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Crépuscule
Crépuscule
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Livre électronique503 pages6 heures

Crépuscule

Par A. T.

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À propos de ce livre électronique

Je vois le ciel d’azur disparaître, éclipsé par une draperie funeste écarlate ! Quand le ciel se fendra et deviendra écarlate... L’heure du jugement dernier ! La fin des temps... Les fidèles crient, se bousculent, ils tentent de s’échapper... À quoi bon... Je reste assis et contemple les derniers instants de ce monde... Les ténèbres engloutissent la palmeraie...

LangueFrançais
ÉditeurA. T.
Date de sortie27 nov. 2024
ISBN9798224769919
Crépuscule
Auteur

A. T.

A.T.Alain Tourpin was born on May 25, 1960, in Saint-Brieuc, France.After passing his scientific baccalaureate, he went on to study science at the University of Rennes.He works in business, retail, and then education.In 2010, he ventured into the world of writing beginning the saga "L’Âge des Anges."The seven-volume saga is self-published.The saga is rewritten and becomes "XXIV".

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    Aperçu du livre

    Crépuscule - A. T.

    A. T.

    XXIV

    Livre 7

    CRÉPUSCULE

    Copyright © CNFED A. T., 2023

    Tous droits de traduction, de reproduction

    et d’adaptation réservés pour tous pays

    TERRE

    Royaume de Géorgie – 1455

    Par un bel après-midi de printemps, deux gamins de huit et neuf ans, Zakaria et Levan, montent un sentier escarpé au cœur d’une forêt de sapins et de feuillus. Le feuillage de printemps s’épanouit en vert tendre, il s’illumine à la moindre éclaircie. Les chants des oiseaux sont puissants, omniprésents.

    Les enfants portent une besace en bandoulière. En tête, Levan a de grands yeux noirs et un nez busqué. Il a l’air déterminé, fier, et sûr de lui. Zakaria a le visage fin, les oreilles décollées. Il est menu et semble à la peine. Ils quittent le chemin pour s’aventurer vers un tapis de jacinthes violettes et d’anémones blanches. Ils s’arrêtent près d’une vieille souche moussue. Ils s’observent, grimacent de dépit, s’agenouillent et écartent prudemment les herbes pour découvrir... un collet… vide.

    Levan penche la tête et ouvre de grands yeux :

    « T’entends ? » demande-t-il à voix basse.

    Zakaria, l’air surpris, fronce les sourcils.

    « Non...

    — Le silence... C’est pas normal.

    — T’as raison... »

    Un silence surnaturel s’est abattu sur la forêt... Ils se redressent, sans bruit, les sens aux aguets... lorsqu’un puissant bang est suivi d’une onde de choc ! Elle fait vibrer le sol ! Les branches craquent, les oiseaux crient, paniquent et s’envolent de tous côtés ! Des grondements s’élèvent, des rochers qui roulent, s’entrechoquent, tapent contre des troncs... Les tremblements ne durent que quelques secondes, mais ces secondes paraissent interminables... De lointains tintements de cloche se succèdent, avant que le calme ne revienne. Tous deux, perplexes, n’ont pas bougé.

    « C’était quoi ça ? s’inquiète Zakaria, les yeux écarquillés.

    — Si je l’savais...

    — Un tremblement de terre ?

    — Une fichue diablerie !

    — Qu’est-ce qu’on fait ?

    — On rentre !

    — D’accord !

    — Mais avant... » Levan grimace. « J’ai envie de monter jusqu’à la crête... pour voir ce qui s’est passé. On prendra le sentier qui longe la rivière pour rentrer.

    — Comme tu veux. »

    Ils pressent le pas jusqu’au sortir de la forêt. Le sentier débouche au pied d’une colline fleurie de pissenlits. Une colline qu’ils escaladent jusqu’à la ligne de crête... Un panorama de moyennes montagnes s’étend à perte de vue... Habitués des lieux, ils remarquent aussitôt de nouvelles saignées sur les versants. Des blocs rocheux ont dévalé les pentes et lacéré le paysage ! Le sol s’est affaissé par endroits ! Des éboulis ont terminé leur course dans la Kurtskhana, la rivière en contrebas. Ils s’assoient pour reprendre leur souffle et se désaltérer... Soudain, monte un grondement sourd... Le sol se remet à trembler ! Ils s’observent un instant, avant de s’apercevoir qu’une partie de la crête commence à s’effondrer ! Ils se relèvent d’un bond et reculent de quelques mètres, alors même que le terrain glisse vers la rivière... L’air sidéré, ils attendent que le calme revienne avant de s’approcher prudemment du rebord effondré... Un embâcle s’est formé sur la rivière. À quelques mètres en contrebas, l’affaissement de terrain a fait apparaître une large fissure... Un bruit étrange et constant, sifflement suraigu, emplit leurs oreilles qu’ils tentent de déboucher des doigts avant d’avaler leur salive.

    « Mais c’est quoi, ça ? » grimace Levan. Zakaria hausse les épaules d’ignorance. Ils se tournent, se retournent, pour tenter de découvrir l’origine du bruit...

    « On dirait que ça vient de là ! » Zakaria, l’air perplexe, désigne la fissure. Levan, le sourcil suspicieux, pose au sol sa besace et remonte son pantalon. Il éprouve le terrain, une terre meuble, avant de tenter une approche prudente de la mystérieuse crevasse. La terre s’éboule sous ses pieds...

    « Fais gaffe ! » s’inquiète Zakaria. Levan poursuit sa descente, les bras en arrière, les mains en appui dans la terre...

    « T’as raison ! Ça vient bien de là !

    — On ferait mieux de rentrer au village, grimace Zakaria.

    — Attends... C’est bizarre...

    — Quoi ?

    — Un courant d’air ! J’sens un courant d’air !

    — Tu ferais mieux de faire demi-tour !

    — On dirait... une grotte... » Levan se faufile dans la crevasse et disparaît !

    « Levan ! » Zakaria, paniqué, comme au sortir d’un cauchemar, réalise qu’il se retrouve seul ! Le cauchemar a pris corps !

    « Zak ! » L’appel le fait sursauter. « Viens voir ça ! C’est... » La phrase reste en suspens. Zakaria ne bouge pas, paralysé par la peur. Levan réapparaît :

    « Zak ! Oh ! Qu’est-ce que tu fais ? T’as pris racine ? Allez, viens !

    — Tu crois ?

    — Viens, j’te dis ! Viens voir ! Quelque chose que t’as jamais vu ! » Zakaria grimace, encore plus hésitant.

    « Faut qu’je vienne te chercher ? » Zakaria secoue négativement la tête, avant d’avancer de quelques pas... avec l’air du condamné qui part à l’échafaud. Levan vient à sa rencontre, il lui tend la main pour l’entraîner... Et ils se faufilent dans la crevasse... Le sifflement vrille les tympans ! À la limite du supportable. Zakaria découvre une grotte obscure et glaciale. Le courant d’air est si froid qu’il pourrait les geler sur place ! Et pourtant, Levan entraîne Zakaria vers le fond... Zakaria résiste ! Mais Levan resserre son étreinte.

    « Il faut qu’tu voies ça ! » rugit Levan. Ils passent un coude bien marqué, et Zakaria découvre un spectacle qui le laisse... avec un regard d’effroi ! D’une fissure, auréolée de cristaux brillants, jaillit une lueur bleue qui illumine le visage émerveillé de Levan !

    « Je... veux rentrer. » bredouille Zakaria. Levan acquiesce.

    *

    Giorgi Tabidzé, le pope de l’église Saint Aleksandre Nevski d’Abastumani, vient de s’asseoir à son bureau. Vêtu d’une soutane noire, le barbu, d’une petite quarantaine d’années, a l’air soucieux. Il se recule contre le dossier de la chaise à accoudoirs et, les doigts croisés, médite un instant... avant de se redresser pour rapprocher le codex posé devant lui. Il l’ouvre religieusement, avant de saisir une plume et un encrier...

    « Je prends la plume aujourd’hui, mardi 8 avril de l’An de Grâce 1455, pour consigner l’évènement terrifiant auquel nous venons d’assister. Je débutais l’office des vêpres, lorsqu’une explosion a retenti, immédiatement suivie d’un tremblement de terre qui a dû durer six à huit secondes. J’ai ordonné une sortie immédiate au moment même où des gravats tombaient sur l’autel et sur quelques fidèles qui, Dieu merci, n’ont pas été grièvement blessés. Seules quelques contusions et égratignures sans gravité. La voûte s’est lézardée et nous avons eu très peur, mais elle a tenu ! Des décors ont été endommagés et la partie supérieure du clocher s’est effondrée. Les secousses ont d’ailleurs été si violentes que la cloche a sonné !

    C’est mon second tremblement de terre, mais celui-ci était, de loin, le plus puissant. Les chiens avaient aboyé sans raison, le bétail avait meuglé, anormalement, nous aurions dû nous douter qu’il allait se passer quelque chose. Les bêtes ont recommencé leur chahut moins de deux heures plus tard, avant la réplique qui a eu raison du mur de soutènement du cimetière qui s’est écroulé. Les bêtes doivent ressentir quelque chose qui nous échappe.

    Fort heureusement, il n’y a que peu de dégâts au village. Nous nous sommes recensés pour nous assurer que tout le monde était sain et sauf. Il ne manque que Levan, le fils unique de l’aubergiste, et Zakaria, le fils cadet du forgeron. Ces deux-là traînent toujours ensemble, deux charmants chenapans toujours prêts à rendre service... ou jouer quelque tour pendable. Nous attendons la soirée avant de nous inquiéter.

    La fontaine s’est arrêtée de couler une bonne demi-heure, avant que l’eau ne revienne troublée. Et les eaux des sources thermales ont cessé de jaillir. Mais, pour l’avoir déjà vécu, j’ai bon espoir qu’elles resurgiront demain... Demain que la pauvre Anna, la femme du laboureur, ne verra peut-être pas. Je reviens de lui donner les derniers sacrements.

    Un tremblement de terre après un hiver long et rude, quatre mois de neige suivis par un début de printemps calamiteux, des coulées de boue descendues jusqu’au village, les céréales qui peinent à sortir de terre... Dieu nous met à l’épreuve. Tout cela ne présage rien de bon pour l’an prochain. Et si le grain venait à manquer ? »

    Toc ! toc ! toc ! toc !... Quelqu’un frappe à la porte.

    « Papa ? » demande la voix d’Elena, la fille de Giorgi. « Il y a quelqu’un pour toi.

    — J’arrive, ma chérie. » Giorgi repose sa plume avec soin, il se masse la racine du nez, avant de se lever et de se coiffer de son skiadion. Un couvre-chef noir, simple cylindre élargi dans sa partie supérieure. Lorsqu’il découvre Levan et Zakaria, au seuil de l’entrée, Giorgi se campe, les mains sur les hanches, avec un air de reproche. Les gamins le dévisagent avec des yeux de petits hiboux contrariés.

    « On vous a cherché partout ! Qu’est-ce que vous faisiez ? Et vous étiez où ? Et vous en faites une tête !... Allez ! Entrez ! Vos familles savent que vous êtes ici ? »

    Les deux gamins s’observent et hochent négativement la tête.

    « Non, mon Père... » Levan baisse le regard, l’air penaud. Giorgi grimace : « Elena ?

    — Papa ? » Elena s’approche. C’est une adolescente de 16-17 ans, aux yeux bleus, au regard hautain, aux cheveux châtain clair tressés.

    « Les parents de ces deux... chenapans les cherchent, et sont inquiets. J’aimerais que tu ailles les prévenir.

    — Tout de suite ?

    — S’il te plaît.

    — Bien. » Elle s’avance en foudroyant du regard les deux garçons intimidés qui s’écartent pour la laisser passer. Giorgi sourit.

    « Allez ! Entrez ! Et dites-moi c’qui vous est arrivé ! Assoyez-vous. » Les enfants s’installent côte à côte sur un banc devant une table de cuisine massive. Giorgi pose trois gobelets fumants sur la table, avant de s’asseoir en face des deux jeunes qui ont tout l’air d’avoir fait une grosse bêtise. « Alors ? Je vous écoute...

    — Mon Père... se lance Levan.

    — Oui ?

    — On est allés relever... nos collets... sur le mont... » Levan baisse les yeux.

    « Oui... Encore du braconnage ! » Giorgi soupire. « Bon... Cette fois encore je n’ai rien entendu. Alors ?

    — Il y a eu une explosion ! Et la terre a tremblé !

    — Oui, ici aussi. Un tremblement de terre.

    — On est montés jusqu’à la crête pour voir ce qui s’était passé... Et la terre a recommencé à trembler !

    — Oui, ça s’appelle une réplique.

    — Un morceau de la falaise s’est détaché pour tomber dans la Kurtskhana !

    — Ce sont des choses qui arrivent. Tant qu’il n’y a pas de blessé.

    — Oui, mais... » Levan grimace, il hésite. « L’éboulement... a fait apparaître... l’entrée d’une grotte.

    — Oh ! Et... vous êtes allés voir ? » Les deux gamins grimacent.

    « Alors ? Vous êtes entrés, oui ou non ?

    — Oui, mon Père... On est entrés... et au fond... il y avait... une fissure...

    — Une diablerie, mon Père !

    — Diablerie ?

    — Oh oui, mon Père ! Il y avait... de la lumière... qui venait de la fissure...

    — De la lumière ? Dans la montagne ?

    — Oui, mon Père. Et un courant d’air... » Zakaria frissonne. « Et un drôle de bruit.

    — La lumière n’était pas... normale. Elle n’était pas jaune, elle était bleue.

    — De la lumière... bleue ?

    — Oui, mon Père. On a aussitôt fait demi-tour... et on est rentrés.

    — Alors ça par exemple ! » Giorgi se lève, il attrape une lanterne, vérifie la chandelle... « Vous allez venir avec moi... et vous allez me montrer ça !

    — Euh... Là ? Maintenant ?

    — Oui ! Tout de suite ! Avant que la lumière ne s’éteigne ! C’est peut-être déjà trop tard.

    — Mais... mon Père, il va bientôt faire nuit !

    — Justement ! Il n’y a pas un instant à perdre. Les vôtres sont prévenus, je préviens les miens... et nous filons ! »

    *

    Le pas pressé, ils ont remonté le flanc du mont Kanobili, puis marché jusqu’à atteindre la crête, où le pope s’est assis pour admirer le couchant... et reprendre son souffle.

    « C’est là ! En bas ! Vous entendez, mon Père ?

    — J’entends... et je vois. » Les deux gamins s’engagent dans la descente, mais ils s’arrêtent devant la crevasse. Le pope les rejoint et hésite avant d’entrer ; il lisse sa barbe d’une main, comme si le geste machinal allait l’aider à réfléchir...

    « Bon... Nous entrons ?

    — Après vous, mon Père. » Giorgi sourit jaune et courbe l’échine pour entrer... dans une caverne obscure, avec un courant d’air glacial... et un étrange sifflement continu. Ses yeux, qui s’habituent à l’obscurité, devinent une lueur froide au fond à droite. Il avance prudemment de quelques pas, jette un regard et se fige : « Bon sang ! » Le phénomène n’a pas évolué. La lumière, d’un bleu qu’il n’a jamais vu, s’échappe de la fissure toujours auréolée de cristaux de glace brillants...

    « Alors, mon Père ? » La question le sort de sa torpeur.

    « Qu’est-ce qu’on fait ?

    — Demi-tour ! répond Giorgi. Nous rentrons au village !

    — Ah ! » Les gamins sont soulagés, le pope vient de prendre leur fardeau sur ses épaules.

    « J’irai demain au monastère... et on verra ce qu’on peut faire... Mais en attendant... pas un mot de tout ça... à qui que ce soit ! Tout ça doit, au moins pour l’instant, rester notre secret ! »

    Giorgi Tabidzé

    Quelle mauvaise nuit ! J’ai fait des cauchemars invraisemblables. Le village était attaqué par des démons qui crachaient de la glace bleue... Qui a dit que l’Enfer était chaud comme le cœur d’un volcan ? Il est plutôt austère, âpre, rude comme le froid, comme la glace. Sitôt l’office de matines terminé, j’ai pris le chemin du monastère. Quelque trois quarts d’heure de marche, en refusant aimablement la compagnie. Je souhaitais être seul pour réfléchir...

    À l’approche du monastère, j’ai rapidement constaté les premiers dégâts, de vilaines lézardes qui balafrent les murs de pierre. Des moines repositionnaient les bardeaux sur le toit. Reçu par frère Jacob, dans tous ses états, et on le serait à moins, j’ai été conduit auprès de l’higoumène, Tedore, un ami de longue date. Il m’a accueilli, on ne peut plus chaleureusement, en s’épanchant aussitôt sur les problèmes qu’il rencontrait depuis hier, les dégâts matériels, mais surtout les blessures préoccupantes de deux frères... Je sentais que partager sa peine pouvait un tant soit peu la soulager. Et ce n’est que lorsqu’il a demandé des nouvelles du village, que je lui ai raconté mon aventure... Il m’a écouté, le visage impassible, probablement incrédule, avant de froncer les sourcils :

    « Bon ! Il faut déjà que tu interdises l’accès à tes paroissiens. Prétexte leur sécurité. Tu n’as qu’à dire que la falaise menace de s’effondrer et qu’on va s’en occuper.

    — D’accord... Et vous allez... vraiment vous en occuper ?

    — On va déjà aller sur place... et on avisera.

    — Mais ?

    — Ne t’inquiète pas, tu seras le premier informé de ce qu’on va trouver... Si on trouve quelque chose », ajoute-t-il, l’air sceptique.

    *

    Trois jours ont passé... sans nouvelles. Je suis en plein office de matines, lorsque je suis distrait par le grincement d’une porte de l’église... Tedore !... Qu’il ait déserté son service au monastère me stupéfie. Il fait un bref signe de croix, m’adresse un discret hochement de tête, va s’asseoir au fond et prend une attitude de recueillement. L’office terminé, les fidèles quittent les lieux, mais Tedore ne bouge pas. Ce n’est que lorsque je suis devant lui qu’il relève lentement la tête, le regard perdu, comme en pleine réflexion.

    « Tedore...

    — Giorgi...

    — Alors ? Vous êtes allés voir ?

    — Nous sommes allés... » Il me fixe intensément, l’air mystérieux.

    « Et ? Vous avez vu quelque chose ?

    — Nous sommes allés... et nous avons vu...

    — Et ?

    — Et je te propose de m’accompagner.

    — Pour aller ?

    — Sur place.

    — Là ? Maintenant ? » Tedore acquiesce.

    « Bien volontiers. Je me change... et nous y allons ! Nous passons par ?

    — Le Kanobili... si tu n’es pas contre un peu d’exercice.

    — Au contraire ! »

    *

    Ce n’est qu’une fois sortis du village, loin des oreilles et des regards indiscrets, que Tedore m’apprend qu’il s’était aussitôt rendu sur place, et que ce qu’il avait trouvé l’avait sidéré. Les travaux de réfection du monastère avaient été mis entre parenthèses et la priorité du moment avait été d’élargir la fissure pour distinguer l’origine des lueurs... Tedore refusait de m’en dire davantage...

    Arrivé sur place, je découvre le site gardé par frère Nikoloz et frère Bagrat. L’étrange sifflement est encore plus puissant que la fois précédente. Le site est approvisionné d’un arsenal de pelles, de pioches, de toiles, de gants, de pelisses...

    Tedore attrape une pelisse et un couvre-chef qu’il me tend : « Tu vas en avoir besoin ! » Et comme moi, il endosse un manteau et ajuste un couvre-chef. Un couvre-chef avec des rabats à déplier pour couvrir les oreilles. « Tu es prêt ? » J’acquiesce de la tête. Tedore s’engage dans la cavité... Je lui emboîte le pas... La caverne, au courant d’air glacial, est éclairée de l’étrange lueur bleue qui fait briller les parois. Des parois entièrement recouvertes de givre luminescent ! La fissure, après le coude, a été élargie... et le spectacle... dépasse mon imagination... Tedore me tape l’épaule, il me fait signe de sortir : « Viens ! On ne peut pas rester ! Il fait trop froid ! » Totalement hébété, je le suis vers la sortie, des frissons dans tout le corps. À l’air libre, je dois m’asseoir pour ne pas tomber.

    « Alors ? Qu’as-tu vu ? » me demande Tedore. Je ne peux que hausser les épaules. Ma réponse ne le satisfait pas, il revient à la charge : « Et qu’en penses-tu ?

    — Il faut... que je retourne voir ! » Je prends une profonde inspiration, me lève et m’enfonce dans la cavité... Je stoppe après le coude. C’est une machine... Une machine diabolique ! C’est tout ce qui me vient à l’esprit. Une machine qui vibre, et qui émet le sifflement, la lumière et le froid glacial ! Une machine à l’intérieur d’un œuf géant dont la coquille s’est brisée... au cœur de la montagne...

    « Sors ! » hurle Tedore. Un ordre que j’exécute machinalement.

    « Alors ?

    — C’est une machine !

    — Oui !

    — Une machine qui vibre ! »

    Tedore hoche la tête et grimace : « En fait, elle tourne.

    — Elle tourne ?

    — Oui ! Autour d’un axe qui la relie... à son enveloppe, sa coquille... Et nous pensons que c’est la rotation qui crée les effets, le bruit, la lumière, le froid.

    — Alors qu’est-ce que vous allez faire ?

    — Tu devines que ça nous dépasse... Cette... découverte incroyable est d’une importance... capitale ! Alors j’ai fait prévenir le Catholicos-Patriarche.

    — Oh !

    — Avec les détails que j’ai fournis, je pense que son émissaire ne tardera pas. »

    *

    Nous avons déjeuné au monastère, puis nettoyé le parvis en attendant l’émissaire... Une bonne heure et demie plus tard, c’est une escouade à cheval que nous avons vue arriver. Sept chevaux et six cavaliers. Deux civils, quatre soldats armés jusqu’aux dents, et une monture chargée de sacoches. Avant même de descendre de sa monture, un gaillard truculent, au regard inquisiteur et méfiant, d’une petite quarantaine d’années, se présente : « Je suis Aram Lomadzé, émissaire de Sa Sainteté David III Gobéladzé ! Et vous êtes ?

    — Tedore Davitachvili, l’higoumène du monastère, Monseigneur.

    — Giorgi Tabidzé, le pope de l’église Saint Aleksandre Nevski d’Abastumani.

    — Le découvreur. » précise Tedore. L’émissaire semble se radoucir.

    « J’accompagne notre ami... Aram Lomadzé hésite... spécialiste de l’étrange. » L’autre civil, un musulman à n’en pas douter, d’une cinquantaine d’années, au regard perçant, sourit.

    « Bonjour, je me nomme Ali Quchtchi... Et c’est un concours de circonstances qui m’amène ici. J’étais de passage dans votre pays lorsque... »

    Aram Lomadzé lui coupe la parole : « C’est loin d’ici ?

    — Une bonne demi-heure de marche, Monseigneur. En amont de la rivière.

    — Bien. » Il se tourne vers les soldats et leur fait signe, l’index et le majeur tendus. « Deux avec nous ! Les deux autres, vous restez ici. » Ils descendent de cheval...

    « Souhaitez-vous une collation, Messeigneurs ? demande Tedore.

    — Nous souhaitons d’abord voir votre découverte, répond Aram.

    — Bien, Monseigneur. Alors, suivez-nous. »

    En compagnie des deux civils, Tedore et moi remontons le sentier qui longe la Kurtskhana... Les deux soldats ferment la marche. Le musulman, un érudit cultivé, curieux, pose d’étonnantes questions, précises, pertinentes, sur l’intensité du sifflement, la teinte du bleu, les composants de la machine... Aram reste discret, quelques haussements de sourcils trahissent sa perplexité. Frère Bagrat et frère Nikoloz, les deux gardiens du moment, se lèvent en nous voyant arriver... Tedore fait les présentations...

    « Bien ! Et si nous jetions un œil ? » Aram se frotte les mains.

    « La caverne est glaciale, Messeigneurs. Je vous invite à porter cette humble pelisse... Monseigneur... » ajoute Tedore en tendant le vêtement à l’émissaire qui soupire.

    « Laissez tomber le Monseigneur, Aram suffira.

    — Ali, également, ajoute le musulman.

    — Comme il vous plaira. »

    Tedore, Aram et Ali disparaissent quelques instants... avant de réapparaître. Aram, la main au nez, ouvre de grands yeux : « La découverte du siècle ! Une machine... qui viendrait d’un passé très lointain ! Avant l’homme ! » Il ne parle pas pour nous, il réfléchit à voix haute. « Elle serait l’œuvre... d’un peuple ancien ?

    — Ou de l’homme dans un futur tout aussi lointain, complète Ali.

    — Mais... Dieu dans tout cela ? demande Tedore.

    — Dieu ? s’étonne Aram qui éclate de rire.

    — Nous ne pouvons pas laisser cette machine tourner ! décide Ali. Il faut trouver un moyen de l’arrêter... Pour pouvoir l’approcher... Et l’étudier !

    — Et vous savez que vous êtes tenus au silence ! nous rappelle Aram. Personne ne doit aller raconter ce qui se passe ici ! Et ce n’est pas un conseil que je vous donne, c’est un ordre ! D’ailleurs, qui d’autre est au courant ?

    — Les véritables découvreurs. Deux gamins de mon village.

    — Mmh ! » Aram grimace, l’air contrarié. « Ce n’est pas ce que j’avais cru comprendre... Bon... Je veux les voir avant qu’ils aillent... raconter tout et n’importe quoi. Si ce n’est déjà fait !

    — Bien...

    — Alors ? Qu’est-ce que vous attendez pour aller les chercher ? »

    *

    Je suis rentré au village très mal à l’aise. Quelle méthode allait choisir Aram pour imposer le silence aux gamins... Les réduire au silence ? Dans ce monde de brutes, je pouvais tout envisager, et je ne voulais pas être le complice d’un acte de barbarie contraire à ma foi et à mes principes. Mais j’avais beau tourner et retourner la situation, je ne voyais pas d’autre issue que d’obéir à Aram...

    C’est donc avec mauvaise conscience, la mort dans l’âme, que je suis allé les chercher chez leurs parents. En chemin, je leur ai posé des questions détournées pour tenter de savoir s’ils avaient vendu la mèche. Je n’étais guère satisfait des réponses, si j’en venais à douter, Aram ne les croirait certainement pas... En fin stratège, Aram les a cuisinés, mais ils n’ont pas changé leur version. Et j’ai lu dans le regard qu’Aram m’a lancé qu’il allait leur donner une chance. Je pense que le métier du père de Zakaria a pesé dans la balance ; le regard d’Aram s’est illuminé quand il a entendu forgeron. Mais la vie des gamins allait basculer sur-le-champ. Aram leur a aussitôt imposé le noviciat et il les a placés sous la responsabilité immédiate de Tedore. J’ai ensuite accompagné Aram et Ali au village. Ils ont parlementé avec les parents, ont pris pension à l’auberge, et ont requis les services du forgeron et ceux du charpentier... Et cela fait maintenant plusieurs jours qu’ils partent à l’aube et ne reviennent qu’au crépuscule. Officiellement, ils rénovent le monastère, qui d’ailleurs en a bien besoin, mais les bruits courent... Les villageois ne sont pas dupes, le secret ne va pas tenir longtemps.

    *

    Pressé par mes paroissiens, et n’y tenant plus, quitte à m’attirer les foudres d’Aram, j’ai pris le chemin interdit qui monte à travers la forêt... Mais j’ai été stoppé avant la crête par deux nouveaux soldats. J’ai dû parlementer pour que l’un d’eux aille quérir un laissez-passer... L’autorisation obtenue, j’ai pu poursuivre jusqu’au site... Un site méconnaissable gardé à présent par une douzaine d’hommes armés ! Je n’étais, à vrai dire, qu’à moitié surpris. Aram et Ali, tous deux présents, ont semblé ravis de me voir. Même s’ils restent fort contrariés. Le site est devenu un amphithéâtre à ciel ouvert. La caverne a disparu, et une partie de la machine apparaît ! Une espèce d’arbalète géante, couplée à un énorme soufflet de forge, a été construite devant... Et cependant ils n’arrivent pas à atteindre la machine ! L’eau gèle instantanément à quinze pieds de l’engin, le métal se brise comme du verre, et les projectiles sont désintégrés...

    « Machine d’aujourd’hui contre... machine d’hier ou de demain, David contre Goliath », grimace Aram. « Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot. »

    Loin de les décourager, la difficulté semble les stimuler. Aram et Ali, deux tenaces dans l’adversité, ont trouvé leur challenge !

    *

    Quatre jours ont passé. L’office de matines terminé, je suis assailli par les questions, légitimes, de mes paroissiens... Ils se demandent ce qui se trame de l’autre côté de la crête, ils ont vu les soldats, ils ont peur...

    « Mon Père, arrêtez de nous prendre pour des imbéciles et dites-nous ce qu’ils font là-bas !

    — On a le droit de savoir !

    — Ils font fuir le gibier et ils... » Une explosion fait trembler le sol ! Les tableaux bougent ! Des débris, heureusement insignifiants, tombent du plafond lézardé !

    « Faut sortir ! » Nous nous précipitons vers l’extérieur... mais le calme est revenu. Les villageois sont dehors... Le village est en émoi, il le serait à moins.

    « Des dégâts ? Des blessés ? » Tout le monde s’observe...

    « Non...

    — Plus de peur que de mal.

    — Encore un tremblement de terre !

    — Penses-tu ! C’est eux qu’ont fait ça ! lance le plus coléreux, Boris, un fermier de Bordjomi.

    — Mon Père ! Quelle diablerie ont-ils inventée ? » Les villageois ont les yeux braqués sur moi. Ils attendent ma réponse... Je ne peux pas leur mentir. J’inspire... et soupire longuement...

    « Mes enfants... Il se passe bien quelque chose derrière le mont... Quelque chose d’étrange... Quelque chose qui nous dépasse... Tous ! Oui... Tous autant que nous sommes... nous, simples mortels... Tedore Davitachvili, l’higoumène du monastère, a demandé l’aide des autorités... Ce sont les étrangers qui passent leurs nuits au village. Des étrangers que vous avez rencontrés... pour la plupart d’entre vous... Des étrangers qui sont venus nous aider.

    — Nous aider ?

    — Oui ! Nous aider ! Aram... Aram Lomadzé... est l’émissaire de Sa Sainteté David III Gobéladzé... » Rumeurs dans la foule...

    « Et le musulman ?

    — C’est un... un sage, un savant origine d’une contrée lointaine. Mais c’est vrai qu’ils ne sont pas venus pour restaurer le monastère... Là, j’avoue que nous vous avons a menti... Nous avons menti... parce que nous ne souhaitions pas... vous inquiéter... Mais... je ne vous cache pas que... l’explosion que nous venons d’entendre... m’alarme au plus haut point.

    — Il faut qu’on aille voir ce qui s’est passé ! » Des approbations parcourent l’assemblée.

    « Je vais aller voir... et tous ceux qui souhaitent m’accompagner sont les bienvenus ! » Mes propos sont accueillis avec grand enthousiasme.

    « Allons par la crête ! lance Boris.

    — Oui !

    — Mes enfants !... Je pense... après l’explosion... qu’il serait plus sage, plus prudent... » Je les vois grimacer. « ... de prendre le chemin de Saghrdze... jusqu’au monastère... et de ne pas nous diviser. » Des hochements de tête approbateurs parcourent l’assistance... Et nous voilà, à douze, sur le chemin...

    *

    C’est une agitation inhabituelle que nous découvrons à l’approche du monastère. Levan et Zakaria accourent à notre rencontre : « Mon Père ! Mon Père ! Une catastrophe, mon Père !

    — Il y a deux morts ! Et quatre blessés !

    — Deux morts ?

    — Oui, mon Père ! Il y a eu deux morts ! Et quatre blessés !

    — Qui est mort ? Qui est blessé ?

    — Deux soldats sont morts !

    — Et les blessés ?

    — Trois soldats et Aram.

    — Ils sont... blessés graves ? » Les deux garçons haussent les épaules.

    « Et ton père, Zakaria ? Et le charpentier ? Et les moines ? Et Ali ?

    — On était à l’office quand on a entendu l’explosion. Les deux soldats qui étaient au monastère sont partis voir ce qui s’était passé...

    — Et ils viennent de rentrer avec les rescapés, les blessés... et deux cadavres...

    — Et Ali ?

    — Je crois qu’il va bien. Je l’ai vu au chevet des blessés.

    — Où sont les blessés ?

    — Au réfectoire, mon Père.

    — Il faut absolument que je voie Ali ! » Je me tourne vers mes compagnons : « Attendez-moi ici... »

    À la suite des garçons, je découvre un réfectoire transformé en hôpital de fortune. Tedore et deux frères sont au chevet de blessés qui souffrent de fractures, de brûlures et d’engelures profondes. Ils sont aux ordres d’Ali. Ali affublé d’un tablier et les manches relevées. Ali qui n’en est sûrement pas à ses premiers soins. Des soldats déplacent le mobilier, ils installent un rideau pour isoler Aram. Aram qui, pourtant bien blessé, rayonne :

    « Nous avons réussi ! Nous avons réussi !

    — Réussi ? Réussi à quoi faire ?

    — À la stopper ! À stopper cette diablerie... » Il tousse, tente de se redresser, grimace.

    « Et comment avez-vous fait ?

    — Comme on n’arrivait pas à atteindre la machine... on s’est attaqué à la roche... pour la déstabiliser... Oh ! Bon sang ! » Il tousse et grimace. « D’un seul côté, du côté du Malin... Et on a fini par l’avoir... Les carreaux d’Amiran et de Iuri... ont eu le démon... en plein cœur...

    — Ils l’ont payé de leur vie, précise Ali.

    — Le rocher s’est déplacé, reprend Aram, la machine a penché d’un coup... et boum ! Un éclair... et pfuit !... Je me suis envolé... en arrière... Projeté contre un arbre... Je vois les branches... et plus rien... Je me suis réveillé ici.

    — J’étais à l’abri pendant la manœuvre. Derrière un gros rocher, explique Ali. Le rocher a sursauté ! Et j’ai aussi été projeté ! J’ai cru que j’allais y rester, mais la pente, la terre meuble et les herbes, ont amorti ma chute. L’explosion a éventré la montagne et la machine est sortie de son axe. Elle ne tourne plus, ne bouge plus. Le sifflement s’est arrêté, comme les phénomènes lumineux et le courant froid.

    — Et la machine ? demande Aram.

    — Une bonne partie... a été désintégrée, grimace Ali, la voix teintée de regret. Mais il reste une grande couronne rectangulaire. Une couronne cuivrée coiffée d’un voile opalescent. Comme un grand coffre métallique sans couvercle, précise Ali. La couronne était encore très froide, mais j’ai pu l’approcher à moins de trois pas. Il y a quantité de fils dorés, cuivrés et noirs. Des fils recouverts de curieuses gaines colorées... Et j’ai pu observer des morceaux de la coquille... L’intérieur est gravé d’étranges dessins...

    — Oh ! Bon sang ! Il faut qu’j’aille voir ça ! » Aram tente de se redresser. « Aah !

    — Tu as des côtes cassées, indique Ali. Tu vas devoir attendre plusieurs jours avant de te lever.

    — Aah ! »

    Je décide de me lancer : « Puisque nous en sommes aux choses fâcheuses, je vous informe que l’explosion... a fait grand bruit... et que je ne suis pas venu seul, mais avec une délégation du village... » Aram peste, grogne...

    « Bon ! Alors qu’ils viennent ! Et vous repartirez avec le charpentier et le forgeron ! Ils ont terminé leur ouvrage, ils en seront remerciés. Ali, je veux que le site soit gardé jour et nuit ! Et que personne n’approche ! »

    *

    Les villageois entrent en silence dans le réfectoire... Boris, le couvre-chef de paille à la main, s’incline avec respect devant Aram et se lance : « Monseigneur ?

    — Quoi ?

    — On voulait savoir ce qui se passe...

    — Ce qui se passe, ce qui se passe ?... Il se passait de drôles de choses chez vous ! Mais j’ai fait mon devoir ! Celui d’assurer votre sécurité ! Quitte à faire passer la mienne... en dernier ! J’ai anéanti ce qui vous menaçait !

    — Mais... qu’est-ce qui nous menaçait, Monseigneur ?

    — Diablerie assurément ! La montagne a été souillée, contaminée... par le Diable en personne ! Maintenant, vous n’avez plus rien à craindre... au village ! Mais si vous retournez là-bas... vous réveillerez le Malin ! Oui ! Le Malin ! Parce qu’il s’agit bien

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