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Pour sortir les allumettières de l’ombre: Les ouvrières de la manufacture d’allumettes E. B. Eddy de Hull (1854-1928)
Pour sortir les allumettières de l’ombre: Les ouvrières de la manufacture d’allumettes E. B. Eddy de Hull (1854-1928)
Pour sortir les allumettières de l’ombre: Les ouvrières de la manufacture d’allumettes E. B. Eddy de Hull (1854-1928)
Livre électronique300 pages3 heures

Pour sortir les allumettières de l’ombre: Les ouvrières de la manufacture d’allumettes E. B. Eddy de Hull (1854-1928)

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À propos de ce livre électronique

Qui étaient les « allumettières » de l’usine de pâte et papier E. B. Eddy de Hull ? De jeunes femmes exploitées ou des militantes syndicales engagées ?

Entre 1854 et 1928, ces ouvrières chargées de fabriquer 90 % des allumettes du pays ont exercé un métier éreintant et extrêmement dangereux en raison des risques d’incendie et des produits chimiques toxiques qu’elles manipulaient. Les conséquences furent désastreuses pour elles, et il n’est guère surprenant que ces femmes aient déclenché le tout premier conflit syndical féminin au Québec.

Dans cette première étude complète sur les allumettières de Hull, l’historienne Kathleen Durocher raconte la fascinante histoire de cette main-d’œuvre anonyme. Pour ce faire, elle met à contribution les recensements canadiens, les archives gouvernementales, privées et paroissiales, ainsi que de nombreux articles de revues scientifiques et de journaux à grand tirage.

Durocher dresse ainsi un profil démographique des allumettières et propose des sections dédiées à la vie quotidienne de ces femmes ; leur rôle au sein de la classe ouvrière ; leurs fonctions dans la manufacture ; leurs conditions de travail, les dangers de l’emploi (notamment ceux associés au phosphore blanc) ; et leurs activités syndicales, de 1918 à 1928 – lorsque l’usine a quitté Hull.

Tragique et inspirante, l’histoire des allumettières marque l’histoire de la région et du pays depuis plus d’un siècle, mais demeure trop peu connue. Avec ce livre, elle est enfin tirée des oubliettes.

LangueFrançais
Date de sortie11 mai 2022
ISBN9782760337299
Pour sortir les allumettières de l’ombre: Les ouvrières de la manufacture d’allumettes E. B. Eddy de Hull (1854-1928)
Auteur

Kathleen Durocher

Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en histoire de l’Université d’Ottawa, Kathleen Durocher est actuellement inscrite au doctorat en histoire à l’Université du Québec à Montréal. Elle s’intéresse principalement à la condition de la classe ouvrière hulloise, à la place des femmes dans celle-ci, ainsi qu’à l’activisme féminin. Ses recherches plus récentes portent sur la question des accidents de travail et des intoxications en milieu industriel.

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    Pour sortir les allumettières de l’ombre - Kathleen Durocher

    Cover: Pour sortir les allumettièresde l’ombre: Les ouvrières de la manufacture d’allumettes E. B. Eddy de Hull (1854-1928) by Kathleen Durocher.

    The text below the title shows the author name, Kathleen Durocher, and the text below it reads, Les Presses de l’Université d’Ottawa. background of the cover shows a painting of a woman wearing a hat and a dress with a bow tie. The right-side of the woman shows an illustration of a bird within a circle surrounded by a floral pattern. The left-side of the woman shows a statue of an angel holding a torch.

    POUR SORTIR LES ALLUMETTIÈRES

    DE L’OMBRE

    POUR SORTIR

    LES ALLUMETTIÈRES

    DE L’OMBRE

    Les ouvrières de la manufacture d’allumettes E. B. Eddy de Hull (1854-1928)

    Kathleen Durocher

    Les Presses de ­l’Université ­d’Ottawa

    2022

    logo: University of Ottawa Press.

    Les Presses de l’Université d’Ottawa (PUO) sont fières d’être la plus ancienne maison d’édition universitaire francophone au Canada et le plus ancien éditeur universitaire bilingue en Amérique du Nord. Depuis 1936, les PUO enrichissent la vie intellectuelle et culturelle en publiant, en français ou en anglais, des livres évalués par les pairs et primés dans le domaine des arts et lettres et des sciences sociales.

    www.presses.uottawa.ca

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

    Titre : Pour sortir les allumettières de l’ombre : les ouvrières de la manufacture d’allumettes E.B. Eddy de Hull (1854-1928) / Kathleen Durocher.

    Noms : Durocher, Kathleen, auteur.

    Description : Mention de collection : Études régionales | Comprend des références bibliographiques et un index.

    Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20210351896 | Canadiana (livre numérique) 20210361174 | ISBN 9782760337268 (couverture souple) | ISBN 9782760337275 (couverture rigide) | ISBN 9782760337282 (PDF) | ISBN 9782760337299 (EPUB)

    Vedettes-matière : RVM : Allumettes—Industrie—Personnel—Québec (Province) – Gatineau. | RVM : Travailleuses—Conditions de travail—Québec (Province) – Gatineau—19e siècle. | RVM : Travailleuses—Conditions de travail—Québec (Province) – Gatineau—20e siècle. | RVM : Travailleuses—Québec (Province) – Gatineau—Conditions sociales—19e siècle. | RVM : Travailleuses—Québec (Province)—Gatineau—Conditions sociales—20e siècle. | RVM : E.B. Eddy Company—Histoire.

    Classification : LCC HD8039.M282 C2 2022 | CDD 331.12962/508209714221—dc23

    Dépôt légal : Deuxième trimestre 2022

    Bibliothèque et Archives Canada

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Imprimé au Canada

    Équipe de la production

    Révision linguistique

    Pierrette Brousseau

    Correction d’épreuves

    France Beauregard

    Josée Therrien

    Mise en page

    Nord Compo

    Maquette de la couverture

    Lefrançois, agence marketing B2B

    Image de la couverture

    Femmes d’exception (hommage aux allumettières) de José Guénette (2020)

    A logo shows the following: S S H R C; three horizontal lines; and C R S H.

    © Les Presses de l’Université d’Ottawa 2022

    Tous droits réservés.

    Il est interdit de reproduire le contenu de la présente publication, de le transmettre sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, ou de l’emmagasiner dans un système d’extraction de reproduction, sans l’autorisation écrite préalable.

    Pour effectuer des photocopies ou tout autre type de reprographie, veuillez obtenir l’autorisation auprès de :

    Access Copyright

    https://fr.accesscopyright.ca/

    1-800-893-5777

    Droits de traduction et autorisations de reproduction :

    www.iprlicense.com

    Ce livre a été publié grâce au soutien d’une subvention de la Fédération canadienne des sciences humaines par l’entremise du Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

    Les Presses de l’Université d’Ottawa sont reconnaissantes du soutien qu’apportent, à leur programme d’édition, le gouvernement du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de l’Ontario, Ontario créatif, la Fédération canadienne des sciences humaines, par l’entremise du programme Prix d’auteurs pour l’édition savante et l’entremise du Conseil de recherches en sciences humaines, et surtout, l’Université d’Ottawa.

    logos: Ontario Arts Council, Canada Council for the Arts, Canada, University of Ottawa.

    Table des matières

    Liste des figures

    Liste des tableaux

    Préface de Michel Prévost

    INTRODUCTION

    CHAPITRE 1

    Les allumettières : femmes, travail et classe ouvrière à Hull

    1.1.Les femmes et la classe ouvrière hulloise

    1.1.1.L’industrialisation de Hull et la place des femmes sur le marché du travail

    1.1.2.Les travailleuses invisibles : problèmes et impasses dans l’utilisation des recensements

    1.2.Quels emplois pour quelles femmes ?

    1.3.Un portrait d’allumettières ?

    1.3.1.Les difficultés à cerner l’emploi féminin et le cas des allumettières

    1.3.2.Les femmes et l’organisation du travail à la E. B. Eddy

    1.4.Les « petites filles aux allumettes » canadiennes-françaises

    CHAPITRE 2

    Vie de quartier, vie de famille : une réalité à l’intérieur et à l’extérieur de la manufacture

    2.1.Les allumettières dans la cité industrielle

    2.1.1.La maison ouvrière

    2.1.2.Revenus comme support aux familles

    2.2.Liens familiaux et emploi à la fabrique d’allumettes

    2.2.1.Travailler en famille à la Eddy Match : l’importance du phénomène

    2.3.Le besoin de revenus supplémentaires des familles

    2.3.1.La famille et la protection des filles à la manufacture

    CHAPITRE 3

    Des allumettières d’exception : des ouvrières de carrière ?

    3.1.La carrière à la manufacture, une affaire d’homme ?

    3.2.Célibataires, veuves et même épouses : les travailleuses plus âgées

    3.2.1.Les femmes mariées et mères, et les veuves : rare, mais possible

    3.2.2.Les femmes célibataires : le cas des vieilles filles

    3.3.Le rôle des contremaîtresses : travailleuses et syndicalistes

    3.4.Les contremaîtresses : comment les distinguer ?

    CHAPITRE 4

    Létal et légal : le phosphore blanc dans la fabrication d’allumettes

    4.1.Le phosphore blanc dans la fabrication d’allumettes

    4.1.1.Les multiples dangers des allumettes au phosphore

    4.1.2.Le procédé de fabrication des « strike anywhere matches » et la vulnérabilité des travailleurs

    4.2.Documenter les dangers à la santé : de l’Europe au Canada

    CHAPITRE 5

    Interdire le phosphore blanc : de l’international au local

    5.1.Contexte international : les réglementations, la Conférence de Berne et les États-Unis

    5.1.1.Réglementations ou interdiction

    5.1.2.La Conférence de Berne

    5.1.3.Les États-Unis et le phosphore blanc

    5.2.Réglementer l’utilisation du phosphore à la Eddy

    5.3.Une interdiction canadienne : un premier échec (1911)

    5.4.Une interdiction canadienne : une deuxième tentative (1914)

    CHAPITRE 6

    Conditions de travail : risques, salaires et heures de travail

    6.1.Risques occupationnels et accidents de travail toujours présents et progrès notables

    6.2.Heures de travail et rémunération : le chemin tortueux des avancées

    CHAPITRE 7

    Le syndicat des allumettières de Hull (1918-1928)

    7.1.Un nouveau militantisme : l’Église et le syndicat

    7.1.1.L’Église et le processus de syndicalisation des allumettières

    7.1.2.Militantisme des allumettières : revendications et actions

    7.2.1919 : une première grève pour la reconnaissance syndicale et l’action militante

    7.3.1924 : appui populaire, victoires et défaite

    7.4.1924-1928 : la chute du syndicalisme et le départ de la manufacture d’allumettes

    CONCLUSION

    Bibliographie

    Sources

    Articles, monographies et chapitres

    Sites Web

    Annexes

    Annexe A :Liste des allumettières identifiées entre 1880 et 1920

    Annexe B :Tableaux supplémentaires

    Annexe C :Victimes de la nécrose maxillaire au Canada, selon les notes manuscrites de W. L. M. King et les débats de la Chambre des communes en date du 19 janvier 1911

    Index

    Liste des figures

    GRAPHIQUES

    Graphique 6.1.Salaire moyen hebdomadaire des allumettières, 1910 et 1920

    Graphique 6.2.Répartition des allumettières selon le gain annuel déclaré, 1920

    Graphique 6.3.Salaire moyen des allumettières selon l’âge, 1920

    FIGURES

    Figure 1.1.Panorama de la cité après le feu de 1900

    Figure 1.2.Étapes de la production d’allumettes dans la seconde moitié du xixe siècle

    Figure 1.3.La fabrique d’allumettes E. B. Eddy

    Figure 1.4.La fabrique d’allumettes dans les années 1920

    Figure 1.5.Le travail d’emballeuse d’allumettes, années 1920

    Figure 1.6.Des familles entières s’affairaient à fabriquer les boîtes d’allumettes à la maison, en dehors des heures de travail

    Figure 1.7.« La marchande d’allumettes » présentée dans Le Monde illustré de Montréal

    Figure 2.1.Quartiers de la ville de Hull, 1929

    Figure 2.2.Maisons ouvrières de Hull au début du xxe siècle

    Figure 2.3.La fabrique d’allumettes et les autres installations de la Eddy sont le terminus de nombreux travailleurs empruntant le tramway de la Hull Electric au début du xxe siècle

    Figure 3.1.Allumettier coupant les bâtons d’allumettes dans les années 1920

    Figure 5.1.La salle à manger de la E. B. Eddy Match

    Figure 5.2.Exemple d’une victime de la nécrose maxillaire

    Figure 5.3.« S’il les trouve, soyez sans crainte »

    Figure 6.1.La fabrique d’allumettes après le Grand feu de 1900

    Figure 6.2.La fabrique d’allumettes de la E. B. Eddy, 1928

    Figure 7.1.« Les officières du Conseil central des syndicats féminins. Au centre de la table, Mlle G. Cabana, présidente du conseil. »

    Figure 7.2.Char allégorique du syndicat des allumettières et des allumettiers à l’occasion de la Fête du Travail de 1924

    Figure 7.3.Fondation de la CTCC, 1921 : des allumettières figurent parmi les femmes se trouvant au centre de la photographie prise devant la Bourse du travail

    Figure 7.4.Les allumettières devant les bureaux du journal Le Droit, un allié précieux lors de la contre-grève de 1924

    Figure 7.5.Les allumettières devant la manufacture d’allumettes lors de la contre-grève de 1924

    Figure 7.6.« Toute la population sympathise »

    Figure 7.7.« En faveur des contre-grévistes »

    Figure 7.8.« La population est de plus en plus sympathique aux contre-grévistes »

    Figure 7.9.Ernestine Pitre, présidente du syndicat des allumettières en 1924

    Figure 7.10.Cours de couture offert aux syndiquées à la Bourse du Travail

    Figure 7.11.Allumettières de la Canada Match Limited au début des années 1930

    Figure 8.1.Femmes d’exception (hommage aux allumettières)

    Liste des tableaux

    Tableau 1.1.Nombre d’allumettières identifiées dans les listes nominatives des recensements, 1870 à 1920

    Tableau 1.2.Nombre d’allumettiers et d’allumettières à Hull selon les données officielles du recensement, 1870, 1880 et 1890

    Tableau 1.3.Répartition des allumettières de Hull selon l’âge, 1910 et 1920

    Tableau 1.4.Taux d’alphabétisation des allumettières de Hull, 1910 et 1920

    Tableau 1.5.Connaissance du français et de l’anglais des allumettières, 1910 et 1920

    Tableau 2.1.Nombre de personnes dans les maisons où habite au moins une allumettière, 1910 et 1920

    Tableau 3.1.Nombre d’allumettiers identifiés dans les listes nominatives des recensements, 1870 à 1920

    Préface

    Après la fermeture de la dernière fabrique d’allumettes à Hull, au début des années 1960, les faiseuses d’allumettes tombent peu à peu dans l’oubli. Malgré quelques articles comme ceux de Michelle Lapointe dans la Revue d’histoire de l’Amérique française sur le syndicat catholique des allumettières de Hull, 1919-1924 et de Raymond Ouimet sur l’incendie de l’Allumière Canada Match, le 15 mars 1933, dans Hull : mémoire vive, les chercheurs s’intéressent peu à ces actrices incontournables de l’histoire industrielle de Hull et de l’Outaouais.

    Toutefois, l’inauguration en 2007 d’un boulevard urbain entre le pont Alexandra et la route 148, dans le secteur Aylmer, à Gatineau, suscite un nouvel intérêt pour ces ouvrières des allumettes. En effet, l’importante artère porte le nom de boulevard des Allumettières. Ce toponyme, unique au Québec et au Canada, rappelle que l’ancienne ville de Hull est, entre 1854 et 1928, la capitale canadienne des allumettes et un haut lieu de la lutte des femmes pour améliorer leurs médiocres conditions de travail et obtenir une reconnaissance syndicale.

    Depuis, la Ville de Gatineau a enrichi sa toponymie avec la Bibliothèque Donalda-Charron, en l’honneur de la porte-parole du syndicat des allumettières lors de la grève à la E. B. Eddy Match en 1924, et la place des Contremaîtresses, pour ces femmes qui occupent un rôle stratégique au sein du système de travail dans la fabrique d’allumettes de la E. B. Eddy. Les contremaîtresses sont en plus les gardiennes de la morale des employées dont la majorité se trouve dans des conditions économiques précaires.

    Aujourd’hui, deux rues dans le projet Zibi, près des chutes des Chaudières, portent le nom d’une allumettière : Georgina Cabana, présidente de l’Association ouvrière catholique féminine de Hull, et Alzire Deschenes, victime de la nécrose maxillaire, une terrible maladie de la mâchoire causée par l’utilisation du phosphore blanc dans la fabrication des allumettes.

    Bref, les Gatinois découvrent peu à peu l’existence de ces femmes ayant joué un rôle capital dans le développement économique et dans le syndicalisme féminin à Hull et en Outaouais. Mais qui sont vraiment ces faiseuses d’allumettes, pour la grande majorité des adolescentes catholiques canadiennes-françaises, qui ont laissé très peu de traces de leur existence, même si elles ont marqué notre histoire.

    C’est ce que nous fait découvrir l’historienne Kathleen Durocher dans son livre remarquable Pour sortir les allumettières de l’ombre : les ouvrières de la E. B. Eddy Match (1854-1928). En effet, elle s’intéresse à ces femmes méconnues, nous présente leur famille, leur maison, leurs nombreuses difficultés ainsi que leurs luttes, leurs réussites, mais également leurs échecs. Elle s’arrête particulièrement aux conditions de travail, pas très roses, dans la fabrique d’allumettes de la E. B. Eddy qui constitue le plus grand employeur d’ouvrières à Hull.

    Durocher consacre deux chapitres sur le phosphore blanc, l’un sur l’utilisation néfaste de ce produit chimique dans la fabrication des allumettes et l’autre sur l’interdiction progressive de cette substance toxique, responsable de graves empoisonnements et de la nécrose maxillaire, une maladie qui défigurait des allumettières et pouvait même entraîner la mort. Malheureusement, les dangers de cette substance sont longtemps cachés par les fabricants sans scrupules.

    L’auteure nous apprend que le phosphore blanc est interdit en Europe dès les années 1870, notamment au Danemark et en Finlande, dès 1895 en France, en 1908 en Grande-Bretagne, en 1912 aux États-Unis et finalement en 1914 au Canada. L’historienne explique bien pourquoi le Canada s’avère un des derniers pays à bannir le phosphore blanc. Elle démontre aussi comment la E. B. Eddy Match, qui s’opposait vivement à son interdiction, tente de profiter de la disparition de ce produit maudit.

    L’auteure s’arrête également aux deux grèves, ou contre-grèves, à la E. B. Eddy Match en 1919 et en 1924. Par ailleurs, l’étude de Kathleen Durocher détruit certaines affirmations maintes fois répétées. En effet, le court conflit de 1919 n’est pas la première grève impliquant des allumettières au Canada et ne se révèle pas la première grève impliquant des femmes à Hull. Cela dit, leurs luttes jouent un rôle incontournable pour l’avancement de la place des femmes dans les syndicats, même si leur apport n’est pas toujours reconnu.

    Par ailleurs, l’historienne situe très bien les enjeux des grèves à la E. B. Eddy Match en 1919 et 1924. Plus surprenant, elle démontre que la victoire de la grève de 1924 n’en est en réalité pas une, car les contremaîtresses perdent rapidement leur pouvoir au profit des surintendants, la baisse des salaires est maintenue alors que plusieurs ouvrières syndiquées sont renvoyées et mises au chômage. Pire encore, après la grève, les allumettières désertent massivement le syndicat. Malgré tout, ces deux grèves des allumettières deviendront par la suite un exemple de valorisation pour les syndicats féminins.

    Cela dit, Kathleen Durocher constate tout de même que les quelques progrès observés à la fabrique de la E. B. Eddy Match résultent des actions du Syndicat catholique des allumettières.

    L’historienne gatinoise expose aussi l’antisyndicalisme de la compagnie qui refuse de reconnaître les syndicats féminins, manigance auprès de la Ville de Hull pour faire baisser l’évaluation municipale et menace de déménager en Ontario. À l’hiver 1928, la E. B. Eddy Match est vendue à l’International Match Corporation.

    Malgré de généreux avantages consentis par la Ville à la compagnie, le chantage devient peu après réalité lorsque les opérations de la fabrique hulloise déménagent à Berthierville, en Mauricie, et la direction à Pembroke, dans l’est de l’Ontario. Ce départ marque aussi la fin du syndicat des allumettières.

    Je tiens à féliciter très sincèrement Kathleen Durocher pour une recherche aussi minutieuse qui est appuyée par une bibliographie impressionnante et de nombreuses notes en bas de page. Pour la première fois, une historienne explore, grâce à des documents d’archives inédits, des volets peu connus de la vie des faiseuses ou travailleuses d’allumettes que l’on appelle maintenant les allumettières, ainsi qu’entre autres leur situation familiale, leur lieu de résidence et leur salaire. En fait, cette publication a le mérite de tracer un portait très humain de ces femmes de l’ombre.

    Ce livre, très bien écrit, est enrichi de plusieurs illustrations, graphiques et photos sur les allumettières, les bâtiments et la vie en manufacture. D’ailleurs, il n’est pas facile de trouver des photographies pour illustrer ces ouvrières des allumettes.

    L’intérêt de cet ouvrage repose également sur les annexes qui présentent les listes nominatives des allumettières selon les recensements canadiens de 1881 à 1921, l’emplacement des maisons où réside une allumettière à Hull et la liste des victimes de la nécrose maxillaire.

    Je tiens à remercier les Presses de l’Université d’Ottawa d’avoir accepté de publier ce livre dans la collection Études régionales. Ma gratitude s’adresse à Mireille Piché, responsable des acquisitions et à Lara Mainville, directrice des PUO, avec lesquelles nous avons eu le plaisir de collaborer pour assurer la publication de cet ouvrage en histoire.

    Il ne fait pas de doute que ce livre constitue un apport important pour la connaissance des allumettières, leur contribution au développement économique et à la syndicalisation féminine à Hull et en Outaouais.

    Somme toute, les allumettières sont restées beaucoup trop longtemps dans l’ombre, mais grâce aux écrits de Kathleen Durocher, nous connaissons maintenant beaucoup mieux leur existence, leurs liens familiaux, leurs conditions de travail à l’usine et leurs luttes constantes pour rendre leur travail moins pénible et surtout moins dangereux.

    Les faiseuses d’allumettes de la E. B. Eddy Match, un modèle de femmes courageuses dans un monde ouvrier largement masculin, méritent tout notre respect. En fait, cette étude exceptionnelle de Kathleen Durocher démontre à quel point il est important de mieux faire connaître les allumettières afin de s’assurer qu’elles ne retournent plus jamais dans l’ombre.

    Michel Prévost, M.A. D.U.

    Directeur de la collection Études régionales

    et président de la Société d’histoire de l’Outaouais

    Introduction

    L’histoire des allumettières de Hull se déroule alors que de grandes transformations s’opèrent dans la ville industrielle et dans le reste du pays. Pendant la deuxième moitié du xixe siècle, et plus particulièrement au cours des premières décennies du xxe siècle, les femmes jouent un rôle économique croissant en raison de la forte demande pour leur travail en manufacture. À Hull, peu de perspectives d’emploi s’offrent à elles en dehors du foyer avant l’arrivée de la E. B. Eddy Match Company. Son fondateur, l’américain Ezra Butler Eddy, un fabricant d’allumettes, quitte le Vermont pour s’installer à Hull au début des années 1850¹. Il choisit précisément cet emplacement en raison de sa proximité avec les ressources naturelles nécessaires à la production d’allumettes : le bois, le phosphore, l’énergie hydraulique et la main-d’œuvre. De plus, aucun brevet sur la confection d’allumettes phosphorées n’est reconnu au Canada, ce qui rend leur fabrication plus abordable qu’aux États-Unis². Établie au pied des chutes de la Chaudière, sa compagnie prospère rapidement.

    Dès lors, le développement industriel de Hull devient synonyme de la prospérité de

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