Le Monde sujet de droit: Utopie ou réalité potentielle?

Par Guy Vial

Les ouvrages intitulés « Le Contrat naturel », « Le mal propre », « Temps de crises » et « Biogée », du regretté philosophe Michel Serres, publiés dans les années 1970-1990, démontrent philosophiquement la nécessité de défendre, sans tarder, la Nature pour la sauvegarde du Monde, en faisant appel au droit.
Ces publications lors de parution jetèrent le trouble, sans plus. Avec le dérèglement climatique, beaucoup maintenant commencent à prendre au sérieux les écrits du philosophe à cet endroit.
La difficulté consiste à traduire dans le droit cette volonté. Comment élire le Monde ou la Nature comme sujet de droit ? Après une analyse littéraire des quatre textes dans un premier temps, une analyse juridique est menée pour faire un état des lieux et proposer des solutions juridiques audacieuses en vue de défendre la Nature et le Monde, pour le plus grand bénéfice des générations actuelles et futures.

• Langue: Français
• Éditeur: Les Éditions du Net
• Date de sortie: 8 oct. 2024
• ISBN: 9782312146935

Aperçu du livre

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Le Monde sujet de droit

Guy Vial

Le Monde sujet de droit

Utopie ou réalité potentielle ?

LES ÉDITIONS DU NET

126, rue du Landy 93400 St Ouen

© Les Éditions du Net, 2024

ISBN : 978-2-312-14693-5

Avant propos

Le feu olympique envolé vers LA, en pleine période d’incertitude politique quant à la nomination du premier ministre dans un premier temps puis dans un deuxième temps, du nouvel exécutif faisant suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale et aux élections législatives subséquentes, pour me désintoxiquer quelque peu de l’actualité au jour le jour, je me suis tourné vers la lecture, d’une traite, du « Contrat naturel », du « Mal propre », de « La Guerre mondiale », de « Temps de crises » et de « Biogée », quatre ouvrages de feu notre regretté Michel SERRES, qui montrent la progression de sa pensée concernant le sujet de la présente réflexion.

Diplômé de l’Ecole Normale Supérieure et détenteur de l’Agrégation de philosophie, Michel SERRES possède cette double culture scientifique et philosophique, qui lui a permis d’anticiper tout ce qui allait poindre des court circuits entre Sciences i.e. la biochimie, les sciences de l’information, la physique fondamentale et Philosophie i.e. l’écologie, l’éducation, les religions, la métaphysique. Il est l’auteur d’une œuvre foisonnante, éclectique, imprévisible et inclassable.

Voilà un homme qui affirmait : « La tâche du philosophe est d’anticiper. On reconnaît un philosophe au fait qu’il a anticipé quelque chose de fondamental qui advient par la suite. Penser, c’est anticiper ! ». De fait, Michel SERRES, aura vu venir bien avant tout le monde les bascules majeures et les grandes révolutions de notre temps, durant le XXe siècle et le début du XXIe : l’avènement des communications, le souci du corps, la crise environnementale, la révolution numérique, la métamorphose du religieux.

Soucieux de rétablir des ponts entre cultures scientifique et littéraire, il propose, dans son œuvre, d’emboîter tous les grands savoirs, pour nous proposer la grande Odyssée de l’Univers, des vivants et de l’humanité, depuis l’origine, tout en prenant également en compte, avec l’allongement de la durée de vie et les progrès de la médecine, l’advenue d’une nouvelle condition humaine, qu’il désigne sous le terme d’« hominescence ».

La série d’ouvrages que j’ai initialement énumérés comme étant part de mes récentes lectures, date des années 1990 – 2000. L’auteur y aborde principalement, la crise écologique, dont il sera l’un des premiers à mesurer la portée, même s’il n’emploie pas le terme d’écologie dans ses livres. La Nature et le Monde, étalons de mesure traditionnels de l’action et de la pensée humaine, deviennent des êtres fragiles. Mobilisant la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas, il montre qu’avec le changement climatique, nous en venons ʺà dépendre de ce qui dépend de nous, comme si cela ne dépendait pas de nousʺ.

Et d’en appeler à un ʺContrat naturelʺ, qui permettrait d’intégrer le Monde, les territoires, les océans, les fleuves et les animaux en tant qu’acteurs dans le droit. Sidération et scepticisme général quand ces publications paraissent.

De l’eau a coulé sous les ponts depuis et ses prédictions sont maintenant enfin prises au sérieux. Et si faire du Monde un sujet de droit était un des grands enjeux de notre époque ? L’idée au plan philosophique est originale et judicieuse mais comment au plan juridique la mettre en œuvre, ça c’est une autre paire de manche. Nous allons néanmoins nous atteler à cette tâche ci-après.

Entrons maintenant dans le vif du sujet en commençant par mener une analyse philosophique et littéraire de cette série d’ouvrages, avant de passer à une analyse juridique de l’élection du Monde en tant que sujet de droit.

Analyse philosophique et littéraire

LE CONTRAT NATUREL

Commençons par l’ouvrage intitulé ʺLe Contrat naturelʺ, publié en 1990, qui loin d’être une tocade écologique, à la mode chez une minorité à l’époque, est le fruit d’une profonde réflexion commencée au début des années 1970, qui a conduit Michel SERRES à méditer sur l’existence du monde globalisé, désormais le nôtre. Les principaux jalons de cette quête sont la série des ʺHermèsʺ, publiée entre 1969 et 1980, ʺLe Parasiteʺ (1980), ʺla Genèseʺ (1982) ; après ʺLe Contrat naturel, elle se poursuivra avec ʺLe Tiers Instruitʺ (1991), ʺÉclaircissementsʺ (1992) et la série d’ouvrages que j’ai citée en avant-propos. Ce monde globalisé exige désormais de nous un véritable changement de paradigme, Michel SERRES suggérant la signature d’un « véritable contrat », qui établisse le statut de sujet de droit au Monde, excusez du peu !

Jean Jacques ROUSSEAU, bien avant lui, avait eu l’idée du ʺContrat socialʺ, véritable brûlot en son temps, affirmant le principe de souveraineté du peuple appuyé sur les notions de liberté, d’égalité, et de volonté générale, jamais signé d’ailleurs, mais qui a beaucoup fait parler de lui. Ayant dit cela, on voit bien que la lecture de Michel SERRES implique que l’on aborde un grand nombre de ses ouvrages, pour mieux suivre et comprendre la trame et le cheminement de sa pensée, qui mature en permanence. Il s’appuie en effet énormément sur les sciences