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Vert comme l'enfer
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Livre électronique179 pages1 heure

Vert comme l'enfer

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À propos de ce livre électronique

Mai 2023, un Cessna s’écrase dans la forêt amazonienne. Le pilote et deux passagers meurent sur le coup.
Mais quatre enfants survivent. Ils sont âgés de 13 ans, 9 ans, 4 ans et 11 mois!
Les voilà perdus dans l’enfer vert de la jungle. Ils doivent rejoindre la civilisation au milieu des serpents, des caïmans, des jaguars, des scorpions et des… duendes, les esprits malveillants tapis dans la végétation pour égarer les imprudents.
Les équipes de recherches considèrent que personne ne peut subsister plus de deux semaines dans la forêt de l’Amazonie. Néanmoins, la quête durera quarante jours.
Cette histoire 100% authentique est plus qu’une aventure moderne: c’est un exploit jugé impossible à accomplir. Aux yeux de certains, c’est aussi un miracle.
LangueFrançais
ÉditeurHugo Québec
Date de sortie11 août 2025
ISBN9782925386667
Vert comme l'enfer
Auteur

Camille Bouchard

Camille Bouchard transports readers, young and old, across continents and epochs. He never stops writing and travelling. Governor General’s award winner and a five-time finalist, he is the author of more than 80 novels for readers of all ages. Some works appear on international selection lists, including the White Ravens International List of Honor. Hunting for the Mississippi is Bouchard’s first book to appear in English. “A literary phenomenon.” Le Devoir. “A leader in historical fiction.” La Presse. “Exciting and daring.” “A remarkably gifted story-teller”, CBC/Radio-Canada. “Hunting for the Mississippi captivates readers from beginning to end … Readers 14 and up will discover both history and human frailty.” Le Devoir, Montreal

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    Aperçu du livre

    Vert comme l'enfer - Camille Bouchard

    Première partie

    Chapitre Un 1er mai 2023 ; 6 h 42 : le Cessna

    Je n’ai jamais pris l’avion de ma vie. Il faut dire que j’ai seulement treize ans. Ainsi, je ressens une certaine peur à devoir monter à bord de celui-là. Surtout qu’il ne s’agit pas d’un grand Boeing qui peut transporter des centaines de passagers : c’est juste un petit appareil appelé Cessna, de six places réparties sur trois rangées de deux sièges. Il est blanc et bleu, assez vieillot. Sur la partie arrière, près d’un zigzag rouge, il est écrit en grosses lettres noires HK-2803 ; sur la queue, le nom de la compagnie : Avianline Charter’s Sas.

    Par bonheur, aujourd’hui, il ne pleut pas. Les jours précédents, toutefois, c’était un vrai déluge. Ce n’est rien d’inhabituel dans notre coin perdu de la jungle amazonienne où n’existe aucune route et où les villages sont accessibles uniquement par avion ou par bateau. N’empêche ! La piste de terre est toute détrempée, les roues de l’appareil sont pleines de boue et tout ça, eh bien, ce n’est rien pour me rassurer.

    Bon, il est certain que, entre la peur de voler pour la première fois et celle de me faire assassiner par les hommes armés qui sont à la poursuite de mon père, le gobernador local de Puerto Sábalo¹, je préfère prendre le risque d’embarquer dans cet oiseau de métal. Je dis « mon père », mais ce n’est pas exactement le cas. Manuel est le second conjoint de maman. Toutefois, c’est le papa biologique de mon petit frère et de ma petite sœur. Enfin, les deux plus jeunes. Parce que, de mon vrai père à moi, j’ai déjà trois autres frère et sœurs : deux plus vieux, une cadette. Ma mère a donc mis au monde six enfants au total.

    On n’est pas tous présents à bord du Cessna, évidemment. Il y a seulement ma frangine Soleiny, qui a neuf ans, mon frérot Tien, quatre ans, et ma toute minuscule sœurette Cristin, qui n’a pas encore un an. Moi, j’ai treize ans. Ah oui, je l’avais déjà dit !

    Avec nous, il y a maman, mais pas Manuel. Lui, il se terre dans la grande ville de Bogotá, parce que des rebelles – ou des narcotrafiquants, avec lui, on n’est jamais certain – veulent lui mettre une balle dans la tête. Et il paraît qu’on l’a menacé de s’en prendre à nous, sa famille. C’est pour ça qu’on a dû quitter notre village de Puerto Sábalo pour nous cacher dans une petite maison à côté de la piste d’atterrissage d’Araracuara, et puis monter dans cet avion qui nous mènera à San José del Guaviare où Manuel devrait nous attendre, afin de nous conduire en voiture dans la capitale.

    C’est compliqué.

    En plus de nous, les enfants, et de maman, il y a le pilote – évidemment – et le señor Herman Mendoza, qui affirme s’assurer que nous arriverons sains et saufs à destination. C’est une sorte de garde du corps improvisé. Est-ce que don Herman est une personne fiable, vu qu’il y a des gens qui nous en veulent ? Maman semble lui accorder sa confiance, alors, ça me va. C’est vrai qu’il a une bonne tête sympathique. Sans compter qu’il est aussi un leader uitoto, la nation indigène dont fait partie notre famille.

    Voilà ! Donc, à cause des mauvaises fréquentations de mon pè… enfin, de Manuel, le père de mes deux cadets, nous devons tout abandonner derrière nous pour aller vivre dans cette grande Bogotá inconnue, loin de notre peuple uitoto, de grand-maman, de grand-papa… et de mes amis !

    C’est très frustrant.

    Et mon véritable paternel, dans tout ça ? Pourquoi n’est-il pas là pour prendre soin de nous ? Serait-il moins digne de confiance que le second conjoint de maman ? Je ne sais pas. Je ne le connais pas vraiment, celui-là. Quand il a quitté le nid familial, je n’avais que sept ans et Soleiny, trois ans. Nous ne l’avons jamais revu.

    – Allez, Lesly ! Prends Cristin dans tes bras, le temps que je grimpe à bord. Vous auriez pu mettre un escabeau, non ?

    C’est maman qui s’adresse à moi en même temps qu’elle grogne à l’intention du pilote, un certain Hernando Murcia. Je m’empresse de tendre les mains vers ma petite sœur. À onze mois, elle commence à peser lourd. Elle me sourit quand je l’approche de mon visage. Elle babille et des bulles de salive se forment aux commissures de ses lèvres. Celle-là, elle ne comprend pas les dangers que nous courons.

    – Je vais vous aider, señora, dit l’aviateur en se penchant sur son siège et en s’étirant vers maman.

    Mais c’est le señor Mendoza qui s’interpose après avoir déjà soulevé Tien et Soleiny. Il saisit le bras de ma mère tout en lançant au pilote :

    – Ça va, Hernando. Je m’en occupe.

    Le type en question plisse les lèvres, lève le pouce, rajuste le casque d’écoute qui s’est déplacé sur son crâne, puis retrouve sa position face au tableau de bord. Le moteur rugit pareil à un jaguar qu’on retient au bout d’une laisse. On dirait vraiment que le Cessna a hâte de prendre son envol.

    Maman s’installe sur le siège juste derrière don Hernando, le pilote, et devant Tien qui, en compagnie de Soleiny, occupent les deux derniers fauteuils à l’arrière. Je tends Cristin à ma mère. Je m’apprête à monter à mon tour quand, sans que je m’y attende, je sens les mains puissantes du señor Mendoza me saisir la taille. Je n’ai pas besoin de faire le moindre effort pour me retrouver à ma place, près de l’ouverture.

    Notre protecteur ferme la portière, puis s’installe sur le siège du passager avant. Il boucle sa ceinture. Le moteur gronde de plus belle. Don Hernando, le pilote, pianote sur les boutons de son tableau de bord et crie des informations dans son micro pour les employés de l’aéroport.

    Je jette un coup d’œil à l’arrière vers Tien et Soleiny. Mon frère fixe le dossier du siège de maman, tandis que ma sœur fait semblant de s’intéresser à une tache sur la tôle de la carlingue. Aucun des deux n’ose regarder dehors. Je comprends qu’ils se sentent aussi nerveux que moi.

    Maman, quant à elle, le nez enfoui dans le duvet des cheveux de Cristin, chantonne je ne sais trop quoi. Je me demande si c’est pour empêcher le bébé d’avoir peur du bruit du moteur ou pour atténuer sa propre crainte de s’envoler dans ce vieux coucou.

    L’avion se met à tourner légèrement sur lui-même.

    – ¡ Madre de Dios !

    C’est don Hernando qui vient de jurer. Dans mon champ de vision, à travers la vitre de la portière, la rivière Caquetá, qui borde la piste, cède la place à une rangée d’arbres.

    – Les roues patinent, crie le pilote en direction du señor Mendoza. Trop de boue.

    – On ne peut pas partir ? demande notre protecteur.

    Don Hernando laisse échapper un grognement digne du rugissement de son engin et rétorque tout en malmenant son manche de commande et en rudoyant des manettes à côté :

    – La saloperie de piste d’envol qui m’aura empêché de décoller n’est pas encore tracée !

    Soleiny pousse un petit cri aigu pendant que maman serre Cristin contre elle. Le moteur hurle comme jamais. Nous sommes ballottés par les mouvements de l’avion qui tremble, sautille et frétille comme un poisson balancé sur le sable.

    L’appareil avance tant bien que mal, des giclées de vase criblent les vitres, des…

    – ¡ Caray !

    Une roue vient de heurter quelque chose. Le nez du Cessna pique vers le sol et une terrible secousse se propage tant dans notre banquette que dans la structure en métal. Une énorme masse de boue grasse mêlée d’herbes se jette contre la vitre avant. Le bruit est effrayant.

    – Qu… qu’est-ce qui arrive ? s’informe le señor Mendoza en présentant au pilote une expression inquiète.

    – L’hélice a raclé la terre.

    – Elle est brisée ?

    Don Hernando, le regard fixé sur les essuie-glaces qui nettoient le pare-brise, les dents serrées, hausse les épaules avant de répondre :

    – Ça continue de tourner librement, alors il n’y a pas de raison de rester coller au sol sur cette…

    Il s’interrompt, car l’avion vient de bondir soudain vers l’avant. Mon bras heurte lourdement le métal de la portière à côté de moi. Je grimace de douleur. La piste boueuse d’Araracuara s’aligne devant nous.

    – Qu’est-ce que je vous disais ? lance le pilote au señor Mendoza. On roule sur du plus dur, là ! Ce n’est pas aujourd’hui qu’une saleté de bourbe m’empêchera de partir.

    Notre leader uitoto se tourne vers nous. Je ne sais pas trop ce qu’il pense de nos mines catastrophées. Il constate que maman serre Cristin plus fort que jamais contre sa poitrine.

    – Ça va ? demande-t-il.

    – Hum, hum, parvient à émettre ma mère, les yeux fermés et les traits crispés.

    Je m’enfonce soudainement dans le siège de la banquette comme si, tout à coup, je pesais aussi lourd que le tronc d’un shihuahuaco². La piste d’envol disparaît sous le tableau de bord et le ciel prend toute la place à la vitre.

    Le Cessna vient de s’élancer dans l’azur.


    1.Les communautés indigènes d’Amazonie ont souvent des systèmes de gouvernance traditionnels qui ne correspondent pas aux modèles étatiques occidentaux. Le rôle d’un gobernador local (gouverneur local) peut varier considérablement d’une communauté à l’autre et dépend des propres coutumes, traditions et structures sociales de celle-ci. Il est rare qu’un seul individu incarne l’autorité au sein d’une communauté indigène. Souvent, les décisions sont prises collectivement par des conseils d’anciens, des assemblées générales ou d’autres instances de gouvernance. Le gobernador local peut être un représentant de ces instances, mais il n’est pas nécessairement le seul décideur.

    2.Arbre géant et massif de l’Amazonie.

    Chapitre Deux 1er mai 2023 ; 7 h 34 : le vol

    J’ai toujours rêvé

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