je suis certain d’avoir réussies, de la santé et la coordination aux armes et combats à mains nues. Je sais que je me suis bien débrouillé sur ce point. Et puis il y avait la partie de psychologie, avec des questions du genre : « est-ce que je crois que des petits hommes me suivent ? » Il y a un an j’aurais dit oui, parce qu’un peloton entier de petits mecs bruns me suivait partout, mais ce n’est pas ce que vous voulez, n’est-ce pas ?

Il ne sourit pas. Ca ne devait pas être très drôle.

— Je suppose que ce test montrerait des problèmes de personnalité. L’homosexualité, ce genre de choses. Ou une folie totale. Qu’est-ce qu’il y avait d’autre ? Des tests de QI que je crois avoir plutôt bien réussis, ainsi que des tests pour mesurer mes relations spatiales et mes aptitudes mécaniques. Une fois, ils m’ont donné un robinet à réassembler. Si c’est là-dessus que je me suis planté...

— Non.

— Parce que j’ai toujours voulu être plombier et...

Il alluma une cigarette.

— Il y avait d’autres tests, dit-il. Vous étiez parfois testé sans le savoir. On évaluait vos réactions émotionnelles quand on vous faisait attendre, ce genre de choses. Les psychologues sont assez sournois.

Il cherchait un cendrier. Je me levai pour lui en trouver un.

— En fait, poursuivit-il, un psychologue pourrait vous expliquer tout ceci mieux que moi. Mais je suis le seul qui accepte de vous répondre, alors ne m’en voulez pas si mes propos sont un peu vagues. Ce n’est pas vraiment mon rayon.

Je le rassurai sur ce point. Il dit qu’il ne pouvait que me donner une idée du principe en termes simples. Je lui dis que cela me convenait parfaitement. Il éteignit sa cigarette. J’attendis, n’étant pas sûr de vouloir vraiment savoir ce qu’il allait me dire.

— Les tests de personnalité, lâcha-t-il enfin, sont sans doute plus sophistiqués que vous ne l’imaginez. Celui que vous avez mentionné avec les questions concernant les petits hommes qui vous suivent, par exemple, c’est le MMPI.

— Qui veut dire ?

— Le Minnesota Multi-Phasique-je-ne-sais-quoi. Il permet de déceler toute une gamme de conditions émotionnelles allant de l’hystérie et la paranoïa jusqu’à je ne sais quoi. Même si vous savez comment il fonctionne, il est très difficile de le tromper. On l’utilise depuis des années.

— J’en ai passé un il y a deux mois.

— Ah bon ? Pour un emploi ?

Je hochai la tête.

— J’ai postulé pour une dizaine d’emplois différents. Des positions de cadres. Certaines compagnies semblaient intéressées mais rien de bien excitant pour moi. Une de ces entreprises m’a fait passer ce test.

— Et ils vous ont proposé un poste ? 

— Pas encore.

— Je doute qu’ils vous engagent.

— Vraiment ?

Il fit oui de la tête.

— Votre profile MMPI ne correspondra pas à ce qu’ils recherchent.

— Alors je suis quoi, hystérique ou paranoïaque ?

— Ni l’un ni l’autre. Mais vous n’êtes pas un homme d’entreprise non plus.

— Continuez.

Il réfléchit un moment.

— Je n’ai pas le vocabulaire pour être clair, avoua-t-il. Il y avait beaucoup de tests. Et il est inutile de détailler le but de chaque test et votre performance pour chacun. Mais je peux vous donner le résumé de ce que nous avons découvert. Et je peux vous assurer que le syndrome, le type de personnalité qui a émergé, n’a rien d’inhabituel. Pas pour quelqu’un avec votre expérience. Tout à l’heure, j’ai dit que vous étiez un risque et un incompétent. J’ai cru que vous alliez me taper dessus. 

Je reconnus que l’envie avait été assez forte.

— Je vais essayer d’être plus clair, continua-t-il. Les tests ont indiqué que vous n’avez pas de motivations particulières, il n’y a rien que vous brûliez d’envie de faire ou d’avoir. Vous ne voulez pas un million de dollars, vous n’êtes pas assoiffé de pouvoir, vous ne défendez aucune cause politique ou sociale...

— Est-ce un tort ?

— Laissez-moi finir. Ce que ça veut dire, vraiment, c’est que rien ne vous importe beaucoup, à part faire le boulot du moment, vivre une vie raisonnablement confortable, et rester en vie.

— Ca fait de moi un fou ? 

— Non, ça fait de vous quelqu’un de trop raisonnable.

— Je ne pige pas.

— Je le craignais, dit-il en soupirant. En théorie, vous devriez être un candidat parfait pour nous.

J’avais pensé la même chose.

— Vous ferez ce qu’on vous dit de faire, vous ne serez pas distrait par votre ambition personnelle, vous n’avez pas de faiblesses évidentes exploitables par un ennemi. Jusque-là on dirait la description exacte d’un de nos agents.

— Ou d’un robot.

— N’oubliez pas ce que vous venez de dire, ça pourrait se révéler pertinent.

Il sortit une autre cigarette, mais cette fois ne l’alluma pas.

— Votre manque de motivation correspond parfaitement à nos critères. Mais nos agents ont quelque chose en plus, quelque chose qui les empêche de poser des risques de sécurité : une profonde volonté de servir leur patrie.

Une bonne dizaine de choses me vinrent à l’esprit, mais je n’en dis rien.

— Ce n’est pas parce qu’ils sont patriotes et que vous ne l’êtes pas, Paul, continua-t-il. Ce n’est pas si joli que ça. Parfois, la plupart du temps, même, c’est parce que ce sont des homosexuels latents qui doivent prouver leur masculinité. Et ce n’est pas toujours si latent que ça, d’ailleurs. Certains de nos meilleurs hommes sont... laissez tomber.

— Ne vous écartez pas du sujet.

— D’accord. Ce que je veux dire, c’est qu’ils doivent nous servir nous. Que ce soit la patrie ou l’Agence ça n’a pas d’importance. S’ils sont des robots, leur télécommande est ici, à Washington. L’Agence joue un rôle clé dans leurs vies, celui d’un père, d’une mère, ou d’un frère. Ils feront ce qu’on leur dit de faire.

— Et moi non.

— Et vous non. Il y a dix ans vous l’auriez fait, mais plus maintenant, et c’est ça la différence.

— Je ne comprends pas.

— Bien sûr que vous ne comprenez pas, bon sang.

Il se tapotait le front du bout des doigts.

— OK, prenons la situation sous un autre angle. Avaleriez-vous une pilule noire ?

Je le regardais sans expression.

— Une pilule de mort. Du cyanure caché dans une dent creuse, une capsule mortelle cousue sous votre peau, ou ce que vous voudrez. Imaginons que votre couverture soit grillée, que vous ayez été capturé et que vous deviez subir un interrogatoire. Le seul moyen d’empêcher l’ennemi de vous cuisiner serait de vous retirer vous-même du jeu. Le feriez-vous ?

— Je crois, oui. 

Il secoua la tête.

— Si vous le croyez vraiment, vous avez tort. Je ne peux pas le prouver mais ça n’en reste pas moins vrai. Vous ne le feriez pas, et vous ne tiendriez pas longtemps sous la torture. Non, Paul, ne m’interrompez pas. Vous vous rendriez compte avant même qu’ils ne commencent à vous faire souffrir que vous parleriez tôt ou tard, et qu’il vaudrait mieux parler tout de suite pour éviter toute souffrance inutile. Vous vous mettriez à table.

— Je ne vous crois pas.

— Dois-je arrêter ?

— Pas avant de m’avoir dit quelque chose que je puisse comprendre.

— Bon, peut-être que ceci vous aidera. Vous ne résisteriez pas à la torture et vous ne vous tueriez pas pour une très bonne raison. Vous feriez une analyse détaillée de la situation et vous vous rendriez compte que cela n’en vaut pas la peine, que ça n’aurait aucun sens. A quoi bon mourir pour empêcher les Chinois d’acquérir des informations mineures et dont ils ne tireraient rien de toute façon ? Pourquoi perdre un bras, un œil ou une nuit de sommeil quand vous finirez par tout cracher de toute façon ? Et, si on va encore plus loin, pourquoi se faire tuer quand vous pourriez survivre en devenant un agent double ? Dix ans plus tôt, vous n’auriez jamais pensé une chose pareille. Dix ans plus tôt, vous auriez pu penser

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