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APO: La Revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°1
APO: La Revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°1
APO: La Revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°1
Livre électronique269 pages3 heures

APO: La Revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°1

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À propos de ce livre électronique

La revue APO porte le regard singulier et vivant de l'Analyse Psycho-Organique sur la psychothérapie.

Créée par Paul Boyesen en 1975, l'Analyse Psycho-Organique est une méthode de psychothérapie intégrative dont la particularité est d'associer le travail psychique au vécu corporel. En plaçant la personne au coeur du processus thérapeutique, elle l'aide à retrouver son unité psycho-corporelle, grâce à des outils thérapeutiques concrets et à une relation thérapeutique empathique et humaine.

A travers des articles, des interviews et des cas cliniques d'analystes psycho-organiques et d'autres contributeurs extérieurs, la Revue APO invite tous les thérapeutes à se questionner, à approfondir et à enrichir leur pratique clinique.

Ce premier numéro de la Revue APO est consacré à la naissance. C'est un thème cher à l'Analyse Psycho-Organique qui accorde une grande importance aux premiers instants de la vie et dispose aussi d'outils originaux pour soigner les blessures archaïques du foetus et du bébé, comme le "Processus de Naissance", formidable expérience psycho-organique aux effets thérapeutiques majeurs.

La manière dont nous avons été désirés, attendus, accueillis a un impact sur notre développement psycho-corporel. A chaque instant de notre vie, nous vivons de nouvelles naissances. A chaque instant de notre vie, notre vécu de la naissance se réactive.

Pour accompagner la personne à "naître à soi" en psychothérapie, le corps a une place essentielle. C'est le fil conducteur des différentes thématiques abordées par les analystes psycho-organiques et par les contributeurs extérieurs invités à participer à ce numéro, le pédopsychiatre et psychanalyste Bernard Golse et l'haptonome et psychothérapeute Pascale Delage. Que l'on aborde le vécu in utero ou le passage à la respiration aérienne, la naissance du bébé ou celle du parent, la grossesse ou les parcours de PMA, le corps est lieu de transformation et de reconnexion à notre élan vital.

En reprenant les dernières recherches et connaissances sur la naissance et la vie in utero, ce numéro nous fait sentir l'importance de la naissance tout au long de la vie psychique.
LangueFrançais
Date de sortie11 juil. 2022
ISBN9782322466399
APO: La Revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°1
Auteur

Association PSY APO. Rédacteur en chef : Marc Tocquet

L'Association PSY APO est l'association professionnelle française des analystes psycho-organiques. Ses différentes, activités, son annuaire, des textes publiés, des vidéos etc. sont accessibles sur le site : https://analyse-psycho-organique.fr/psy-apo/

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    Aperçu du livre

    APO - Association PSY APO. Rédacteur en chef : Marc Tocquet

    LA REVUE DE L’ANALYSE PSYCHO-ORGANIQUE

    Rédacteur en chef

    Marc Tocquet

    Directrice de la publication

    Anne-Sophie Courau

    Comité de rédaction

    Alain Boutet

    Eric Champ

    Yann Desbrosses

    Ruth Herzberg

    Sophie Garnier

    Sophie Gentilhomme

    Philippe Prediger

    Isabelle Vieulès

    SOMMAIRE

    Éditorial

    Naissances et psychothérapie

    Marc Tocquet

    Nous sommes déjà nés avant de naître

    Éric Champ

    Vivre une nouvelle naissance en psychothérapie : quand s’appuyer sur l’histoire du vivant permet d’évoluer

    Yann Desbrosses

    Cela me rappelle quelque chose

    À partir d’une interview de Paul Boyesen réalisée par Éric Champ, Sophie Garnier et Marc Tocquet

    Du sentiment d’être au sentiment d’exister

    Interview du Pr. Bernard Golse par Marc Tocquet et Éric Champ

    Perspective d’accompagnement des couples impliqués dans les parcours de Procréation Médicalement Assistée

    Dr Véronique Bellec

    Du désir mortifère d’enfant à la vie retrouvée. Vignette clinique sur un parcours de PMA

    Ruth Herzberg

    Le processus de naissance en APO est-il une expérience possible et souhaitable pour les couples diagnostiqués infertiles  ?

    Muriel Jan

    Le cas de Carine ou l’acceptation de la perte comme élément fondateur de la maternité

    Valérie Mercier

    Haptonomie et Naissance

    Pascale Delage

    Conscientisation en séance d’Analyse Psycho-Organique du passage de la respiration ombilicale à la respiration aérienne

    Agnès Havet

    Naître parent. Le processus de naissance psychique de l’enfant et de son parent

    Valérie Combette - Javault

    Glossaire

    NB : Les mots avec un astérisque sont définis dans le glossaire à la fin de la revue.

    ÉDITORIAL

    C’est avec une grande joie que j’annonce la naissance du premier numéro de cette revue consacrée à l’Analyse Psycho-Organique. Cette revue que j’ai co-fondée avec Anne-Sophie Courau, est dotée d’un nom sans ambiguïté : APO. La revue de l’Analyse Psycho-Organique . Je formule le vœu qu’elle participe au développement, à l’approfondissement, à la diffusion de notre méthode thérapeutique. Je souhaite aussi qu’elle puisse être un instrument de recherche.

    Les contributions à cette revue sont celles, d’abord, d’analystes psycho-organiques, mais nous sommes ouverts aussi aux apports d’autres univers.

    Ce premier numéro est consacré à la naissance. C’est un thème approprié pour un premier numéro. C’est aussi que l’APO a un lien particulier à la naissance, sujet que Paul Boyesen n’a cessé d’approfondir. Vous en trouverez des échos ici dans l’interview qui lui est consacrée. Nous sommes riches aussi, en APO, de la pratique singulière et formidable du « Processus de Naissance » dont nous constatons constamment les effets thérapeutiques majeurs.

    Ce premier numéro voit le jour grâce à un travail d’équipe, celui du Comité de Rédaction que je remercie ici de son investissement, celui aussi des membres du Conseil d’Administration de l’association PSY APO qui ont soutenu et permis la réalisation concrète de cette revue.

    Ce premier numéro contient dix articles et deux interviews. Deux de ces articles nous ont été proposés par des thérapeutes en dehors de notre communauté d’analystes psycho-organiques. Vous verrez que le thème de la naissance y est abordé de points de vue différents et parfois novateurs. Toujours la clinique thérapeutique se trouve au cœur de ce que vous lirez.

    Je souhaite une longue vie à cette revue, dans la diversité, la qualité, la fluidité, l’abondance.

    Je vous souhaite aussi une très bonne lecture de ce numéro inaugural.

    Marc Tocquet

    Rédacteur en chef

    NAISSANCES

    ET PSYCHOTHÉRAPIE

    « Les hommes sont moins des mortels que des « naissanciels » [¹]

    Hannah Arendt

    MARC TOCQUET [

    ² ]

    RÉSUMÉ : Les naissances de l’humain sont des étapes visibles d’un continuum qui travaille, qui n’arrête pas de se chercher et de se produire. Une naissance est irréversible. Elle est toujours habitée par l’imprévisible. Dans la nécessité d’exister et de nous adapter, il ne s’agit pas pour l’être humain de croître et d’être au monde d’une façon minimale. Nous sommes habités du besoin de nous développer le plus possible. La psychothérapie est en ce sens un lieu de gestation et de naissance. Pourquoi l’être humain a-t-il si peur de devenir lui-même ? Une peur que nous rencontrons souvent en thérapie. Penser par soi-même et agir par soi-même sont les effets premiers que l’on peut espérer d’une naissance à soi. À partir de là, il s’agit d’être plus intensément en contact avec soi-même, avec ses objets d’amour, de plaisir et de réalisation. Plus nous sommes nés à nous-même, à notre originalité, à notre identité, plus nous sommes capables, si nous le souhaitons, de mettre notre impulse, sa force, son originalité, sa capacité d’action et de transformation en action dans le monde.

    MOTS-CLÉS : prénatal, gestation, néoténie, épigénétique, nativité, Processus de naissance*, Impulse primaire*, accompagnement, naissance psychique, capabilités.

    NAISSANCE BIOLOGIQUE

    ET NAISSANCE PSYCHIQUE

    Le moment premier de la naissance d’un être humain est bien difficile à déterminer. Très généralement, on assimile la naissance à l’accouchement. Dans cette naissance-là, il s’agit de l’apparition physique de l’enfant au monde. C’est l’entrée du bébé dans la vie aérobie, il quitte le milieu qui était le sien. C’est une naissance physique au monde de l’extérieur de l’utérus. Mais l’enfant était déjà-là. Il était déjà né comme être humain.

    Cette naissance physique, tellement spectaculaire que l’on croit que tout est fait, met au monde un enfant totalement dépendant de son entourage, qui n’a pas terminé sa maturation, qui n’est pas « fini », qui n’a pas conscience de lui-même. La naissance psychique doit encore se produire. Elle advient plus tard, très progressivement. La naissance n’est pas un évènement unique. Les naissances de l’humain sont des étapes visibles d’un continuum qui travaille, qui n’arrête pas de se chercher et de se produire. Ces étapes apparaissent sous forme d’évènements précis. Parmi ceux-ci la naissance biologique n’est qu’un moment de la naissance du vivant humain, une étape de l’être vivant en devenir.

    La petite enfance n’est pas le moment d’une croissance, c’est celui d’une naissance. Si on laisse l’être évoluer seul, il n’évolue pas. Il ne croît pas de lui-même dans un milieu. L’air, l’eau, la lumière, ce que produit la terre ne suffisent à lui permettre de vivre. Le petit humain ne peut naître à lui-même que s’il est accueilli et infusé d’humanité par le milieu humain [³]. Peut-être, d’ailleurs, que cette infusion n’est que la recherche des retrouvailles avec ce qu’il a déjà vécu dans le ventre de sa maman [⁴].

    Le petit humain doit véritablement naître à lui-même, à la communication, au langage, à la pensée et à la conscience de lui-même.

    LA NÉOTÉNIE

    Une des caractéristiques de l’être humain est ce que l’on appelle sa néoténie. La néoténie est le fait que l’humain naît (physiquement, en sortant de l’utérus) avant d’être un individu mature et qu’il doit poursuivre sa croissance, son développement, à l’extérieur du ventre de sa maman. Cette néoténie est particulièrement importante chez l’humain et elle le caractérise. Le bébé à sa naissance est totalement dépendant de son entourage, il n’a pas la capacité neurologique, musculaire, psychique d’être autonome. Il est totalement tributaire du milieu dans lequel il se trouve. Durant cette période de dépendance, et bien au-delà (le cerveau, par exemple, se développe jusqu’à l’âge de 25 ans), il poursuit sa maturation, en intégrant la masse des informations qui lui viennent du monde extérieur à l’utérus. Ce développement et ces intégrations sont spectaculaires : le cerveau grandit de 1 % par jour de 0 à 3 mois (Holland, 2014), les connexions synaptiques s’établissent à raison d’un million de synapses par seconde entre 0 et 3 ans (Lagercrantz, 2008). Ce qui est appris durant cette période, par exemple la langue dans laquelle baigne l’enfant, est conservé dans ces liaisons synaptiques : partout sur le globe, un enfant apprend totalement sa langue maternelle en 10 mois (du 20e au 30e mois), ainsi que d’autres langues s’il y est exposé.

    Ainsi notre cerveau, tout comme le reste de notre corps, est très largement façonné par ce que nous vivons une fois né au monde de la respiration.

    Après la naissance physique, l’enfant, aidé de son entourage, doit accomplir une naissance psychique. Cette situation d’une naissance psychique à accomplir, remarquable, énorme, est l’occasion du meilleur comme du pire. C’est une situation d’assomptions formidables, mais aussi de dangers.

    Le nouveau-né, en effet, n’a pas de prédisposition particulière pour faire face à ce qui ne lui convient pas. Il ne sait pas ce qui ne lui convient pas. Il le prend, il l’assimile, il s’y réfère, comme il assimile toute information qui lui parvient [⁵]. La naissance psychique dure très longtemps. Elle se fait durant ce que l’on appelle la petite enfance, mais on peut considérer que l’adolescence participe aussi de cette naissance psychique (je l’ai déjà dit : le cerveau se développe jusqu’à l’âge de 25 ans).

    Je formule l’hypothèse que la nécessité et l’expérience d’avoir à se créer en étant dans le monde extérieur à l’utérus, ce modèle-là, cette matrice-là, a suscité en nous la nécessité et la constance d’un processus d’apprentissage au monde, d’assimilation du monde. Nous poursuivons en fait constamment cette naissance psychique. Nous nous modelons et nous remodelons en permanence pour nous adapter à la vie constamment mouvante. Notre naissance psychique se produit, se poursuit chaque jour. Nous avons à nous adapter sans cesse à ce qui nous arrive. En ce sens, notre naissance est constante.

    Pour nous, analystes psycho-organiques, cette dimension est particulièrement importante.

    QUELLES SONT LES CARACTÉRISTIQUES

    COMMUNES AUX NAISSANCES ?

    En étudiant les moments précis que sont les naissances, je vois que des caractéristiques se dégagent :

    - Un retour en arrière après le moment de la naissance n’est pas possible. La naissance est un acte de transformation qui inscrit définitivement l’étape d’un processus.

    Cela vaut pour la naissance d’un être humain, comme de tout animal, mais aussi la naissance d’un régime politique, d’une idée, d’une œuvre quelle qu’elle soit. Un retour à l’ordre antérieur n’est pas possible. Une naissance est irréversible.

    - Une naissance ne se maîtrise pas. Elle est toujours habitée par l’imprévisible. Le moment de la transformation, le moment de l’apparition du nouveau condense en lui tant de choses différentes, diverses, insaisissables qu’il est toujours un lieu et un moment de l’imprévisible et de l’immaîtrisable. Le paradigme de cela me semble être la révolution.

    - La naissance est le moment où quelque chose devient visible. C’est par sa visibilité qu’on a connaissance d’une naissance. C’était jusque-là en gestation, en préparation et puis cela se montre au monde. C’est un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur qui permet que de l’inconnu ou du nouveau apparaisse et se révèle.

    Notons que cette visibilité nécessite éventuellement des instruments, comme la visibilité de la fécondation, la rencontre de l’ovule et du spermatozoïde, qui est bien sûr une des naissances de l’être humain.

    Remarquons aussi que voir le visible de la naissance, la concrétisation dans une forme que prend nécessairement ce qui naît, attire notre attention sur ce qui a précédé cette forme, ce qui a permis sa réalisation. Voir le visible de la naissance nous amène à envisager ce qui était déjà là avant cette naissance, l’invisible d’avant la naissance.

    - Par définition, une naissance fait advenir du nouveau. Elle dispense donc toujours de l’inattendu. On ne peut connaître son influence ou sa capacité de changement sur le contexte. Elle porte en elle de l’imprévu, de l’inattendu, fondamentalement elle crée des éléments de surprise. Ces éléments déclenchent souvent, en chaîne, d’autres naissances imprévues.

    C’est tout cela que l’on fête dans une naissance : l’apparition au monde de quelque chose de nouveau (ou de toujours nouveau, comme la naissance du jour) qui porte de l’inconnu, de l’inattendu et de la surprise. Comme une révérence à ce que la nature a de plus grand que nous, à son mouvement irrépressible, irréversible et immaîtrisable.

    NAÎTRE À SOI PAR LA PSYCHOTHÉRAPIE NAÎTRE

    L’Impulse vital

    En Analyse Psycho-Organique, nous dénommons « Impulse primaire* » la force qui nous pousse à vivre et à nous réaliser nous-même.

    Cet Impulse se nourrit, au moins partiellement, de l’Impulse de nos parents et on peut se demander si cet Impulse, de transmission en transmission, n’est pas la même énergie que celle qui a permis à l’espèce humaine de perdurer, de s’adapter et de se développer.

    Notre Impulse individuel serait ainsi la même énergie que celle de l’évolution darwinienne de l’humain. Chacune de nos naissances participe, par ailleurs, à cette évolution [⁶]. C’est ce qu’a démontré récemment l’épigénétique : nos transformations, nos changements, nos acquisitions s’inscrivent dans l’ADN de toutes les cellules de notre corps, y compris les gamètes, et se transmettent donc, au cours d’une procréation, aux générations suivantes [⁷].

    Dans cette nécessité d’exister et de nous adapter, il ne s’agit pas de croître et d’être au monde d’une façon minimale. L’être humain est habité du besoin de se développer le plus possible. Tout ce qui est vivant cherche à se développer et à vivre de façon optimale. Nous sommes programmés génétiquement pour cela (c’est bien le moteur de l’évolution). Cette nécessité de se développer de façon maximale est ce qui amène les personnes à venir nous consulter, car sur le fond, l’être humain ne peut supporter ce qui retient son développement et le contraint.

    Devenir progressivement soi-même

    La psychothérapie comme lieu de gestation :

    La psychothérapie comme un lieu de retrait, un temps d’élaboration dans un lieu de retrait, dans le silence et la tranquillité du cabinet.

    Ceci n’est pas sans rapport avec une gestation, la tranquillité, le retrait, l’homéostasie, la régularité et la temporalité hors temps d’une gestation : le temps silencieux de la maturation du vivant avant l’éclosion au jour.

    Ceci n’est pas sans rapport non plus avec la nuit nécessaire complémentaire du jour. La nuit est d’ailleurs souvent le lieu du dévoilement du malaise. La nuit où les supports visuels, relationnels, sociaux ne sont plus. C’est la nuit, dans la nuit de soi, qu’apparaît souvent l’angoisse dont les insomnies sont une manifestation. L’insomnie est la manifestation de l’inquiétude et de l’insatisfaction, associées à l’énergie du désir de changement. La nuit comme celle, relative, de l’utérus, est souvent le moment où le rebond, la naissance-renaissance se préparent. Comme s’il fallait se tenir un moment dans le sombre [⁸] pour sortir à la lumière.

    La psychothérapie comme un lieu d’accompagnement :

    On pourrait associer la naissance à l’idée de rupture : rupture avec le milieu utérin, rupture avec une ancienne vie, avec d’anciennes valeurs, avec d’anciennes relations.

    Il me semble au contraire que la naissance s’accomplit principalement sous le signe de l’accompagnement. Comme le dit Winnicott, « un bébé tout seul ça n’existe pas » (Winnicott, 1945). Un bébé a besoin d’étayage, de soutien. C’est avec un accompagnement que l’on devient soi-même. L’apparition de ces critères d’une naissance que j’ai mis en évidence (l’irréversible, l’imprévisible, l’immaîtrisable, l’inattendu) vont aussi avec la première de ces particularités c’est-à-dire l’inscription dans un processus.

    La naissance s’accomplit dans le cours d’un processus. Je l’ai dit, elle est le moment visible d’un processus qui travaille.

    Dans ce processus il y a de l’accompagnement.

    La psychothérapie s’inscrit dans ce processus d’accompagnement.

    Dès avant que la personne saisisse son téléphone pour prendre rendez-vous, le processus est en cours. Cet appel téléphonique est lui aussi l’élément visible d’un questionnement, d’une démarche, d’une recherche, parfois à bas bruit, qui aboutit à cet évènement d’appeler un thérapeute.

    Beaucoup de nos naissances comme le sont une nouvelle orientation professionnelle, un changement de lieu de vie, une rupture amoureuse s’élaborent sans bruit, en amont, parfois inconsciemment. Elles sont l’étape ou l’aboutissement d’un processus, où intervient l’accompagnement (récolte d’informations, recherche de soutiens et de modèles etc.). Il faut des accompagnements pour la métamorphose (comme l’existence d’une chrysalide afin que la « larve » qu’est la chenille accède à son « imago » qu’est la papillon [⁹]). Il y a ici l’idée d’une préparation, parfois inconsciente, de la nécessité d’un milieu, en vue d’une métamorphose.

    Bien sûr la psychothérapie participe à ce processus d’accompagnement. Le franchissement de la porte du thérapeute est déjà une naissance dans ce processus, qui témoigne de naissances antérieures (la naissance à la conscience de son désir ou de son besoin de changer par exemple) tout comme la naissance physique de l’enfant est la conséquence de naissances à lui-même, antérieures à ce moment visible.

    Nous l’avons vu, la naissance biologique ne suffit pas à notre naissance. Nous ne choisissons pas, en tout cas consciemment, le lieu, le moment, la culture, la langue, la famille où nous apparaissons. Nous entrons dans des espaces qui sont déjà là avant notre arrivée et nous devons nous y conformer. Nous sommes l’objet d’attentes qui nous préexistent, et de projections qui s’accrochent à nous et s’agglutinent sur nous. Pour autant, ces projections sont aussi nécessaires à la constitution de notre identité.

    Nous sommes faits de cela, mais nous ne sommes pas que cela. Il y a l’être en nous qui entre dans cette peau, dans cette identité qui nous attend et nous façonne aussi, que nous devons enfiler comme on enfile un vêtement et sans laquelle nous n’existerions pas.

    La thérapie est la tentative d’élargir cet espace entre cet être présent qui désire et les vêtements qui lui ont permis d’apparaître et d’exister. Il peut même s’agir - partiellement - de renouveler cette garde-robe.

    Le travail thérapeutique est en relation avec l’Impulse, la naissance, la naissance à soi-même dont on voit la nécessité physiologique. Il y a la force et le désir en l’être humain de naître à soi-même, d’exister le plus possible en accord avec lui-même. Ce désir d’être soi-même est à l’origine du travail thérapeutique et lui donne la force de s’accomplir. Dans ce sens, on peut dire que le travail thérapeutique est en lien avec ce que l’on appelle la « nativité », ce mot désignant la célébration d’une naissance mais aussi l’apparition dans le monde visible de ce qui était déjà là auparavant. La nativité est la célébration de la naissance d’un être déjà potentiellement là, dont l’apparition n’est que l’accession à une forme qui était déjà, ailleurs, pleinement accomplie.

    Il est remarquable dans le destin de l’humain que la base de notre existence, les moments premiers ne nous laissent aucune mémoire consciente. Et cela jusque tard, puisque nos premiers souvenirs se situent pour les plus tôt autour de l’âge de 18 mois, et généralement entre 2 et 4 ans. Où sont nos premiers sons, nos premières olfactions, où sont nos premières images ?

    Ainsi nous échappe la mémoire de ce que nous avons vécu dans l’utérus, des sensations de notre propulsion dans le monde aérobie, et même celle de nos premières années dans ce monde-ci.

    Est-ce là une partie de l’origine de ce qui pousse l’humain à savoir, à comprendre, à se transformer ?

    Dans ce processus de changement, de « renaissance », le corps joue un rôle, comme toujours, essentiel. Il est le lieu du souvenir possible. L’espace de la trace de ce qui nous est arrivé. Là où peut apparaître le pont entre avant et maintenant.

    En Analyse

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