Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Art, publics et cultures numériques: Flux d'images et vie des œuvres
Art, publics et cultures numériques: Flux d'images et vie des œuvres
Art, publics et cultures numériques: Flux d'images et vie des œuvres
Livre électronique279 pages3 heures

Art, publics et cultures numériques: Flux d'images et vie des œuvres

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Le numérique est désormais un incontournable dans le monde de l’art visuel et dans l’espace urbain. L’omniprésence et la constante circulation des images suscitent des questions relativement nouvelles quant à la fonction sociale de l’art, de la culture ainsi que de la diffusion de certaines pratiques et problématiques – celles des Premiers peuples, par exemple. Par ailleurs les publics de l’art, exposés à toutes ces images et interagissant avec elles, endossent également des rôles inédits.

Cet ouvrage rassemble des autrices et des auteurs provenant de divers domaines, qui analysent les pratiques professionnelles et amateures en portant leur regard sur la circulation des œuvres d’art numériques, sur leur visibilité, leur notoriété et leur (sur)vie. Deux artistes contribuent à ce recueil, montrant comment peuvent se concrétiser les relations entre l’art et les cultures numériques.
LangueFrançais
Date de sortie15 mai 2023
ISBN9782760648319
Art, publics et cultures numériques: Flux d'images et vie des œuvres

Lié à Art, publics et cultures numériques

Livres électroniques liés

Art pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Art, publics et cultures numériques

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Art, publics et cultures numériques - Suzanne Paquet

    Art, publics et cultures numériques

    Flux d’images et vie des œuvres

    Sous la direction de Suzanne Paquet et Alexandrine Théorêt

    Les Presses de l’Université de Montréal

    Autres titres de la collection

    Alain Paiement. Bleu de bleu

    Christine Bernier (dir.)

    Écrans motiles

    Sylvain Campeau

    Le devenir-femme des historiens de l’art. Michael Fried et Georges Didi-Huberman

    Katrie Chagnon

    Stratégies figuratives dans l’art juif I et II

    I. Étude de trois haggadot sépharades du XIVe siècle

    II. Autour de Moïse

    Olga Hazan

    Oser sa voix. La galerie Roger Bellemare (1971-2021)

    Laurier Lacroix

    Edmund Alleyn. Biographie

    Gilles Lapointe

    François-Marc Gagnon et l’art au Québec. Hommage et parcours

    Gilles Lapointe et Louise Vigneault (dir.)

    Merci à Béatrice Denis pour son aide précieuse et sa vigilance ainsi qu’à Geneviève Giroux pour les traductions des textes de Mechtild Widrich, Lachlan MacDowall et Kylie Budge.

    Mise en pages: Yolande Martel

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre: Art, publics et cultures numériques: flux d’images et vie des œuvres / Suzanne Paquet, Alexandrine Théorêt.

    Noms: Paquet, Suzanne, 1960- auteur. | Théorêt, Alexandrine, auteur.

    Collection: Collection «Art+.»

    Description: Mention de collection: Art+ | Comprend des références bibliographiques.

    Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20230054315 | Canadiana (livre numérique) 20230054323 | ISBN 9782760648296 | ISBN 9782760648302 (PDF) | ISBN 9782760648319 (EPUB)

    Vedettes-matière: RVM: Art et ordinateurs. | RVM: Art public. | RVM: Médias numériques et culture.

    Classification: LCC N72.C63 P37 2023 | CDD 702.85—dc23

    Dépôt légal: 2e trimestre 2023

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    © Les Presses de l’Université de Montréal, 2023

    www.pum.umontreal.ca

    Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

    Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de ­développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

    INTRODUCTION

    L’art, au regard des cultures numériques

    Alexandrine Théorêt

    En 1973, dans son ouvrage le plus connu, la critique Lucy Lippard posait les bases d’une pensée de l’art conceptuel en déclarant: «le nouvel art dématérialisé […] fournit un moyen de faire sortir la structure du pouvoir [en art] hors de New York et de la diffuser à n’importe quel endroit où un artiste aurait envie d’être à ce moment-là1». Quelques années plus tard, le numérique et ses technologies ont permis de pousser encore plus loin cette idée d’une dématérialisation des œuvres et d’accorder à l’art lui-même une certaine liberté, celle d’évoluer à l’extérieur des grands centres et des institutions artistiques. Dans les deux cas, la dématérialisation des œuvres d’art a eu, sous des formes et à des degrés différents, l’effet d’augmenter et de faciliter considérablement la mobilité des œuvres et leur circulation.

    Devenu courant dans les années 1990, l’art sur le Net a apporté de nouvelles façons de concevoir la recherche et la création. Internet n’a pas uniquement été utilisé comme outil créatif ou comme support médiatique ou communicationnel: il a également permis de renouveler les modes de production et de circulation des œuvres, par la création, notamment, de nouveaux outils et méthodes de diffusion et d’exposition2. Qui plus est, Internet a contribué au renouvellement du marché de l’art, que ce soit par l’adaptation des plateformes préexistantes, comme les maisons de ventes aux enchères qui permettent de placer des mises en ligne et qui organisent même des ventes entièrement sur le Web, ou, plus récemment, par la création de nouvelles formes de certification d’unicité des œuvres – pensons notamment aux jetons cryptographiques NFT3.

    Au cours des années 2000, l’essor du numérique a chamboulé les frontières entre les différents domaines artistiques auparavant distincts les uns des autres. Le mélange des disciplines – les arts plastiques, la littérature, les arts vivants, la musique et l’audiovisuel – engendré par les nouvelles technologies a eu pour résultat une hybridité des œuvres4. Ainsi, le schéma hiérarchique qui régit la production de l’art dit «traditionnel» s’est vu bousculé. En effet, dans de nombreux cas, le créateur singulier a disparu au profit de collaborations; la création se trouve désormais répartie sur plusieurs plans (scènes) et entre une variété d’acteurs5.

    Fondé sur le constat d’une absolue interdépendance, à l’ère numérique, entre les choses et la circulation de leur image, le présent ouvrage propose de vérifier jusqu’à quel point ce phénomène de circulation est significatif pour la visibilité, la (sur)vie et la notoriété des œuvres d’art et des sites en analysant sa faculté d’activer des correspondances entre espace concret et cyberespace. Il s’agira également d’évaluer si cette réciprocité, qui trace une géographie inédite pour les œuvres d’arts, annonce une démocratisation ou une forme singulière de rapprochement entre art légitime et publics peu spécialisés. En interrogeant les pratiques des communautés d’artistes, d’amateurs et d’internautes, nous verrons en outre si celles-ci permettent ou facilitent l’éclosion d’un certain activisme artistique. Les interactions entre les différentes déclinaisons de l’espace public, lieux physiques et situés ou espace numérique, sont désormais abondantes et incontournables; à tel point que ces espaces doivent se comprendre comme le prolongement les uns des autres, comme les parties communicantes d’une même réalité. Suivant ce modèle, celui de la connexion et de la circulation, les liens entre l’art et les images (souvent photographiques) s’avèrent abondants et cruciaux. Grâce aux chaînes formées par l’action conjuguée des technologies numériques (les images autant que tout ce qui assure leur circulation) et du travail d’un certain nombre d’agents humains, n’importe quelle œuvre (même la plus mineure ou anonyme) ou n’importe quel site peut donner lieu à des cascades d’images: l’objet (premier, original) conserve son individualité, mais en même temps, il est sans cesse «défini et redéfini par ses relations multiples6», ce qui peut susciter sa notoriété. En effet, les images s’enchaînent, conduisent les unes aux autres, en des flux constants et toujours renouvelés, et c’est par elles que le monde s’assemble, dans la «relation profonde et inextricable qu’entretient chaque image avec toutes les images déjà produites, la relation complexe de kidnapping, d’allusion, de destruction, de distance, de citation, de parodie et de lutte7». Ainsi, des connexions se forment, par les images, entre œuvres et acteurs, sites et situations des œuvres, espace public urbain et cyberespace; tout cela composant des trajectoires qu’il importe d’examiner: «se demander ce qu’est une chose, c’est se demander quel chemin elle a parcouru hors d’elle-même8».

    Avec les textes contenus dans cet ouvrage, nous voulons ainsi observer les liens qui se créent entre les cultures numériques et l’art. Nous nous proposons d’explorer certaines fonctions du numérique, qu’il serve de support ou d’outil de diffusion des œuvres, qu’il soit espace public ou plateforme dédiée aux échanges ou à la création même. Nous ne prétendons, ni ne comptons, résoudre dans ce seul ouvrage tous les problèmes liés aux inter­actions entre art et numérique, mais souhaitons plutôt créer des ouvertures entre les deux champs d’études.

    La diffusion en continu et en direct de l’information a accéléré de manière phénoménale l’émergence des débats, mais également celle des controverses et des protestations9. Avec la montée en popularité des technologies numériques, il devient de plus en plus pertinent d’étudier les trajectoires de propagation des idées, des mouvements, des concepts et même des grandes polémiques – de leur naissance à leur oubli, en passant par leur dissémination. Ainsi, les slogans, les mouvements politiques ou les mouvements de protestation peuvent être suivis, par exemple, à l’aide de mots-clics; les informations issues de diverses sources et présentées sous plusieurs formes peuvent être colligées, puis étudiées. L’arrivée des réseaux sociaux numériques, pour Dominique Boullier, transforme donc l’événement, qui devient désormais un «fait social10». La multiplication des traces laissées en ligne, que ce soit par les commentaires, les articles ou même les clics, engendre un volume colossal de données et donne au public de nouvelles responsabilités. Le pouvoir de participation à l’œuvre d’art, notamment, s’en trouve décuplé; sa connaissance et sa reconnaissance, mais également les logiques de récupération, d’appropriation et de détournement sont toutes accélérées par Internet et ses réseaux sociaux. De même, le net art redéfinit et entremêle les catégories de producteur et de consommateur des œuvres; la coopération devient un élément central de la création et des projets artistiques; des communautés se forment et entrent en interaction.

    Même si, à première vue, les nouvelles technologies numériques semblent pointer vers une accélération et une facilitation de la diffusion des informations, les divisions régionales ou au sein des communautés en ligne peuvent participer à la ségrégation des idées et nuire à la communication, notamment en ce qui concerne la migration et les crises migratoires. Christine Ross examine cette question à partir du long métrage vidéo One Day in the Life of Noah Piugattuk et des webdiffusions de Silakut (2019) du collectif Isuma, présentés lors de la 58e édition de la Biennale de Venise. Cette série de vidéos explore les questions de migration forcée et de dégradation de l’environnement, en facilitant les dialogues entre les Inuits et un contre-public, les Blancs du Sud (les Qallunaat), participant ainsi à la redéfinition de l’espace public.

    Certains phénomènes sociaux peuvent également être accélérés par les différentes communautés virtuelles qui se déploient dans les médias sociaux. C’est le cas des mouvements de contestation qui s’expriment par la dégradation de monuments à l’effigie de figures coloniales ou dictatoriales. Ces manifestations sont partagées et diffusées au moyen de mots-clics qui en viennent à les désigner; c’est le cas, entre autres, des mouvements #RhodesMustFall et #MacdonaldMustFall. Afin de comprendre le rôle joué par les plateformes de réseaux sociaux dans la formation, la circulation et la transmission des communautés de mémoire, Analays Alvarez Hernandez se penche sur les controverses qui se sont déclenchées, au Canada, autour des statues d’Edward Cornwallis, de la reine Victoria et de John A. Macdonald, trois figures coloniales qui, depuis quelques années, sont la cible de ces «corrections».

    Les médias ont également un rôle à jouer dans la préservation, la résurrection ou, au contraire, dans l’effacement de certains événements historiques de la mémoire collective. En observant les pratiques performatives artistiques et activistes en Roumanie, Mechtild Widrich avance que, dans certains cas, l’acte performatif peut renforcer les liens sociaux. Elle soutient dans son chapitre que la force performative de ces œuvres et actions peut être préservée et circuler grâce à la documentation, les photos et les vidéos qui en résultent.

    Ces réflexions sur les communautés et sur la circulation des œuvres, des images et des discours se reflètent dans la proposition artistique qui accompagne et conclut la première partie du présent ouvrage, «Espaces publics». L’artiste Devora Neumark y présente son œuvre Letters to the Ice, un projet artistique participatif dans lequel l’eau est sujet et destinataire de lettres rédigées dans le monde entier par des volontaires, et échangées par des moyens numériques.

    La deuxième partie de l’ouvrage s’articule autour des plateformes numériques, de leurs fonctions et de leur utilité dans la diffusion de l’information et des images, mais également comme ressource utilisée par les artistes. Ces plateformes suscitent une accélération de la circulation des images: elles sont partagées plus facilement et plus rapidement, ce qui influe également sur leur production, elle aussi accrue.

    Les œuvres d’art numériques et leurs usagers entrent en relation par une multitude de médiations, d’ajustements, de confrontations et de négociations qui transforment les configurations traditionnelles de la communication11. Ces rapports intimes qu’entretiennent désormais les œuvres et ceux qui consomment les images engendrent aussi un rapprochement entre les pratiques artistiques reconnues et les pratiques amateurs. En prenant comme point de départ la pratique appropriationniste de Michel Campeau, qui revisite la série de photographies The Americans de Robert Frank, Suzanne Paquet propose dans son texte une réflexion sur le glissement que permettent d’effectuer les technologies numériques de l’analogique au numérique, de l’amateur au professionnel et du privé à la sphère publique. Ainsi, Campeau ne s’approprie pas uniquement l’œuvre de Frank, mais également des photographies amateurs et anonymes, chinées sur la plateforme d’encan en ligne eBay. Les relations entre les images, celles de Frank, celles des amateurs et enfin, l’assemblage constitué par Campeau, puisque chacune des images permet à l’autre d’exister, leur ajoute une couche supplémentaire de sens.

    Lachlan MacDowall et Kylie Budge retracent dans leur chapitre la naissance et l’histoire de l’application photo Instagram, en étudiant l’effet de chacune des modifications et de chacun des ajouts au programme. Plus qu’une simple plateforme de partage d’images, elle est devenue, selon eux, un réseau social porteur d’une logique culturelle inédite, par sa diffusion et sa mise en réseau de l’art, mais également par son action, tant sur la production que sur la réception des œuvres. Qui plus est, MacDowall et Budge explorent les liens entre les différentes mutations d’Instagram et les contextes historique, financier et politique dans lesquels l’application évolue.

    Une dernière partie, «Urbanités», propose des allers-retours entre l’espace public urbain et les images mises en circulation, les plateformes numériques et les réseaux sociaux, notamment Instagram, ayant donné lieu à des réinterprétations de la ville à la fois en matière de politiques d’image et d’entité connectée «intelligente».

    Au-delà de la rue, l’art urbain se perpétue sur le Net; les graffitis, fréquemment ciblés par les politiques d’effacement, se font recouvrir ou retirer des murs des villes, mais leurs traces et les photographies qui les immortalisent se retrouvent toutefois en ligne. Entre Paris et Berlin, Julie Vaslin enquête sur la vie des œuvres d’art urbain, dans le but d’identifier et d’étudier les acteurs et les lieux d’expression des œuvres, tout en prêtant une attention particulière aux politiques d’effacement ou, au contraire, de valorisation des graffitis. Internet devient ici un outil servant à suivre la circulation et la promotion des œuvres d’art urbain ou de street art. Cette mise en valeur de certaines esthétiques populaires se manifeste notamment par la création de parcours touristiques, qui sont également examinés dans ce chapitre.

    Les villes intelligentes, ou smart cities, sont le résultat du virage numérique des infrastructures urbaines. Dans son chapitre, Enrico Agostini-Marchese se penche sur l’influence qu’a cette ville intelligente sur l’aménagement urbain, en l’analysant comme un tissage de réseaux, à la fois centralisée et étendue. La centralisation, telle que l’illustre le projet Sidewalk Toronto, soutenu par Google, permet de mettre en lumière les limites de telles entreprises lancées par les villes et financées par les géants du Web. L’œuvre The World’s Eyes de Fabien Girardin, dans laquelle l’artiste, à l’aide de la plateforme de partage de photographies Flickr, construit des cartographies de différentes villes, servira d’exemple pour réfléchir au modèle de la ville intelligente, tout en faisant ressortir ses limites.

    Enfin, c’est le projet Wood Between Worlds du collectif Public Studio, composé de l’artiste multidisciplinaire Elle Flanders et de l’architecte Tamira Sawatzky, qui conclut la section «Urbanités». Pendant quelques mois, en 2019, les artistes ont projeté sur un écran DEL, dans l’espace public torontois, une œuvre qui croise jeu vidéo et littérature, ville et nature, avec leurs temporalités contrastées.

    L’ensemble de ce parcours, au fil duquel s’entrecroisent œuvres d’art, sites, publics (communautés), espaces publics et images en mouvement, montre bien comment les cultures actuelles façonnent et intègrent les désormais ubiquitaires et incontournables réseaux et techniques socionumériques, et comment ces cultures sont elles-mêmes intégrées par ceux-ci.

    1. Lippard,

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1