À propos de ce livre électronique
Sous le ciel de Paris s'aiment, se déchirent, se retrouvent ou se découvrent Anna, Tristana, Leila et Suzanna, quatre lesbiennes égarées dans les méandres de l'amour. Quatre femmes qui construisent pas à pas leur vie, de secousses en désillusions, d'espoirs en bonheur déçu ou comblé, au rythme de leurs rendez-vous dans les cafés, de nuits d'amour tendres ou passionnées, de rencontres belles ou insensées. Follement libres d'aimer.
Contient : Le Gang des bigoudènes (Saison 1), Quand les femmes s’emmêlent (Saison 2), Parce que c'est elle (Saison 3), La vie est belle ! (Saison 4).
Anne de Gandt
Écrivain-photographe, Anne de Gandt crée des univers où se mêlent passé et présent, rêve et réalité. Son travail est une invitation aux voyages, à travers le temps, l'espace, la mémoire, l'identité et l'espoir. Writer-photographer, Anne de Gandt creates worlds which mingle past and present, dream and reality. She invites you to journey across time, space, memory, identity and hope.
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Aperçu du livre
Le Gang des bigoudènes - Anne de Gandt
Published by:
Anne de Gandt at Smashwords
LE GANG DES BIGOUDÈNES - L’INTÉGRALE I
© 2013-2022 by Anne de Gandt - Édition n°4
Cover design and photography by Anne de Gandt
Tous droits réservés.
SOMMAIRE
Titre
Copyrights
Sommaire
Début de lecture
Fin de lecture
*
LE GANG DES BIGOUDÈNES
Bleu
Rouge
Blanc
*
QUAND LES FEMMES S’EMMÊLENT
Outremer
Carmin
Opalin
Grenat
*
PARCE QUE C’EST ELLE
Incarnat
Indigo
Ambre
Impérial
*
LA VIE EST BELLE !
Vénitien
Nocturne
Dorian
Océan
Nacré
*
SUPPLÉMENTS
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À propos de l’auteure
LE GANG DES BIGOUDÈNES
……………………………..…….
Saison 1
Anna, Suzanna, Tristana, Leila. Quatre jeunes homosexuelles en quête d’absolu, égarées dans les méandres des corps et du cœur. Paris, ses terrasses de café, ses arrière-cours d’immeubles et la Seine, immuable, sert de toile de fond aux love stories arc-en-ciel des bigoudènes.
~~~~~~
Bleu
~~~~~~
Anna, Suzanna
« Tu lui as dit ?
– Pas encore. »
Silence.
« Tu me conseilles quoi ?
– Alors là, je ne sais pas.… la vérité ?
– Elle me tuera, je le sais déjà.
– Écoute, de toute façon, au point où vous en êtes…
– Oh ça, je sais. »
Suzanna s’appuie contre le dossier de la chaise en métal qui lui fait décidément très mal au dos… à moins que ce ne soit autre chose, se dit-elle en se redressant aussitôt. Pourquoi fallait-il qu’elle cède ? Elle n’a jamais pu faire autrement. Les femmes lui font tourner la tête : la ligne de leurs épaules, la courbe de leurs hanches, la rondeur de leurs…
« Tu vas faire quoi ? »
Anna vient de planter ses yeux dans les siens ; ce regard clair, imparable, qui ne laisse rien passer, qui sait si l’on ment, qui scrute le fond de l’âme. La voilà radiographiée, scannée — dévoilée. Suzanna décroise les jambes, les recroise, rapproche sa chaise dans un grincement.
« Tu as une cigarette ?
– Sers-toi. »
Anna lui tend un paquet de Royale bleu en expirant nonchalamment la fumée, en attente d’une réponse — qui ne vient pas. Comment viendrait-elle ? Cette fois, ça y est, Suzanna est arrivée au bout de ce qu’elle redoutait : infidélité. Un seul mot pour des semaines de…
« Alors ?
– Alors rien. Je dois m’en aller, je vais être en retard à mon rendez-vous.
– Comme tu voudras. Mes amitiés à ta belle.
– C’est ça. »
Suzanna écrase sèchement la cigarette qu’elle vient d’allumer dans le cendrier. Elle déteste – elle a toujours détesté – cet humour cinglant, et pourtant terriblement juste, d’Anna. Inutile de répondre, elle sait déjà ce qui va se passer : de la colère, des cris, des larmes ; de la vaisselle cassée, peut-être. Un nombre indéterminé de mots dont le suffixe se finira, invariablement, en « asse ». Suzanna guette le visage de son amie, pour un sourire qui ne vient pas. Juste ce regard, fixe et froid.
« Salut.
– À plus. »
Et voilà. Un café, une cigarette et le sentiment d’être dans l’impasse. Mais comment résister ? Leila, sa compagne depuis des années, est belle, Suzanna le sait, mais son amante d’hier lui procure une ivresse, une fureur de la chair impossible à combler. Oui, elle a compris, Anna le lui a dit sans un mot, comme à son habitude : elle est dans l’impasse et, cette fois, pour de bon. Encore un mot en « asse ». Décidément.
Tristana, Suzanna
« Entre. »
Immobile sur le seuil, Suzanna sent le feu l’envahir comme chaque fois qu’elle se trouve face à elle. Elle. Son amante actuelle, son amante éternelle. Ce pincement dans le bas-ventre, ce petit serrement qui monte au cœur et bat la cadence ne trompe pas. Rester calme, ne pas montrer l’émotion qui s’est emparée de ses sens ou la violence du désir qui la tenaille.
« Viens, répète Tristana de sa voix douce et suave. Je t’ai attendue toute la journée… tu étais dans chacune de mes pensées, continue-t-elle en s’approchant. Et toi ? » chuchote-t-elle en l’enlaçant par la taille.
Suzanna se laisse porter par son geste : le feu, encore et toujours. Elle pense à Leila, mais comment ne pas céder au charme de celle qu’elle tient dans ses bras ? Ces yeux bleus, envoûtants, qui l’enveloppent sans fard ; cette voix à la tonalité grave, ronde et percutante à la fois. Ces lèvres charnues, d’un rouge soutenu, ces cheveux capricieux… comment résister à la ligne, superbe, de ces épaules finement galbées ? Suzanna se raidit : c’est le début des ennuis, Anna le lui a dit. Qu’importent les ennuis ; il fait si bon être ici. Se laisser aller à ses envies, s’étreindre, encore, pour un désir inassouvi. Peu importe, c’est la vie, se dit Suzanna en refermant la porte ; Leila me pardonnera, elle m’aime trop pour cela. Oh oui, elle me pardonnera, songe-t-elle en embrassant Tristana.
Leila, Anna
« Tu as des nouvelles de Suzanna ?
– Nous nous sommes vues tout à l’heure.
– Comment était-elle ? »
Anna observe son amie : tendue par le manque de sommeil, les yeux creusés par les larmes, les lèvres rentrées, elle essaie de dissimuler son inquiétude ; mais elle sait. Elle connaît la vérité. Elle sait que Suzanna dit l’aimer et qu’elle a choisi de la tromper. Anna saisit le paquet de cigarettes posé devant elle, en porte une à ses lèvres, l’allume d’un geste méthodique : ne pas brusquer, ne pas faire d’erreur. Elle apprécie Leila autant que Suzanna ; elle ne veut pas leur faire de mal, ne veut pas mentir non plus. Est-ce à elle de le lui dire ?
« Nerveuse.
– Nerveuse comment ? Que veux-tu dire ?
– Elle n’avait pas beaucoup de temps. »
Anna se tait ; Leila, face à elle, fixe le sol, l’air perdu. Des larmes perlent sur ses joues.
« Excuse-moi, je suis fatiguée.
– Ne t’excuse pas.
– Elle t’a dit où elle allait ?
– Aucune idée. Elle devait partir à un rendez-vous, c’est tout ce que je sais.
– Un rendez-vous. Quelle acharnée de travail…
– Écoute, je …
– Non, ne dis rien, pas la peine. »
Leila porte la tasse à ses lèvres. Le café, rude, déjà tiède, laisse un goût amer — un peu comme ce qui reste de sa relation avec Suzanna, se dit-elle en le buvant à contrecœur. Elle dévisage Anna en silence, incapable de savoir si elle lui en veut ou pas. Peut-être que oui ; peut-être sont-elles de connivence. Non, ce n’est pas dans son caractère : Anna est honnête, elle n’aime pas la situation actuelle, Leila le voit à sa nervosité. Une autre gorgée. Leila n’aime pas ce café. Ni le thé. Ni la tournure de sa vie actuelle. Elle aime Suzanna, elle la déteste, elle ne sait pas, elle ne sait plus. Elle repose la tasse sur sa coupelle, attentive aux passants, puis aux personnes attablées autour d’elles ; leurs conversations animées, leurs éclats de rire, leurs morceaux de vie quand la sienne est en miettes. En miettes. Tout ce qui reste de leurs ébats, de leurs baisers, de leurs fous rires, des moments partagés a le goût, fade et âpre, de ce café à peine entamé.
« Je dois partir.
– Moi aussi. »
Les deux femmes se lèvent presque en même temps de leur chaise. Le soleil printanier éclaire la rue d’une lumière pâle, droite, immobile. Les immeubles projettent leurs ombres aux contours aigus sur le bitume ; le bruit de pots d’échappement, de scooters ou de bus recouvre parfois leurs voix.
« Merci pour le café.
– De rien. Appelle-moi quand tu veux.
– J’y penserai. »
Leila la salue puis s’en va. Anna la regarde s’éloigner, le cœur serré. On n’a qu’une vie, se dit-elle. Pourquoi la compliquer ? Pourquoi vouloir, à tout prix, la faire entrer dans des habitudes ? Et, la pire de toutes, celle d’aimer ? Pourquoi est-il si compliqué d’aimer ?
Tristana, Suzanna
« Encore. »
Tristana se serre contre son amante, ses jambes mêlées aux siennes. La chaleur de sa peau, la douceur de ses cheveux se fondent en elle.
« Je te veux pour moi — moi seule. »
Suzanna ne répond pas. Elle pense à sa compagne, à ses larmes, aux cris qu’elle ne pourra pas contenir : sa tristesse lui fera de la peine mais elle ne pourra rien dire ; comme souvent, elle attendra que la tempête se calme, qu’elle veuille bien redevenir celle qu’elle aime, qu’elle a toujours aimée, sans ce quelque chose qui la laisse, jour après jour, désemparée. Ce quelque chose… quoi ? Suzanna tourne son visage vers sa maîtresse, qui lui répond d’un baiser voluptueux. Le contact de ses lèvres lui fait oublier ces questions. Leila… Tristana la caresse d’un geste exquis ; la chaleur l’envahit, descend dans son bas-ventre ; leurs deux corps se mélangent, s’enlacent, nerveux, plus lents, brûlants de désir. Le feu se propage, écarte les dernières résistances, les derniers soupirs ; le rythme de leur respiration s’accélère, leurs mains se cherchent, s’agrippent, se serrent, s’étreignent. Encore. L’une contre l’autre, leurs formes s’épousent, se retirent, les bouches mêlées gémissent de plaisir. Oh oui, encore. Suzanna jouit dans un sursaut.
Anna
J’ai de la peine pour Leila : je ne comprends pas pourquoi Suzanna et elle en sont là. Elles sont belles, faites l’une pour l’autre, mais quelque chose ne va pas. Je les vois s’éloigner chaque jour un peu plus, creuser un fossé toujours plus difficile à combler. Moi qui suis célibataire, je souffre de les voir se déchirer — comme je souffre d’être seule, sans personne à mes côtés. Mais je ne veux pas me perdre dans les méandres de l’amertume, les écueils de l’habitude, des lassitudes ou des non-dits et, pire que tout, de l’ennui. Est-ce le poison qui coule dans les veines de ces couples depuis trop longtemps unis ? L’ennui ?
Leila, Suzanna
L’appartement est vide quand Suzanna n’y est pas, se dit Leila avant de s’asseoir, la tête vide, le cœur flétri. Les meubles, autour d’elle, semblent des ennemis emplis d’indifférence, de déni. Suzanna… pourquoi ne l’aime-t-elle plus ? Que s’est-il passé au fil de ces années pour qu’elles ne se regardent plus ? Ne peut-elle lui pardonner ? Ce n’est peut-être qu’un mauvais passage, un moment difficile, avec de la patience, tout s’arrange… mais non, non, se dit-elle en se levant brusquement : ce n’est pas un passage, tout n’est que mensonge, Suzanna la trompe, Suzanna se trompe, ce n’est pas ce qu’elle croit. Leila a besoin d’être aimée, respectée. Pourquoi ne pas lui dire qu’elle ne l’aime plus ? Pourquoi la faire souffrir ? Pourquoi, à la souffrance, ajouter l’humiliation de la trahison ? Est-ce parce qu’elle n’est plus assez belle ? Suzanna adorait ses cheveux bouclés, ses grands yeux sombres, la douceur de sa peau satinée. Faut-il qu’elle change ? Qu’elle s’habille autrement ? Que…
Bruit de clefs dans la serrure. Suzanna vient d’entrer : Leila, aussitôt, remarque son regard fuyant, l’odeur émanant d’elle — dont elle sait que ce n’est pas la sienne : celle de la trahison ; de l’infidélité. Elle n’est plus une enfant — depuis longtemps.
« Bonsoir.
– Salut. »
Leila l’embrasse furtivement. Elle, son parfum ; elle, son ennemie quotidienne, sa rivale éternelle. Suzanna s’avance dans la pièce, incertaine.
« Ton rendez-vous s’est bien passé ?
– Oui, merci.
– J’ai vu Anna tout à l’heure.
– Ah, bien. »
Suzanna tente de rester prudemment aux abords du piège tendu par sa compagne. Un mot de trop, un commentaire, une inflexion de voix et tout peut exploser. Pas de scène ce soir, prie-t-elle en silence. Pas de cris, pas de désespoir. Elle repense à la peau de sa maîtresse, à sa bouche contre ses lèvres, à son souffle suspendu au sien ; à ses gestes, ses frôlements, sa tendresse, sa main au creux de ses reins. Non, pas de lutte dont il ne sortira ni vainqueur ni vaincu — que des âmes perdues, des cœurs battus ; juste le bonheur de la légèreté, des sensations, des phrases sans arrière-pensée.
« Je suis fatiguée, je vais me coucher.
– Bien sûr… tu travailles tellement dur. »
Ne pas répondre, ne pas donner prise à la colère. Suzanna referme lentement la porte de la chambre derrière elle puis s’allonge, yeux fermés. Le visage de Tristana apparaît, tel un songe, et l’embrasse avec douceur. Suzanna s’endort, le sourire aux lèvres ; dans l’autre pièce, Leila s’est mise à pleurer.
Suzanna, Tristana
« Je t’aime.
– Dis-le encore.
– Je–t’aime.
– Encore.
– Je …
– Approche. »
Suzanna se presse, un peu plus, contre sa maîtresse.
« Comme ça ?
– Plus fort. »
Tristana l’entoure de ses bras, caresse ses cheveux, glisse le long de ses cuisses ; effleure son bassin, puis sa poitrine d’un geste sensuel.
« Et ensuite ? l’arrête soudain Suzanna.
– Ensuite quoi ? lui répond son amante, inquiète. Nous verrons… la vie est tellement belle, tellement dense, tellement…
– Intrigante ?
– Si tu veux, sourit-elle, serrée contre elle. Tu es à moi, murmure-t-elle avant de l’embrasser. Donne-moi tes lèvres, que j’y pose les miennes ; qu’ensemble nous scellions le secret de notre liaison…
– J’ai peur, Tristana.
– Je sais, comme nous toutes : de se tromper de route, de faire les mauvais choix, de ne pas décider de nos vies. Et après ? Faut-il pour autant suspendre le cours de nos rencontres ?
– Je ne sais pas, soupire Suzanna en se levant. Je dois y aller, je suis inquiète.
– Pour qui ? Pour elle ou pour toi ?
– Pas de ça, je t’en prie.
– Quoi donc ?
– Ces sous-entendus : je suis fatiguée d’eux. Tu m’avais promis…
– Comme tu voudras, se reprend Tristana dans un sourire forcé. Viens m’embrasser quand même : la vie n’est pas finie, elle ne se termine jamais tout à fait ; c’est nous qui l’interrompons sans cesse… vivons au moins ce qui nous rapproche, sans ombre et sans reproche, d’accord ?
– D’accord. »
Suzanna embrasse cette femme qu’elle connaît à peine, juste de corps et de chair. Mais son cœur ? Elle ne sait rien de lui, ne veut pas le savoir. Peu importe le cœur. Tout ce qu’elle veut, c’est se sentir bien, se sentir vivre, se sentir… libre. De quoi ? Elle n’en sait rien. Elle s’en fiche, ne veut plus réfléchir ; elle voudrait garder Leila, mais sait que ce n’est pas possible. Elle ne veut pas la faire souffrir non plus — sans vouloir d’une relation qui ne la satisfait plus.
« À jeudi.
– À jeudi. »
Un jour supplémentaire de trahison, de mensonges, de faux-semblants. Suzanna veut vivre, veut être libre, elle qui ne s’est jamais sentie autant prisonnière.
Anna, Leila
« Vous avez pu parler ?
– Non. Une ombre, voilà ce qu’elle est devenue. Elle ose à peine me regarder.
– Tu as une idée de qui il s’agit ?
– Je ne veux pas le savoir. »
Leila aspire une bouffée de sa cigarette et la rejette, brutale, devant elle.
« Je pourrais devenir folle ; mieux vaut ne pas savoir, c’est idiot, je… »
Elle s’interrompt ; éteint sa cigarette dans le cendrier puis passe, nerveuse, une main dans ses cheveux.
« Tu disais ?
– Rien… enfin, si ; j’aimerais être comme elle.
– C’est-à-dire ?
– Libre. Libérée de ce qui m’obsède ; libérée des carcans de la vie quotidienne. Partir. Tout laisser derrière moi et rebâtir une autre vie : je n’en peux plus d’être trompée – trahie, humiliée.
– Fais comme elle.
– M’envoyer en l’air ? Jamais pu… jamais pu le faire. Trop besoin du cœur, tu comprends ? Elle, elle s’en fiche. »
Leila, d’une main tremblante, porte le café à ses lèvres desséchées par les larmes.
« Qu’est-ce que ça fait d’être libre ? poursuit-elle en reposant la tasse sur sa coupelle.
– On s’ennuie.
– Quelle ivresse…
– Tu l’as dit ! »
Les deux femmes se sourient.
« Jamais pu trouver l’âme sœur ?
– Ce n’est pas ce que je cherche, Leila.
– Tu cherches quoi ?
– Une autre que moi.
– Elle doit exister… elle existe forcément, quelque part.
– Si tu sais comment la trouver, n’hésite pas à m’en faire part. Moi, j’ai laissé tomber.
– Ne dis pas cela, Anna ; tu m’as assez rappelé qu’il ne fallait jamais baisser les bras.
– Tu as raison, je m’égare. »
Anna allume une nouvelle cigarette. Le parfum du tabac l’écœure un peu, mais le rituel de ce geste la rassure… à moins que cela ne lui donne une contenance. Pourquoi a-t-elle besoin d’une contenance ? Elle n’en sait rien… pour exister, peut-être.
« Anna…
– Oui ?
– J’ai peur que Suzanna parte ; qu’elle me quitte… de me retrouver seule. C’est idiot, tu ne trouves pas ?
– D’avoir peur d’être seule ?
– Et c’est à toi que je dis ça !
– Pas de problème : la solitude me convient ; c’est comme ça, je me suis faite une raison, je ne dois pas être prête.
– À quoi ?
– À vivre ce que je souhaite.
– Et tu souhaites… ?
– Ttt, ttt, not your business.
– Comme tu voudras. »
Anna voit les cheveux de son amie se soulever, emportés par le vent, puis retomber sur son front en mèches désordonnées.
« Suzanna… tu l’aimes encore ?
– Franchement, je n’en sais rien. Elle me fait tellement souffrir… pour cela, je la déteste. Et pourtant, je ne peux pas me passer d’elle. C’est étrange, tu ne trouves pas ?
– Je ne sais pas ; le cœur a ses raisons…
– Il paraît. Le pire, tu sais, c’est d’imaginer le plaisir qu’elle peut avoir avec une autre. Cela me rend folle.
– J’imagine. »
Anna écrase longuement sa cigarette dans le cendrier. Oh oui, elle imagine sans peine. Elle-même… mais c’est du passé. Laisser le passé au passé, c’est ce qu’elle s’est promis un soir d’été. Avancer, même si cela fait mal ou si elle s’est trompée ; ne pas sombrer dans l’amertume ou les regrets — même si être seule est douloureux. Elle qui prétend s’être habituée à sa solitude… ne s’est habituée à rien du tout : la solitude lui pèse comme une enclume, une compagne dont elle se passerait sans peine. Célibataire, tu parles : elle en meurt de peine, de son célibat. Quelle fierté mal placée, tout de même.
« Tu me conseilles quoi ?
– Laissez passer du temps. Essayez de ne pas trop vous déchirer : la colère laisse des traces difficiles à effacer.
– J’essaierai… ce sera compliqué.
– Je sais.
– Tu en sais des choses pour une célibataire.
– Je lis. »
Anna sourit. Elle n’aime pas mentir, mais certains souvenirs sont encore trop douloureux — trop à vif. Elle, pour qui elle aurait donné sa vie : elle est partie un soir d’été et, depuis, elle vit seule. Quelle lâcheté… elle qui pensait être honnête se ment à elle-même ; le pincement de son cœur ne trompe pas : elle n’est pas guérie, ne l’a jamais été, ne le sera peut-être jamais… qu’importe, la vie passera. Elle aimerait que Leila et Suzanna ne se
