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Il n'y a pas pire prison que soi-même: Mémoires d'un bipolaire
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Il n'y a pas pire prison que soi-même: Mémoires d'un bipolaire
Livre électronique223 pages2 heures

Il n'y a pas pire prison que soi-même: Mémoires d'un bipolaire

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À propos de ce livre électronique

À l’aube de la soixantaine, Gratien Bergeron, infatigable travailleur, prit une retraite bien méritée, mais se retrouva plutôt isolé et dépressif. Ignorant les causes de ses souffrances, il décida de se faire soigner par des professionnels de la santé. C’est donc sur le tard qu’on lui diagnostiqua une maladie affective bipolaire.
Afin de se ressourcer hors de la grande ville, il s’installa dans une petite maison de la baie des Chaleurs, en Gaspésie. C’est à ce moment qu’il décida d’écrire son expérience de la bipolarité afin de partager avec les lecteurs ce qu’elle pouvait occasionner.
Grâce à ce fait vécu, dont la préface a été rédigée par le docteur Levasseur de l’organisme La Passerelle, Gratien Bergeron veut avant tout illustrer par son parcours personnel qu’une personne médicamentée souffrant de troubles bipolaires peut vivre normalement dans la société.
Empreint d’humilité et de résilience, ce récit d’une vie tourmentée saura apporter de l’espoir à tous ceux qui souffrent de la maladie mentale ou qui la côtoient. Il leur permettra aussi de mieux comprendre les enjeux quotidiens des personnes prises avec ce type de troubles psychologiques ainsi que leurs effets sur leur entourage.


Préface du Docteur Levasseur membre de l’association d’entraide pour la santé mentale « La Passerelle ».
Gratien Bergeron nous présente, dans son livre autobiographique, son tumultueux parcours de vie. Il tente d’y trouver un sens, un état d’équilibre, alors qu’il ignore qu’il compose avec une souffrance invisible mais bien réelle : une maladie affective bipolaire, qui ne sera diagnostiquée qu’à l’aube de sa retraite. Il nous livre ici, de manière très personnelle, sa réflexion sur ce combat, ses trop nombreuses années de lutte et d’incompréhension ainsi que sa recherche de liens affectifs pour retrouver l’harmonie.
Ce long chemin de lutte ne sera cependant pas vain. Monsieur Bergeron nous démontre qu’il est possible de retrouver l’équilibre et l’harmonie intérieure. D’abord, en consultant de véritables professionnels pour recevoir le traitement approprié. Puis, en se libérant du fardeau du passé par l’acceptation et le pardon, qui donnent accès au pouvoir du moment présent, à la possibilité de faire des choix de vie éclairés et avisés. Enfin, en cessant le combat avec soi-même pour enfin devenir son meilleur ami.
Le titre de cette autobiographie, Il n’y a pas pire prison que soi-même, représente bien la perplexité de celui qui n’arrive pas à se délivrer de ce mal-être. La lecture de cet ouvrage permettra aux personnes souffrant de ce mal invisible qu’est la maladie mentale d’en reconnaître les manifestations parfois subtiles et de sortir de cet enfermement. Enfin, l’auteur nous livre un vibrant message d’espoir qui s’adresse à tous : peu importe l’âge ou sa condition, l’humain peut retrouver sa liberté.


Bonne lecture,
Dr Louis Levasseur
Association d’entraide pour la santé mentale La Passerelle



À PROPOS DE L'AUTEUR


Gratien Bergeron est un auteur québécois. Il habite en Gaspésie dans un lieu idéal pour se ressourcer avec la nature. Ce qui lui permet d'écrire et de raconter son expérience à tous ceux qui veulent se sortir de cette maladie... La Baie des Chaleurs est un endroit magique pour être relié avec la Terre mère, source de vie…

LangueFrançais
ÉditeurTullinois
Date de sortie11 juin 2022
ISBN9782898091124
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    Aperçu du livre

    Il n'y a pas pire prison que soi-même - Gratien Bergeron

    Remerciements

    Gratien Bergeron remercie sa sœur Odile pour son soutien et ses encouragements. Il désire également remercier Stéphanie Tétreault pour ses conseils dans l’écriture et la révision linguistique de son récit. Il remercie Sara Gagnon pour son écoute et ses conseils photographiques ainsi que René Boudreau pour son encouragement et sa présence assidue.

    L’auteur tient aussi à remercier l’organisme Revivre pour sa collaboration dans la reproduction du questionnaire présenté en annexe. Revivre est un organisme sans but lucratif qui vient en aide aux personnes souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires et leurs proches, et ce, partout au Québec, en collaboration avec le réseau institutionnel et communautaire en santé mentale.

    www.revivre.org

    1 866 REVIVRE

    Enfin, l’auteur remercie le portail santé PasseportSanté.net d’avoir permis l’utilisation d’un extrait de son article sur les troubles bipolaires.

    www.passeportsante.net

    Avertissements

    Dans le récit autobiographique qui suit, tous les prénoms et noms ont été modifiés pour ne pas compromettre l’identité des personnes et pour ne pas leur créer de préjudices. Par moments, l’identité de certaines personnes a simplement été tue.

    Occasionnellement, certains faits de la vie conjugale de l’auteur ont été rapportés. Par respect, l’anonymat a été conservé puisque le but principal de ces écrits est de révéler son vécu.

    La source de toute information tirée de recherches sur le Web est mentionnée dans le récit. En totalité, les autres sujets traités proviennent tous de la créativité de l’auteur.

    L’auteur n’a rien de moralisateur; il a seulement l’intention de vous faire vagabonder d’un chapitre à l’autre en vous invitant à voyager dans des champs parfois ensoleillés, parfois ombrageux.

    Notes de l'auteur

    Dans mes rêves les plus nobles, celui d’écrire en fait partie. De nombreuses fois, j’ai hésité. Maintenant, après maintes réflexions, j’ai finalement décidé de m’aventurer. Cette approche littéraire est évidemment significative pour moi, et le plus que j’en tirerai s’avérera libérateur. Je vous livrerai donc quelques expériences très personnelles.

    Je me demandais si je devais faire un tel exercice. L’écriture ne fait aucunement partie de mes connaissances, mais j’en ressentais la nécessité afin de démontrer par où passe la maladie de la bipolarité. Je ne me suis inspiré que de mon vécu et de ma philosophie en vous donnant les moyens de ne pas confondre cette maladie et en vous proposant peut-être la clé qui vous donnera accès à la voie de la compréhension. Je dois vous avouer qu’après mon diagnostic de bipolarité, le plus difficile a été de l’accepter, car j’ai fait face à d’innombrables jugements. Aujourd’hui, j’ai compris que c’est une maladie parmi tant d’autres et je n’hésite plus à en parler; j’y prends même plaisir et je fais tout pour éliminer les préjugés.

    Par ce récit autobiographique, j’ai cherché à m’identifier, à savoir qui je suis, où je suis rendu, à réaliser comment la maladie a évolué de ma naissance à aujourd’hui. Pendant quarante-deux années, j’ai souffert de ne pas vous en faire une définition. Il m’apparaissait plus facile de choisir la mort que de choisir la vie, mais mon choix final m’a donné le courage de partager avec vous mes convictions. Seule la compréhension que vous en tirerez vous permettra de vous faire une idée sur la bipolarité et sur la maladie mentale en général. Je n’exige de personne d’accepter mes propos, je ne cherche pas à convaincre non plus. Je vise plutôt à susciter une réflexion. Si j’ai la chance d’aider une seule personne grâce à ce récit, j’en sortirai gagnant.

    Je relaterai dans ces mémoires le parcours de ma vie avant mon diagnostic de bipolarité, qui n’a eu lieu qu’à mes soixante ans. J’ai donc vécu la majorité de ma vie sans pouvoir identifier clairement l’origine de mon mal-être. Par ces mémoires, je pourrai mieux comprendre les signes avant-coureurs de la maladie et j’espère ainsi aider d’autres personnes à faire de même.

    Avant d’entreprendre mon autobiographie, il m’était important de savoir que cette maladie est déclarée en partie héréditaire et affective. Voici les définitions de l’hérédité et de l’affectivité selon Le Petit Larousse :

    Hérédité : Transmission des caractères génétiques des parents à leurs descendants.

    Ensemble des dispositions physiques ou morales trans-mises des parents à leurs descendants.

    Affectivité : Ensemble des sentiments, par opposition à ce qui relève du raisonnement; sensibilité.

    Ensemble des réactions psychiques de l’individu face au monde extérieur.

    Le fait de comprendre la différence entre ces deux concepts m’a permis d’établir que la majorité de mes écrits seront basés sur ma vie affective et d’acquérir une certaine clairvoyance sur la maladie bipolaire. L’histoire de mes embûches en est un exemple; chacun des chapitres traitera des entraves qui m’ont causé un manque d’affection.

    Les psychiatres évaluent la maladie de légère à sévère, mais ils ne peuvent pas quantifier la partie héréditaire ni la partie affective. Suis-je atteint à 80 % de façon héréditaire et à 20 % de façon affective ? Ou vice versa ? Ou bien, suis-je atteint à 50 % des deux parties ? Quoi qu’il en soit, je suis atteint d’une bipolarité sévère. Dans tous les cas, il y a une multitude de combinaisons possibles. L’hérédité peut être génétique à 10 % et affective à 50 %, ce qui en fait une bipolarité légère. Plus les pourcentages descendent, plus la maladie est légère.

    Bonne lecture,

    Gratien Bergeron

    Chapitre I

    Comprendre le présent par le passé

    Sous les pétales d’une fleur étalés au grand vent de la baie, je me réjouis des circonstances qui ont changé le cours de ma vie et ont défini ma personnalité. Optimiste, le cœur ouvert et l’esprit disponible, je me lance dans cette aventure littéraire. En levant le voile sur mon passé, je sais que je devrai remuer tous mes souvenirs de sang-froid. En plus de raconter ce qu’a été mon existence jusqu’à maintenant, je livrerai aussi mes propres définitions sur plusieurs thèmes de la vie, tirées de ce que la bipolarité m’a enseigné.

    De ma naissance à vingt ans, cette période a fait abstraction des symptômes occasionnés par cette maladie. J’en ai plutôt subi les conséquences à partir de ma vie de jeune adulte, bien qu’une prise de conscience sur mon vécu d’enfant me permette aujourd’hui de comprendre réellement ce qu’il en était alors. Même si mon évolution est passée par la souffrance, j’arrive désormais à éprouver de la gratitude envers le moment présent.

    Combattant muni d’un masque et d’un bouclier, armé jusqu’aux dents, je devais affronter sans relâche l’ennemi et avancer sans faire de détours. Au niveau du cœur, je supportais cette énorme pesanteur accumulée par le venin des malveillants. Croyant qu’ils étaient de même nature que moi, j’étais porté à ne voir que le bien, mais rapidement, j’ai compris que c’était faux.

    En renonçant aux tristes évènements de ma vie, j’ai pris tout ce temps pour me retrouver, ce qui m’a permis de reconstituer l’image de mon passé couronné par tant de souffrances et si peu de bonheur. Présentement, j’ai choisi de m’abstraire du monde visible, de me replier sur mon être invisible et d’y réfléchir pour ainsi me recueillir. Fondamentalement, je me suis retourné vers moi-même pour découvrir qui je suis, tout en sachant que peu de gens auront cette occasion et que certains n’arriveront jamais à se reconnaître.

    J’ai habité quotidiennement un univers sans le regarder, puis j’ai envoyé mon ego s’étendre sur une chaise longue, le suppliant de m’écouter. Cela signifie que mes écrits ne seront pas dictés par l’ego, sans compromettre mon humilité. Pour ce faire, j’ai dû apprendre à m’accepter comme individu et à m’aimer tel que je suis.

    Mon passé a été couronné d’une légère ironie colorée invariablement de ressentiment et de culpabilité, tout en étant bouleversée par tant de remords. Cet état a pris sa source dans mon éducation et dans les pensées qui me tourmentaient. J’aimerais tant paralyser le bonheur pour qu’il ne s’enfuie pas ! Je dois toujours faire le ménage de mes idées embrouillées, car elles m’entraînent dans des mouvements d’angoisse. C’est comme s’il n’y avait pas de place pour les souvenirs heureux.

    Souvent, je cherche dans le futur ce qui est dans mon passé, comme si j’étais à la recherche de mon cœur d’enfant. De plus en plus, mes connaissances doivent servir à croître spirituellement, et non seulement physiquement et matériellement. Je dois donner le pouvoir au moment présent, sans oublier que si je donne de plus en plus de force à mes pensées négatives, je deviendrai de plus en plus faible.

    Chapitre II

    Ma naissance et mon enfance

    Ma mère, Marie-Ange

    Née le 26 octobre 1912, ma sainte mère Marie-Ange devinait immanquablement, de manière ordonnée, la vérité. Ce petit bout de femme avait une noblesse telle que l’on ne pouvait l’évaluer. Du haut de ses cinq pieds, elle propageait une douceur, une bonté, une patience et une délicatesse dignes d’une vraie maman. Pour elle, le travail n’était pas un obstacle. Avec acharnement, elle affrontait toutes les difficultés. Il n’y avait pas de barrières.

    À l’époque, la misère faisait partie du quotidien, les quatorze grossesses, dont deux fausses couches, de ma mère affectant cette pauvreté. Avec présomption, l’Église catholique contaminait le raisonnement des paroissiens et condamnait ces femmes aux entrailles de l’enfer si elles arrêtaient d’enfanter. Finalement, à quatre-vingt-quatre ans, le 14 août 1996, Marie-Ange s’est endormie dans un sommeil éternel, le cœur épuisé par la surcharge de sa vie. Cela dit, je crois que le gène bipolaire était passé par ma mère avant de se rendre à moi.

    Mon père, Charles-Eugène

    Né le 27 juillet 1909, mon père, Charles-Eugène était un homme élancé de tout près de six pieds. Il portait une moustache noire à la Hitler tandis que ses dents et ses doigts étaient jaunis par le tabac. Il personnifiait l’autorité avec ses traits de caractère dominants et sa sévérité explosive. Il avait du panache, et sa fierté exagérée faisait de lui un homme d’une vive allure. Il s’est éteint en raison d’un cancer des poumons à quatre-vingt-neuf ans, le 5 novembre 1998. Avec l’éducation qu’il avait reçue, il nous a donné le meilleur de sa connaissance. En héritage, il m’a laissé l’exemple de son autorité.

    En vérité, j’ai aimé et honoré mes parents sans tenir compte de tous les blâmes qu’ils m’ont infligés. À l’opposé, je sais que mes mauvaises conduites ne leur ont pas rendu la tâche facile.

    Ma naissance

    Né d’une famille modeste, je suis le onzième d’une famille de douze enfants. Dans le rang 7 à Saint-Bruno-d’Alma, au Lac-Saint-Jean, par une fin de mercredi de vents violents enneigés et tempétueux, les contractions se sont manifestées chez Marie-Ange. C’était le 15 mars 1952 à 19 h 15 : je voulais sortir du sein de ma mère. En raison des routes impraticables et de l’absence de docteur et de soins médicaux, c’est ma tante Rose-Hélène, sage-femme, qui a assisté ma mère dans son accouchement eutocique. Elle sera nommée la marraine. En ces moments, mon père et mon oncle Albert, qui deviendrait mon parrain, étaient témoins de cet heureux évènement, ainsi que mes frères et sœurs. Extraordinairement, tout s’est déroulé à la perfection. C’était la magie de la vie qui tenait du miracle.

    Un jour seulement après la naissance, l’organisation du baptême se faisait ressentir, car l’Église catholique condamnait les nouveau-nés aux limbes s’ils mouraient avant le baptême. Il fallait s’empresser et rassembler mon père, le cocher, la porteuse et le parrain. Au bras de ma marraine, je me suis retrouvé emmitouflé dans une couverture de laine tissée par les mains de ma mère.

    Sous leur manteau long et leur chapeau melon, les hommes, endimanchés, ont attelé le cheval au traîneau. Après un départ impromptu, dans une réception banale, le curé de l’église Saint-Joseph-d’Alma m’a baptisé sans délai. Sans accusation de malhonnêteté, ma mère disait : « Notre curé, il est gras comme un voleur. » On m’appellerait Gratien.

    Je ne peux oublier que je n’ai pas eu la chance de connaître mes grands-parents maternels et paternels.

    Ma tendre enfance

    De la naissance jusqu’à sept ans, mes souvenirs les plus éloignés sont en majorité bienfaisants et exceptionnellement remplis d’images théâtrales. Une oasis de fraîcheur au tempérament de paix et liberté. Mes yeux égalaient la cime des plants d’avoine aux brindilles d’or d’un jardin céleste. Ornés d’étincelantes réussites divines, ils étaient la cible d’abondants coups d’œil indéfinissables. C’était la campagne apaisante et romanesque, qui tenait du rêve. L’entourage était sans présomption et de même culture, la noblesse des cœurs était au rendez-vous. Nous étions tous humblement vêtus, sans rivalité. Dans des élans de clarté, je me souviens de m’être amusé avec des mulots, des crapauds, des sauterelles et des papillons. Mes relations avec ces bestioles me permettaient d’entretenir des liens amicaux d’une sensation si élevée que je côtoyais le septième ciel.

    En pareille occurrence, tout se relate dans des moments inoubliables : la cueillette des fraises et framboises des champs, des bleuets, des groseilles et noisettes des bois, des merises et cerises sauvages, sans oublier que je me régalais des premiers fruits et dégustais les tartes que ma mère apprêtait.

    Une image me traverse l’esprit : je me souviens d’avoir mâché de la gomme d’épinette d’une recette concoctée par mes frères Julien et Jacob. Il fallait avoir l’imagination fertile et donner un sens à nos activités ! Nous n’avions pas de jouets, d’étrennes, de friandises, de bébelles ni de cadeaux. Tout reposait sur la créativité, sans être au fait qu’accumuler des biens ne faisait pas le bonheur.

    Les fermiers du rang, tous aussi infortunés, se retrouvaient dans de petites maisons aussi charmantes les unes que les autres. Leur marmaille totalisait douze, quatorze sinon dix-huit gamins et gamines. Sans exception, ils étaient tous fêtards, avec la joie au cœur comme autant d’harmonie que pouvaient illustrer leurs habitudes de vie hors du singulier.

    Le dimanche, la journée du Seigneur, était sacré. Après avoir mené bon train leur ouvrage, les hommes prenaient congé. Inévitablement, les tâches des femmes persistaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre; elles étaient consacrées.

    Notre petite maison familiale affichait des murs extérieurs recouverts de bardeaux d’amiante brunâtres teintés de gris. La toiture était faite de pièces de tôle galvanisée. Les cadrages des portes et des fenêtres étaient tous d’un rouge vin. Ah, qu’elle était mignonne !

    Le froid venu, elle était chauffée au poêle à bois, qui servait de cuisinière et que ma mère attisait jour et nuit. Au cours de la nuit, elle nous tripotait les pieds, s’assurant de notre confort. Avant de filer la laine, ma mère tannait le cuir des peaux de mouton, qu’elle teignait de diverses couleurs. Ces peaux se retrouvaient sur les dossiers de chaise et servaient de couvre-lits.

    Le mois de juin arrivé, un second poêle à bois dans une cuisinette d’été prenait la relève pour éviter de surchauffer la maison. Quand j’y pense, cela dépasse l’entendement de voir à quel point les parents de ce milieu offraient leur disponibilité envers leurs obligations. Mon père disait : « Vous ne connaissez pas la vraie misère. La misère que vous avez, vous vous l’inventez. »

    Plus souvent pieds nus au printemps, nous jouions dehors, bien que la neige ne fût pas toute fondue. Il y avait parfois des blessures, parfois du mal ; ma mère s’en occupait avec des moyens impitoyables. À l’aide d’un davier, elle extrayait à froid une molaire cassée. Avec de l’iode pour cheval, elle guérissait une plaie sous

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