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Lâche l’affair
Lâche l’affair
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Livre électronique431 pages6 heures

Lâche l’affair

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À propos de ce livre électronique

Six mois après le dénouement de « l’affaire Baralando », Charline et Adèle sont appelées en renfort pour enquêter sur la disparition d’un élève du lycée Sainte-Croix, établissement bourgeois d’Aix-en-Provence.
Seulement voilà, les deux associées de « A&C Détectives » sont fâchées. Charline est en pleine crise existentielle et a décidé de tout laisser tomber, que ce soit le métier de détective ou ses études ; Adèle, elle, est infiltrée comme professeure de mathématiques à Sainte-Croix, et va faire équipe avec Renan, un charismatique commissaire de police.

Alors que l’affaire prend un tournant inattendu, les deux copines acceptent finalement de mettre leurs différends de côté, bien décidées à élucider cette disparition.
Charline, avec ses jeans pattes d’éph’ et ses baskets fluo, se retrouve alors élève de Terminale S, et les deux détectives nous entraînent à nouveau dans leurs histoires rocambolesques, pour notre plus grand bonheur.

« Lâche l’affair » est le deuxième opus des aventures de Charline et Adèle, série policière humoristique écrite à quatre mains. Dans un style moderne et enlevé, ce roman feel-good atypique raconte l’histoire de deux copines colocataires. L’écriture à deux voix (Charline prend vie sous la plume de Christelle Catarsi, et Adèle, sous celle d’Amélie Hurteaux) donne du pep au récit. Leurs différences de style, ainsi que l’alternance des points de vue, rythment le roman. Le duo fonctionne à merveille et fait des étincelles !

LangueFrançais
Date de sortie28 févr. 2022
ISBN9782370117182
Lâche l’affair

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    Aperçu du livre

    Lâche l’affair - Christelle Catarsi

    cover.jpg

    LÂCHE L’AFFAIR

    Une enquête de Charline et Adèle – Tome 2

    Christelle Catarsi et Amélie Hurteaux

    Published by Éditions Hélène Jacob at Smashwords

    Copyright 2022 Éditions Hélène Jacob

    Smashwords Edition, License Notes

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    © Éditions Hélène Jacob, 2022. Collection Humour. Tous droits réservés.

    ISBN : 978-2-37011-718-2

    À Nicole, un ange parmi les anges. Merci pour tout, et prenez soin de vous là-haut.

    Ce roman est une pure fiction. Toute ressemblance avec des faits ou des personnes ayant réellement existé serait totalement fortuite.

    Lumière depuis le matin, ça va chauffer pour Coin-Coin.

    Gilles Legardinier

    1 – Charline

    Dimanche 20 novembre 2016

    Le défilement des pylônes et des arbres sur l’autoroute a quelque chose d’hypnotisant. Je suis là, détendue et souriante, un peu inquiète aussi. Adèle ne me répond pas.

    Je rentre d’une semaine de vacances surprises avec mon chéri, Hector. Que de changements depuis qu’il est entré dans ma vie ! Cela fait six mois que nous sommes ensemble, depuis la fin de l’affaire Baralando, et j’ai l’impression de vivre dans un monde de douceur et de paix. Déjà, il est bricoleur. Très bricoleur. Moi, je monte un meuble Ikea, en quatre heures, à l’envers avec un tournevis en guise de marteau, et il me reste une dizaine de pièces, qui devaient très probablement servir à quelque chose, mais à quoi ? Alors je finis toujours par le découvrir, une fois que j’ai pris le meuble sur le nez, hein, mais il est trop tard. Quand je tire la chasse d’eau, je la casse. Avant Hector, elle serait restée pétée pendant des mois, Adèle avait mieux à faire, et moi je ne savais pas faire. Ben là, je suis revenue le soir, elle était réparée, comme ça, magie. Mes étagères s’achètent et se montent toutes seules. L’autre jour, il a même retapé ma cafetière à la coloc’ en deux minutes. J’ai changé de dimension, je suis passée d’un univers hostile à un univers beaucoup moins anxiogène. Et puis, il est super attentionné et compréhensif.

    Par exemple, la semaine dernière, on a fait une soirée avec Nounours, mon meilleur ami, et Linda ma super copine infirmière. Ils quittent tous les deux Marseille. Nounours part à Paris où il a trouvé un job de responsable informatique et Linda est tombée amoureuse d’un médecin qui bosse dans l’humanitaire et part au Cambodge pour huit mois. On avait envie de fêter ça. Il avait du boulot, il m’a juste dit « Amusez-vous bien » et c’était terminé. Le lendemain, il est passé me chercher à la coloc’ et il m’a emmenée une semaine à Val Thorens pour découvrir la montagne. Adèle avait préparé mes affaires en cachette. C’était trop mignon de leur part à tous les deux.

    On a pris la route et c’était génial. Il a fait beau presque tous les jours. Il nous avait réservé une cabane dans un arbre. Mon rêve de gosse. On a fait de la rando, j’ai bronzé avec le soleil et il a même neigé dans la nuit. On s’est réveillés, tout était blanc, le temps était comme suspendu. J’ai adoré la sensation de flotter au-dessus d’un monde immaculé et silencieux. Nous sommes partis pour faire une activité surprise, il avait décidé de m’apprendre à skier. C’est quoi, cette idée complètement incongrue ? Alors pour être clair, ça a été un fiasco sans nom. Il m’a fallu dix bonnes minutes pour chausser les skis, j’ai senti mes pieds glisser, mes genoux se plier puis se tordre avant de m’affaler dans la neige. Je croyais que la neige, c’était doux et moelleux. Que nenni. Ça fait hyper mal ! Et après trois chutes, dont deux alors que j’étais immobile, on a décidé d’arrêter les frais. J’ai un hématome sur la hanche qui fait la moitié de ma main.

    D’ailleurs, je sens une douleur qui me vrille la fesse. J’ai dû trop m’appuyer dessus.

    — Ça va, ma chérie ?

    Hector est au volant, il pose sa main sur mon genou.

    — Oui, oui, j’ai juste fait un faux mouvement.

    — C’est sûr que le ski, ce n’est pas très Charlineproof comme sport.

    Charlineproof, c’est le mot qu’Hector a inventé pour parler de tout objet ou activité qui serait adapté à ma maladresse. Et je dois bien avouer qu’il n’y en a pas tant que ça. On a réussi à faire de la luge, mais c’était lui qui conduisait, qui freinait, et moi qui tremblais.

    Grâce à cette stabilité, nouvelle pour moi, j’ai pris de grandes décisions.

    D’abord mes études, j’ai été recalée au master. En juin, j’étais encore trop sous le choc Baralando, et même en bossant tout l’été pour les rattrapages de septembre, ça n’a pas suffi. Du coup, j’abandonne.

    Mes parents ont pété un plomb, surtout mon père qui ne jure que par la sécurité. Il est assureur, il passe son temps à me parler des risques. « Si tu dépasses les limitations de vitesse et que tu renverses quelqu’un, tu paieras toute ta vie, tu te rends compte des risques ? » et ça, décliné à toutes les sauces. L’alcool, risqué. Sortir le soir, risqué. Cannabis et autres stupéfiants, risqué et illégal. Manger gras et sucré, risqué. Donc, conditionnée par ces injonctions, je conduis doucement, je mange sainement et je ne touche ni à la drogue ni à l’alcool. Risqué.

    C’est pour ça que je ne comprends pas ce qui m’a pris quand j’ai décidé de suivre Adèle dans son idée d’agence de détectives. Mais là, c’est fini. J’ai tout plaqué, y en a marre des études, du boulot de détective. J’ai décidé de tout laisser tomber pour faire de l’intérim, glander et me recentrer sur moi. Je m’offre une année de répit.

    Je n’ai pas encore dit clairement à Adèle que je lâchais le boulot de privée. Je ne sais pas comment je peux lui annoncer ça, vu que ça a l’air d’être la seule chose à laquelle elle s’accroche. Arrêter notre collaboration professionnelle pourrait changer notre amitié. Et j’y tiens, à notre amitié, mais pas au prix de ma santé mentale. Détective, finalement, c’est comme policier, mais en pire ; tu ne dors pas, tu n’as pas d’armes pour te défendre et personne sur qui compter vraiment. En dehors d’Adèle, bien sûr !

    Adèle. Elle ne m’a toujours pas répondu. Pourquoi ?

    C’est la première fois que je la laisse seule depuis six mois. J’ai été traumatisée par l’affaire Branlo, j’ai fait des cauchemars jusque très récemment et j’ai uniquement été enfermée dans une cave qui sentait la crêpe. J’ose à peine imaginer la tête que j’aurais si on m’avait enlevée, battue et séquestrée dans un vieux local puant. Et c’est ce qu’Adèle a subi. La pauvre.

    J’ai fait tout ce que j’ai pu pour la soutenir dans cette épreuve, mais elle refuse d’aborder le sujet. Elle s’est refermée. Elle m’a dit qu’elle était suivie par une psy et j’ai l’impression, de temps en temps, de voir une petite étincelle briller au fond de ses yeux. J’espère que je vais vite récupérer mon Adèle, la vraie, l’éternelle rêveuse romantique enjouée et enthousiaste.

    Mon téléphone vibre.

    « T’es là bientôt ? »

    Ouf, soulagement, elle est en vie. Je lui ai envoyé un texto toutes les quatre heures tous les jours pour vérifier qu’elle allait bien. Et là, ça faisait sept messages qui étaient restés sans réponse.

    « J’arrive dans dix minutes. »

    Lorsque Hector s’arrête enfin devant l’immeuble où je vis avec Adèle, je commence à sentir l’appréhension. Et si elle n’allait pas mieux ?

    Tout à mes réflexions, je n’ai pas vu qu’Hector a sorti mes bagages et ouvert la porte.

    — Je te laisse à tes retrouvailles avec ta copine.

    Il me serre dans ses bras, m’embrasse et remonte dans la voiture.

    J’appelle l’ascenseur et lui fais un signe de la main. Alors que la porte coulisse, je m’avance pour entrer. Une dame d’un certain âge est déjà à l’intérieur. Je recule pour la laisser passer. Ce faisant, je trébuche sur ma valise et me retrouve assise sur les fesses, sous les yeux de la voisine. Elle hésite une seconde, puis, voyant que je ne suis pas blessée, sauf dans mon ego, bien sûr, éclate de rire.

    — Alors, Mademoiselle, on ne touche pas terre ?

    Elle ne croit pas si bien dire. Je suis toujours un peu perchée au naturel, je le suis encore plus lorsque je suis avec Hector. Je lui souris sans prendre la peine de répondre et m’engouffre dans la cabine. Dans le miroir, j’ai l’air rayonnante et pleine de joie, je me mets à sautiller avant de me rappeler que je n’aime pas les ascenseurs et que si je remue, je risque de le bloquer. Mon inquiétude pour Adèle s’est évanouie.

    ***

    Lorsque je passe la porte, Adèle se lève, elle m’a manqué ! Je suis tellement contente de la voir. Je la serre dans mes bras.

    Elle a l’air en meilleure forme. Je suis contente de voir que nous sommes toutes les deux dans une bonne dynamique. Je me suis angoissée pour rien, finalement.

    — On a eu plein d’appels. J’ai même dû refuser des affaires pour ne garder que les plus intéressantes, enfin, surtout une qui a l’air d’être un gros dossier.

    Au moins, elle a de quoi s’occuper.

    — Cool ! Vas-y, raconte !

    — J’ai eu un coup de fil d’un proviseur de lycée qui a besoin de nous pour une histoire de bizutage qui a mal tourné apparemment.

    — Genre ?

    — Je sais pas encore, on le rencontre demain, le gars. Et tu vas rire, il m’a dit, pour qu’on puisse le reconnaître, qu’il était plutôt petit et qu’il arriverait à moto.

    — Le sort s’acharne ! Tant qu’il a une femme normale, moi, ça me va…

    — Tu veux un thé ?

    — Carrément !

    — Et toi, ces vacances ?

    — C’était génial, tu ne trouves pas que j’ai meilleure mine ?

    Je tourne sur moi-même, elle me lance un regard dubitatif. C’est sûrement trop subtil, et Adèle, elle, ne repère pas ce genre de subtilité.

    Elle commence à servir le thé et je regarde sa bague, le motif me rappelle quelque chose. C’est vrai qu’elle m’a parlé de sa bague papillon pendant des jours. Bon, faut quand même que je lui dise, c’est maintenant ou jamais. Par où commencer ? Pour le moment, je n’ai pas eu besoin de me dévoiler parce qu’on n’a pas eu beaucoup d’affaires et qu’elle les a gérées seule. Je suis interrompue dans mes pensées par un détail. Je regarde à nouveau le papillon, l’image d’Adèle dans le jardin de Branlo avec Daisy qui hurle « C’est quoi, cette marque de papillon sur ton dos ? » s’impose à moi. Non, je dois me tromper, ce n’est pas possible, c’est mon amie, elle n’a pas pu faire ça…

    — ADÈLEEEE !

    — Ben quoi ?

    — Ta bague !

    — C’est ma bague papillon…

    Elle est à la fois gênée et étrangement détendue. Moi, pas du tout.

    — Putain, tu n’as pas pu faire ça !

    Adèle s’est empourprée.

    — Euh, Charline, je vais t’expliquer…

    Elle ne nie même pas.

    — C’est ça, ouais, vas-y, je meurs d’envie d’entendre tes justifications fumantes.

    — En fait, je ne sais pas comment c’est arrivé… Au début rien et puis… POUF !

    — Ben voyons ! Vous étiez tous les deux habillés, et là, c’est la boulette, l’accident bête ?!

    « Oups, désolée, Monsieur, je crois que nous sommes tout nus, l’un sur l’autre, à l’insu de notre plein gré… » Tu es au courant que toi sur/sous lui – putain, même pas je veux l’imaginer ! – pendant plusieurs minutes, c’est long pour un « accident » ? Mais c’est pas possible ! Tu sais, un accident, c’est un truc qui se passe en quelques secondes, un événement fugace. Là, ce n’est pas du tout de ça que nous parlons !

    Je suis hors de moi, tout le bénéfice de mes vacances est mort, parti loin, loin, comme un putain de papillon.

    — Je te trouve vraiment dure et vulgaire pour le coup !!

    — Ben, ouais, bien sûr, c’est vulgaire ! Moins que de le vivre, je suppose ! Tu m’étonnes que je n’aie pas réussi mon enquête ! C’était toi ! Tout ce temps, j’ai douté de moi, alors que c’était toi !

    Je sens que des larmes de frustration, de déception, roulent sur mes joues. Mon visage est brûlant.

    — Charline…

    — NON ! Tu as piétiné les règles. Tu as eu des rapports avec un mec lié à notre affaire… Et qui était marié à une harpie qui aurait pu t’arracher les yeux, juste pour le plaisir ?

    — Charline, c’était vraiment pas prémédité, j’te jure !

    — Gnagnagna, pas prémédité c’est ça, ouais ! J’me casse, je vais te péter les dents !

    Je n’en reviens pas ! Comment Adèle a-t-elle pu me faire un coup pareil ? Moi qui lui faisais confiance ? Je me sens tellement trahie ! Une rage sourde cogne dans mon ventre. J’ai envie de casser un truc, faut que je libère cette émotion, elle est trop grande pour moi.

    J’entre dans ma chambre, claque la porte en faisant trembler les murs. La moitié de mes bouquins tombent des étagères, l’un sur mon épaule, l’autre sur mon orteil.

    — Aïe ! Merde !

    Je crie de douleur.

    — Charline ? Ça va ?

    La voix d’Adèle est chevrotante et montre une inquiétude sincère. Je n’ai pas du tout envie de lui donner le moindre crédit actuellement.

    — Laisse-moi tranquille, ne me parle pas, c’est un conseil ! Et dégage de ma porte !

    J’entends Adèle s’éloigner en sanglotant. C’est ça, qu’elle pleure. J’attrape Bobby, mon plus gros chien en peluche. D’habitude, je le serre dans mes bras pour me réconforter, mais là, je le bourre de coups de poing rageurs. Elle a dépassé, non pas une ligne, mais dix-huit ! La confiance, le mensonge, la connerie… Sans nom, la connerie ! Et tout à coup, tout me revient. Le soir où elle pleurait, complètement pétée, ce n’était pas de la sensiblerie, c’était parce qu’elle avait compris qu’elle était découverte. Et son délire de partir de nuit, c’était pour sauver son amant. Je saisis mieux qu’elle n’ait pas supporté. Elle m’a menti. Pendant des mois, elle m’a menti. Je ne peux pas lui faire confiance. J’ai mis ma vie en danger pour quoi ? Pour qui ? Une menteuse ! Elle aurait pu me le dire ou, mieux, elle aurait pu garder sa culotte et, comme ça, elle ne m’aurait pas menti.

    Je prends mon livre de communication non violente.

    « En cas de crise, isolez-vous un peu et ensuite discutez-en avec elle à tête reposée. »

    M’isoler ? Discuter ? Mais bien sûr, je meurs d’envie de faire une session de communication non violente avec un bâton de parole… Je vais lui faire bouffer son bâton de parole !

    « Faites une activité pour vous, qui vous permettra d’avancer dans vos objectifs personnels. »

    Je regarde autour de moi et je réalise que je n’ai aucun objectif. Plus de but professionnel, je sais que je ne veux pas être diététicienne, ni détective, ni serveuse, ni prof. En fait, quand j’entends Hector parler de ses élèves avec ses collègues, j’ai l’impression qu’ils évoluent dans un monde parallèle et je suis convaincue que je n’aurais pas la patience. En plus, il doit préparer les cours, corriger les copies, aller à des réunions avec des parents bourgeois et surprotecteurs. Non, tant pis pour Maman, je n’irai pas revivre mes années lycée pendant les quarante prochaines années, sécurité de l’emploi ou pas. Le seul ancrage sérieux que j’ai, c’est Hector, et c’est tout. « Ou faites de la méditation ». Je m’assieds sur mon lit en tailleur, fais quelques respirations et commence à compter lentement dans ma tête 9, 8, 7… prendre du recul 6, 5… me concentrer sur mes objectifs, lâcher prise 4… Et puis merde !

    Je saisis une feuille de papier, un stylo. Vengeance !

    Elle a joué avec moi, elle a trahi ma confiance ? Je vais faire de sa vie un enfer. Œil pour œil, dent pour dent. J’espère qu’elle souffrira autant que je souffre. Plus, même ! Et, au moins, je n’ai plus le poids de mon abandon du boulot de détective sur mes épaules. Tout est de sa faute maintenant.

    Ainsi, commence ma Lettre à Adèle. C’est un peu comme La Lettre à Élise, une sorte de symphonie, une symphonie de colère, de ressentiment et d’amertume.

    Si tu lis cette lettre, c’est que je ne me suis pas calmée.

    Si tu lis cette lettre, c’est que je ne t’ai pas pardonné.

    Quand est-ce que tu as pu un seul instant penser que trahir ma confiance pour un gros con, un criminel sans scrupules, serait sans conséquence ?

    Comment peux-tu prendre ta trahison avec autant de désinvolture ? Tu crois que ce gars était un de tes nombreux coups Tinder comme les autres, c’est ça ?

    Une fille qui a le feu aux fesses comme toi pourrait mieux choisir, c’est indéniable ! Utiliser ton cerveau peut-être ? Non, parce que, faire des statistiques sur tes chances de conclure ou la taille du pénis de tes conquêtes, ça ne me paraît pas suffisant.

    Apprendre à garder les jambes serrées avec les mecs impliqués dans nos enquêtes, ça me semble la base de la base.

    Alors, pour le moment, ta gueule, je ne veux pas la voir. Je dormirai ici les mardis, jeudis et samedis et un dimanche sur deux. Et débrouille-toi pour ne pas me croiser.

    Ton rendez-vous avec le gars à moto, là, ben tu le feras toute seule, tu as qu’à imaginer une copine imaginaire, tu en as de l’imagination, de toute façon. Et il va t’en falloir pour t’inventer une amie sans moi… Je ne te pardonnerai JAMAIS !

    Charline

    2 – Adèle

    Six semaines plus tard

    Règle numéro 1

    Je suis une fille super. Je suis belle, drôle, intelligente, créative, sociable et gentille – et modeste, avec ça.

    Règle numéro 2

    Tout homme qui ne se rend pas compte de la règle numéro 1 n’est pas digne que je m’intéresse à lui.

    Règle numéro 2 bis

    Tout homme qui s’en rend compte, puis qui, d’une façon incompréhensible, change d’avis en me jetant comme une vieille chaussette est un gros loser.

    Règle numéro 3

    Quand je sens qu’une personne est bizarre ou que certaines choses me font tiquer, je pars en courant.

    Règle numéro 4

    Je ne m’approcherai plus jamais d’un homme bizarre, paumé, condescendant, avec une vie de merde, avec un prénom qui commence par S ou T, avec un casier judiciaire ou lunatique.

    Règle numéro 5

    Si la situation est compliquée, je lâche l’affaire de suite.

    Règle numéro 6

    Jamais plus je ne douterai de moi.

    Règle numéro 7

    Si, toutefois, un homme ne correspondant pas aux règles numéro 2, 2 bis, 3, 4, et 5, semble s’intéresser à moi, le laisser faire et attendre que les sollicitations viennent de lui.

    Règle numéro 8

    Je suis adulte, donc je fais ce que je veux.

    Règle numéro 9

    Je ne douterai pas de mon intuition. Jamais. Never ever.

    Règle numéro 10

    Je ne coucherai plus avec un homme avant d’avoir enlevé ma bague papillon.

    ***

    J’ai bien bossé, non ? Ce sont mes nouvelles règles de vie. Reste à mettre tout ça en application. Je m’y attelle dès que j’aurai géré le « cas Charline ». Parce que, oui, là c’est vraiment la misère. Elle a compris l’histoire de la bague avec Baralando, tout ça, et elle ne m’adresse plus la parole depuis.

    OK, j’ai malencontreusement couché avec le mauvais type, j’en conviens. OK, c’était une faute professionnelle. OK, j’ai omis de le dire à Charline, mon amie, colocataire et associée. OK, le type était marié. OK, sa femme était ma cliente. Mais Charline a complètement surréagi. Elle m’a écrit une lettre, une espèce de Scud hyper violent. J’en ai pleuré pendant dix jours. En gros, elle m’explique que je suis une marie-couche-toi-là. Franchement, je veux bien avoir tous les défauts du monde, mais, avec la quantité de râteaux que j’ai collectionnés depuis que je suis en âge de m’intéresser aux hommes, je fais clairement baisser les statistiques du nombre de partenaires sexuels par personne au cours d’une vie. Ça ne lui est pas venu à l’idée que j’avais pu avoir des sentiments pour Baralando et que j’avais été atrocement malheureuse quand j’avais compris que c’était un criminel. Oui, c’est vrai, il était gros ET loser, mais on ne choisit hélas pas de qui on tombe amoureuse. En plus, elle m’a reproché d’être allée sur Tinder alors que c’est sur Meetic que j’avais ouvert un compte. Rien à voir ! Les mots de Charline sont injustes.

    Du coup, elle a décrété d’un accord unilatéral qu’on ne se croiserait plus à l’appart. Une « coloc alternée », en quelque sorte. Hyper pratique. Elle, au moins, elle peut aller dormir chez Hector, et, au pire, elle a ses parents, mais moi, quand elle est là, je dois squatter chez Pierre, Paul ou Jacques – façon de parler –, en l’occurrence souvent chez ma copine Magali. En plus, c’est pas possible de dormir à l’agence. Enfin, dormir, si, mais depuis que Charline a maladroitement sectionné le flexible de douche, il y a un gros problème de dégâts des eaux.

    Y’a même une nuit que j’ai passée dans ma voiture. Heureusement que j’ai échangé la Twingo contre une Coccinelle, c’est quand même plus spacieux. Aussi peu discret – on ne change pas une équipe qui gagne –, mais plus spacieux. Évidemment, j’aurais pu rendre mes clés et résilier le bail. J’y ai vraiment pensé – le soir où j’ai dormi dans ma voiture, justement –, mais je ne l’ai pas fait pour deux raisons : d’abord, j’ai espoir que Charline retrouve une forme de « juste mesure » et s’excuse pour la lettre. C’est quand même aussi mon associée chez A&C Détectives, donc ça me tient à cœur qu’on se rabiboche. Ensuite, parce qu’on a eu trop du bol de trouver un appart au Roucas blanc, avec des poutres, une cheminée, et une terrasse tropézienne avec vue sur la mer. Même que si on se tourne de cent cinquante degrés, qu’on se hisse sur la pointe des pieds, on aperçoit la Bonne Mère. Donc je ne vais certainement pas aller m’installer dans un studio pourri à cinq cents euros par mois dans un quartier moisi. Et puis je me dis que, comme dans la chanson de Keen’V, philosophe des temps modernes, « un jour j’irai à Tahiti, c’est là que je vivrai ma meilleure vie ». Et moi, c’est mon rêve depuis toujours de partir à Tahiti.

    Mais en attendant, ça m’affecte beaucoup cette situation, surtout que, par voie de conséquence, je dois assurer seule notre activité de détectives. Je me suis consolée, de ce point de vue là, en me disant que ça arrive même aux meilleurs de devoir se passer de son coéquipier : par exemple, il y a en maths une « formule de Kœnig-Huygens », du nom de deux mathématiciens, qui donne un moyen – hyper pratique – de calculer la variance d’une variable aléatoire en probabilités, et puis, pouf, pour la covariance, y’en a un qui s’est retrouvé tout seul, et ça s’appelle juste « formule de Huygens ».{1}

    Quoi qu’il en soit, j’ai du grain à moudre, et ça a le mérite de me changer les idées. J’ai accepté d’enquêter sur la disparition d’un élève scolarisé à Sainte-Croix, un lycée « chicos » d’Aix-en-Provence. À l’origine, c’est le proviseur, monsieur Filipetti, qui m’a mise sur l’affaire, craignant visiblement pour la réputation de son établissement. Dorian Barlin, un lycéen de terminale, plutôt beau gosse, musclé, bronzé, a disparu mystérieusement le 2 novembre après une soirée bien arrosée et bien chargée en produits… disons… illicites. Le proviseur est persuadé qu’il s’agit d’un bizutage. La famille avait d’abord pensé à une fugue et n’a signalé sa disparition que quarante-huit heures après. C’est moi où ça sent les parents pour qui leur progéniture n’est pas une priorité ?

    Du coup, ça fait presque un mois que je bosse avec la police. Enfin, pour être plus précise, je bosse avec Renan Caverzaghi, le commissaire – le chef, quoi – de la 2e DPJ de Marseille. Ça pète, hein ? Mais je sais très bien que si le lycéen disparu n’était pas le fils d’une des plus grosses fortunes de la région, l’enquête aurait été confiée au troufion de base – euh, pardon, au gardien de la paix de base –, et qu’on ne m’aurait pas engagée en renfort.

    Enfin, en renfort, façon de parler. C’est Renan qui dirige l’enquête, et moi, j’essaie d’apporter mon aide et ma touche personnelle. La « Adèle touch » consiste à enseigner les maths dans le lycée en question, histoire d’observer les comportements des élèves, des profs, ou de tout ce qui me paraîtrait suspect. Dit de façon plus smart : j’ai infiltré l’établissement. Grâce à mon diplôme d’ingénieur en statistiques, j’ai récupéré, sans trop que ça fasse parachutée, la classe de terminale ES dans laquelle était scolarisé Dorian.

    Mais, pour être honnête, je patauge un peu dans cette histoire de disparition. Il faut croire que le succès de l’affaire Baralando, c’était la chance du débutant. Et plus le temps passe, plus je suis inquiète quant au dénouement de cette affaire. Un jeune de 18 ans dont on est sans nouvelles depuis un mois, ça sent franchement pas très bon. On ne peut pas exclure qu’il ait fait main basse sur l’assurance-vie de son père – actionnaire dans une entreprise qui fabrique du whisky – et qu’il soit parti à Tahiti – justement – se faire bronzer la couenne avec la première blonde à forte poitrine venue. Mais ça m’étonne beaucoup. Pas une photo Instagram postée depuis, pas un SMS envoyé. Nada. Rien.

    La police a interrogé sa famille, tous ses profs, tous ses copains, dont, évidemment, ceux présents à cette fameuse soirée. Il en est ressorti que Dorian était plutôt livré à lui-même, pas très porté sur sa réussite scolaire – euphémisme –, car persuadé de prendre la suite de papa, et qu’il n’avait pas de petite amie « fixe ». À l’internat, il n’était jamais le dernier à planquer de l’alcool et de la beuh dans sa chambre. Quant à la soirée, qui s’est déroulée à l’extérieur de l’établissement, une dizaine d’autres lycéens l’y ont vu, lui ont dit « au revoir » quand il a été temps de se disperser. Et puis plus rien.

    J’ai lu, relu, en long, en large et en travers tous les PV d’audition – rédigés avec une aisance orthographique toute relative, d’ailleurs… Charline en aurait fait une crise d’urticaire géante –, toutes les notes de l’enquête de police, et je n’ai absolument rien trouvé qui me mette sur une piste. Je dois bien reconnaître que mon associée/copine me manque. Ce qui avait fait notre force dans l’affaire Baralando, c’était notre complémentarité. Quand l’une d’entre nous était dans l’impasse, l’autre avait forcément une idée, et réciproquement. Et puis, surtout, on rigolait bien.

    Heureusement, je rends compte directement à Renan. Il est top comme chef. À peu près la quarantaine, toujours sympa, toujours une petite note d’humour, toujours capable de prendre les bonnes décisions, toujours juste, et très charismatique. Tout le monde l’adore, au commissariat. En plus, il a un physique de chef : un mètre quatre-vingt-quinze au garrot, taillé façon rugbyman. Malgré ses grands yeux rieurs et ses épais cheveux bruns, je ne dirais pas que je le trouve fondamentalement beau, sans doute parce qu’il est différent de mon idéal masculin – encore qu’après Baralando, en ai-je vraiment un ? Depuis que je bosse avec lui, tout est fluide, sans accrocs. On se comprend à demi-mot et on a exactement la même façon de réfléchir, ce qui est assez fou, d’ailleurs. Du coup, avec lui, je me sens complètement en confiance.

    3 – Adèle

    Lundi 9 janvier 2017

    Aujourd’hui, en sortant du lycée, j’ai pris la route des Baumettes. Oui, la prison. OK, j’ai craqué et j’ai demandé à mon copain JJ – l’avocat guitariste par qui on avait eu l’affaire Baralando – de m’obtenir un parloir avec Tristan. J’ai été tellement malheureuse, à l’époque, d’une part d’avoir compris que « Branlo », comme l’avait ironiquement rebaptisé Charline, n’était pas exactement l’homme respectable qu’il prétendait être, et d’autre part de ne plus pouvoir le voir. Après des mois de psychothérapie à travailler sur cet épisode de ma vie, j’avais réussi, malgré tout, à aller de l’avant. Ou plutôt à planquer tout ça sous le tapis, comme on dit. Et puis, la brouille avec Charline a complètement rebattu les cartes. Elle m’a à nouveau parlé de lui, de cette fameuse bague, et je me suis repris en pleine face tous les souvenirs de ma relation avec Tristan, éphémère, certes, mais non moins intense. Après tout, les grandes histoires d’amour naissent toujours de circonstances particulières. Charline a beau minimiser, si ça se trouve, c’est l’homme de ma vie, et je ne voudrais louper ça pour rien au monde. J’ai donc décidé qu’il était temps de dire à Tristan à quel point je l’avais aimé. Et puis, peut-être qu’il a encore des sentiments pour moi ? Alors, certes, il est un petit peu enfermé entre quatre murs, mais c’est juste un détail d’ordre « pratique ». L’intérêt que j’y trouve, c’est que j’irai le voir quand je veux, mais aussi que je pourrai continuer à mener ma vie de mon côté, avec l’agence de détectives, mes copines, etc. Tous les avantages du couple sans les inconvénients, en fait !

    Arrivée chemin de Morgiou, je trouve assez facilement une place. J’ai mon filet d’oranges sur le siège passager, je me suis habillée classe, mais pas too much, et un peu maquillée pour faire ressortir mes yeux. Mon brushing est impeccable, c’est suffisamment rare pour être souligné.

    Une fois devant l’entrée, je me retrouve au pied d’une immense porte verte, en haut de laquelle sont placées de multiples caméras. L’expression « sympathique comme une porte de prison » prend d’un coup tout son sens. Avant que j’aie eu le temps de sonner dans le vidéophone, une petite partie de la grande porte s’ouvre – une sorte de petite porte dans la grande –, et un homme en sort, il est tout tatoué, avec un baluchon. Il me regarde fixement et m’adresse son plus beau sourire, avec des dents toutes jaunes au

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