À propos de ce livre électronique
Dans un monde où chaque titre de presse semble annoncer un nouveau seuil franchi, climatique, social, économique, ce recueil vous invite à explorer les lignes de rupture de notre civilisation.
À travers une mosaïque de récits, chaque nouvelle éclaire un visage possible de l'effondrement : brutal ou insidieux, global ou intime, spectaculaire ou presque silencieux. Des événements réels peuvent servir d'étincelles à ces fictions : une crise énergétique, une faille numérique, une révolte inattendue, un écosystème qui cède... Autant de points de bascule où le quotidien déraille, où le vernis de nos certitudes craque.
Mais ces histoires ne parlent pas seulement de fin. Elles interrogent aussi ce qui demeure : les liens humains, les choix éthiques, la résilience, la peur, l'espoir.
La collection Effondrements : Un miroir fictionnel reflétant notre époque, pour en explorer les failles... et peut-être deviner d'autres chemins.
Didier Ramon
Il y a dix ans, mes pas foulaient les sentiers de randonnée, et mes mots racontaient cette marche comme une quête de soi et d'horizons ouverts. Mon premier roman, publié en 2015, naissait de cette pulsion : celle de vivre, d'observer, de transmettre. Aujourd'hui, ce ne sont plus les chemins paisibles que je décris, mais les fractures du monde. Cette collection de recueil de nouvelles explore les possibles visages de l'effondrement. Non par goût du chaos, mais par souci de lucidité. Chaque scénario est une loupe posée sur nos vulnérabilités, nos illusions, mais aussi notre résilience. Car même au bord du gouffre, l'humain cherche encore une lumière, fût-elle vacillante, pour continuer d'avancer.
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Aperçu du livre
Effondrements 2 - Didier Ramon
À DISTANCE
Le silence du monde
Le visage à moitié dissimulé derrière son masque respiratoire, Thomas scrutait l'horizon depuis la fenêtre de son appartement du troisième étage. La rue déserte en contrebas était parsemée de détritus que personne ne ramassait plus depuis des années. Une voiture abandonnée, ses portières ouvertes depuis si longtemps que la végétation avait commencé à s'y infiltrer, trônait au milieu de la chaussée. C'était devenu un monument involontaire à ce qui avait été autrefois une civilisation animée, grouillante de vie.
Cinq ans. Cinq ans depuis que le monde s'était arrêté. Depuis que la Grande Fièvre avait décimé l'humanité avec une efficacité terrifiante que personne n'avait anticipée. Thomas avait cessé de compter les morts après les deux premiers milliards. À quoi bon ? Les chiffres avaient perdu leur sens face à l'ampleur de la catastrophe.
Il ajusta machinalement son masque, un geste devenu aussi naturel que de cligner des yeux. Un réflexe pavlovien ancré dans sa chair. Même seul, même à l'intérieur de son appartement qu'il avait scellé et désinfecté mille fois, il gardait cette barrière entre lui et le monde. C'était inutile, il le savait. La menace principale n'était plus là. La Grande Fièvre s'était éteinte après avoir consumé presque tout ce qui pouvait l'être. Mais l'habitude était là, indélébile, comme un stigmate de survie.
Son regard s'attarda sur son reflet dans la vitre. Un homme de trente-quatre ans qui en paraissait dix de plus. Des cheveux châtains trop longs qu'il coupait lui-même maladroitement aux ciseaux tous les trois mois. Une barbe hirsute qu'il taillait de temps à autre sans conviction. Et ces yeux... Des yeux qui avaient trop vu, qui restaient aux aguets en permanence, incapables de se reposer véritablement.
À travers la fenêtre, il apercevait au loin les vestiges de l'hôpital universitaire où tout avait commencé pour lui. C'était là qu'il travaillait comme infirmier quand les premiers cas étaient apparus. Des symptômes banals au début — fièvre, toux, fatigue — puis cette progression fulgurante vers une défaillance multi-organes en moins de soixante-douze heures. Des patients qui entraient sur leurs jambes le lundi et qui étaient morts le jeudi. Puis le personnel soignant qui tombait comme des mouches. Ses collègues. Ses amis.
Thomas serra les poings si fort que ses ongles s'enfoncèrent dans ses paumes. La douleur était presque bienvenue, une sensation qui confirmait qu'il était encore en vie dans ce monde de fantômes.
Son appartement était méticuleusement organisé, chaque objet à sa place précise. Une nécessité dans ce nouveau monde où sortir à l'extérieur pour remplacer un objet perdu pouvait signifier la mort. Sur la table basse du salon, son journal intime et son stylo étaient posés exactement au même endroit que la veille, et que l'avant-veille. À côté, un livre de médecine ouvert aux pages concernant les maladies infectieuses — une lecture qu'il revisitait régulièrement, comme pour comprendre ce qui avait échappé à l'humanité.
Les étagères croulaient sous les conserves, médicaments et fournitures diverses qu'il avait accumulés lors de ses expéditions risquées à l'extérieur. Chaque boîte était étiquetée, datée, rangée par ordre de péremption. Un système qui lui permettait de savoir exactement combien de temps il pourrait tenir sans devoir s'aventurer dehors à nouveau.
Trois mois et dix-sept jours, selon son dernier calcul.
Thomas s'approcha du calendrier accroché au mur. Un geste quotidien, presque rituel. Il raya le jour précédent d'un trait précis. 24 septembre 2031. Cela faisait 1 825 jours depuis que la pandémie avait été déclarée urgence mondiale. 1 738 jours depuis qu'il avait parlé à un autre être humain en chair et en os.
À côté du calendrier, une carte de la ville était punaisée, avec des zones marquées en rouge, jaune et vert. Les zones rouges étaient celles qu'il ne visitait jamais — les anciens centres de quarantaine, les hôpitaux de campagne où des milliers de corps avaient été entassés quand les crématoriums n'avaient plus pu suivre la cadence. Les jaunes étaient des zones à risque modéré, généralement des quartiers résidentiels densément peuplés avant la pandémie, où les probabilités de rencontrer des corps non assainis ou des survivants potentiellement contaminés étaient plus élevées. Les vertes étaient ses itinéraires de ravitaillement, soigneusement explorés et sécurisés au fil des années.
Son regard s'attarda sur une zone verte particulière : l'ancienne pharmacie centrale, à environ deux kilomètres de son appartement. Il avait prévu d'y retourner aujourd'hui. Ses réserves d'antibiotiques diminuaient, et bien que la Grande Fièvre elle-même se soit estompée, les infections bactériennes ordinaires restaient une menace mortelle dans un monde sans hôpitaux fonctionnels.
Thomas inspira profondément et s'approcha de la fenêtre. Le ciel était dégagé, un bleu presque insultant dans son indifférence. La nature avait commencé à reprendre ses droits sur la ville. Des plantes grimpantes s'enroulaient autour des lampadaires éteints. Des arbustes poussaient à travers le bitume fissuré. Sans l'intervention constante des humains, la cité retournait lentement à l'état sauvage.
Il se dirigea vers l'entrée où son équipement de sortie était disposé avec une précision militaire : combinaison intégrale en matière synthétique imperméable, gants en latex doublés de gants de travail plus épais, lunettes de protection, masque respiratoire à filtres haute performance, et un sac à dos préparé pour le ravitaillement. À côté, une barre de fer — son arme de prédilection. Silencieuse, durable, efficace. Pas contre la maladie, bien sûr, mais contre ceux que la maladie avait épargnés tout en leur prenant leur humanité.
Avant d'enfiler sa combinaison, Thomas se dirigea vers la salle de bain. Il observa son reflet dans le miroir légèrement piqué par l'humidité. Il retira son masque, révélant une peau pâle, presque translucide, qui n'avait pratiquement pas vu le soleil depuis des années, sauf à travers des vitres ou des visières de protection. Sous ses yeux, des cernes permanents témoignaient de nuits hantées par les cauchemars.
Un jour de plus
, murmura-t-il à son reflet, répétant ce mantra qui l'avait maintenu en vie jusqu'ici. Un jour de plus.
Sur la tablette de la salle de bain, une photo écornée dans un cadre simple : lui et Sarah, sa fiancée, sur une plage ensoleillée deux ans avant la catastrophe. Ils souriaient à l'objectif, leurs corps se touchant avec cette insouciance qui semblait maintenant appartenir à un autre univers. Sarah travaillait dans le même hôpital que lui. Elle avait été parmi les premières à tomber malade. Parmi les premières à mourir.
Thomas effleura du bout des doigts le visage souriant sur la photo.
Un jour de plus, Sarah. Pour toi.
Il remit son masque en place et retourna vers son équipement. Le rituel commença : d'abord la combinaison, puis les gants intérieurs, le masque ajusté méticuleusement, les lunettes de protection, la capuche et enfin les gants extérieurs. Chaque jonction était sécurisée avec du ruban adhésif pour s'assurer qu'aucune parcelle de peau n'était exposée à l'air extérieur.
Une fois complètement équipé, Thomas se tenait devant sa porte, la main sur la poignée, respirant profondément pour calmer son rythme cardiaque. Malgré les années, la terreur ne s'était jamais vraiment atténuée. Chaque sortie était un saut dans l'inconnu, une roulette russe avec un virus qui avait prouvé sa capacité à mutiler l'humanité.
Un jour de plus
, répéta-t-il une dernière fois avant d'ouvrir la porte et de s'aventurer dans le couloir silencieux de l'immeuble.
Le silence était peut-être ce qui le perturbait le plus. Cette absence totale de la cacophonie humaine qui avait autrefois rempli l'air. Plus de vrombissements de voitures, plus de conversations lointaines, plus de musique s'échappant des fenêtres ouvertes. Juste le vent, parfois, et le craquement des structures qui se détérioraient lentement, abandonnées à leur sort.
Dans ce silence assourdissant, Thomas descendit prudemment les escaliers, sa barre de fer à la main, chaque pas calculé pour faire le moins de bruit possible. Non pas qu'il y ait beaucoup de monde pour l'entendre désormais. Mais certaines habitudes de survie étaient devenues instinctives.
À chaque palier, il s'arrêtait et écoutait attentivement, vérifiant qu'aucun son ne trahissait la présence d'un autre survivant. Les rencontres étaient rares, et rarement pacifiques. La peur avait transformé les humains en créatures méfiantes, territoriales. Thomas avait appris à ses dépens que la maladie n'était pas la seule menace dans ce nouveau monde.
Arrivé au rez-de-chaussée, il poussa délicatement la porte qui donnait sur la rue. Le soleil l'aveugla momentanément, et il plissa les yeux derrière ses lunettes de protection. L'air était étrangement pur, dépourvu des polluants qui saturaient autrefois l'atmosphère urbaine. Un des rares bienfaits de la catastrophe : la planète se régénérait tandis que l'humanité agonisait.
Thomas consulta sa montre — un vieux modèle mécanique qui ne nécessitait ni pile ni électricité — et nota mentalement l'heure de départ. Il s'accordait généralement quatre heures maximum à l'extérieur, un compromis entre la nécessité de ravitaillement et la prudence.
Son sac sur le dos, sa barre de fer fermement agrippée, il entama sa progression vers la pharmacie centrale, longeant les immeubles pour rester dans l'ombre autant que possible. Non pas pour se cacher — il n'y avait presque plus personne pour le voir — mais par habitude, et pour éviter l'exposition directe au soleil qui rendait sa combinaison étouffante.
En chemin, il passait devant les vestiges silencieux de ce qui avait été une vie urbaine animée : cafés aux terrasses vides, boutiques aux vitrines brisées, voitures abandonnées au milieu de la route dans ce qui avait dû être une tentative désespérée de fuite. La nature reprenait progressivement ses droits : des pousses vertes émergeaient des fissures dans le béton, des vignes sauvages s'enroulaient autour des feux de circulation éteints, des oiseaux nichaient dans les enseignes des magasins.
Thomas observait ce spectacle avec un mélange de fascination et de tristesse. Le monde continuait sans les humains. Peut-être même se portait-il mieux sans eux.
Au détour d'une rue, il s'immobilisa brusquement. À une centaine de mètres devant lui, une silhouette se déplaçait lentement. De toute évidence humaine, vêtue comme lui d'une tenue de protection, bien que plus rudimentaire. La personne semblait trainer quelque chose — un petit chariot improvisé rempli de provisions.
Le cœur de Thomas s'accéléra. Une rencontre. La première depuis des mois.
Son instinct immédiat fut de reculer, de se cacher, d'éviter tout contact. La distanciation n'était pas seulement une mesure sanitaire dans ce monde post-pandémique ; elle était devenue un réflexe de survie, profondément ancré dans la psyché des survivants. L'autre était toujours une menace potentielle, un vecteur de maladie, un concurrent pour des ressources limitées.
Pourtant, alors qu'il s'apprêtait à se replier dans une ruelle adjacente, quelque chose dans la démarche de la silhouette attira son attention. Une certaine fragilité, une vulnérabilité. Et soudain, il réalisa : c'était une femme, et elle était blessée. Elle boitait visiblement, s'appuyant lourdement sur son chariot pour avancer.
Thomas hésita, paralysé par un dilemme qui cristallisait toute l'ambiguïté de la survie post-pandémique : aider ou éviter, risquer ou se préserver.
Cinq années de solitude avaient émoussé sa capacité à prendre rapidement des décisions sociales. Il resta immobile, observant la femme qui progressait péniblement sans l'avoir encore aperçu. Pour la première fois depuis longtemps, il sentit quelque chose se fissurer dans la carapace qu'il s'était forgée. Un sentiment qu'il avait cru mort avec le monde d'avant : l'empathie.
Son dilemme fut interrompu par un bruit soudain — un craquement métallique provenant d'un immeuble voisin. La femme s'immobilisa également, visiblement alarmée, cherchant l'origine du son. Puis son regard croisa celui de Thomas.
Même à cette distance, même à travers les visières de protection, Thomas put sentir l'intensité de ce regard. La surprise. La peur. Puis quelque chose d'autre — un appel silencieux.
Un moment fragile se suspendit entre eux, comme une bulle dans le temps. Deux survivants face à face dans un monde mort, séparés par cent mètres de bitume craquelé et cinq années de méfiance apprise dans la douleur.
C'est alors qu'un second bruit, plus proche cette fois, brisa l'instant : des pas lourds, multiples, accompagnés de voix rauques. Au moins trois personnes, peut-être plus, approchaient rapidement du carrefour où se trouvait la femme.
L'expression de celle-ci changea instantanément, passant de la surprise à la terreur pure. Elle tenta d'accélérer sa progression, mais sa blessure l'empêchait de se déplacer efficacement.
Thomas comprit immédiatement. Dans ce monde dépeuplé, certains groupes avaient survécu en adoptant des méthodes prédatrices, chassant les solitaires pour leurs ressources. La femme était une proie, et les chasseurs approchaient.
Le dilemme venait de se transformer. Ce n'était plus une question de contact humain, mais de vie ou de mort. D'action ou d'inaction face à une violence imminente.
Thomas sentit une sueur froide couler le long de son dos malgré la combinaison. Une partie de lui — la partie rationnelle, celle qui l'avait maintenu en vie — lui hurlait de se replier, de ne pas s'impliquer, de préserver sa sécurité à tout prix.
Mais une autre voix, plus faible, presque oubliée, lui rappelait qui il avait été avant. Un soignant. Quelqu'un qui avait fait le serment d'aider.
Un jour de plus
, murmura-t-il, mais cette fois, ces mots prenaient un sens différent.
Il émergea de sa cachette et, le cœur battant à tout rompre, s'avança vers la femme.
La rencontre
Thomas avança d'un pas déterminé vers la femme, sa barre de fer fermement agrippée. La distance qui les séparait lui sembla soudain immense, chaque mètre un gouffre à franchir. Il fit signe à la femme de rester silencieuse, portant un doigt ganté à l'endroit où se trouvait sa bouche sous son masque. Elle hocha faiblement la tête, comprenant instantanément.
Les bruits se rapprochaient. Les voix étaient plus distinctes maintenant — des hommes, à en juger par le timbre grave, échangeant des plaisanteries macabres sur leur dernière prise
. Thomas frissonna. Il connaissait ce genre de groupes. Des prédateurs qui avaient survécu non pas malgré, mais grâce à l'effondrement de la civilisation.
Arrivé près de la femme, il fut frappé par l'intensité de son regard. Des yeux bleus, injectés de sang, mais vifs et intelligents, le scrutaient à travers sa visière. Elle devait avoir la trentaine, bien que les épreuves semblaient avoir gravé des années supplémentaires sur son visage. Sous la crasse de sa combinaison improvisée, on pouvait deviner une silhouette frêle, affaiblie par les privations.
Par ici
, articula-t-il silencieusement, indiquant une ruelle étroite entre deux immeubles. Un raccourci qu'il connaissait bien, menant à un complexe de bureaux abandonné qu'il utilisait parfois comme refuge temporaire lors de ses expéditions.
Elle hésita, visiblement déchirée entre la méfiance envers cet inconnu et la
