Cécile et la fissure des certitudes
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À propos de ce livre électronique
On y suit Cécile avec son souci de l’époque, entourée de ses amis qui décident de retourner en Gaspésie pour des vacances chez Lady Falcon. Ils sont tous entiers dans leur manière de vivre, bien en phase avec leur temps.
Cécile pose son regard sur un monde qui éclate alors que sous ses yeux, un immense brassage social change les façons de vivre et les mentalités. Un monde nouveau aux situations surprenantes. Cécile veut plus que tout obtenir des réponses pour apprivoiser sa réalité et faire son entrée dans l’avenir.
Lire Cécile et la fissure des certitudes, c’est un peu ressentir l’effervescence de la modernité et tenter de cheminer dans l’incertitude, à la recherche d’une zone médiane salvatrice.
Renée Archambault
Bachelière en études littéraires, ex-enseignante à l’éducation des adultes depuis 1990, animatrice de causeries et auteure de plusieurs articles, Renée Archambault entend poursuivre sa transmission du savoir par ce deuxième opus. Dans cette époque effervescente, la voie de l’âme et de la conscience l’amène vers un chemin de dépassement afin de réinventer de nouvelles façons de vivre, de simplifier, de revenir à ce qui fait du sens. Communiquer, partager ses perceptions et ses interrogations, son expérience, chercher à s’intégrer dans différents projets et communautés, sans quoi l’expérience d’être sur terre pourrait ressembler selon elle à un labyrinthe sans issu.
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Cécile et la fissure des certitudes - Renée Archambault
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Cécile à vol d’oiseau, roman philosophique illustré de dessins et photos couleur, Édition Essor-Livres, Montréal, septembre 2022
Cécile au Café Mimmo, récit d’inspiration illustré de dessins et photos couleur, Édition Essor-Livres, Montréal, juin 2021.
Cécile, que se passe-t-il ? textes introspectifs, nouvelles, récit de voyage agrémenté d’illustrations. Éditions Essor-Livres, Montréal, octobre 2020.
Toutes les pages de ma vie n’ont pas été écrites, témoignage d’instants de vie illustrés de vingt-deux photos de voyage, Montréal, autoédition Bouquinbec, octobre 2019, réédition Essor-Livres, octobre 2020.
« Avec la conscience allumée,
la nuit se couche au pied de l’homme. »
Ernest Moutoussamy
À la recherche de l’Inde perdue
Une image contenant croquis, connecteur, collier Description générée automatiquement« Dis-moi papa,
Puisque je suis maintenant une grande enfant.
Dis-moi tout ce que tu sais au sujet de ce monde.
Comment vivre dans cette humanité désorientée ? Pourquoi et pour qui dois-je écrire dans une mer de blessures à guérir et un océan de talents à découvrir ? Dis-moi.
Tu me souffles que l’artiste, c’est chacun d’entre nous, que chaque conscience en éveil et chaque petit pas sont déterminants pour l’avenir de notre monde. Plus que jamais, l’infiniment grand et l’infiniment petit se chevauchent, le désastreux et le miraculeux jouent à la roulette russe… tant de considérations que je n’arrive toujours pas à assimiler…
Alors, papa, comment avoir le courage de vivre dans ce monde tel qu’il est ? Pour ce qu’il a à nous offrir ? Plus que tout, j’aimerais connaître l’avenir, indique-moi le chemin qui me mènera à un monde plus égalitaire, plus serein, en constante bienveillance. »
« Heureusement, Cécile, la réponse n’est pas écrite dans le ciel ou dans aucune constellation. Même par défaut, notre maigre et géant pouvoir est de choisir notre destin pour collaborer à construire une avancée dans l’avenir commun : être une étoile qui s’éteint ou une étoile qui brille pour le bien de l’humanité. »
Ton père qui te guide
Etoile filante - Tatouage éphémère noir et doré SioouDoléances d’un temps incertain
Sourde inquiétude
Je ne sais plus où j’en suis. Tout va trop vite. Je me sens constamment pressée, happée par un mouvement que je ne saurais nommer. On dirait une frénésie puissante qui cherche à m’aspirer vers un quelconque vide, un tourbillon sans fond. J’ai souvent l’impression de ne plus m’appartenir. Je tente de prendre du recul. J’ai peine à contrer cette pression constante qui se transforme en un immense doute. On dirait qu’elle s’est installée sans que je m’en rende compte. Au fil des ans, et d’après ce que j’observe, cela semble se passer à l’échelle planétaire. Je ne suis donc pas la seule à vivre cela, mais à ma grande surprise, c’est une situation à laquelle les gens semblent s’habituer et dont personne ne parle. C’est en raison de cela que je me confie à vous. Pouvez-vous m’expliquer ce qui m’arrive ? Ressentez-vous aussi un désarroi ? Une impuissance ? Une anxiété ? Un manque de temps ? Un questionnement revient sans cesse dans les conversations : « Où est-ce qu’on s’en va ? »
En même temps, on dirait que cette étrange impulsion qui est aussi très grisante m’a longtemps amenée à croire que tout était possible, à tout vouloir vivre vite, mais cela a fini par m’étourdir, m’essouffler. D’après ce que j’observe, ce nouveau phénomène ne connaît pas de moment de repos. Il n’a pas non plus besoin de s’alimenter, il est toujours prêt à s’animer à la demande. Depuis, mes journées entières sont devenues une porte ouverte sur un monde agité de jour comme de nuit. Il m’entraîne aussi à vivre en oubliant très souvent que j’habite un corps. Celui-ci, n’ayant pas le choix, me suit pour le moment, sans rechigner.
Qu’est-il arrivé ? J’existe tout d’un coup dans un monde qui n’est plus ni à mon image ni à ma mesure. Sans même avoir été consultée. Suis-je dépassée, bonne à jeter à la poubelle ? Je m’y sens tellement étrangère par moment que j’éprouve le besoin de m’en extraire, fuir, me faire oublier, au pire, aller me cacher dans un petit coin pour relâcher la garde et vivre un peu de paix et de tranquillité. Anéantir cette pression du temps avec toutes ses communications informatiques, froides et déshumanisantes.
Comment décrire ce qui m’arrive ? Il me semble qu’un tapis me glisse sous les pieds, me faisant perdre ma quiétude. Je me sens ballottée et précipitée avec un million de gens, de situations et d’événements disparates dans un grand entonnoir que j’ai commencé à identifier, il y a quelques années et je ne sais pas ce qui va en sortir. Est-ce là ce qu’on appelle l’ère de la mondialisation ? J’espère seulement qu’il y aura un bureau des objets perdus pour les âmes à la dérive…
Aussi, cette même pression du temps fait en sorte que je ne peux plus réfléchir et me poser aussi facilement qu’avant. Ce rythme devenu trop rapide me fait partir avec un temps de retard, à tout coup. Chaque jour, je croise beaucoup de personnes agitées au regard absent. Ça me trouble. Depuis quelques années, je passe un temps fou à ouvrir, puis gérer des dossiers personnels, des mots de passe, anticiper des questions pour avoir des réponses quand je sollicite des services, éviter des demandes d’hameçonnage, faire valoir mes droits auprès d’entreprises qui fonctionnent à la vitesse des profits.
Au bulletin de nouvelles, des événements tous plus inquiétants les uns que les autres arrivent de façon continuelle. Quand ce n’est pas un homme atteint de troubles mentaux qui a commis une tuerie, c’est une inondation monstre due à des crues subites, des feux de forêt qui ravagent de grands territoires, des piétons qui se font faucher par des automobilistes pressés et distraits, des parents qui s’enlèvent la vie avec leurs propres enfants dans un moment de découragement, des chefs politiques imbus de pouvoir qui envahissent des territoires, des islamistes qui commettent des attentats au nom de principes religieux, des itinérants de plus en plus nombreux et je vous épargne la suite. Je me sens anxieuse face à la fois au présent et à l’avenir qui nous est réservé. On dirait que l’homme a perdu le sens de sa propre vie. Qu’il en a oublié sa valeur. Qu’il en a remis la responsabilité au bon vouloir du hasard. L’argent fait-il tourner la tête des hommes les plus puissants en leur faisant croire que le monde leur appartient ? Il me semble que cette fixation pour le pouvoir n’a pas encore été suffisamment diagnostiquée. Il n’est pas sage, toutefois, de chercher à critiquer les gens qui ont trop de pouvoir. Question de sécurité.
Mais comment cette impression troublante a-t-elle débuté… ?
* * *
Jusqu’à il y a une dizaine d’années, ma vie était plutôt confortable, sans être pour autant rangée. Il y avait de constantes surprises du quotidien, mais j’estimais posséder la force de pouvoir contourner chaque obstacle qui allait se présenter au moment venu. J’enseignais le français aux adultes dans le nord de Montréal et chaque jour je constatais l’importance d’un bon départ dans la vie. J’essayais de toutes mes forces de motiver des étudiants fragiles qui se butaient à toutes sortes de difficultés personnelles. Bien que délicate comme situation pédagogique, j’acceptais que cela fasse partie de la vie ; nous n’avions pas tous les mêmes chances au départ.
Et puis, parallèlement à mon travail, j’avais fait l’acquisition d’un petit immeuble centenaire, qui ne payait pas de mine, mais qui avait l’avantage d’être économique et situé aux abords d’un parc riverain. Cette fois avec l’intention de m’y installer pour une plus longue période. Avec une équipe de valeureux volontaires et amis, nous avions rénové à grande peine cette habitation longuement négligée, à vocation intergénérationnelle, répartie sur deux étages et qui servait à l’origine de chalet d’été. Cœur Vaillant était l’élu, mon fidèle compagnon de vie depuis plus de quinze années et l’homme sur qui je pouvais compter pour la direction du projet. Nous ne partagions pas la même demeure, mais nous avions une vision semblable de l’existence. Ouverture, dynamisme, débrouillardise et complémentarité avaient permis de développer une belle entraide et un profond respect entre nous. Je me disais que ce solide gaillard au charme indéniable, approchant la cinquantaine, était l’homme de la situation, car il était doté d’une intelligence pratique. Il était habile à trouver des solutions en rénovation.
Loin d’être évidente, notre rencontre était celle de deux univers diamétralement opposés : métier de construction, travail de terrain et un surprenant sens de l’adaptation caractérisaient cet homme que j’avais choisi. L’autodidacte et le type qui n’avait jamais peur du risque. Je l’ai d’ailleurs connu sous le pseudonyme de Risky. Règle générale, il se montrait fort, d’une grande gentillesse, toujours prêt à rendre service. Pour ma part, j’évoluais dans une sphère intellectuelle et sportive, mais j’avais une très forte attirance pour le dépassement et la résolution de problèmes. J’aimais aborder des univers étrangers. L’apprentissage et l’évolution continuelle me définissaient davantage. Avec ma physionomie grande et élancée et mon épaisse tignasse rousse qui faisait ma marque de commerce, je passais partout. Je me présentais toujours proprement, mais j’estimais que les soins de beauté excessifs de la gent féminine étaient une perte de temps. J’aimais m’habiller pour être confortable et afficher une tenue tout-aller. Sincèrement, je préférais la sobriété et consacrer mon temps libre à faire du sport et à me cultiver. La vie m’avait appris l’essentiel : foncer vers tout ce qui favorise un essor vital et n’accorder que peu d’importance aux illusions. J’étais à peine un peu plus âgée que mon partenaire de vie et j’allais prendre ma retraite avec beaucoup d’excitation dans quelques années.
Étonnamment, Cœur Vaillant et moi arrivions à nous rejoindre lors de voyages à l’étranger, d’activités sociales et culturelles, à faire la cuisine tout autant que lorsque nous nous retrouvions au quotidien effectuant des travaux de construction. Je crois bien que la souplesse de notre relation était ce qui l’enrichissait et la caractérisait le mieux.
C’est pendant cette période, je crois, ou un peu avant que se sont amenés ces changements qui ont profondément bouleversé l’ordre de ma vie. D’abord, il me semble, l’avènement des médias sociaux qui ont fait leur apparition au début des années 2000. Une véritable révolution. Un droit de parole géant a soudainement été octroyé à tous les êtres humains vivant sur cette terre. L’intérêt individuel s’est mis à prendre le pas sur l’intérêt collectif. Avec le recul, les événements qui surgissent au cours de l’existence n’exercent-ils pas un mouvement de balancier ? Progressivement, on a pu assister à l’émergence de toutes les voix oppressées qui attendaient patiemment dans l’ombre de se faire entendre et à la revendication de tous les droits personnels et espoirs de règlement de vieux conflits avec comme résultat, le dévoilement au grand jour de tout ce qui était caché et, de ce fait, non réglé. Les consciences endormies pouvaient enfin s’actualiser, même avec hargne et agressivité.
Puis, la mondialisation fraîchement débarquée s’est imposée par la volonté d’uniformiser les différentes économies, les territoires, les cultures, les avancées scientifiques. De plus en plus, on a adopté des positions neutres, trouvé des termes dénués de jugement de valeur pour nommer certaines ethnies, cultures, religions, sexes, classes sociales, orientations sexuelles. Être inclusif, ne pas faire de vagues, soigner son image, voilà ce qui désormais était au goût du jour. Ce phénomène a entraîné une disparition de l’esprit critique et des vrais débats sociaux. À quelle société appartenait-on désormais ? Les médias traditionnels, appauvris par la baisse de leurs revenus publicitaires drainés par les géants du numérique, ont dû s’adapter à de nouvelles réalités médiatiques plus puissantes et partager la scène avec des sources d’information non officielles et douteuses circulant dès lors sur internet.
Pendant que les esprits se sont distraits sur les réseaux sociaux, le rythme de vie a semblé s’accroître subrepticement et les exigences du marché du travail se sont faites de plus en plus élevées. En fait, tout ce qui gagnait à être exploité le plus rapidement possible est devenu l’objet de nouvelles convoitises.
Cependant, vous comprendrez que bien installée chez moi, dans mon confort, mes besoins primaires bien comblés, ce qui se passait tout autour ne me concernait guère. Je n’entendais pas les cris de détresse, car je vivais à distance l’actualité du monde et de mon pays par les informations diffusées à la télé, dans les journaux et sur internet. Je suis demeurée confiante pendant toutes ces années jusqu’à ce que des phénomènes viennent se placer sur ma route et me rendent l’époque troublante.
L’accrochage
Un matin de juin, il y a un peu plus d’un an, alors que je faisais des courses en voiture sur une petite rue commerciale à proximité de mon quartier, je me suis arrêtée au feu rouge, sur le chemin du retour. J’écoutais en boucle pour la énième fois un vieux succès, Boxer de Simon and Garfunkel. Cela me faisait l’effet d’un lointain souvenir d’enfance qui résonnait de façon endimanchée à mes oreilles. Je me laissais bercer par la magie de l’atmosphère qui opérait d’autant plus que je n’en comprenais pas entièrement les paroles. Je me faisais mon cinéma, c’était encore mieux. Puis, j’adorais la mélodie des voix masculines harmonisées aux notes de guitare qui montaient et descendaient la gamme. Elles semblaient venir se déposer tout doucement au creux de mon oreille. L’exécution se faisait sur un rythme folk : douceur, réconfort, cocon douillet parachevaient mon petit moment d’extase. Écouter des chansons à répétition me donnait immanquablement l’impression de me maintenir dans un univers sécurisant et stimulant que je choisissais entièrement. Chaque fois que la chanson reprenait, j’éprouvais une sorte d’ivresse en circuit fermé liée à l’anticipation de ce moment qui s’amenait sans cesse. En me réfugiant dans cet espace, je me sentais complètement moi-même, à l’abri de tout. La musique venait prendre possession du temps et de ma vie dans sa plénitude. C’était ma façon de relaxer et de m’extirper de toute contrariété.
Soudain, toujours au volant de mon véhicule, je ressentis un violent impact derrière moi. Mon dos, mon cou se sont fait brusquement secouer. Le temps de me demander ce qui arrivait, je me suis retournée et j’ai constaté qu’une vieille voiture m’avait emboutie !
Je suis sortie promptement et j’ai aperçu un homme d’origine antillaise qui s’amenait vers moi d’un air piteux :
— Je m’excuse. Je suis désolé. Je le sais, je n’aurais pas dû prendre ma voiture ce matin. Je me sentais fatigué lorsque j’ai quitté la maison, j’ai travaillé toute la nuit. J’aurais donc dû m’écouter !
J’ai regardé l’homme qui semblait dépourvu, je n’ai même pas osé le sermonner. Puis, ayant entendu ses doléances, stupéfaite par ce qu’il venait de me raconter, j’ai déniché une formulation adaptée aux circonstances, tout en prenant soin d’ajuster le ton :
— Ben voyons monsieur, comment avez-vous pu emboutir ma voiture, alors que j’étais arrêtée ?
— Je suis vraiment désolé, madame.
Et l’homme a baissé la tête sans plus, en attendant ma réaction.
Il n’y avait pas de dommage. Alors, je n’ai rien ajouté, et je suis retournée à mon véhicule. J’ai redémarré, impuissante et perplexe devant ce qui venait de se passer. Un incident banal somme toute et pourtant indicateur de quelque chose que je n’arrivais pas encore à saisir.
Ce fut un premier contact tangible avec un phénomène que j’avais identifié, mais dont je ne croyais pas être la cible. Je me suis vue tout à coup entraînée dans une voie sans mon consentement. Plus tard dans la journée, en repensant à cette situation, j’ai éprouvé de l’anxiété parce que je confirmais que maintenant tout allait plus vite, et que beaucoup d’événements indésirables étaient susceptibles de survenir.
À chaque moment, j’étais potentiellement exposée à des gens distraits ou épuisés. Une erreur humaine, quelqu’un qui avait trop travaillé, qui était inattentif sur la route. Les effets collatéraux d’une nouvelle façon de vivre basée sur la recherche de profits et sur le morcellement de l’attention occasionné par la présence du cellulaire. Puis, j’ai fait le lien avec le monde actuel ne laissant pas le temps de reprendre son souffle. Même si je décidais de m’arrêter, de ne pas suivre le rythme, j’évoluais dans une société, côte-à-côte avec des êtres qui se sentaient sûrement bousculés par tout ce qui arrivait et qui, croyant qu’ils n’avaient pas le choix, ne faisaient qu’emboîter le pas.
Ce premier événement a fait exploser en moi l’illusion que j’étais seule et que je pouvais échapper à l’indésirable, seulement en me blottissant dans un univers feutré. Non, seule je ne l’étais jamais tout à fait. Il n’existait à mon sens que des moments pour être seul. Tout ce que je pouvais faire, c’était de me retirer, et ce, seulement pour un certain temps. Est-ce que je devais toutefois accepter de m’engouffrer dans ce train de la modernité pour conserver ma place en société ? Avais-je le moindre pouvoir de m’extirper de cette nouvelle marche du monde ?
Ce matin-là, j’ai pris conscience que ni moi ni personne n’était à l’abri de cette transformation drastique de la société actuelle, de cette frénésie du développement sans fin, le nouveau rythme que semblaient nous imposer les décideurs et leurs ordinateurs. Pourtant, au fil des décennies, le phénomène informatique s’était amené de façon très subtile, il avait même grandi avec nous. Une nouveauté devenue familière. Ne l’avions-nous pas accueillie à la manière d’un élégant et séduisant voyageur qui vient de loin et que l’on veut connaître pour rompre avec la monotonie, afin d’enrichir notre vie ? Nouveauté porteuse de promesses et d’idées scintillantes.
C’est sans conteste son apport révolutionnaire, attrait qui
