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Ruptures: Plaidoyer pour une dynamique de la paix
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Ruptures: Plaidoyer pour une dynamique de la paix
Livre électronique255 pages3 heures

Ruptures: Plaidoyer pour une dynamique de la paix

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À propos de ce livre électronique

"La rupture" est une cessation brusque de ce qui dure, une cassure soudaine et profonde de l’état des choses. Après des millénaires de stagnation démographique, d’errements économiques et de chaos politique, l’humanité et sa planète connaissent à partir du XVIIIe siècle une série de ruptures ascendantes dans l’évolution de la population, les conquêtes de la science et de la technologie, des révolutions industrielles, mais aussi les premières alertes écologiques. Ces progrès touchant le monde matériel, sont accompagnés par l’évolution du droit, des institutions et de la morale. Les mécanismes ainsi déclenchés connaissent des accélérations au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, portant le nombre des humains, les techniques, l’économie et le bien-être à des niveaux jamais imaginés auparavant.

Au moment de posséder les moyens de faire face à tous ses défis – nutrition, santé, longévité, bonheur et paix – la pression des migrations, l’emballement technologique, la volatilité de l’économie mondialisée, la crise climatique, mais aussi l’exacerbation des nationalismes, les fondamentalismes religieux, la stagnation du multilatéralisme et la décadence morale représentée par les guerres et le bafouement quotidien des droits de l’homme suscitent des peurs. La question est justifiée de savoir si, au seuil du troisième millénaire, après 250 ans de rupture montante, le monde n’est pas en train de basculer dans une désarticulation, descendante et morale, conduisant cette fois des Lumières aux ténèbres. Pour briser cet axe du mal, il faut lui barrer la route. Mais cela ne suffit pas. Il faut parler de paix. Nous tous, pour déclencher une véritable dynamique pacifique.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Fribourgeois d’origine, Joseph Deiss est économiste de formation. Après avoir été professeur d’économie politique à l’Université de Fribourg de 1981 à 1999, il siège au Conseil fédéral de 1999 à 2006 en étant président de la Confédération suisse en 2004. Après son retrait politique en 2006, il préside l’Assemblée générale des NationsUnies à New York en 2010-2011.








LangueFrançais
ÉditeurSlatkine Editions
Date de sortie3 sept. 2024
ISBN9782832113707
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    Aperçu du livre

    Ruptures - Joseph Deiss

    Le monde bascule. La jeunesse proteste. Les anciens sont abasourdis. Les acquis de la grande rupture qui de 1750 à nos jours a permis à l’humanité de sortir du chaos politique, de la pauvreté et de l’insécurité, sont en péril. Les uns craignent pour la planète et la survie de l’espèce, les autres sont hantés par la surpopulation, la migration, la perte d’identité et une rechute dans un monde de souffrances et de guerres sanglantes. La peur prépare le lit de la révolte. Il y va du tout pour le tout, le doute n’est plus permis, la cause est sacrée. Ce qui justifie, pis, exige de passer outre aux règles établies. Missionnaires ! Révolutionnaires ! Pervertis ! Doctrinaires ! Écoterroristes ! Fondamentalistes ! Peu importe le qualificatif que l’on récolte. La crise du passage précipité et apparemment irréversible d’un état de durabilité à celui de la rupture justifie une action citoyenne ou guerrière qui se situe au-dessus de la loi et de la foi.

    Ruptures

    La rupture est une cessation brusque de ce qui dure. C’est une cassure soudaine, profonde et fatale de l’état des choses. Elle s’oppose à la pérennité et marque un hiatus entre le passé et le futur. La durabilité (soutenabilité, sustainability), qui permet de répéter le statu quo à l’infini sans mettre en péril les générations futures, est mise en échec.

    Les phénomènes de rupture dont il est question ici se produisent inopinément, dans un court espace de temps. Cette précipitation n’est pas une question de fractions de seconde, ni même d’heures, de jours, de semaines, de mois ou même d’années. La vitesse se lit dans la perspective d’une vie humaine, par confrontation avec les quatre milliards et demi d’années de la planète ou des presque quatorze milliards de l’Univers. À l’échelle des temps géologiques, dans l’intervalle de la durée très brève d’une existence humaine, on observe aujourd’hui des développements qui auparavant auraient mis des dizaines ou des centaines de milliers, voire des millions d’années à se déployer.

    À la brièveté infinitésimale de notre horizon temporel, il faut ajouter l’exiguïté spatiale plus que minuscule – excusez le pléonasme – de la planète Terre, faisant partie du système solaire, qui n’est que l’une des 200 à 400 milliards d’étoiles de la Galaxie qui porte le joli nom de Voie lactée, elle-même n’étant que l’une des 2000 milliards de galaxies que nous permettent désormais d’extrapoler les télescopes Hubble ou James Webb. C’est moins que la fine écaille tombée de l’aile d’un papillon. Nous voilà situés dans le temps et dans l’espace : un milliardième de seconde de la vie d’une planète dont il en existe un million de milliards dans l’Univers, mais dont une seule est connue pour être habitée par l’homme à ce jour.

    Les bouleversements observés concernent des aspects fondamentaux de l’humanité et de la planète sur laquelle nous vivons. L’impact de ce qui arrive est vital et entraîne des conséquences existentielles pour notre espèce. Il ne s’agit pas d’une évolution lente ou par degrés. On se trouve en face de transmutations, de remises en question de la nature même d’éléments capitaux considérés jusqu’ici comme acquis.

    Ces renversements sont inéluctables et possèdent une robustesse qui les rend fatals. C’est que les mutations engagées développent des phénomènes de vitesse acquise, ce qui les rend inexorables ou incontrôlables. Comme un grand navire, qui reste en mouvement, même avec tous ses propulseurs arrêtés. Une fois installé, le stade final s’avère irréversible.

    Les fluctuations démographiques, l’emballement technologique, les révolutions économiques, le changement climatique, les mutations intellectuelles, institutionnelles ou morales sont de cette nature-là. Leur avènement est subit, même s’il porte sur plusieurs décennies ou des siècles. L’accélération en matière de réchauffement de la planète et la multiplication des catastrophes naturelles, la fonte des glaces polaires ou alpines avec la montée des niveaux des océans, l’allongement de l’espérance de vie, la dénatalité, l’avènement des nouvelles technologies, tels les drones sur les champs de bataille ou les réseaux virtuels dans la communication, provoquent des revirements fondamentaux en quelques décennies, après des millénaires de stabilité ou de stagnation. Il faudra des stratégies qui dépassent l’horizon de plusieurs générations pour accumuler à nouveau les masses d’eau douce perdues par les lacs, les eaux intérieures ou les glaces arctiques et montagneuses, pour rééquilibrer les pyramides des âges, pour s’adapter aux nouvelles données climatiques, aux changements de niveau des océans, mais aussi aux façons de produire, de consommer, de vivre, de penser, de communiquer et d’aimer.

    Les scissions radicales peuvent être physiques et visibles à l’œil nu, mais elles concernent aussi les relations humaines, que ce soit au niveau des individus, de groupes de personnes et même entre nations. On parle de ruptures dans le cas de l’annulation d’engagements personnels – amitié, amour, fiançailles, mariage –, d’opinions contraires ou de relations diplomatiques rompues entre États. Les schismes peuvent être culturels, civilisationnels, religieux, moraux ou politiques. Leur liste est longue et ils touchent les discordances relatives aux moyens de surmonter les crises, les pénuries, les pandémies et les catastrophes naturelles. Ils font référence aux rôles attribués aux hommes et aux femmes dans la société, aux orientations sexuelles et à la procréation, aux effets de la mondialisation, à la montée péremptoire des opinions dominantes, à l’étiolement des églises chrétiennes, au recul général de la foi et de la pratique religieuse, à la montée des fondamentalismes religieux et fanatismes inspirés par l’islam, le judaïsme, la chrétienté, l’hindouisme et d’autres croyances propres à exciter les égoïsmes, le repli sur soi, le chauvinisme, les rivalités nationales et les guerres, le déni de l’État de droit et du droit international, le bafouement des droits de l’homme, le mensonge et le crime de guerre érigés en vertus de gouvernance, la corruption, le banditisme pratiqué à ciel ouvert à travers des milices de criminels telles que les jihadistes, le Hamas ou les mercenaires de Wagner, pègres tolérées voire financées par des gouvernements pervers, guidés par la mauvaise foi alliée à l’hypocrisie. Tous ces phénomènes sont propres à transposer soudainement le monde dans une situation d’avachissement moral, synonyme de crises de l’humanisme, de la démocratie, du droit, de la liberté, du bien-être. Le monde se retrouve sens dessus dessous, créant le désarroi et le sentiment que plus rien n’est comme avant.

    Pourtant, les ressources naturelles, les connaissances, la science, les technologies nouvelles, la meilleure compréhension des mécanismes économiques et de gouvernance seraient largement suffisantes pour garantir une existence digne et un bien-être confortable à l’ensemble de l’humanité. Au cours du dernier quart de millénaire, des ruptures positives se sont produites au niveau de la démographie, des connaissances ou de l’économie, mais aussi sur le plan des institutions et des droits de l’homme. Comment expliquer pourquoi, au moment où pour la première fois dans l’existence de l’espèce humaine une telle harmonie serait techniquement et matériellement possible, le désordre des idées, le déchaînement des passions et des cupidités nous empêchent de reproduire de manière pérenne la position avantageuse acquise ? Sommes-nous au seuil d’une nouvelle grande rupture qui, après les Lumières, va dans la direction des ténèbres, cette fois ?

    1

    La revanche

    de Thomas Robert Malthus

    La rupture démographique

    La première des ruptures drastiques est démographique. Elle n’est pas le fait d’un effondrement, ni d’une explosion, mais davantage le résultat d’un emballement lié à une succession de basculements dominés par des phénomènes de vitesse acquise. L’image de ce momentum , tirée de la physique et du monde naval, se réfère à l’erre d’un navire, qui représente son déplacement propre sur lequel n’agit plus l’engin. Cette vitesse est conservée par inertie. Donc, le bâtiment continue sur son élan bien que le propulseur n’agisse plus.

    Ma grand-mère maternelle a eu huit enfants. Seuls quatre d’entre eux ont atteint l’âge de la scolarité. Les quatre autres sont morts peu de temps après leur naissance, faute d’une nutrition adaptée. C’était entre 1900 et 1910. Un siècle plus tard, elle aurait très probablement pu garantir l’accession à l’âge adulte à toute la fratrie.

    Autre acte du même ordre : le 18 octobre 2023, Nestlé annonce la fermeture de son usine de lait pour bébés à Askeaton, dans le sud-ouest de l’Irlande, en raison du déclin des naissances en Chine, où est exporté l’essentiel de la production de ce site occupant 542 personnes. L’explosion démographique de la Chine, qui l’eût cru, a bel et bien pris fin.

    Ces deux faits divers suffisent à eux seuls pour expliquer ce qui est arrivé à l’humanité dès 1750, soit au cours du dernier quart de millénaire de l’existence de ce qu’on appelle l’homme moderne.

    Commençons par le commencement. Ça se passe en Afrique, lorsque des divers groupes d’hominidés qui se sont succédé ou qui ont coexisté s’est dégagé progressivement l’Homo sapiens, l’individu intelligent. Ces hommes dits modernes, dont descend probablement toute l’humanité, étaient environ au nombre de 10 000 à occuper les savanes d’Afrique de l’Est, il y a 160 000 ans. C’est ce groupuscule et cette date que l’on considère comme le départ de la grande aventure humaine qui n’a pas connu d’interruption jusqu’à nos jours. Ils n’étaient pas nombreux et trouveraient aisément place sur le plus grand paquebot du monde, le Icon of the Seas (7 600 passagers et 2 300 pour l’équipage), qui a pris la mer le 28 janvier 2024 sous le pavillon de la Royal Caribbean.

    Malgré les 160 millénaires écoulés, la présence de l’homme sur terre est toute récente. C’est renversant et pour s’en rendre compte implacablement, il est utile de représenter les nombres en tous chiffres. Notre planète, vieille de 4 567 000 000 années, a tourné autour du soleil durant 4 566 840 000 années avant de voir surgir l’être humain évolué que nous appelons Homo sapiens. Il n’y a que 160 000 ans que la saga de notre espèce a démarré. Par rapport aux 4 567 millions d’années de l’âge de la Terre, et a fortiori aux 13 800 millions d’années de la création de l’Univers, la présence de l’homme n’a duré pour l’heure que le bref moment d’un éclair : à l’instant où je parle, la planète Terre n’est colonisée par l’homme moderne que depuis les 3,5 derniers dix-millièmes de pourcent (0,00035 %) du temps de son existence.

    À quoi il faut ajouter que le démarrage fut plus que laborieux. Car 80 000 ans après ce démarrage, donc à mi-parcours de leur histoire, les humains n’étaient toujours que 40 000. L’espèce a même frôlé l’extinction 6 000 ans plus tard. Probablement victimes de phénomènes naturels et d’épidémies, ils n’étaient alors plus que 15 000. Fait incroyable, rien que 74 000 ans avant notre temps, on était pour ainsi dire de retour à la case départ.

    Au vu de telles hécatombes, on imagine que durant de nombreux millénaires, l’existence humaine sur terre était une lutte quotidienne pour la survie de l’espèce. Les rescapés, partant d’Afrique, ont repris leur essaimage sur tous les continents. Par cette extension spatiale fut créée une marge de manœuvre nourricière, condition sine qua non pour la procréation et une première croissance démographique. On pense que 40 000 ans avant notre ère, aux trois quarts de son aventure, la population mondiale représentait un demi-million d’humains.

    Selon les anthropologues, une unique branche des diverses lignées d’ancêtres s’est dégagée progressivement il y a 25 000 ans et porte le nom d’Homo sapiens sapiens. Il s’agit d’une ancienne appellation scientifique pour désigner l’homme moderne, qui se distingue des autres sous-espèces d’Homo sapiens par sa morphologie et son comportement, notamment avec une capacité cérébrale élevée atteignant 1 450 centimètres cubes en moyenne et sa démarche debout (homo erectus). C’est la seule qui a survécu et nous en descendons tous pratiquement sans exception. Il y a 10 000 ans (soit 8 000 av. J.-C.), à l’âge néolithique, ils étaient quatre ou cinq millions d’individus. L’homme de Cro-Magnon est un exemple d’Homo sapiens sapiens.

    Un premier décollage a donc eu lieu, mais le rythme de croissance reste modéré. Au début de notre époque, il y a 2 000 ans, la population mondiale englobait environ 250 millions d’âmes, dont 50 millions pour l’Empire romain. Mais on est encore loin d’un véritable emballement. Les guerres et les épidémies des quinze premiers siècles de notre ère font que, vers 1500, la population mondiale se chiffrait par 500 millions. À quoi s’ajoute une espérance de vie stagnante, cadenassée à vingt ans, essentiellement à cause de la mortalité infantile. Il a donc fallu un millénaire et demi pour un premier doublement.

    L’accélération est maintenant visible, puisqu’il ne faut que 300 ans pour franchir le cap du premier milliard, le prochain doublement, atteint vers 1800. Et ça ne prend que 130 ans pour atteindre le deuxième milliard en 1930. C’est à partir de ce moment que se produit la grande rupture du XXe siècle, puisqu’en 90 ans seulement, ce nombre va être quadruplé pour parvenir à 8 milliards d’humains en 2020 ! C’est pendant cette période que le turbo démographique mondial a produit son action fulgurante, provoquant un premier doublement en 45 ans pour passer aux 4 milliards en 1975 et en récidivant durant une nouvelle portion de 45 ans pour atteindre 8 milliards en 2020. C’est à ce moment que l’emballement démographique sur la planète est à son apogée. Des 50 milliards d’humains qui ont vécu au total depuis les débuts, soit depuis 160 000 ans, 16 % sont en vie à l’heure actuelle. La grande rupture démographique n’a pris qu’un quart de millénaire.

    L’omniprésence de l’homme sur Terre, cette colonisation tous azimuts, ce passage du premier au huitième milliard, se sont fait en seulement un peu plus de deux siècles. Comparés aux 160 000 ans qu’il a fallu attendre, ces deux cents ans signifient que c’est à la dernière seconde que cet avènement écrasant s’est produit. Cela n’a nécessité qu’un demi dix-millionième de pourcent de l’âge de la planète (0,00000005 %). Il n’y a pas de mot suffisamment puissant pour marquer cette fulgurance, proche de la vitesse de la lumière, si ce n’est le vocable « rupture » dans le sens de la définition donnée plus haut : rien n’est plus comme avant, nous sommes catapultés dans un autre monde.

    Simultanément, c’est à partir de maintenant que se manifeste pour la première fois un signal de ralentissement de l’intensité de cette ascension apparemment plus qu’exponentielle et qui justifie le terme d’explosion. Les habitués des phénomènes de vitesse acquise ont déjà noté que durant la dernière phase de doublement, entre 1975 et 2020, il n’a pas été possible, comme cela fut le cas lors de tous les doublements antérieurs, de réduire encore l’espace de temps nécessaire à la multiplication par deux. En effet, les 45 ans requis sont identiques aux 45 ans de la période précédente, allant de 1930 à 1975. Le taux de croissance reste inchangé et très élevé, certes, mais il n’augmente plus. C’est le signal annonciateur de la décélération, l’apogée est déjà derrière nous, mais la vitesse acquise va se manifester encore quelque temps.

    Deux facteurs expliquent cette explosion et sa culmination. Le facteur de rupture, d’abord, est sans conteste l’accroissement inouï de l’espérance de vie. L’agent de la décélération, en revanche, est lié à la forte baisse de la natalité, plus précisément du taux de fécondité, c’est-à-dire le nombre d’enfants mis au monde par une femme durant toute la durée de sa capacité de procréation.

    L’accroissement récent de l’espérance de vie de l’homme est bien le phénomène le plus stupéfiant de l’évolution démographique. On pense que jusqu’à la naissance du Christ, soit durant 158 000 ans, la durée moyenne d’une vie humaine était stable et approximativement égale à 20 ans. Dès l’an zéro, les progrès furent d’abord très lents. En 1600, on en est à une vie de 25 ans en moyenne par individu. Les choses s’accélèrent aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le passage au prochain lustre, c’est-à-dire à la longévité de 30 ans, est franchi en 1850. Ça n’a pris que deux siècles et demi, au lieu des seize siècles auparavant. Le grand bond, toutefois, s’effectue au XXe siècle, puisqu’en l’an 2000 la plupart des pays les plus dynamiques annoncent des espérances de vie de 80 ans et plus. C’est époustouflant : 50 ans de plus à vivre pour chaque individu au bout d’une évolution de 150 ans : c’est une année de plus tous les trois ans, c’est quatre mois de plus pour chaque année, un mois pour chaque trimestre, cinq minutes tous les quarts d’heure supplémentaires !

    Et le phénomène est universel. Certes, tous les pays n’en sont pas au même stade. Mais tous ont connu, à leur échelon, des progrès de la santé, de l’hygiène, de la nutrition et de tous les bienfaits de l’accroissement du niveau de vie. Partout. Toutefois, si la procréation reste ce qu’elle est, la conséquence est d’une logique implacable : la population augmente rapidement durant la période de la transition démographique. Les démographes désignent ainsi le passage d’un régime traditionnel, où la fécondité et la mortalité sont fortes et s’équilibrent à un niveau élevé, vers un régime où la natalité et la mortalité sont faibles et s’équilibrent également, mais à des seuils plancher. Durant le laps de temps où la baisse de la mortalité précède celle de la natalité, le mouvement ou la croissance naturelle de la population progresse d’autant plus vite que la natalité dépasse fortement la mortalité. Il en résulte momentanément une allure foudroyante que les démographes comme les politiques qualifient d’explosion démographique.

    Par le passé, les taux de fécondité étaient très élevés et largement supérieurs au seuil de renouvellement de la

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