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Cokoliata: Les enfants du Gerfaut
Cokoliata: Les enfants du Gerfaut
Cokoliata: Les enfants du Gerfaut
Livre électronique152 pages2 heures

Cokoliata: Les enfants du Gerfaut

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À propos de ce livre électronique

Cokoliata évoque « les enfants du faucon », un nom qui résonne éternellement pour les jeunes ukrainiens, enlevés, déportés et rééduqués par l’envahisseur. Au cœur de cette saga, partagez le destin de Valérian et d’autres enfants, manipulés par une organisation sinistre cherchant à effacer leur mémoire et leur culture. Témoin d’horreurs inimaginables, Valérian lutte pour préserver ses souvenirs, sa famille et ses espoirs dans ce monde prison. Sera-t-il capable de briser ses chaînes et de retrouver son identité ?


À PROPOS DE L'AUTEUR

Né dans un foyer militaire et nomade, Pauker Léon, infirmier spécialisé de métier, explore dans ses écrits les questions de vérité et de valeurs humaines. Engagé dans des missions humanitaires et de secours, il offre une perspective unique à la question des déportations d’enfants. "Cokoliata - Les enfants du Gerfaut" est son cinquième roman publié.
LangueFrançais
Date de sortie29 avr. 2024
ISBN9791042226206
Cokoliata: Les enfants du Gerfaut

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    Aperçu du livre

    Cokoliata - Pauker Léon

    Déportation

    Valérian

    Je m’appelle Valérian. J’ai 14 ans et demi. J’ai été enlevé au début du mois de mars 2022 à Marioupol en Ukraine. Après 18 mois de déportation en Russie, je peux témoigner pour mes compagnons et mon peuple. Je remercie toutes les personnes ukrainiennes et européennes qui m’ont permis de mener à bien cette tâche en reliant les éléments dont j’ai été témoin avec d’autres événements et d’autres témoignages. Je les remercie d’avoir su traduire mes émotions avec des mots adultes et humains. Je pense à mes compagnons, à ma sœur, aux âmes charitables.

    Je viens d’avoir treize ans lorsque cette histoire commence :

    Je me souviens, Papa et maman, de notre maison, rue Michurina, près de la poste. Je me souviens de l’école, de mes copains, des heures en compagnie de ma petite sœur Tamara. J’adorais le football et nous allions jouer sur le grand terrain lorsque les leçons étaient terminées. Je me souviens de mon anniversaire, le 5 février 2022. Tamara avait trouvé un déguisement de princesse dans les cartons de son jardin d’enfants. Papa, qui travaille de nuit, s’est levé tôt et nous sommes sortis acheter un gâteau. Il disait que nous devions rester entre hommes. Je crois que Maman ne supportait pas de nous voir dans la maison pendant qu’elle préparait la réception. Mes trois copains du foot étaient invités et ma tante devait venir avec ses deux filles. Grand-père habite Donetz et nous irons le voir demain avec la voiture de travail de mon père. Comme grand-mère est morte l’année dernière, papa va certainement demander à son père de venir habiter avec nous. J’adore mon grand-père même s’il ronchonne sans arrêt.

    Finalement, je me souviens de cette fête parce que nous étions heureux. Maman avait préparé des tas de bonnes choses à manger et j’ai reçu un ballon de football en cuir avec une pompe pour le gonfler. C’est le dernier vrai souvenir de mes parents, celui que je veux garder en mémoire. Les sourires de maman me manquent, ses caresses aussi, les petits signes de Papa, quand il part travailler. Je le vois à travers le carreau mouillé de la cuisine, il lève sa main, enfonce son bonnet et disparaît dans la rue. Tamara profite de ses quatre ans pour embêter maman et faire un caprice parce qu’elle n’est pas assez grande pour boire son kéfir à table. Le matin, il faut se dépêcher, maman travaille à la caisse de la cafétéria du grand Rost, près du cinéma. Nous n’avons pas encore de voiture, mais papa parle d’une occasion qu’il faut bricoler.

    Puis, c’est un grand vide dans ma tête et je n’arrive pas à ordonner mes souvenirs. Tout le monde a peur. Les avions et les hélicoptères lâchent des bombes et des maisons explosent. Il y a de grandes fumées, des cris, et ma sœur pleure sans arrêt. Au bout de la rue, un grand poteau est tombé et ils ont mis des barrières pour ne pas s’approcher. Le magasin de maman est cassé et elle reste avec nous. Il paraît que le laboratoire d’analyses médicales, situé juste à côté, a brûlé. Maman nous cache et installe des lits au sous-sol. Je l’aide comme je peux parce que Tamara cherche toujours du réconfort. La sirène me terrifie aussi, elle arrache les espoirs et les perspectives. Nous posons de grands cartons sur les fenêtres et beaucoup de rubans adhésifs. Je vois bien que maman craint que cela ne soit pas suffisant. Elle me fait de faux sourires et parfois me serre très fort, j’entends battre son cœur. C’est la guerre, comme dans les films, mais les gens meurent pour de vrai.

    Mon père rentre tard. Il apporte de l’eau et des réserves. Il mange seul et discute à voix basse avec Maman. Ils parlent des Russes, des massacres, de gens qu’ils connaissent. Ils ont peur des coupures d’électricité, du rationnement. Mon père voudrait rejoindre un groupe de résistants, mais ma mère s’y oppose. Elle parle de nous et des meurtres impitoyables commis par les envahisseurs. Elle n’ose pas en dire plus, parce que nous sommes allongés à quelques mètres et elle souhaite certainement nous protéger. Pauvre Maman, si tu avais su à ce moment-là, ce que l’avenir nous réservait, tu te serais effondrée.

    Depuis trois semaines, ma ville devient un charnier, une ruine immense. Quelques secteurs sont épargnés, mais qui sait pour combien de temps. Des quartiers entiers ont été rasés et Maman parle de ville martyre. Elle dit que l’Ukraine se souviendra des abominations russes. Puis elle pleure en serrant sa petite croix, pliée en avant sur sa chaise. Nous n’avons plus de nouvelles de mon grand-père. Papa a trouvé un petit générateur et quelques jerricans d’essence. Nous survivons dans notre sous-sol. C’est dur.

    Puis une nuit, ils ont bombardé la poste. Elle se situe à cinquante mètres de la maison. La moitié des vitres se sont cassées. J’ai entendu le verre tomber sur le sol comme une cascade effrayante. Mon père est allé voir. Tamara s’est à peine réveillée, je sais que maman lui donne un sirop pour dormir. À travers les cartons, je vois les lueurs des incendies et j’entends les voisins dans la rue. Certains courent et crient, d’autres discutent devant l’entrée. Je me suis risqué à rejoindre le rez-de-chaussée. Maman balayait les éclats de verre. Je suis allé chercher la pelle et des sacs. Maman m’a fait un petit signe de tête en souriant faux. Je voyais bien ses yeux au bord des pleurs. J’ai regardé par la fenêtre en direction de la poste. Je ne voyais pas grand-chose, une grosse fumée noire et des flammes. La maison de mon copain Ruslan qui est juste en face était presque coupée en deux et le toit avait été soufflé comme une bougie. Je crois qu’ils sont partis en Pologne, voici deux semaines, mais nous n’avons pas de nouvelles. Papa est revenu, il était noir de suie et de cendres. Il avait le regard sombre et triste. Il a chuchoté à l’oreille de maman et j’ai juste entendu maman répondre : « Ils sont morts ? Tu les as vus ? Mais pourquoi ? » J’ai mangé un biscuit, assis devant le tréteau, une vieille lanterne à huile jetait des ombres terribles, je tremblais de tous mes membres. Pourquoi faut-il mourir ? Maman m’a rejoint, m’a caressé la tête, m’a donné du sirop en me disant qu’il fallait dormir et oublier.

    Un matin, je jouais avec ma petite sœur dans le coin du sous-sol, sur une grande couverture que maman avait étendue. Tamara riait aux éclats en cherchant à reproduire mes grimaces. Maman s’acharnait sur le hachoir à viande en râlant que ce vieil engin méritait d’être changé. C’est drôle parce qu’un simple détail peut faire oublier la rue et les bombes. Puis ma tante, Olga, la sœur aînée de maman, est arrivée accompagnée d’un inconnu, très strict, très gris dans son pardessus épais. Ma tante n’était pas comme d’habitude, elle n’avait pas mis de maquillage, ses vêtements semblaient presque sales. L’homme m’a immédiatement mis mal à l’aise. Il regardait partout sans se gêner. Olga a dit qu’il travaillait à la mairie et qu’il venait nous aider.

    Devant un thé, elle s’explique : « Les Russes s’emparent de la ville. Ils avancent vers le port en prenant les rues du sud de la ville. Des files de camions chargent ce qu’ils peuvent voler dans les maisons. Des gens parlent d’exécutions, de viols ». Elle se tourne vers l’homme et continue « Dimitri fait le tour des familles pour proposer aux enfants de partir en Crimée pour les mettre en sécurité. J’ai accepté de confier mes filles. L’offre est sérieuse et elles me seront rendues lorsqu’il n’y aura plus de danger. Je pense qu’ils ont de la place pour Valérian et Tamara. »

    L’homme s’adresse alors directement à nous. « Oui, nous avons beaucoup d’enfants. Vous pouvez jouer et même reprendre l’école. Derrière le camp, il y a un grand parc avec des animaux, des toboggans, des cabanes dans les arbres et une grande tyrolienne ». Il dit à Tamara : « Pour toi, des dames très gentilles ont des bonbons, des poupées et tu pourras faire de la balançoire. » Il se retourne vers Maman : « Nous devons les mettre en sécurité et ne pas les laisser affronter les événements qui nous terrifient. J’ai envoyé mon fils le mois dernier et il m’a écrit qu’il était très heureux et que les gens étaient très attentifs. Comme votre sœur, vous devez les mettre à l’abri, c’est aussi votre devoir de mère. »

    Maman est sur la défensive. Elle a vu les regards fureteurs et appréciateurs de l’homme. Je vois bien qu’elle hésite à répondre. Tamara s’est levée et rêve déjà d’une immense maison de poupée, de ses amies souriantes du jardin d’enfants. Moi, je n’aime pas l’homme gris au visage pointu. Bien sûr, jouer au football, me faire de nouveaux copains, être loin de la peur, tout cela me tente. Mais, papa est toujours absent, maman est seule, elle a besoin de moi. Je suis presque grand, je l’aime et je ne veux pas la quitter. Maman nous regarde avec ses yeux de désespoir. Elle me demande : « Valérian, peux-tu aller ramasser le linge sur le fil dehors, prends la grande bassine au rez-de-chaussée et emmène ta sœur avec toi. Merci ».

    Nous sortons et je tire sur la main de Tamara qui résiste un peu. Elle veut rester et écouter parler de poupées, de jouets et de câlins. Je prends mon beau ballon de football et je lui dis que je vais le lui prêter. Elle sourit de plaisir à l’idée de pouvoir enfin jouer avec mon précieux ballon. Nous sommes de retour juste au moment du départ des visiteurs, et je vois immédiatement que ma tante a le visage fermé, contrarié et que l’homme en gris tape du pied en regardant le sol. Maman refuse de m’expliquer, elle s’assied devant la fenêtre en observant le ciel gris et les colonnes de fumée.

    Le soir tard, Papa lui demande : « Pourquoi seulement les enfants ? Que deviennent les parents ? En Crimée ? »

    Quelques jours passent. L’usine de papa est en ruines, je l’ai vue, elle est

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