Cold case entre Rhône et Loire: Les amours insolites volume 4
Par Paul Rieux
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Cold case entre Rhône et Loire - Paul Rieux
Chapitre 1
L'accident
En me levant ce matin-là, je croyais que cette journée allait être tout à fait ordinaire. Je me dirigeai vers l’Université. Je devais rencontrer mon directeur de maîtrise afin de discuter avec lui de mon mémoire. Si mon travail lui paraissait satisfaisant, j’allais pouvoir continuer et, dans quelques mois, recevoir mon diplôme avec le titre envié de « Maître ». Je me voyais déjà retrouver certains camarades qui allaient, eux aussi, terminer leur cycle d’études, et nous irions fêter cela, la fierté au cœur. Je serais officiellement psychologue, encore serait-il nécessaire que j’effectue des stages sur le terrain pour acquérir l’expérience nécessaire à mon futur métier. Je pourrais aussi envisager de faire un doctorat et atteindre ainsi le sommet de mes études. C’est donc dans une excellente disposition d’esprit que je me rendais au rendez-vous. Je m’étais présenté au bureau de mon professeur, mais il n’était pas encore là. Il est vrai que, à cause de mon impatience, j’étais passablement en avance. Histoire de lui donner le temps d’arriver, je retournai dehors.
Je venais de sortir de l’université et m’approchai du trottoir lorsque j’entendis un crissement de pneu suivi d’un choc. Devant mes yeux, je vis une femme heurtée de plein fouet par une voiture. Je la vis vaciller puis s’effondrer comme une tour que l’on abat. La femme restait étendue sur la chaussée tandis que, de la voiture arrêtée, un homme sortait l’air affolé. Plusieurs personnes s’approchèrent. Dans le choc, les chaussures de la femme avaient été projetées au milieu de la chaussée. Quelqu’un s’en alla les récupérer pour les mettre à côté de la malheureuse femme, puis réalisant l’inutilité de la démarche, il les mit sur le trottoir. Son sac avait volé et s’était ouvert ; divers objets en étaient tombés et une autre personne essayait de les rassembler pour les remettre dans le sac. Je m’approchai à mon tour pour voir si je pouvais faire quelque chose et, tandis que la victime geignait, je vis avec horreur que de son poignet sortait un os brisé. L’espace d’un instant, un sentiment d’horreur m’envahit accompagné d’une forme de compassion pour cette personne qui souffrait. Puis je ressentis la nécessité d’agir de toute urgence.
Quelqu’un cria :
« Où y a-t-il un téléphone ? Il faut appeler une ambulance ! »
Je réalisai que, dans le bâtiment de l’Université où je venais de me rendre, il y avait un téléphone public. Je criai :
« J’appelle les secours ! »
Puis je me hâtai vers le bâtiment d’où je venais de sortir, trouvai le téléphone public, décrochai le combiné, introduisis une pièce de monnaie et appelai police secours. Puis je retournai dehors.
Plusieurs personnes entouraient la pauvre victime qui râlait et je me demandais si elle allait mourir là devant nos yeux. Une autre personne essayait de lui parler tandis qu’une autre voulait la rassurer en lui disant que les secours étaient en route. La pauvre femme devait être encore consciente, mais semblait souffrir atrocement. Nous ne savions pas quoi faire, attendant impatiemment l’arrivée des secours. Cela nous semblait une attente interminable. Nous avions conscience qu’il était urgent de lui porter secours, mais nous n’osions pas l’aider, craignant que notre intervention n’aggrave sa situation. Enfin, une ambulance arriva suivie d’une voiture de police. Les ambulanciers examinèrent ses blessures. Ils essayaient de lui parler, mais la pauvre femme était bien incapable de leur répondre. Alors, avec toutes les précautions requises, ils la posèrent délicatement sur une civière et la mirent dans l’ambulance. Soulagés, nous nous préparions à partir lorsque les policiers nous demandèrent de rester. Avions-nous été témoins de l’accident ? Ils prirent alors nos renseignements nous indiquant que nous pourrions être amenés à apporter notre témoignage. Puis nous nous éloignâmes.
C’était bien la première fois que je voyais un accident aussi grave depuis que j’avais été envoyé à Lyon quinze ans auparavant. J’étais originaire d’une petite ville des environs, enfin une ville moyenne dont la vocation avait été surtout industrielle. La mine, le travail du métal et le textile avaient fourni du travail à tous les ruraux des campagnes environnantes. Dans le vieux temps, les familles étaient nombreuses et si, sur une ferme, on pouvait se débrouiller pour nourrir toute cette marmaille, lorsque celle-ci se trouvait en âge de travailler la situation changeait. Si l’un d’entre eux continuait avec le fermage, il fallait, pour les autres, se trouver leur propre source de revenus. Le travail à la ville était la solution et la petite bourgade de quelques milliers d’habitants était, en un siècle, devenue une ville de moyenne importance. Mais, pour ce qui est des services, on ne les trouvait pas tous. Pour cela, il fallait aller les chercher dans cette ancienne capitale des Gaules au passé prestigieux et aux ressources infiniment plus grandes. C’était la ville de Lyon.
Les gens de ma ville natale la jalousaient, comme les pauvres jalousent les riches. Dans mes jeunes années où les luttes sociales animaient le quotidien, un prolétariat ouvrier s’opposait à la bourgeoisie commerçante. Les uns trouvaient les autres arrogants, avares et égoïstes, et les autres trouvaient les premiers ignares, vulgaires et sans éducation. C’était la préséance des préjugés, car la complexité de ces populations était bien loin de refléter la réalité. À Lyon aussi, des gens issus des campagnes environnantes étaient venus rechercher de meilleurs moyens de survie et ils portaient aussi les valeurs de solidarité et d’entraide. Mais la pensée primitive ne fait pas de telles nuances. On pense en termes de catégories d’ensemble. Les Lyonnais, peu importe leur origine première, étaient stéréotypés sous la forme du bourgeois fortuné exploitant les pauvres ouvriers dans des ateliers insalubres afin de s’enrichir encore plus. Quant aux Lyonnais ils voyaient les gens de ma région avec cette même pensée primitive : des êtres sans éducation, buveurs, sacreurs et sans respect pour un minimum de retenue. Il y avait entre les deux populations un peu de ce type de rapport comme entre des colons et des autochtones peu développés.
La réalité était bien plus complexe. Mais la compréhension du monde qui nous entoure suit, le plus souvent, une règle inhérente à la psychologie humaine : la loi du moindre effort qui permet une vision rapide des situations et nous épargne des compréhensions plus complexes et dévoreuses d’énergie. C’est ainsi que, bien souvent, la pensée la plus primitive l’emporte sur la réflexion. On voit cela fréquemment en politique. C’est comme cela que la catégorisation par groupe fait fi de la différence individuelle. Racisme, machisme, âgisme et tant d’autres mots en -isme reflètent cette réalité. L’éducation, pour un temps, a essayé de corriger cette tendance et d’amener tout un chacun à pousser sa pensée plus loin. Force est de croire que, si certains progrès ont été constatés, il ne faut pas grand-chose pour que surgisse à nouveau ce vieux fond de simplification de la réalité.
Cette réflexion m’est suggérée par le fait qu’en arrivant dans cette nouvelle ville, mes préjugés mirent un certain temps à s’effriter. Je me revoyais tout petit dans cette ville immense et inconnue. À la sortie de la gare, nous avions suivi un boulevard ombragé¹, ce qui, en ce tout début d’automne, nous procurait un peu de fraîcheur, car il faisait assez chaud. Nous avions franchi un pont qui enjambait la Saône, un fleuve que je trouvais bien large, car celui qui passait dans ma ville natale, par contraste, paraissait bien insignifiant. Ce dernier, sur une grande partie de son cours, était d’ailleurs couvert, passant sous les maisons sans ouverture sur le ciel. En fait, j’allais bien vite découvrir la différence entre fleuve et rivière. Les fleuves se jettent dans la mer et les rivières dans d’autres rivières ou dans des fleuves. Mais, à cette époque, c’était plus la largeur du flot qui me faisait croire qu’une rivière était petite et qu’un fleuve était grand. C’est pourquoi je voyais la Saône comme un fleuve plutôt qu’une rivière.
Les ponts que je connaissais étaient également bien plus petits. Celui qui enjambait le Furan, la rivière qui traversait ma ville natale, n’était que la continuation de la rue où j’habitais. Quelquefois, à la sortie de l’école, nous montions cette rue jusqu’à cet endroit où le Furan passait encore à ciel ouvert avant de s’enfoncer sous terre. Comme, en amont, il y avait des teintureries et qu’à cette époque les préoccupations écologiques n’avaient pas encore été inventées, ces usines n’hésitaient pas à rejeter dans la rivière leurs restes de teintures.
Si cela faisait bondir de colère les générations d’aujourd’hui, ce n’était pour nous qu’un phénomène cocasse. Nous en faisions un jeu. Un jeu d’argent… ou presque : « De quelle couleur la rivière allait-elle être ? » Si l’un d’entre nous avait deviné juste, il gagnait des billes ou des caramels mous. Pour nous, c’était seulement la curiosité de voir une rivière changer de couleur et la voir avec un œil différent à chaque fois. Imaginer une rivière en jaune, rouge, vert ou bleu, comme elle pouvait apparaître dans les bandes dessinées, et la voir en vrai c’était faire de l’imagination une réalité.
Mais, rivière ou fleuve, la Saône n’affichait qu’une eau plutôt grise. C’était le flot qui était impressionnant. Si une chute dans ma rivière d’enfance ne présentait pas un risque bien grand, ici, il en était tout autrement. Mais les parapets qui ceignaient le pont étaient bien trop hauts pour qu’une chute hypothétique puisse se produire. Et puis nous traînions des valises et leur poids concentrait le plus clair de nos préoccupations. Ce pont, on me
l’avait dit, s’appelait le pont Kitchener², un nom bien bizarre, à consonance étrangère. Mais, pour l’instant je m’efforçai seulement de le retenir afin de pouvoir prendre le bon chemin lorsqu’il me faudrait retourner à la gare pour reprendre le train vers ma ville natale lors d’un jour de vacances.
Ce à quoi je ne m’attendais pas c’est que, passé le pont, nous nous trouvions en face d’une véritable montagne. Il fallut emprunter une montée abrupte qui ne fit qu’augmenter singulièrement le poids de nos valises. Cette montée grimpait en lacets³ ce qui allongeait encore le trajet. Puis je vis sur la droite une montée encore plus pentue⁴, mais qui était interdite aux voitures.
C’était dans cette rue, ou devrais-je dire cette ruelle, beaucoup plus haut, que se trouvait le pensionnat où j’allais résider pendant des années, une réalité dont je ne me rendais pas encore bien compte. Décidément, cette ville ne m’apparaissait pas très sympathique. Je suppose que c’est ainsi que des condamnés doivent ressentir leur marche vers leur pénitencier.
Bon, je n’en étais pas là. Je pourrais en ressortir pour un jour, une fois par mois, et même plus longtemps lors des vacances de Noël, de Pâques et, bien sûr, celles d’été qu’on appelait les Grandes Vacances. Mais cette première impression me laissait cette sensation d’oppression comme celle qu’avaient dû ressentir bien des Français lors de l’occupation. Il n’y avait pas de danger immédiat, mais il planait la crainte qu’il y en ait un sur lequel nous n’aurions aucun pouvoir. Je ne pouvais que m’abandonner à la fatalité et subir en silence. Mes parents avaient eu beau me dire qu’ils faisaient cela pour mon bien, je ne le ressentais pas de cette façon. Pourtant je dois reconnaître qu’il en fut bien ainsi. C’est en affrontant la peur qu’on apprend, d’abord à la maîtriser, et, surtout, parce que, par la suite, l’inconnu ne nous effraie plus. Il y a un dicton à ce sujet : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ». À l’époque, je ne le connaissais pas, mais les circonstances de la vie m’ont amené à le découvrir, pour mon plus grand bien je dois l’admettre.
Voilà donc ce qu’avait été mon premier contact avec une ville inconnue sinon précédée d’une aura négative. Et je dois dire que cette arrivée, ajoutée à la perte de la chaleur familiale, ne pouvait que confirmer l’idée d’être abandonné à l’appétit d’un ogre. Plus tard, lorsque j’étudierai l’histoire gréco-romaine et qu’on me parlera du Minotaure, c’est cette sensation qui reviendra me titiller. Mais tout change, il en est bien différemment aujourd’hui.
Chapitre 2
Vie étudiante
Le lendemain, je me levai et sortis pour acheter le journal. J’habitais sur les hauteurs de la Croix Rousse. J’y avais trouvé une chambre à louer. En fait, un de mes amis avait une parente qui habitait une villa sur ces hauteurs. Elle était disposée à louer une chambre ou deux à des étudiants et j’en avais donc loué une. C’était très spacieux, un peu trop d’ailleurs, car avec ses plafonds hauts, ses deux fenêtres et sa porte-fenêtre c’était pratiquement inchauffable. D’autant que ces ouvertures qui donnaient sur un petit jardin, qui, au printemps, pouvait offrir un côté bucolique, étaient si mal ajustées qu’elles laissaient pénétrer l’air du dehors. Il s’engouffrait parfois en sifflant en nous rappelant que ce qui nous séparait du froid extérieur était une bien mince protection.
Cela ravivait mes souvenirs des jours de pension. Nous logions dans des dortoirs à quinze ou trente. Mais les fenêtres étaient quelque peu vétustes et le vent qui venait du nord, et qu’on appelait le mistral, venait glacer nos organismes. Nous nous enfoncions sous notre couverture, n’hésitant pas à étaler notre manteau d’hiver en guise d’édredon tout en attendant impatiemment que les draps glacés ne se réchauffent au contact de notre peau.
Mais, dans cette chambre que j’habitais maintenant, des boiseries encadraient les portes et fenêtres, des moulages de plâtre enjolivaient les rebords des plafonds ainsi que des scènes peintes sur les murs. Bref on aurait pu se croire, avec un grand effort de modestie, dans l’une des chambres d’un château. Comme quoi style et confort ne vont pas toujours de pair. Mais le loyer était modeste et je suppose aussi que la propriétaire devait apprécier une présence dans la solitude de sa grande maison.
Pour un temps, j’avais été le seul locataire, mais quelque temps plus tard la seconde chambre fut louée. À ma grande surprise, le nouvel arrivant s’avérera être une jeune fille, ce qui ne sera pas pour me déplaire. Mais je vous raconterai cela plus tard. Lors de la location, j’avais visité les deux chambres, cependant la seconde n’avait qu’une fenêtre donnant sur une espèce d’allée qui longeait le mur d’enceinte. Cette absence de vue et l’exiguïté de l’espace m’avaient fait choisir la plus grande. Je n’avais pas anticipé la difficulté qu’il y aurait à la chauffer, car j’avais visité les lieux au début de l’été. Cette seconde chambre n’avait pas de chauffage, mais donnait directement sur une espèce de hall où trônait un énorme et magnifique poêle en faïence juste en face de celle-ci. Au-dessus de la porte, il y avait une sorte de vasistas et je découvris qu’on pouvait enlever la vitre et permettre le passage de l’air chaud. Il y avait aussi, dans le bas de la porte, une ouverture munie de lattes de bois comme un grillage qui, tout en protégeant l’intimité, laissait passer la chaleur. On pouvait aussi laisser la porte ouverte et la chaleur du poêle se répandrait encore plus largement dans cette pièce. Mais si l’on voulait un peu plus d’intimité, il fallait se résoudre à garder ses vêtements d’hiver lorsque la température baissait un peu trop.
Par contre, la chambre que j’occupais disposait d’un petit poêle à charbon, de forme cylindrique, posé sur un socle de marbre en face de ce qui avait sans doute été un ancien âtre ouvert maintenant condamné. Un cornet annelé sortait du poêle et filait dans la cheminée au-dessus de l’ancien foyer maintenant fermé. Peut-être que la vision de ce mode de chauffage avait dû me faire croire que le froid ne serait pas un problème. C’est seulement plus tard, lorsque l’hiver allait venir, que j’allais en découvrir les limites.
Toutefois le quartier était agréable. Nous étions sur les hauteurs et il y avait plusieurs propriétés entourées de murs derrière lesquels on voyait dépasser des arbres matures. Il y avait donc beaucoup de jardins et cela donnait à cet endroit un aspect de semi-campagne. De plus, on dominait la ville, ce qui donnait un air de supériorité à ceux qui y habitaient. On était loin du tumulte de la foule ; il y avait peu de passages de voitures, un havre de tranquillité juste à côté de la ville. Si je me souviens bien, je crois qu’il y avait, non loin, un mur qui avait dû être celui d’un fort ou de quelque édifice de protection militaire. J’imaginais que, pour protéger la ville en contrebas, on avait dû construire des forts sur les hauteurs qui l’entouraient.
Toujours est-il que ce matin-là l’automne était encore doux et je me sentais prêt à sortir dans le quartier et profiter de cet environnement plus aéré (un mot que j’allais regretter en hiver) que les maisons tassées de la Presqu’île. Je devais me rendre à l’Université, mais j’avais hâte de voir si l’accident dont j’avais été témoin serait mentionné dans le journal. Je m’arrêtai donc chez un buraliste pour acheter Le Progrès du jour, le journal local. Effectivement un petit entrefilet y faisait allusion. Mais rien n’était indiqué quant à l’état de la victime. Elle avait été transportée à l’hôpital de Grange Blanche et c’était la seule indication.
Je mis le journal dans la serviette où je transportais mes documents lorsque je sentis quelque chose frotter contre ma cuisse. En passant ma main dans la poche de mon pantalon, je sentis la présence d’un objet. J’en sortis un petit bijou, une espèce de petite boîte en métal nacré. Je me souvins tout à coup qu’après le départ de l’ambulance, j’avais aperçu cet objet qui se trouvait dans le caniveau sous un morceau de papier. Il avait probablement échappé à l’attention des gens qui avaient ramassé les objets tombés du sac de la personne et ce bout de papier avait dû le cacher aux yeux de ceux qui ratissaient autour. Un coup de vent avait pu déplacer le papier et le mettre à ma vue. Je l’avais ramassé à tout hasard. Je n’étais même pas sûr qu’il appartenait à l’accidentée. Mais comme je devais retourner à l’intérieur de l’Université pour la rencontre avec mon superviseur de mémoire je l’avais mis dans ma poche sans y prêter plus attention.
J’eus envie d’ouvrir la petite boîte, puis je me dis que je devrais plutôt le faire à la maison sinon, en pleine rue, quelque chose pourrait tomber et se perdre. Comme je devais d’abord me rendre au bureau de mon professeur près de la bibliothèque de la Fac, c’était là ma priorité. Je descendis d’un pas rapide la rue pentue de la Tourette,
