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Un homme pour Noël
Un homme pour Noël
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Livre électronique418 pages4 heures

Un homme pour Noël

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À propos de ce livre électronique

Quelques semaines avant les festivités de décembre, Marie Parissi, animatrice pour Pomme Rouge TV et célibataire depuis peu, apprend que sa mère organise une croisière familiale avec ses sœurs et leurs conjoints. Quelle joie ! Ce voyage tombe à point pour lui faire oublier sa vie amoureuse lamentable.
Or, la jeune femme déchante vite lorsqu'elle comprend que les cabines luxueuses promises sont des suites romantiques ! Pas question de partir en solo… Sur un coup de tête, elle décide alors de s’inscrire sur un site de rencontre, et de rechercher un prétendant qui accepterait de l’accompagner. Après tout, quel est le pire qui puisse arriver ?
Son quotidien devient vite pimenté quand son nouveau patron – pour qui elle en pince – la parachute à la tête d’une émission de variétés. Pour compliquer le tout, entre ses quelques sorties chaque fois un peu plus intenses avec un chroniqueur vin connu, elle reçoit aussi les messages d’un mystérieux admirateur, un certain « Monsieur Noël »… Marie trouvera-t-elle un homme à la hauteur de ses espérances ? Si seulement la magie des fêtes pouvait opérer…
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditeurs réunis
Date de sortie23 oct. 2024
ISBN9782897839093
Un homme pour Noël
Auteur

Alexandra Roy

Née à Laval en 1980, Alexandra Roy est détentrice d'un baccalauréat en arts de l'Université du Québec à Montréal. Elle œuvre à titre de journaliste et de rédactrice pour divers médias écrits depuis près de cinq ans. Madame Roy a notamment rédigé des articles pour des publications telles que le journal 24H, le Journal de Montréal, le Journal de Québec, Canoe.ca, la Revue de Terrebonne, le Courriel Laval, les magazines Summum Girl et Summum, ainsi que Quartier libre, le journal indépendant de l'université de Montréal. À part son travail d'adjointe à la rédaction, qu'elle occupe actuellement dans une maison d'édition basée à Québec, les Éditions Genex, elle se passionne pour la littérature, les langues, la communication, la psychologie et les voyages. Son objectif de carrière ultime est de visiter le plus de pays possible tout en continuant d'écrire des romans et des séries télé.

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    Aperçu du livre

    Un homme pour Noël - Alexandra Roy

    C1.jpg

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales

    du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre : Un homme pour Noël / Alexandra Roy

    Nom : Roy, Alexandra, 1980- , auteure

    Identifiants : Canadiana 20240018303 | ISBN 9782897839093

    Classification : LCC PS8635.O8962 H66 2024 | CDD C843/.6–dc23

    © 2024 Les Éditeurs réunis

    Images de la couverture : Freepik

    Les Éditeurs réunis bénéficient du soutien financier de la SODEC

    et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.

    Édition

    LES ÉDITEURS RÉUNIS

    lesediteursreunis.com

    Distribution nationale 

    PROLOGUE

    prologue.ca

    Imprimé au Canada

    Dépôt légal : 2024

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    De la même auteure

    chez Les Éditeurs réunis

    Aller (presque !) simple pour le Costa Rica, 2022

    Un Américain à tout prix, 2018

    Marie, ses amours et sa patronne, 2016

    À toi, maman que j’aime

    plus que tout et que j’aimerai toujours.

    Merci de toujours m’avoir laissée

    être moi-même et vivre mes folies.

    1

    La petite annonce

    Dimanche 27 novembre, -12 degrés Celsius

    Hier soir, j’ai commis une folie. Je me suis inscrite sur un site de rencontre. Jamais je n’aurais cru en être rendue là à trente et un ans, mais c’est le cas. Cette année, ça va faire dix ans que papa est décédé dans un accident de motoneige, quelques jours après Noël. Maman a eu l’idée d’organiser une croisière spéciale, toutes dépenses payées, dans les Caraïbes, pour nous faire oublier la tristesse associée à cette période.

    — À la place, nous allons célébrer ce qu’il a été et ce qu’il sera toujours pour nous, a-t-elle déclaré lors d’un souper arrosé auquel mes trois sœurs cadettes, leurs conjoints et moi étions conviés. C’était son rêve, de faire une croisière avec ses filles. Et le mien de partir avec vous et vos chéris !

    Elle a lancé cette dernière phrase en nous regardant tour à tour alors que nous étions assis à la table de notre maison de campagne avec écurie à Saint-Mathias-sur-Richelieu.

    — Si vous saviez combien ça me rend heureuse. D’ailleurs, santé, mes gendres ! a-t-elle déclaré en levant son verre à l’intention des chums de mes sœurs. Merci d’être venus goûter à mes roulés au caramel !

    — Le plaisir est pour nous, belle-maman, a déclaré Justin, le chum de ma sœur Darcy, qui est enceinte de jumeaux. Ils sont super bons !

    Ma mère a pris ce qu’il lui restait de l’héritage de mon père pour organiser cette traversée qui s’annonce épique. Le départ aura lieu de Miami le 31 décembre. « Juste à temps pour célébrer le Nouvel An, s’est réjouie ma mère. J’ai mis toutes mes économies et tout mon cœur dans l’organisation de ce voyage. J’espère qu’il vous plaira ! Avec des arrêts aux Bahamas, à Sainte-Lucie, aux îles Vierges britanniques et aux îles Turques-et-Caïques, on visitera les plus belles îles des Caraïbes. Ce sera la totale ! »

    Normalement, j’aurais été folle de joie de savoir que je pars en mer avec mes sœurs et ma mère, surtout que je n’ai jamais fait ce type de voyage. Mais cette année, c’est différent. Je suis célibataire. Eh oui. Juste prononcer ce mot me donne la nausée. Simon, mon ex, un gars avec qui je suis sortie pendant plus de trois ans, m’a plantée là par messagerie texte, il y a tout juste dix mois, pour s’en aller vivre au Portugal. Il est parti prendre la relève de la pâtisserie de ses parents. À Lisbonne, plus précisément. Depuis ce temps, non seulement il n’est jamais revenu, mais ma vie sexuelle est au point mort. En fait, elle l’était déjà quand j’étais avec lui. Ma vie sentimentale est à la dérive, au grand dam de ma mère et de mes sœurs, qui rêvent de me voir heureuse en couple.

    J’ai vite déchanté lorsque ma mère nous a montré les photos des cabines romantiques dans lesquelles nous séjournerons. Nouvellement représentante pour une compagnie de croisière, ma mère a obtenu des surclassements gratuits pour une nouvelle catégorie de suite, la Ultimate Romance Suite for Couples – Ocean View, qui vient de voir le jour.

    — Toutes les commodités sont axées sur la romance et le plaisir des sens, a expliqué ma mère, en nous montrant des images des suites. Puisque la plupart d’entre vous sont en couple, je me suis dit : pourquoi ne pas les essayer ? Surtout que j’ai eu un rabais pour cette catégorie de suite normalement très dispendieuse.

    Mes sœurs et leurs chums se sont mis à pousser des cris de joie à la table en analysant les clichés. Il y a seulement moi qui riais jaune, sachant que je n’aurais personne avec qui danser ou profiter de ces palais flottants avec vue sur mer.

    Même si je ne suis pas tenue d’être accompagnée pour la croisière – comme m’a dit ma mère : « Voyons, ma grande, tu sais bien que tu n’es pas obligée de venir avec un homme ! » –, je préférerais mourir plutôt que d’avoir à fouler le sol de ce paquebot sans compagnon à mes côtés. Plutôt que d’être seule pour donner un pourboire au majordome qui apportera mes valises à ma cabine et constatera que je n’ai pas de compagnon pour partager mon grand lit recouvert de pétales de roses. Je n’ose pas m’imaginer le regard de pitié qu’il m’enverra. Ce sera encore pire pour le décompte du Nouvel An. De quoi aurai-je l’air, sur le coup de minuit, en n’ayant personne à qui souhaiter « bonne année, mon amour », tandis que tous s’embrasseront sur le pont où pleuvront des feux d’artifice sur un ciel étoilé ? À part ma mère, que je pourrai serrer dans mes bras, je me sentirai comme la dernière des ratées en me tenant seule sur le pont.

    Pour donner une idée du tableau, ma sœur Marjo va se marier avec un Latino-Américain rencontré à Porto Rico. Mon autre sœur Catherine est rendue au stade d’essayer d’avoir un bébé avec son fiancé. Enfin, Darcy, la plus jeune, est la première à être tombée enceinte de son compagnon, avec qui elle est en couple depuis quatre ans. Je suis la seule du lot à n’être ni en couple, ni fiancée, ni en train d’essayer de me reproduire. Et je suis l’aînée.

    La venue de cette croisière me fait réaliser qu’il serait temps que je reprenne ma vie en main. Que je cesse de pleurer le départ de Simon, qui ne reviendra pas. Que j’arrête de choisir des gars qui ne sont pas bons pour moi, comme mon ex, visiblement. J’ai retourné la question dans tous les sens. Hors de question que je me présente seule sur ce navire. Mon orgueil a parlé. Je vais prouver à tous que moi aussi, je peux être heureuse en amour. Que je suis capable de rebondir après un échec amoureux, même si je sais qu’au fond, plus personne n’y croit. Ça allait tellement mal avec Simon que, pour ma famille, c’est comme si je n’en avais jamais eu, de chum. Le pire, c’est que mon histoire avec Simon a été la seule vraie relation stable que j’ai eue dans ma vie, ce qui rend mon récit encore plus pathétique.

    C’est ainsi qu’hier soir, en rentrant chez moi, après ce souper arrosé révélateur, je me suis créé un profil sur LoveIsInTheAir, un nouveau site de rencontre à la mode qui vient de voir le jour. C’est ma meilleure amie Vanessa, qui crèche chez moi depuis qu’elle a découvert que son chum l’a trompée, qui m’a incitée à m’inscrire. Sur le coup, j’étais réticente. Moi, sur un site de rencontre ? Jamais de la vie. Je suis beaucoup trop orgueilleuse pour avouer publiquement que je me cherche quelqu’un. Surtout avec le métier public que j’exerce.

    En plus d’être ma meilleure amie, Vanessa est aussi recherchiste pour Pomme Rouge TV, une chaîne de télé pour laquelle je travaille comme chroniqueuse bouffe depuis six ans. Nous avons le bonheur de travailler ensemble dans le quartier branché du square Victoria, à Montréal. Pomme Rouge TV produit trois émissions par semaine dans le domaine de la cuisine, du voyage et du divertissement. Le reste du temps, la chaîne diffuse des films, des documentaires et des publireportages sur divers sujets.

    — Allez, ça va être drôle que tu t’inscrives, a insisté Vanessa. Ce n’est que virtuel. Si un candidat ne te plaît pas, tu n’as pas à faire semblant d’aller aux toilettes pour te sauver en douce. Tu n’as qu’à swiper à gauche, c’est facile. Tu gagnes du temps.

    — Pas convaincue, mais bon, si tu le dis…

    Pour m’aider dans ma mission, ma meilleure amie, qui est aussi écrivaine à ses heures, a composé le texte de présentation de mon profil. Un de ses rêves les plus chers serait de devenir romancière. Elle a plusieurs brouillons de manuscrits qui traînent dans ses tiroirs. Propulsée par un élan de créativité, elle a écrit :

    Jeune femme aimant la cuisine et les voyages cherche prétendant pour partir en croisière le 31 décembre… et plus si affinités. Écris-moi en privé si cela t’intéresse.

    — Voilà, c’est accrocheur et concis, a-t-elle conclu. Trois lignes et ça dit tout. Boum !

    Ma copine a choisi quelques photos de moi dans mon téléphone pour accompagner le texte. Elle m’a montré le tout, pour obtenir mon approbation.

    — Pas celle-ci, veux-tu ! me suis-je opposée en voyant un cliché de moi pris en kayak cet été dans le parc national d’Oka. On voit trop mes bourrelets de graisse.

    — Non, mais tu rêves, toi ! La photo met en valeur tes cheveux blonds et tes yeux aigue-marine. Regarde comment tu brilles.

    — S’il te plaît, ne mets pas mon nom au complet sur mon profil. Je n’ai pas envie de recevoir de messages de connaissances qui m’ont reconnue. Marie P. fera l’affaire. Déjà que je ne trippe pas super gros sur mon nom de famille, et tu le sais.

    — Quoi ? C’est beau, Marie Parissi. Mais comme tu veux, madame P., a déclaré Vanessa. C’est toi la boss. Let’s go ! Il te reste un peu plus de trente jours pour te trouver un homme pour cette croisière. Le décompte est lancé.

    J’ai regardé mon calendrier : 27 novembre.

    — Oui, mais le candidat doit me plaire. Ce sera ça, le défi, ai-je avoué.

    — C’est vrai, surtout que tu es difficile avec les gars !

    — J’ai une bonne raison de l’être. N’oublie pas que je devrai partager une suite romantique avec le candidat. À ce stade, le minimum serait qu’il me plaise un peu.

    — T’as raison, madame P. J’avoue que la croisière peut vite tourner au cauchemar, si ça ne clique pas entre vous.

    — Voilà. Et si je ne trouve vraiment personne, au pire, je me pointerai seule à cette traversée de malheur. Je ferai enlever tous les accessoires romantiques de la cabine. Personne n’en fera de cas.

    — Ben oui, why not ?

    — Ma mère s’en fout, de toute façon. Je pense qu’elle veut surtout faire plaisir à mes sœurs et leurs copains, avec ces suites, ai-je poursuivi. Mes sœurs sont tellement orientées « couple ». En même temps, je sais qu’au fond d’elle, ma mère voudrait que je me trouve quelqu’un, alors je la comprends de mettre un peu de pression pour que ça se produise… Je suis son aînée. Et ça ne marchait pas vraiment avec Simon, alors pour elle, cette relation ne comptait pas.

    — Go, allez ! Tous les ingrédients sont réunis pour que tu passes à l’action. Je pensais que ça t’aurait pris dix ans pour oublier Simon. Je suis contente de voir que tu te déniaises.

    — Et moi donc.

    — Tu es un exemple à suivre !

    Notre samedi soir s’est donc conclu sur la publication de cette annonce sur LoveIsInTheAir. Je me suis levée ce matin avec une sévère gueule de bois, me demandant quelle horrible connerie je venais de commettre. Puis, je me suis rappelé l’annonce. Je me suis rendue sur mon profil pour m’apercevoir que je n’avais aucun message de prospects intéressés dans ma boîte de réception. Aucun like ni drapeau ni bip spécial. Un gros rien.

    À présent, maintenant que j’attends en file pour payer mes achats de la semaine à l’épicerie, y compris les ingrédients des recettes que je vais préparer dans le cadre de mon émission Du pain sur la planche, mon constat est le même. Ma boîte de réception est aussi vide qu’une coquille de mollusque abandonnée depuis un siècle sur le bord d’une plage déserte. Voilà qui confirme mes doutes. Les sites de rencontre ne fonctionnent pas. Je ne suis pas assez attirante pour susciter l’intérêt des candidats. J’aurai l’air d’une belle dinde aux soupers de groupe pendant la croisière, surtout que la gastronomie est l’attrait principal d’une traversée en mer, m’a prévenue ma mère. « Tout est mis en œuvre pour éblouir les papilles gustatives des invités. C’est un véritable spectacle gastronomique ; l’endroit idéal pour prendre au moins cinq livres en une semaine », a-t-elle affirmé.

    Tandis que je me mets à sauter aux pires conclusions, mes deux voix, celles qui se contredisent tout le temps dans ma tête, entament la discussion :

    Patty la positive : Eh oh ! Donne-toi une chance. Ça ne fait même pas vingt-quatre heures que tu es inscrite sur ce site. Et non, tu n’auras pas l’air d’une dinde en étant célibataire à cette croisière. Plusieurs personnes participent à ce type de voyage pour rencontrer des gens.

    Nancy la négative : Cesse d’être aussi naïve. Si l’amour était si beau, tu crois que Simon t’aurait laissée tomber alors que tu venais tout juste de dénicher la robe de mariée de tes rêves, la « Natasha » ?

    C’est vrai qu’elle était jolie, cette étoffe. Je l’avais magasinée avec tout mon cœur, en vue du jour où Simon me ferait la grande demande. Ce qui ne s’est jamais produit. Je réprime une larme qui me monte aux yeux en repensant à ce souvenir humiliant. Dans l’attente que la caissière termine avec une cliente qui semble avoir un problème avec sa carte de crédit, je consulte mes courriels. Je tombe sur un message de ma patronne, qui me demande d’arriver plus tôt demain matin au bureau pour rencontrer mon nouveau patron. Elle m’explique :

    C’est un producteur télé influent de la Californie, il prendra la relève de la boîte. Seule, je n’y arrive plus, avec les loyers qui n’arrêtent pas d’augmenter. Je demeurerai actionnaire minoritaire et agirai à titre de consultante, pour m’assurer que la transition se déroule bien.

    Quoi ? Un nouveau patron ? Hum. Je me demande qui ça peut être. Elle, qui aime tant diriger et qui ne tolère habituellement pas qu’on s’ingère dans ses affaires, permet désormais à quelqu’un d’autre de décider. Elle ajoute :

    Réunion à 7 h 45 dans la salle de conférence. Seulement tous les trois. Nous avons une importante nouvelle à t’annoncer.

    Mon sang se glace d’effroi. Ma patronne n’a jamais de nouvelle importante à m’annoncer. Depuis mon arrivée chez Pomme Rouge TV, elle a toujours été la seule et unique actionnaire de la boîte. Elle a fondé la compagnie, il y a plus de vingt-cinq ans, avec son ex-époux, un certain Roger Laflamme, qui n’a pas joué un grand rôle dans la compagnie. À leur divorce, Chantelle a repris la boîte et la dirige depuis. D’après ce que j’ai compris, son ex-mari s’est exilé en Californie et on n’en a plus jamais entendu parler. Ça ne s’est pas bien terminé entre eux.

    Je finis par payer mes achats et prendre un Uber pour rentrer chez moi. Il fait hyper froid dehors ; nous avons droit à un hiver hâtif accompagné de plusieurs bordées de neige cette année. En ouvrant la porte de mon condo situé dans le Plateau-Mont-Royal, j’aperçois ma best friend forever qui ronfle, étendue de tout son long sur mon sofa. Elle m’avait assuré qu’elle serait réveillée à mon retour pour « m’aider à préparer le souper ». Elle a choké, comme d’habitude. Vanessa est une chokeuse professionnelle. Les trois quarts du temps, elle ne respecte pas ses engagements.

    Après avoir déposé mes sacs d’épicerie sur le plancher en céramique de la cuisine, je constate qu’elle a taché mon comptoir en quartz de vin rouge. La petite maudite. Je lui avais pourtant dit de faire attention à ce comptoir. Il m’a coûté les yeux de la tête. Je me rapproche d’elle dans le salon pour la secouer légèrement.

    — Vanessa… Coucou. Je suis revenue.

    De la bave lui coule sur le bord de la bouche.

    — Eins, zwei, drei…, marmonne-t-elle.

    Ça y est, elle est repartie dans ses délires psychédéliques. Elle passe son temps à parler en allemand depuis que son ex lui a envoyé, sans faire exprès, un clip audio dans lequel on l’entendait pratiquer un soixante-neuf avec sa maîtresse. Les cris de jouissance et les paroles évocatrices du message ne laissaient aucun doute quant à la position sexuelle que les deux amants étaient en train de pratiquer. Lorsque la fille a ajouté, à la toute fin du clip, « ish liebe dich », Vanessa a compris que la maîtresse était allemande. Ça fait quelques semaines de cela, mais pour Vanessa, c’est encore récent. À tout moment, elle peut avoir une « crise d’André », comme je les appelle.

    La pauvre, songé-je en analysant tous les papiers-mouchoirs usés qu’elle a laissés traîner sur la table en vitre de mon salon. Elle a probablement pleuré en pensant à ce salaud d’André. Retournant dans la cuisine pour déballer mes achats, j’allume un rond de poêle en vue de nous préparer une crème de carottes. Vanessa pourra s’en servir lorsqu’elle se réveillera. Le plat, je l’espère, la réconfortera.

    Pendant que les légumes de la soupe cuisent dans le bouillon, j’en profite pour aller me faire couler un bain chaud aux chandelles et me détendre en prévision de la journée pleine de surprises qui m’attend demain.

    Dans mon bain trop chaud, je songe à cette croisière qui se rapproche à grands pas et qui me rappelle que je n’ai toujours pas sélectionné mes excursions, alors que mes sœurs et leurs chums ont déjà fait tous leurs choix. Nage avec les cochons aux Bahamas, bain de boue dans les terres volcaniques de Sainte-Lucie… Seule ou accompagnée, je devrai faire acte de présence sur ce « navire de l’amour », comme ma mère l’a surnommé. Pour moi, à moins d’un revirement majeur, ce sera plutôt « le navire de la honte ». Trente et un ans, toutes mes dents, pas d’enfants, et toujours à la recherche de ce « monsieur Parfait » qui ne semble exister que dans les films.

    2

    Le nouveau patron

    Lundi 28 novembre, -1 degré Celsius

    Je suis congelée en entrant dans la salle de réunion de Pomme Rouge TV. La pluie froide, couplée aux vents violents qui soufflaient, m’a transpercé les os. Maudite météo changeante. Hier, c’était de la neige. Aujourd’hui, c’est du verglas. Qu’est-ce que ce sera demain ? Curieusement, alors que je suis au travail plus tôt que d’habitude, tous les autres employés sont déjà arrivés également. Peut-être que Chantelle les a convoqués, eux aussi, ou qu’ils ont voulu faire la route avant que la tempête s’aggrave ? Chose certaine, cela ne sent pas bon de les voir tous réunis de la sorte.

    En effet, tous les membres de notre petite équipe vaquent à leurs occupations à leurs postes respectifs : Jenny à la réception, Steve au montage, Camélia et son adjointe à la réalisation, et Andréa à la régie et à l’aiguillage. Nos deux caméramans, Nelson et Stéphane, font normalement leur arrivée plus tard en matinée. Seule Vanessa, notre recherchiste en chef, manque à l’appel. Elle a décidé de prendre une autre journée de congé, encore trop fragile pour affronter le monde réel après sa rupture avec André.

    — C’est la dernière que je prends, promis, m’a-t-elle assuré avant que je parte.

    — Me semble, Vanessa Trudeau ! Je t’ai déjà connue plus forte que ça. Tu donnes des conseils que tu n’es toi-même pas en mesure de suivre.

    — Tu as bien raison, mon amie. Il faut que je me botte le cul ! Je vais avoir besoin de ton aide.

    — Ce n’est pas en vidant ma cave à vin que tu vas parvenir à oublier André.

    — Non, mais ça aide à neutraliser la douleur.

    Dans la salle de conférence, j’attends que ma patronne fasse son apparition. Tous les matins, nous nous rencontrons ici pour notre réunion de production. Pouvant asseoir environ dix personnes, la salle est munie d’une grande table en bois et d’une mini-cuisine comprenant un lavabo, un frigo, une cafetière et un micro-ondes. Zieutant mon téléphone toutes les deux secondes, je constate que je n’ai toujours aucune réponse sur LoveIsInTheAir. Je commence déjà à me décourager et à songer à renoncer au projet.

    Patty la positive : Inscris-toi sur d’autres sites. Il n’y a pas que cette plateforme qui existe.

    Nancy la négative : Laisse tomber le projet. As-tu vraiment envie de donner rendez-vous à de parfaits inconnus dans des restaurants et de dépenser des fortunes s’ils ne paient pas la facture ? Concentre-toi sur les prétendants que tu rencontres dans la vraie vie à la place. Ce sera plus facile.

    Je réponds mentalement à Nancy : Lesquels ? Je te signale que je suis en studio toute la journée et que je prends le métro ensuite. Rien d’excitant ne se passe dans ma vie.

    Nancy la négative : Justement, tu devrais fournir des efforts pour provoquer le destin. Tu ne fais rien pour que ça bouge, depuis Simon…

    Moi : Faux. Je viens de m’inscrire sur un site de rencontre. Que veux-tu de plus ? Que je m’invente un chum en peluche ou que j’en fasse imprimer un en 3D ? Ça serait trop beau ! En attendant, il n’y a personne qui m’intéresse, désolée.

    Nancy la négative : Tu pourrais sortir dans les bars, le soir, au lieu de te morfondre et de rester chez toi à regarder la télé.

    Tandis que je me dispute avec mes voix intérieures, Chantelle fait son entrée dans la pièce. Grande brune d’une soixantaine d’années, elle incarne à la perfection le stéréotype de la patronne chiante et intransigeante. Toujours habillée au goût du jour, elle a su conserver ses airs de jeunesse grâce à la chirurgie esthétique. Ma patronne enlève son manteau en fausse fourrure, s’assoit sur une chaise et allume son ordinateur portable. Elle m’explique que la rencontre avec notre nouveau patron aura lieu en vidéoconférence. Son nouvel associé habite en Floride.

    Dès que je vois l’associé en question apparaître dans l’écran d’ordinateur de Chantelle, je fige.

    — Marie, je te présente Sébastien Laflamme, déclare Chantelle. Mon fils.

    Son fils ? Seigneur ! C’est le gars avec lequel je suis entrée en collision près du photocopieur, ici même, chez Pomme Rouge, il y a environ trois ans. Je lui avais enfoncé dans les côtes le coin d’une boîte de décorations de Noël que je transportais. Je l’avais trouvé tellement mignon. J’étais devenue aussi rouge que l’un des chapeaux de lutins qui dépassaient de la boîte.

    Le geste lui avait arraché un léger cri de douleur. Ou était-ce de surprise ? J’étais en couple avec Simon à ce moment-là. Pour cette raison, j’avais détourné le regard lorsque Sébastien m’avait souri. Il m’avait demandé mon prénom. Gênée, je m’étais contentée de murmurer un « Oups, je suis désolée », avant de tourner les talons et de m’éclipser. Je me rappelle m’être dit : Qui est ce gars et que fait-il dans la compagnie ? J’aimerais tellement ça, avoir un chum de même !

    Avoir su que c’était le fils de Chantelle, je ne me serais jamais permis de fantasmer autant sur lui ! Je savais qu’elle avait un fils, mais on ne l’avait jamais vu en vrai, elle qui se fait tellement discrète sur sa vie privée. Et je n’avais pas fait le lien avec elle, lorsque je l’avais croisé près du photocopieur…

    Son physique de demi-dieu – grand, cheveux foncés, d’immenses yeux bleus opaques entourés de longs cils noirs – et l’énergie sensuelle qu’il dégageait n’avaient pas mis longtemps à me séduire. Quelques secondes et le tour était joué. J’aurais été prête à quitter Simon sur-le-champ pour sortir avec un gars comme lui. C’est d’ailleurs la seule fois où j’ai eu des pensées extraconjugales au cours de ma relation avec mon ex. Dans mon dos, tandis que je m’éloignais du photocopieur, je sentais le regard de Sébastien fixé sur moi. Ses yeux brûler ma peau. Il dégageait une telle énergie… J’étais attirée par lui comme un aimant.

    Par la suite, je l’avais croisé à quelques reprises, toujours près du photocopieur. Je l’observais secrètement, baissant les yeux chaque fois que nos regards se rencontraient. Je me plaisais à m’imaginer quelle fonction il occupait : commis, préposé, archiviste ; impossible à dire. Une aura de mystère et de séduction l’enveloppait. Tout ce

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