L'Amour avec des mots

Par Elaine Kibaro

L’Amour est aveugle, dit-on. C’est plutôt le contraire : l’être amoureux est clairvoyant.
Il voit dans la personne aimée toute la splendeur de la perfection déjà réalisée.
Cette image projetée et vue par Agnelle, Yannis la maintiendra grâce à la distance qui les sépare souvent, jusqu’au moment d’engager la vie commune.
Alors il ne se sent plus assez fort pour être cet homme parfait vingt quatre heures sur vingt quatre.
Pourtant insensiblement il a permis à Agnelle de manifester cet idéal qu’elle avait visualisé en lui. (Elaine Kibaro)

L’amour ce n’est pas uniquement le sexe, c’est l’énergie positive qui se transmet de l’un à l’autre. (Mikaël de Vinci)

• Langue: Français
• Éditeur: Les Éditions du Net
• Date de sortie: 1 mars 2016
• ISBN: 9782312042084

Aperçu du livre

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L’Amour avec des mots

Elaine Kibaro

L’Amour avec des mots

Pièce de théâtre en six actes

et film

LES ÉDITIONS DU NET

22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

© Les Éditions du Net, 2016

ISBN : 978-2-312-04208-4

Avant-Propos

« L’Amour est aveugle », dit-on, c’est plutôt le contraire : l’être amoureux est clairvoyant. Il voit dans la personne aimée toute la splendeur de la perfection réalisée.

Cette image projetée et vue par Agnelle, Yannis la maintiendra jusqu’au moment d’engager la vie commune. Alors il ne se sent plus assez fort pour être cet homme parfait vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Sa maladie est une fuite.

Pourtant insensiblement, il a permis à Agnelle de manifester cet idéal qu’elle avait visualisé en lui.

A Muriel

« Et soudain sur le chemin, je ne vois plus que cet enfant heureux qui éclaire de sept rayons le crépuscule »…

Acte I

Scène 1.

INTERIEUR JOUR. LE BUREAU DE YANNIS

Une porte, un couloir, un fauteuil, un bureau, un téléphone. Yannis, un homme d’âge mûr, beau grand et brun. Le téléphone sonne, il décroche.

YANNIS

Allo… M’oui… ?

AGNELLE

Pourrais-je parler à Monsieur Prosper Le Jeune, s’il vous plaît ?

YANNIS

C’est moi-même.

AGNELLE

Est-ce bien vous qui vous occupez du théâtre du Rouet ?

YANNIS

M’oui… Pourquoi ?

AGNELLE

J’aime beaucoup ce que vous y montez et je voudrais passer une audition pour travailler avec vous.

YANNIS

(Riant.)

Mais c’est une farce. Qui êtes-vous ?

AGNELLE

(Riant à son tour.)

Je suis une jeune-fille que vous ne connaissez pas, et ce n’est pas une farce.

YANNIS

Oh, pardonnez-moi… Je croyais que c’était une plaisanterie d’une élève de l’école d’art dramatique où je suis professeur. Mais puisque ce n’est pas une farce, il faut que nous prenions rendez-vous… Pouvez-vous me rappeler dans quelques jours ?

AGNELLE

Ah, non alors ! Vous êtes trop difficile à joindre, tout le temps en voyage… J’ai mis quinze jours pour vous avoir au bout du fil… Je préfère décider tout de suite d’un jour.

YANNIS

M’bon… Alors disons demain matin vers dix heures, ça vous va ?

AGNELLE

Très bien.

YANNIS

Pouvez-vous me donner vos coordonnées au cas où j’aurais un imprévu ?

AGNELLE

Oui, je m’appelle Agnelle d’Allia… Vous pouvez me joindre à la sécurité sociale, demander le poste 23 ; j’y travaille en ce moment.

YANNIS

Je connais leur numéro par cœur ; j’y ai travaillé moi aussi, il y a longtemps… Je vous attends donc demain ?

AGNELLE

Oui, à dix heures.

YANNIS

Si jamais je suis en retard, asseyez-vous dans le hall… A demain.

AGNELLE

Au revoir.

Ils raccrochent.

YANNIS

Elle doit être marrante cette fille.

Scène 2.

INTERIEUR JOUR. HALL DU THEATRE DE YANNIS

Dans le hall du théâtre, Agnelle est assise dans un fauteuil. Agnelle est brune au teint pâle. Elle porte une cape, des bottes et ses cheveux sont séparés en bandeau sur les oreilles.

AGNELLE

(Voyant Yannis arriver.)

Bonjour, je vous ai téléphoné hier.

YANNIS

(Lui tendant la main.)

C’est vous ? Suivez-moi.

Scène 3.

INTERIEUR JOUR. BUREAU DE YANNIS

Agnelle et Yannis sont debout dans le bureau de Yannis.

YANNIS

Vous voulez faire du théâtre ?… Il faut vous inscrire aux cours ; au bout de trois ans vous êtes comédienne.

AGNELLE

Je ne peux pas retourner à l’école ; j’ai des parents terribles ; ils ne voudront jamais. Je travaille pour qu’ils puissent vivre mieux et mes sœurs terminent leurs études… J’ai abandonné la fac de lettres pour ça.

YANNIS

Même en bataillant un peu, vous pensez que vous ne pourrez pas au moins assister aux cours du soir ?

AGNELLE

Difficilement… Ils me laissent à peine sortir le soir.

YANNIS

Mais vous leur prouvez que vous vous débrouillez seule en travaillant ; ils devraient comprendre que vous avez droit à votre liberté.

AGNELLE

Que je travaille n’est pas une preuve pour eux, mais un dû. Tant que je n’ai pas vingt et un ans, je ne peux rien dire ; seulement leur mentir quand c’est indispensable.

Agnelle fixe les mains de Yannis.

AGNELLE

Et ça ne m’amuse plus de mentir…

YANNIS

Quel âge avez-vous ?

AGNELLE

Dix-neuf ans et demi.

YANNIS

M’oui… Je vais voir ce que je peux faire… Je vous donnerai une documentation complète sur l’école… Peut-être pourrez-vous quand même assister à quelques répétitions ?… Avez-vous déjà joué ?

AGNELLE

Un peu ; avec une bande de copains… En amateurs.

YANNIS

Que sont-ils devenus ?

AGNELLE

Je les ai perdus de vue à cause du service militaire.

YANNIS

Pouvez-vous venir lundi prochain vers dix-huit heures trente ?… Je crois que nous quittons notre travail à la même heure vous et moi.

Agnelle acquiesce.

YANNIS

Je vous préparerai les fascicules qui parlent des cours de l’école… Quant à l’audition, nous verrons plus tard.

AGNELLE

Ok pour lundi… Merci.

Agnelle lui tend la main.

AGNELLE

Au revoir…

YANNIS

A lundi ; je passerai vous chercher au même endroit.

Agnelle s’en va sans se retourner et ferme la porte.

Scène 4.

INTERIEUR DEBUT DE SOIREE.

PREMIER RENDEZ-VOUS DANS UN CAFE

Au fond d’un café, Agnelle et Yannis sont assis devant deux cafés. Yannis sort de son cartable deux fascicules.

YANNIS

Voilà… Vous avez là tout ce qu’il faut savoir sur l’école d’art dramatique où je donne des cours ; la formation y est très complète : comédie, chant, danse, escrime, équitation, expression corporelle… Si vous arrivez à convaincre vos parents, venez vite vous inscrire.

AGNELLE

Oui… Mais vous ? Que faites-vous exactement dedans ?

YANNIS

Je vous l’ai dit. J’y suis professeur d’art dramatique. Je suis aussi metteur en scène et directeur du Théâtre du Rouet. Trois autres personnes y montent des spectacles avec moi…

AGNELLE

Comment êtes-vous devenu metteur en scène ?

YANNIS

J’ai d’abord pris des cours de comédie ici comme tout le monde… Mais j’ai mis très longtemps à me débarrasser de l’accent de la région qui me gênait beaucoup. Puis j’ai connu le théâtre sous toutes ses formes : j’ai été régisseur, je me suis occupé des décors d’opéra… L’envie de faire de la mise en scène n’est venue que plus tard. Un jour le directeur de l’école m’a dit : Montrez-moi ce que vous savez faire. … Et j’ai créé le théâtre du Rouet. Le seul théâtre de recherche de ce département. J’ai obtenu des subventions car mes mises-en-scènes me permettent à peine de payer les comédiens… Voilà pourquoi je donne encore des cours, c’est mon gagne-pain… Avez-vous vu mes spectacles ?

AGNELLE

Oui… Pas tous.

Elle regarde sa montre.

YANNIS

Vous devez rentrer ?

AGNELLE

Oui, on n’a pas l’habitude que je sois en retard, et très souvent je prépare le dîner.

YANNIS

M’bon… Je vous raccompagne.

Yannis sort son portefeuille pour payer et en tire un carton d’invitation qu’il lui montre.

YANNIS

Vous aimez le jazz ?

AGNELLE

Bien sûr.

YANNIS

J’ai là une invitation pour un concert de jazz. Si vous pouvez vous libérer, nous pourrons y assister après-demain.

AGNELLE

Ok ; où peut-on se retrouver ?

YANNIS

A l’angle que forment les deux bras de la rivière… Sur le quai. Je passerai vous chercher à vingt heures trente.

Scène 5.

EXTERIEUR DEBUT DE SOIREE. LE BORD DU QUAI

Vingt heures trente sur le quai, Yannis arrête sa voiture devant Agnelle. Il lui parle à travers la fenêtre. Agnelle debout cheveux lâchés relève le col de son manteau.

YANNIS

Bonsoir, la journée s’est bien passée ?

AGNELLE

Oui ; au milieu des ronds de cuir et des scènes de ma mère.

Il lui ouvre la portière.

Scène 6.

INTERIEUR DEBUT DE SOIREE :

VOITURE POUR ALLER AU SPECTACLE DE JAZZ

Agnelle s’assoit près de Yannis. Il démarre.

AGNELLE

Ma mère ne peut rien dire sans crier, et comme je ne lui réponds pas, elle s’énerve toute seule, encore plus. J’ai dû lui raconter toute une histoire