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Mon chemin vers les sept sommets du monde
Mon chemin vers les sept sommets du monde
Mon chemin vers les sept sommets du monde
Livre électronique417 pages6 heures

Mon chemin vers les sept sommets du monde

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À propos de ce livre électronique

« J’avais peur de la Hillary Step, la partie la plus difficile de l’Everest. Je ne savais pas pourquoi, mais j’avais peur de ne pas la franchir avec succès.
Effectivement, et comme je l’ai senti, c’est arrivé. Au moment où j’ai commencé à descendre la Hillary Step, et comme je ne voyais pas clairement, j’ai mis mon pied au mauvais endroit et j’ai glissé. Il n’y avait personne avec moi, mon sherpa était bien loin devant. J’ai commencé à crier, mais il était si loin qu’il ne m’entendait pas, surtout que le vent soufflait très fort. J’ai essayé alors de bien tenir la corde pour monter, mais c’était très difficile. Je voyais la mort devant mes yeux.
Je ne savais pas si j’allais survivre ou pas. Le film de ma vie s’est défilé devant mes yeux en une fraction de seconde. Je n’ai pensé ni à mon mari ni à ma fille, je me suis simplement dit : « Dommage que je ne pourrai pas raconter mon histoire au monde ».
Bouchra Baibanou.
LangueFrançais
Date de sortie15 oct. 2021
ISBN9782312085920
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    Aperçu du livre

    Mon chemin vers les sept sommets du monde - Bouchra Baibanou

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    Mon chemin vers les sept sommets du monde

    Bouchra Baibanou

    Mon chemin vers les sept sommets du monde

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2021

    ISBN : 978-2-312-08592-0

    A ma famille

    A mes amis

    Avant-propos

    Vous entendez souvent dire que nous regrettons les choses que nous ne faisons pas, plus que les choses que nous faisons. En repensant à mon aventure des sept sommets du monde, cette croyance prend surface à travers chacune des expériences que j’ai vécues durant mon chemin.

    Je me souviens de ma lutte pour faire face à tous les stéréotypes sur la femme musulmane en général et la femme arabe en l’occurrence ; de ma quête désespérée auprès des sponsors pour trouver le financement pour mon projet.

    Je me souviens du froid glacial et la difficulté à tirer mon lourd traîneau à Mt Denali en Alaska. Je me souviens du vent très fort sur le Mt Aconcagua et de mon envie de renoncer au projet. Je me souviens de mon combat de survie pour atteindre le toit du monde Mt Everest et la douleur insupportable que provoquaient les gelures (frostbites) aux doigts de mes mains. Je me souviens des fortes tempêtes en Antarctique pour gravir le Mt Vinson.

    Quand j’y pense, je ne garde en mémoire que les souvenirs des magnifiques paysages que j’ai vus, les beaux levers de soleil, l’immensité de la montagne et les paysages grandioses, les belles rencontres que j’ai faites, les sentiments de gratitude, de liberté, d’humilité et d’accomplissement à chaque fois quand j’atteins un sommet, ma fierté de lever si haut le drapeau marocain et le Coran.

    Sur mon chemin, il y a eu beaucoup d’erreurs, il y a eu beaucoup d’échecs, il y a eu des peurs et des doutes. Mais les leçons que j’ai apprises méritent tous les sacrifices que j’ai faits.

    Pourquoi ce projet des sept sommets du monde ? Pourquoi tous ces sacrifices et ces challenges ? Quelle est la vérité profonde que j’étais en train de chercher dans tout ce que je faisais ?

    Ce qui est sûr, la passion était le leitmotiv qui me faisait avancer.

    Kilimandjaro, Elbrus, Aconcagua, Denali, Carstensz, Everest, Vinson, ces montagnes, je ne savais même pas où elles se situaient avant. Et pour être honnête, je ne savais même pas c’est quoi l’alpinisme lorsque j’ai commencé par le Kilimandjaro.

    Chaque montagne m’a enseigné une leçon. La montagne était l’école qui m’a permis de découvrir mon potentiel et ma force. La montagne était mon maître spirituel qui m’a permis de me connecter à l’énergie divine qui est Dieu. La montagne était mon amie qui me soulageait et me donnait un sens à ma vie. Mais pour accueillir toutes ces leçons, il fallait ouvrir mon esprit et mon cœur ; je ne pouvais jamais être la personne que je suis maintenant sans ce projet, sans ces montagnes.

    Mon chemin vers les 7 sommets du monde était en réalité mon chemin vers moi-même.

    Mes racines

    C’était par une belle matinée du 10 avril à Rabat que j’ai vu le jour.

    Je fais partie d’une famille constituée de mes parents et de ma sœur Rajaa, mon frère Abderrafii, mes ainés respectivement de quatre et deux ans. Je n’étais pas la cadette ! Ce n’est qu’après six ans que ma mère accouchera de son dernier enfant, ma sœur Hassania.

    Le destin a bien choisi mon emplacement parmi mes frères et sœurs : le Milieu. Je n’étais ni la fille aînée à qui l’on attribue des responsabilités lourdes ou qui se voit souvent impliquée dans les problèmes des adultes, comme il est le cas dans la plupart des familles marocaines. Non plus, je n’étais pas la fille cadette, souvent gâtée et surprotégée. Heureusement aussi que je n’étais pas la seule fille parmi ses frères. Le fait que je sois ainsi m’a permis de recevoir une éducation modérée, ordinaire, sans trop de focus, sans trop entendre le mot « Attention ! ». Je bénéficiais d’une certaine liberté, mes parents étaient de façon générale flexibles avec moi, et je ne me rappelle pas qu’ils étaient sévères à mon égard un jour. On ne m’imposait pas trop de restrictions dans tout ce que je voulais faire dans ma vie, y compris les décisions les plus importantes, même si des fois je transgressais les traditions régissant notre société à l’époque.

    J’étais une fille timide, renfermée sur elle en quelque sorte. En fait, toute petite, je ne jouais qu’avec mes sœurs et mon frère, à la maison. Je n’avais pas besoin de chercher ailleurs parce qu’on s’amusait beaucoup. De plus, et comme toutes les familles marocaines de l’époque, il était hors de question de jouer dehors avec quiconque : j’étais une fille, je devais garder la maison la plupart du temps mes sœurs et moi, par contre mon frère bénéficiait d’une grande liberté. Il était un garçon, un homme, disait-on.

    Les vacances d’été, on les passait ensemble, en ville, chez l’un de mes oncles ou mes tantes. Nous étions en général trois enfants de chaque famille, et nous nous trouvions chez l’un ou l’autre, à tour de rôle, pour jouer ensemble. Certes, ces rencontres annuelles étaient entrelacées par des moments de distorsion et de mésentente, c’est normal puisque nous étions nombreux. Mais en général, nous entretenions de bonnes et solides relations. Nos liens familiaux se voyaient en fait renforcer par ces festivités annuelles, si spontanées. Chaque année on attendait les vacances d’été avec impatience pour nous retrouver ensemble et nous raconter les nouveautés.

    Je suis la fille d’un mécanicien. Mon père avait un niveau moyen d’études. Ma mère, comme la plupart des femmes à l’époque, était une femme de foyer qui s’occupait de sa famille. En même temps elle exerçait comme métier la couture et la broderie. Elle a dû quitter l’école très tôt, sans pouvoir malheureusement continuer ses études primaires. Étant la fille aînée, elle avait à aider sa mère pour éduquer et prendre soin de ses enfants. Donc, arrêter les études était loin d’être un choix pour elle, c’était une obligation.

    Depuis que j’ai ouvert mes yeux, je voyais ma mère broder, tant par passion que par devoir. C’était une source de revenu pour elle. Comme elle n’a pas pu s’investir dans les études, elle a appris depuis son enfance la Sanâa (art de broderie à la marocaine), en l’occurrence la Sfifa, servant à décorer les t’kachet{1} qu’elle façonnait à la main.

    Et cet amour de la Sanâa nous a été transféré, nous ses trois filles. Nous avons eu l’habitude de l’aider dans son travail, mais aussi pour apprendre, à chaque fois que nous disposions d’un peu de temps libre.

    En tant que jeune fille faisant partie de la société marocaine, je devais accomplir de manière quotidienne le ménage. Heureusement que nous étions trois filles dans ma famille. Donc, on se départageait souvent les tâches entre nous. Par contre, mon frère était dispensé de ce fardeau et pouvait jouer dehors tout le temps. Maman voulait nous préparer pour notre rôle de future femme de foyer, en nous initiant à l’organisation et à la cuisine, en particulier la préparation des plats marocains incontournables.

    Quand je me regarde dans la glace je vois ma mère. Je lui ressemble énormément. C’est une femme sociable, souriante, sympathique et très active. Au sein de rassemblements féministes, elle se voyait toujours l’animatrice et la source d’humour. Aussi, elle est persévérante, avec un sens de planification. Elle était le leader de ma famille, c’est elle qui prenait les choses en main. Elle se souciait de notre rendement scolaire et du coup accordait beaucoup d’importance à notre vie estudiantine. Elle nous encourageait toujours à exceller dans nos études. Par exemple, pour célébrer notre réussite en cinquième année du primaire (qui est le certificat des études primaires, dit à l’époque Chahada), ma mère nous a offert (moi et mes deux sœurs) des bracelets en or, en guise de récompense et d’encouragement. Et pour se procurer ces bracelets, elle a dû épargner de ce qu’elle gagnait de la broderie pour trouver de quoi nous rendre heureuses, de quoi célébrer et mémoriser nos moments de succès.

    Quant à mon père, c’était un homme spécial : il vivait pleinement le moment présent, il était une personne posée, très calme ! Il vivait sa journée avec tout le plaisir sans jamais penser au lendemain, sans jamais se soucier de ce qui pourrait arriver. Il partait le matin pour travailler dans son garage, pour revenir le soir avec une somme d’argent. Peu importe cette somme, mais ça constituait le revenu de la journée : à dépenser immédiatement sans attendre le lendemain !

    Cet aspect de nonchalance ou d’insouciance, vis-à-vis l’avenir, qui caractérisait mon père dérangeait en quelque sorte ma mère. Contrairement à lui, elle avait en elle cette crainte naturelle du lendemain, ancrée dans l’esprit de tout être humain. Personnellement, je percevais cet aspect comme étant la caractéristique la plus forte de la personnalité de mon père. Et sans m’en rendre compte, je l’ai héritée de lui, et j’en étais chanceuse.

    Contrairement à notre mère, il ne se mêlait pas dans nos soucis scolaires ni personnels. Au début de chaque année scolaire il se charge de nous chercher la fourniture scolaire, et la fin de l’année il nous demande la simple question : « As-tu réussi ? ». On lui répond à l’affirmative. Puis à lui de nous féliciter sans même nous demander plus de détails sur la mention ni sur les notes. Le fait de réussir lui suffisait, largement.

    Ma mère était une personne qui veut toujours apprendre de nouvelles choses. Cette curiosité qu’elle manifestait souvent s’est ancrée dans nos esprits, et nous nous trouvions à notre tour prêtes à tout apprendre et élargir nos savoir-faire.

    Il n’est donc pas bizarre de me voir accroupie sur un tapis, devant mon idole/ma mère, en train d’apprendre diverses activités, telles que le crochet et la broderie à la main, et à la machine par la suite. Et ce n’était pas tout. A l’approche des vacances, elle nous préparait un programme pour organiser notre temps. Je me rappelle qu’elle me recommandait, entre autres, d’aller chez Dar Mâallema, après avoir convenu avec elle pour me donner des cours théoriques et pratiques en tout ce qui est en relation avec la Sanâa. La Mâallema est une experte en arts de couture et de broderie, qui donne des cours chez elle, pour les jeunes filles. Chaque matin, après avoir terminé le ménage, je prenais mon sac contenant tout mon matériel de couture, puis je partais chez ma maîtresse, une femme de l’âge de ma mère que je respectais tant. J’ai beaucoup appris d’elle et je me voyais évoluer dans les niveaux, jour après jour. Et pour ne pas rester dans la théorie, pour exploiter ce que j’apprenais, ma mère m’invitait souvent à mettre en pratique mes nouvelles connaissances à mon retour à la maison. Elle m’attribuait en particulier la responsabilité de préparer nos J’hazz.

    Dans nos coutumes, toute mère ayant des filles doit préparer un trousseau pour leurs mariages dès leur plus jeune âge. Parmi ces préparatifs, il y a ce qu’on appelle le J’hazz constitué de draps, de housses, d’oreillers et de nappes brodés à la marocaine. L’idée est que, le jour de son mariage, la mariée emporte avec elle son J’hazz à son nouveau foyer. Malheureusement, ce type de coutumes commence à disparaître dans notre société. Donc, j’étais chargée de broder nos J’hazz. Une responsabilité de taille, certes, mais j’en étais consciente, et surtout fière !

    Il faut dire que cette responsabilité a instauré chez moi le sens de l’engagement et la persévérance. Je me rappelle que quand j’étais adolescente, en été, ma mère me laissait un espace de temps libre avant de m’interpeller pour me tendre le drap à broder. Elle me dispensait des tâches ménagères pour ne pas me trop surcharger. Des fois elle sentait ma fatigue, mais elle m’incitait tendrement à continuer jusqu’à la fin, tout en me permettant de petites pauses. En avançant, le but devenait de plus en plus clair pour moi. Cela me forgeait la personnalité.

    Et c’est ainsi que j’ai appris la persévérance, la patience.

    J’ai fait toutes mes études dans des établissements publics. A l’époque, tout le monde allait à l’école publique. Il n’y avait pas l’option de faire ses études dans une école privée comme c’est la tendance aujourd’hui au Maroc. Mais il faut dire que l’école publique avait son poids, et l’enseignement y était de très haute qualité. Les devoirs étaient rares, mais j’essayais souvent de m’en débarrasser en les faisant pendant la séance même. Pourquoi ? Pour rentrer le soir libre, sans devoirs à faire, et pour me focaliser sur l’autre monde qui m’attendait déjà chez moi. Oui j’avais un monde chez moi rien que pour moi.

    A l’école, on avait toujours ce sentiment d’équité puisque tous les élèves appartenaient à la même classe sociale. Personne ne se vantait. D’ailleurs l’aspect vestimentaire n’avait jamais eu d’importance pour moi. Je portais toujours un jeans et un tricot, tout simplement.

    « Pourquoi tu n’es pas la meilleure de ta classe ? », jamais de ma vie je n’ai entendu mes parents me demander une telle question. Et c’est pour cette raison que, jamais de ma vie, je ne suis rentrée en concurrence avec quiconque. La compétitivité et la comparaison ne me disent rien. Et par conséquent, il ne m’est jamais arrivé de me sentir inférieure aux autres. Je vivais simple, je vivais heureuse.

    Il faut dire que c’est cette absence de pression, vis-à-vis mon activité scolaire, qui m’a permis de pratiquer bien d’autres activités en parallèle avec mon cursus scolaire. C’est cette marge de liberté que mes parents m’ont offerte qui m’a encouragée à enrichir ma vie, au-delà de la routine scolaire.

    Visiblement, mon père et ma mère étaient de simples parents. Mais en contemplant leur façon d’éduquer, ils étaient extraordinaires et surtout complémentaires. Et puisqu’ils n’avaient pas un niveau assez élevé d’études, mes parents nous laissaient libres de guider notre vie tel que nous le percevions. Nous étions des personnes responsables dès notre plus jeune âge. Nous devions prendre des décisions, et même des fois faire des choix de taille. Personne n’était là pour nous conseiller ou nous blâmer, nos parents avaient confiance en nous et je suis persuadée que c’était cette responsabilisation précoce qui nous a rendus matures, prêts à défier la vie et s’y lancer bravement, sans jamais nous douter des retombées qui puissent survenir.

    J’organisais toute seule mon temps libre, en le meublant par des activités de mon choix, et des fois de mon invention. Par exemple, durant mon enfance, j’étais passionnée par le dessin, la correspondance, la philatélie (collection de timbres), l’écriture et la lecture.

    J’aimais beaucoup dessiner, je m’exprimais à travers de petits tableaux que je dessinais avec des crayons de coloriage et des fois en utilisant la peinture. Une fois le tableau prêt, je l’accrochais immédiatement sur mon mur. En fait, j’avais mon petit monde, un espace privé que je me suis appropriée dans un coin de la grande pièce servant de chambre d’enfants. J’accrochais le nouveau tableau, l’ajoutant ainsi à ma petite collection constituée par mes chefs-d’œuvre qui ornent déjà mon coin. A chaque fois, un sentiment de satisfaction me comblait à l’achèvement d’un tableau. J’enrichissais ma série de tableaux sans attendre l’encouragement de quelqu’un. D’ailleurs, je n’ai jamais attendu un compliment face à ce que je fais. L’autosatisfaction était toujours ma motivation pour continuer, pour aller de l’avant.

    Je me rappelle que chaque période de ma vie était marquée par une activité. Par exemple, durant mes années du primaire, quand je revenais de l’école, je rejoignais ma mère dans ses tâches de broderie. Durant mes années du collège, j’étais inscrite dans une bibliothèque et je m’y rendais assez souvent pour échanger les romans (généralement romantiques et policiers) que j’empruntais contre un demi dirham, et que je dévorais dans les plus brefs délais.

    Oui, la lecture était ma passion, et elle est restée ainsi durant plusieurs années.

    Au lycée, il y avait une grande bibliothèque, riche en livres de différents genres. Cette bibliothèque a suscité toute ma curiosité et m’invitait à dévorer toute sorte de livre. En plus de la bibliothèque du lycée, je me suis inscrite à deux bibliothèques dites Bibliothèque Égyptienne et Dar Attaqafa (maison de culture), à Rabat. Je les fréquentais pendant mes après-midis libres. C’était loin de chez nous, puisque j’habitais à Salé, et je n’avais pas toujours les moyens pour prendre un bus de Salé à Rabat. Donc je devais des fois faire une heure de marche à pied, sous le soleil brûlant du début de l’après-midi, rien que pour passer un beau moment entre les livres.

    Rien ne pouvait m’empêcher de faire ce que je veux.

    A force de lire les livres de façon aussi condensée que diversifiée, je découvrais des lieux bien loin de chez moi, loin de mon pays. Je voyageais avec les auteurs là où ils partent. Je voyageais à travers le temps, les pages étant mes ailes. Je me rappelle que j’ai lu les deux livres de Jules Verne : « Voyage au centre de la terre » et « Le tour du monde en quatre-vingt jours ». J’ai aussi lu à propos de Darwin et son fameux voyage où il a découvert ces îles (situées dans l’archipel Galápagos en Équateur), comment il a découvert les animaux et d’où il a eu l’idée du développement des espèces. Je lisais sur divers sujets tels que les insectes, les océans, l’aviation, les montagnes, etc. Et à chaque fois que je lisais sur un sujet, je sentais l’envie de le visualiser réellement, de palper ce que je lisais. Je voulais comprendre et connaître davantage ce monde où je vis. Je voulais le découvrir. Je voulais dépasser les frontières qui délimitent mon pays, partir ailleurs, être libre.

    Outre la lecture, j’étais très passionnée par la correspondance par voie postale, un hobby très en vogue à l’époque.

    J’ai trouvé l’idée géniale d’écrire, en toute liberté, à une personne que je ne connais pas. Ainsi, la correspondance m’a permis de voyager à travers mes lettres, et surtout de m’exprimer. J’écrivais mes pensées, et des fois mes sensations les plus profondes, sans que personne ne m’interrompe. Le fait de recevoir une réponse de l’autre côté me faisait énormément plaisir et me transportait de joie. Cela signifiait que j’étais bien lue par ce quelqu’un, et j’en étais ravie.

    En parallèle, j’étais intéressée par la philatélie. En fait, à travers la correspondance, j’ai pu échanger avec beaucoup d’amis qui partagent avec moi cette passion. J’ai réussi donc à enrichir ma collection de timbres. Ainsi j’ai construit une collection intéressante, que je garde jusqu’à ce jour.

    Mais la fin de la correspondance et de la philatélie, en tant que hobbies, a vu le jour…

    Développer mes centres d’intérêt m’a accompagnée presque durant toute ma vie. Je sens que je dois évoluer, et par conséquent mes activités évoluent avec moi.

    Il m’arrive souvent d’assimiler la vie à l’escalade d’une montagne qui passe nécessairement par des étapes. On ne peut jamais atteindre le sommet d’une montagne en une seule étape, sans s’arrêter aux différents camps. Il faut d’abord arriver au camp de base, puis monter au camp 1, et ainsi de suite jusqu’à atteindre le sommet. Mais il faut savoir que je ne planifie pas. Car je pense que si je fais ainsi, je ne vais pas savourer la vie. En fait, même si je pars escalader une montagne, même si mon objectif est d’atteindre le sommet, ceci ne m’empêche pas de profiter de chaque moment. Et c’est ainsi que je procède avec tous mes projets dans la vie, sans stress ni frustration. Toute joyeuse du chemin que j’entreprends, je me laisse emporter par le courant de la vie avec aisance et flexibilité.

    Ne soyez donc pas étonnés si je vous dis qu’à cet âge-là, j’ai senti qu’il était temps de passer à autre chose. J’ai cessé les activités individuelles et j’ai intégré le travail associatif.

    Je veux être pilote !

    C’était mon rêve depuis que j’étais petite. En fait, je voulais par ce vœu faire le tour du monde. J’étais persuadée que le fait d’être pilote va me permettre de voyager et de visiter plus de pays. Et, pour devenir un pilote d’avion, j’étais consciente qu’il faut suivre le chemin des sciences mathématiques.

    A la fin du collège, j’étais sensée choisir ma filière pour mes études secondaires. C’était clair pour moi : une tendance plutôt scientifique, puisque j’étais calée dans les matières scientifiques. J’ai passé ma première année du lycée en tronc commun scientifique. A la fin de cette année, j’avais à nouveau à décider quelle branche choisir. La réponse était déjà là, puisque j’avais un objectif et j’en étais tout à fait convaincue : choisir les sciences maths pour devenir pilote d’avion. En plus, tous les ingrédients étaient là : j’avais un très bon niveau en mathématiques et en physique.

    Mais ce n’était pas aussi simple que je le croyais…

    En fait, le professeur des maths nous a demandé un jour une question, d’un air très spontané : « Qui parmi vous souhaite faire science math ? ». Bien sûr, j’ai fait partie de ceux qui ont levé le doigt, en toute confiance et en toute naïveté. Le prof n’a pas commenté, mais il planifiait quelque chose que nous ignorions. Lors des contrôles, il nous isolait du reste de la classe. Nous étions donc deux groupes, les étudiants ordinaires, et ceux qui comptent faire science math.

    Bien sûr, j’appartenais au deuxième groupe qui devait passer un contrôle bien différent, un contrôle requérant un niveau hors-norme pour pouvoir le réussir. Le résultat immédiat était que les étudiants qui se croyaient être l’élite de la classe obtenaient des notes médiocres. Et bien sûr, ceci nous a privé du droit de faire notre branche souhaitée : les sciences maths. C’était décevant, c’était inattendu mais surtout c’était sans raison claire pour nous. Pourquoi le prof avait-t-il décidé de nous soumettre à une telle épreuve ? Personne ne détient la réponse, jusqu’à aujourd’hui. Et le plus paradoxal était le fait que les étudiants qui sont passés réellement en science math ne s’étaient pas manifestés durant toute l’année, et ils n’ont pas levé le doigt quand le professeur a posé sa fameuse question !

    Cette anecdote a l’air d’être une station d’échec pour ma vie d’élève, puisque cette déception m’a brouillé la vision quant à mon avenir. J’ai dû donc laisser tomber mon rêve de devenir pilote d’avion.

    Cependant, à vrai dire, ce n’était pas aussi dramatique.

    Mon père m’a appris à accepter le destin, et ne jamais renoncer, et que ce n’est pas la fin du monde quand les choses ne vont pas tel que nous le désirons. Je me vois hocher les épaules et regarder ailleurs en disant : « Et pourquoi pas les sciences expérimentales ? ça peut aussi faire l’affaire. En plus, je suis forte en sciences naturelles comme en maths et en physiques. Tout va bien ! ».

    Tout va bien. Cette expression, cette idée ou ce concept est devenu un mantra dans ma vie. J’assume ma responsabilité, et je vais de l’avant sans jamais me retourner pour me lamenter sur le passé. Car je suis persuadée que tout ce qui nous arrive est favorable pour nous.

    J’ai donc rejoint ma classe en sciences expérimentales, avec beaucoup de motivation. J’aimais beaucoup les sciences naturelles, notamment la biologie et la géologie. J’y étais brillante et j’étais toujours classée la première dans cette matière, même si l’excellence scolaire n’a jamais fait partie de mes objectifs.

    Si j’étais trop assidue au collège je me suis métamorphosée au lycée, en devenant une étudiante turbulente en classe. Peut-être que ce changement et cette rébellion faisait partie de l’adolescence. C’est vrai qu’il y avait des élèves très studieuses qui se battaient pour occuper les premiers rangs. Mais à vrai dire, je ne me suis jamais comparée à autrui et je ne rentrais pas en compétition avec quiconque. Mais je bossais pour avoir la moyenne pour réussir mon année et passer au niveau suivant.

    Ce n’est qu’en terminale de bac que j’ai changé d’approche et, du coup, je me suis engagée sérieusement dans les études. J’ai commencé alors à me réveiller chaque jour à sept heure du matin pour me rendre au camping situé près de chez nous, à Salé, là où je me mettais à apprendre et réviser mes cours, sérieusement.

    Quand j’ai eu mon Bac, j’ai opté pour la spécialité de physique-chimie à la faculté des sciences à Rabat. Mais à vrai dire, j’aurais aimé tout étudier, tout connaître, loin de la spécialisation étroite. Par exemple je trouvais beaucoup de plaisir à accompagner une amie, inscrite en géologie, lors de leurs sorties. Je me déplaçais avec eux pour ramasser moi aussi les pierres roches ou les débris de roches, comme si je faisais réellement partie de ce groupe de futurs géologues !

    Le sport était l’un des piliers de ma vie. C’est un aspect vital pour moi, pour ma santé physique mais aussi morale.

    Au lycée, quand je rentrais le soir, je rejoignais immédiatement le cours de Karaté. J’étais très assidue en sport et je glanais les ceintures. Les dimanches matin, on partait à la plage pour nous entraîner en plein air. A la fin de l’entraînement, on nageait et parfois on se défiait de traverser la rivière de Bouregreg à la nage pour arriver à l’autre côté de Rabat.

    Ce rituel m’a accompagnée durant mes études secondaires, même durant les périodes les plus critiques, comme l’année de terminale !

    Mais après avoir obtenu mon bac, nous avons déménagé. J’ai essayé de continuer mon entraînement même si je devais rejoindre la salle le soir après mon retour de la fac. Je me suis fixée l’objectif d’obtenir la ceinture noire, mais il m’est été difficile de concilier entre les études et le sport, surtout que je rentrais tard le soir. J’ai dû donc quitter la salle et le karaté, avec la ceinture marronne en main.

    Sûrement ce n’était pas la fin de mon histoire avec le sport.

    Un matin, je suis partie toute seule à la plage pour courir. Et là j’ai rencontré deux jeunes filles de mon âge, Zhor et Touriya. J’ai fait leur connaissance et j’ai vite constaté qu’elles avaient un dévouement inconditionnel pour le sport, comme je l’étais exactement. J’étais ravie de faire leur amitié, et nous avons convenu de nous voir chaque dimanche matin, au même endroit, pour courir. Et effectivement, nous avons toutes les trois tenu parole, quelles que soient les conditions climatiques. Durant les vacances nous nous rencontrions chaque jour. C’était le début d’une amitié, établie autour du sport, qui a duré pendant de longues années.

    Jamais je n’ai fait de sport pour participer à des compétitions ou pour me spécialiser dans une discipline particulière. C’était plutôt par pur plaisir. Qui sait, peut-être je me préparais inconsciemment pour ce qui m’attendait par la suite…

    Oui, je ne faisais pas du sport pour avoir une taille mannequin ou pour perdre du poids. Le sport pour moi était une manifestation de liberté, une manière de me défouler, un moment de plaisir et de joie.

    J’adore observer le ciel !

    Lorsque je me suis spécialisée en physique, en troisième année de la fac, j’ai découvert pour la première fois l’astronomie, une nouvelle passion qui a charmé mon cœur, du premier coup.

    Cette science, en particulier, me semblait fascinante. J’ai alors commencé à me documenter sur les planètes, les étoiles et les constellations. Je ne me suis pas contentée de la théorie. J’ai commencé alors à regarder le ciel d’un œil différent, comme si c’était la première fois où je me trouve sous le toit céleste. Je contemplais les constellations et j’y trouvais tout mon plaisir. Je vivais dans un autre monde, avec les planètes et les étoiles !

    Un jour, j’ai assisté à une conférence en astronomie, animée par le prof Samir Kadiri, au sein de notre faculté des sciences de Rabat. J’ai beaucoup apprécié la conférence et du coup je n’ai pas hésité à le contacter par la suite. Je lui ai adressé quelques questions en vue d’éclaircir quelques notions mais aussi pour enrichir mes connaissances. Surtout je voulais qu’il m’oriente pour mes futures recherches. Entre autres je planifiais pour faire l’astrophysique par la suite.

    A travers nos échanges, ce prof a vite réalisé que je suis une véritable amatrice de l’astronomie. Il a vu que je suis sérieuse. Donc, il n’a pas hésité à me faire une recommandation pour que je puisse m’inscrire dans une école d’été d’astronomie, organisée au Maroc par l’Union d’Astronomie Internationale (UAI).

    Je n’ai pu croire mes yeux ; une opportunité en or !

    Je suis donc partie à Marrakech, pour un mois de rêve. L’objectif de cette école d’été – que l’UAI organise chaque année dans un pays différent – était de permettre aux jeunes intéressés par l’astronomie à s’ouvrir davantage sur ce monde et les aider à bien assimiler quelques notions de base.

    De par les connaissances scientifiques que j’ai acquises durant cette courte période, cela a eu un impact particulier sur ma personnalité, sur plusieurs niveaux. Comme il s’agissait d’un événement international, cette école a été une grande opportunité pour rencontrer des personnes de diverses nationalités.

    A la fin de cette école d’été j’ai décidé de continuer mes études en astrophysique en France après l’obtention de mon diplôme. D’ailleurs j’avais convenu avec un professeur de l’université de Nice pour qu’il soit mon encadrant. Mais après m’être inscrite à la filière d’astrophysique à l’université de Nice avec succès, je n’ai pu obtenir mon visa. J’ai dû donc rester au Maroc et m’inscrire dans un laboratoire de physique nucléaire, dans le cadre des études approfondies.

    Pendant que je m’intéressais à l’astronomie, j’avais une amie, Meriem Chadid, qui partageait avec moi la même passion. Nous avons alors pensé à partir toutes les deux pour étudier l’astrophysique en France. Meriem a pu partir, maintenant elle est une grande chercheuse en Astronomie. J’ai appris qu’elle a été la première femme marocaine à arriver au pôle sud en Antarctique lors d’une mission scientifique. Moi je suis restée au Maroc pour un autre destin que Dieu préparait pour moi, sans que je puisse m’en rendre compte à l’époque.

    Mais mon histoire avec l’astronomie ne s’est pas arrêtée là. Car rien ne pourrait m’empêcher si je veux arriver à quelque chose.

    Si je n’ai pas pu suivre un chemin académique dans le monde astronomique, j’ai choisi de suivre le chemin d’amatrice, pour garder ce lien avec ma passion. Notamment, j’ai créé avec des amis, Fatine et amine, une association nommée Maroc Astronomie, ayant pour but de vulgariser cette science pour le grand public.

    En 1999, l’observatoire d’astronomie de Rabat a été fondé. Et le prof Samir Kadiri a été dénommé directeur de cet observatoire. Du hasard ? Absolument pas. Je voyais les opportunités se présenter devant moi, l’une après l’autre. C’est parce que j’étais claire, sincère et dévouée quant à mes objectifs. Ainsi nous avons commencé à animer au sein de l’observatoire de grands événements d’astronomie comme les éclipses, les pluies des étoiles filantes (par exemple les Orionides, les Léonides, etc). Nous avons aussi organisé des séances de planétarium, sous l’encadrement du Prof Hamid Touma, pour apprendre aux participants les constellations : la Petite Ourse, la Grande Ourse, le Dragon, Pégase, Orion, etc.

    Nos ateliers et présentations étaient dédiés aux adultes mais aussi aux enfants. Ma joie atteignait son pic au moment où je voyais les yeux des petits enfants briller en voyant réellement les cratères de la lune, ou les anneaux de Saturne. Les enfants se sentaient éblouis et émerveillés devant la voûte céleste. C’était tout nouveau pour eux et je sentais que ce qu’on était en train de faire est sans doute d’une grande valeur pour ces enfants. C’est vrai qu’on est parti d’une passion qui nous motivait, mais je crois qu’on a réussi à faire passer cette passion à bien d’autres personnes, les enfants en l’occurrence. On a réussi à apprendre quelque chose de nouveau à ces créatures encore en phase de découverte de la vie, et du monde.

    En plus, nous avions la possibilité de faire des observations au télescope (51 cm) et d’utiliser le matériel dont l’observatoire disposait comme le CCD (Charge Coupled Device) pour photographier des objets célestes. Ce détecteur assure la conversion d’un signal lumineux en un signal électrique. Cette technique permet de voir des objets très lointains dans l’espace. Un jour, pendant que nous étions en pleine observation et photographie, il s’est arrivé quelque chose d’ébranlant, qui m’a marquée à jamais.

    Nous avons pointé la galaxie Sombrero M104 dans le catalogue de Messier. Après on m’a dit qu’elle se situe à 28 millions années-lumière{2} de la terre, soit 2,649 x 10¹⁴ Km !!

    Vingt-huit millions années-lumière ?! A cet instant j’ai réalisé combien nous sommes infimes dans cet univers. La terre n’est au final qu’une graine de sable dans l’univers en entier. Et c’est ce qui m’a concrètement appris à garder ce caractère d’humilité, quoiqu’il en soit. J’ai senti l’humilité, mais également beaucoup de liberté et de joie de pouvoir voyager à travers l’espace et le temps : la terre, le système solaire, notre galaxie la voie lactée et aller si

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