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Jangali Pahada
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Livre électronique102 pages1 heure

Jangali Pahada

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À propos de ce livre électronique

Voici deux récits qui se complètent : d’une part « L’abîme », la chute, le bas, d’autre part, « Le rien », l’élévation, le haut.
J’ai tenté de décrire en filant la métaphore, les possibles voyages intérieurs d’un personnage lambda, dans le questionnement de son être.
Métaphore des retrouvailles avec soi.
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditions du Net
Date de sortie6 avr. 2022
ISBN9782312120140
Jangali Pahada

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    Aperçu du livre

    Jangali Pahada - Marie Simonet

    L’abîme

    (…) Le plus drôle, dans mon souterrain, c’est que je n’avais pas la moindre idée de retourner en arrière ; je m’entêtais tout en pensant qu’il me faudrait des milliers d’années pour déblayer un seul des éboulements.

    Émile Zola, La faute de l’abbé Mouret.

    Chapitre I

    – C’est là ?

    – ’Sais pas. Je n’y vois pas bien.

    Ils chuchotaient. Craignant de fragiliser l’équilibre. Ils le sentaient sans en avoir parlé. Autour d’eux le plateau respirait sereinement. L’air de rien un vent léger brassait les fragrances par courts essoufflements.

    – Tu avais dit derrière la butte.

    – Oui.

    – On a grimpé.

    – Peut-être pas assez. Aïe.

    – Quoi ?

    – Je me suis empêtrée dans un fil de fer.

    – Attends. Là.

    – Ça va.

    – On continue à grimper, tu crois ?

    – Mmh.

    – On n’y voit rien.

    – C’est la lune noire. Pas la bonne heure. Je te l’avais dit.

    – Tu as toujours raison.

    – Oui.

    – D’où vient le vent ?

    – Du nord, flux du nord.

    – Bon alors on continue à grimper face au vent.

    Broussailleuse cette pente. Au nord, en plus. En été ça va, en hiver, c’est une autre histoire. Surpeuplée par des arbustes pas plus hauts qu’un gamin de cinq ans. Le sol crevassé par des restes de vigne avec en cadeau des piquets rouillés, des fils de fer qui se tordaient de rire au sol. Lui, pestait contre ces cultivateurs qui se foutaient pas mal de laisser leurs saletés et tant pis pour la suite, qu’est-ce qu’ils sont allés planter des vignes aussi haut, peuvent pas lui foutre la paix à la colline. La suite, c’est-à-dire eux, les promeneurs. Le pied se prenait dans les anciens sillons, butait contre les souches d’anciens ceps ou dévissait dans les caillasses.

    – Ah, ça y est, je devine les rochers. C’est là que je les cherchais.

    – Bon dieu, pourquoi t’es allée par ici ?

    – Il y a plein de grottes. Je voulais en voir une.

    – Ben t’as réussi.

    – Chut.

    Il réprima son rire. Elle s’était arrêtée, humant l’air.

    – Ça sentait.

    – Ça sentait quoi ?

    – La poussière. Ça sentait la poussière. J’aurais dû m’en douter.

    – Pourtant la terre ne semble pas friable par ici.

    – Elle l’est. C’est du limon. Un agglomérat de différentes sortes de matières. Fais attention. Voilà, je crois qu’on arrive. Tu vois ces gros rochers blancs ?

    – Je les distingue vaguement.

    – Bon. Je passe devant.

    L’obscurité vibrionnait d’éphémères points lumineux. Hyménoptères, diptères, chrysopes vertes. Ça fredonnait de timbres aigus. Sauterelles, grillons d’Italie. Certains ronds, flûtés, doux. D’autres effilés. Leur résonance donnait la mesure de l’espace. Un ostinato dont les boucles l’arrondissaient.

    Elle aurait tout donné à l’instant pour s’arrêter, s’emplir, habiter cette effervescence.

    – C’est là, souffla-t-elle.

    L’émotion la gagnait.

    – N’aie pas peur. On maîtrise.

    Elle aimait son ton volontairement rassurant. Elle se pencha, chercha prudemment en se tenant d’une mains aux troncs des chênes verts. Les deux arbres étaient toujours là, liés l’un à l’autre, chargés de fruits serrés. Juste derrière les grosses pierres sur lesquelles ils s’appuyaient. Les poires tombaient sans mûrir. Elle tapait des pieds.

    – Pose ton barda. Je ne trouve pas. Tu peux orienter la lampe ?

    Il se défit de son lourd sac à dos. Prit le temps de regarder autour de lui. Derrière chaque chose, se superposait calmement une ombre floue. Calé contre la pente raide, il leva le nez au ciel clair. Les astres palpitaient entre eux. Au loin d’autres lumières tremblotaient. Le village. La rue principale éclairée d’affreux lampadaires, les quelques maisons, le clocher, le beffroi. Parce qu’il les connaissait il pouvait deviner les façades des maisons étagées où aucune lumière ne s’attardait. Trois coups éraillés s’égrainèrent faiblement. La lampe, qu’il s’était refusé par discrétion à allumer pendant la montée, tirée du sac, il dirigea le faisceau vers le sol où elle essayait de sentir les renflements.

    – Si tu continues à taper, on va tomber tous les deux. On aura l’air fin.

    Elle pouffa.

    – Je crains de ne pas retrouver l’entrée. Depuis le temps, l’ouverture a dû disparaître sous les feuilles.

    – Il faut déblayer à la main.

    – Oui. J’ai apporté le petit outil pour mes pots de fleurs. Il doit être dans une des poches latérales.

    Il fouilla et lui tendit l’objet. Ils murmuraient encore. Parler à voix haute dérangeait la nuit. Elle se mit à ratisser les feuilles et les petites branches. Il ne faisait pas froid. Juste doux. Lui se serait bien allongé, là, béat, les yeux dans la voie lactée. La nuit se révélait comme une immense matière aérée où il pouvait s’éprouver. Il sentit qu’elle s’énervait.

    – Je ne trouve pas.

    – Tu es sûre que c’est bien ici ?

    – Oui, sûre. Les pierres blanches, les deux arbres.

    – Tu n’as peut-être pas bien regardé. Avant… Je veux dire.

    – Si, si.

    Les fruits chutaient avec un bruit mat. Elle en avait croqué quelques-uns. Immangeables. Verts et verrés. Finalement elle s’enhardit. Creusa plus fermement. Elle n’avait pas osé. Sous ses mains, la terre s’affinait. Elle avait durci. Tassée par la pluie, le vent, le froid de l’hiver dernier. Ses doigts rencontrèrent le vide. Elle continua à gratter obstinément. La fine couche s’effondra.

    – Ah, tu vois, c’est bien là.

    Il se pencha.

    – D’accord. Tu peux élargir que je puisse faire passer l’échelle ?

    Il sortit l’échelle de corde tandis qu’elle continuait à déblayer. Ils cherchèrent où attacher solidement ses deux bouts. Il fallait de la longueur.

    – Aux deux chênes. Ils paraissent solides malgré leur petite taille.

    – Là.

    Il noua fermement les cordes testant leur solidité pendant qu’elle l’éclairait. Il s’approcha de l’entrée bien repérable maintenant grâce aux cailloux qu’elle avait disposés autour, orienta sa lampe.

    – On voit quelque chose, demanda-t-elle, d’une voix légèrement enrouée ?

    – Non, rien. Allez. Je lâche.

    L’échelle se déroula, légère, sans son aide, mais il l’agita quand même, jusqu’au bout. Ils tendaient l’oreille, écoutant. Quelques cailloux dégringolèrent.

    – Elle est au fond, tu crois ?

    Á présent ils se questionnaient du regard dans le faisceau de la lampe qu’il avait laissée sur l’herbe.

    – On va aller voir. N’oublie rien.

    Il remit son sac à dos, elle le sien.

    – Je passe le premier.

    Elle préférait. Jetant un dernier coup d’œil autour d’elle, au loin les lumières du village, en haut le firmament, elle se tourna, mit les pieds sur le premier barreau, prit à deux mains les montants flexibles, sentit le tremblement de l’échelle qui se répercutait dans ses jambes. Consciente de l’angoisse qui tentait de se frayer un chemin, elle entreprit la descente. Tout de suite l’odeur la happa et elle la reconnut.

    – Il fait noir.

    – Pas tout à fait.

    – Si… Je crois que j’ai peur…

    – C’est bien normal.

    Comment l’obscurité engendre-t-elle la peur ? Adultes, nous l’aimons, parfois y rencontrons une certaine quiétude. Quand nous étions petites, j’appréhendais de rejoindre les aînées dans leurs jeux nocturnes. J’avais peur, j’essayais de ne pas le montrer. La nuit le danger me guettait au moindre mouvement. Les bruits, les formes, tout devenait menaçant.

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