Le livre d'amour de l'Orient: Tome III - Les Kama Sutra - Les Maîtres de l'Amour
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Aperçu du livre
Le livre d'amour de l'Orient - Ligaran
Avertissement
Les Kama Sutra ont été révélés en Europe par une édition anglaise publiée à Bénarès en 1883, à 250 exemplaires, et sous le titre suivant :
THE KAMA SUTRA OF VATSYAYANA.Translated from the sanscrit. On seven parts, with Preface, Introduction, and concluding remarks. Benares, printed for the Hindoo Kama Shastra society, 1883. For private circulation only.
L’éditeur donna peu de temps après quelques indications sur l’œuvre qu’il avait entreprise, dans un Recueil bibliographique paru à Londres : CATENA LIBRORUM TACENDORUM, being notes biobiblio-icono-graphical, and critical, on curious and uncommon books, by PISANUS FRAXI.London, privately printed, 1885.
L’Editeur anglais écrivait dans ce Recueil, à propos de la publication de l’œuvre de Vatsyayana :
« Le Kama-Shastra, ou l’Art d’aimer Hindou (Ars amoris Indica), fut imprimé à Londres en 1873. Ce livre, aux pages 46 et 59, fait mention du sage Vatsyayana et de ses opinions. À mon retour aux Indes, en 1874, je m’informai de Vatsyayana et de ses œuvres. Les pandits m’apprirent que les Kama Sutra de Vatsyayana étaient aujourd’hui le principal ouvrage sur l’amour de la littérature Sanscrite, et qu’aucune bibliothèque Sanscrite n’était réputée complète si elle n’en possédait une copie. Ils ajoutèrent que cet ouvrage était devenu très rare ; que le texte offrait, dans différents manuscrits, des variantes considérables, et que, dans plusieurs, la langue était obscure et difficile. Il était donc nécessaire, avant tout, d’établir une copie aussi complète et aussi correcte que possible de l’ouvrage, en Sanscrit, pour le faire ensuite traduire avec le même soin. Le plus pressé était de trouver un homme compétent pour établir le texte Sanscrit, et, après cela, un traducteur également compétent. Après quelques recherches, le Docteur Bühler, maintenant professeur de Sanscrit à Vienne, mais qui appartenait alors à l’Educational Department de Bombay, me recommanda le pandit BHUGWUNTLAL INDRAJI. Ce pandit avait été déjà employé, par M. James Fergusson et M. James Burgess, à copier et traduire pour eux des inscriptions trouvées sur des pièces de cuivre, sur des bornes en pierre et dans des temples, en diverses parties de l’Inde. Outre ces deux personnes, il avait aussi été utile à beaucoup d’autres qui s’occupaient d’archéologie et d’antiquités Indiennes. L’année dernière, il a soumis un Mémoire au Congrès Oriental tenu à Leyde, en Hollande, et l’Université de cette ville lui a conféré le grade de Docteur-ès-Lettres ; en même temps, la Royal Asiatic Society de Londres l’élisait membre honoraire. Ce pandit, toutefois, ne parlait pas l’Anglais couramment, mais il le comprenait assez, et, après une entrevue, je le mis à l’œuvre pour établir une copie complète des Kama Sutra de Vatsyayana en Sanscrit. La copie du texte qu’il s’était procurée à Bombay était incomplète, le pandit en fit venir d’autres de Calcutta, Bénarès et Djeypour ; c’est en les comparant qu’il a établi lui-même une copie complète de l’ouvrage. Ensuite, avec l’aide d’un autre Brahmane nommé SHIVARAM PARSHURAM BHIDE, alors étudiant à l’Université de Bombay et maintenant employé au service de Son Altesse le Guicowar à Baroda, lequel possédait également bien le Sanscrit et l’Anglais, on fit une traduction complète de l’ouvrage, et c’est cette traduction qui vient d’être imprimée et publiée à Londres, sous la rubrique de Bénarès, 1883.
« Les pandits trouvèrent, pour leur traduction, un grand secours dans un Commentaire sur l’ouvrage original, intitulé Jayamangla ou Sutrabashya, et dont il est amplement parlé dans l’Introduction aux Kama Sutra. Sans ce Commentaire, la traduction eût été très difficile, sinon impossible, car l’ouvrage original est rédigé dans un Sanscrit très vieux et très obscur, qu’on aurait eu, en certains endroits, beaucoup de peine à déchiffrer. »
Préface
DE L’ÉDITION ANGLAISE
La littérature de tous les pays renferme un certain nombre d’ouvrages spécialement consacrés à l’amour. Partout le sujet se trouve traité différemment, et sous des points de vue variés. Dans la présente publication, on s’est proposé de donner une traduction complète du livre de ce genre le plus important que l’on connaisse dans la littérature Sanscrite, à savoir : les Kama Sutra de Vatsyayana, ou Aphorismes sur l’Amour, par Vatsyayana.
Après l’introduction, où seront mentionnés les témoignages concernant la date de l’écrit et les commentaires dont il a été l’objet, viendra, dans une série de chapitres, la traduction de l’ouvrage lui-même. Toutefois, il n’est pas hors de propos de donner d’abord ici une brève analyse d’œuvres de même nature, composées par des écrivains postérieurs à Vatsya, mais qui cependant le considéraient comme le maître de la littérature érotique Hindoue.
On peut donc se procurer, dans l’Inde, outre le traité de Vatsyayana, les ouvrages suivants sur le même sujet :
1.Les Ratirahasya, ou Secrets d’Amour.
2.Les Panchasakya, ou les Cinq Flèches.
3.Le Smara Pradipa, ou la Lumière d’Amour.
4.Le Ratimanjari, ou la Guirlande d’Amour.
5.Le Rasmanjari, ou la Pousse d’Amour.
6.L’Anunga Runga, ou le Stage d’Amour, aussi appelé Kamaledhiplava, ou un Bateau sur l’Océan d’Amour.
L’auteur des Secrets d’Amour est un poète nommé Kukkoka. Il composa son livre pour être agréable à un certain Venudutta, qui était peut-être un roi. En écrivant son propre nom à la fin de chaque chapitre, il se qualifie lui-même de Sidda patiya pandita, c’est-à-dire « un homme ingénieux parmi les érudits ». L’ouvrage fut traduit en Hindou à une époque très ancienne, et cette traduction donne à l’auteur le nom de Koka. Et comme le même nom figure dans toutes les traductions qui en ont été faites dans les autres langues de l’Inde, le livre fut bientôt généralement connu et désigné sous le titre populaire de Koka Shastra, ou Doctrines de Koka ; or, c’est identiquement le même que les Kama Shastra, ou Doctrines d’Amour, et l’on se sert indifféremment des appellations de Koka Shastra ou Kama Shastra.
L’ouvrage contient près de huit cents versets, et il est divisé en dix chapitres, appelés Pachivedas. Quelques-uns des sujets qui y sont traités ne se trouvent pas dans le livre de Vatsyayana, comme, par exemple, les quatre classes de femmes, Padmini, Chitrini, Shankini et Hastini, et aussi rémunération des jours et heures auxquels les femmes des différentes classes deviennent sujettes à l’amour. L’auteur ajoute qu’il a écrit ces choses d’après les opinions de Gonikaputra et de Nandikeshwara, tous les deux mentionnés par Vatsyayana, mais dont les œuvres n’existent plus aujourd’hui. Il est difficile de se faire une idée approximative de la date à laquelle ce livre fut composé. Tout ce qu’on doit présumer, c’est qu’il a été écrit après celui de Vatsyayana et avant d’autres ouvrages sur le même sujet qui existent encore. Vatsyayana donne le nom de dix auteurs sur ces matières dont il a consulté les ouvrages, tous perdus aujourd’hui, et il ne mentionne pas celui-ci. Il est naturel d’en conclure que Kukkoka a écrit après Vatsya : sinon, Vatsya n’eût pas manqué de le mentionner comme il l’a fait pour les autres écrivains dans cette branche de littérature.
L’auteur des Cinq Flèches est un certain Jyotirisha. On l’appelle le « principal ornement des poètes, le trésor des soixante-quatre arts, et le meilleur professeur des règles de la musique ». Il prétend avoir composé son ouvrage, après une longue réflexion sur les aphorismes d’amour révélés par les Dieux, et un examen approfondi des opinions de Gonikaputra, Muladeva, Babhravya, Ramtideva, Nandikeshwara et Kshemandra. On ne saurait dire s’il avait réellement lu tous les ouvrages de ces auteurs, ou s’il en avait seulement entendu parler : en tout cas, il ne paraît plus en exister un seul aujourd’hui. Le livre contient près de six cents versets, et il est divisé en cinq chapitres, appelés Sayakas ou Flèches.
L’auteur de la Lumière d’Amour est le poète Gunakara, fils de Vechapati. Son livre contient quatre cents versets, et ne dorme qu’un bref résumé des doctrines d’amour, étant plutôt consacré à d’autres matières.
La Guirlande d’Amour est l’œuvre du fameux poète Jayadeva, lequel dit de lui-même qu’il est un écrivain universel. Ce traité, toutefois, est fort court, ne contenant que cent vingt-cinq versets.
L’auteur de la Pousse d’Amour est un poète nommé Bhanudatta. Il paraît, d’après le dernier verset du manuscrit, qu’il résidait dans la province de Tirhoot, et qu’il était fils d’un Brahmane nommé Ganeshwar, poète lui aussi. L’ouvrage, rédigé en Sanscrit, donne des descriptions des différentes classes d’hommes et de femmes, établies d’après leur âge, leur qualité, leur conduite, etc. Il contient trois chapitres ; la date en est inconnue et ne saurait être fixée.
Le Stage d’Amour a été composé par le poète Kullianmull, pour l’amusement de Ladkan, fils d’Admed Lodi ; ce même Ladkan y est appelé dans quelques endroits Ladana Mull, et dans d’autres Ladanaballa. On suppose qu’il devait avoir des liens de parenté ou autres avec la maison de Lodi, qui a régné dans l’Hindoustan de 1450 à 1526. L’ouvrage aurait donc été écrit dans le XVe ou le XVIe siècle. Il contient dix chapitres, et a été traduit en Anglais, mais imprimé à six exemplaires seulement, for private circulation. C’est probablement le dernier en date des ouvrages Sanscrits de ce genre, et les idées qu’on y trouve sont évidemment empruntées à d’autres écrits de même nature.
Les matières contenues dans ces ouvrages sont en elles-mêmes une curiosité littéraire. On peut trouver, dans la poésie Sanscrite et dans le drame Sanscrit, une certaine abondance de ce sentiment et de cette imagination poétiques qui, dans tous les pays et dans toutes les langues, ont jeté sur le sujet une immortelle auréole. Mais, ici, il est traité d’une manière tout unie, toute simple, toute positive. Les hommes et les femmes y sont divisés en classes et sections, absolument comme Buffon et d’autres écrivains d’histoire naturelle ont classifié et divisé le monde animal. De même que les Grecs ont représenté Vénus comme le type de la beauté de la femme, de même les Hindous décrivent la femme Padmini, ou Lotus, comme le type de la perfection féminine, dans les termes suivants :
« Celle en qui apparaissent les signes et symptômes ci-après, s’appelle une Padmini. Son visage est plaisant comme la pleine lune ; son corps, bien en chair, est doux comme les Shiras ou fleur de moutarde ; sa peau est fine, tendre et belle comme le lotus jaune, jamais noire. Ses yeux sont brillants et beaux comme ceux du faon, bien découpés, et rougeâtres aux coins. Ses seins sont durs, pleins et élevés ; son cou élégant ; son nez droit et gracieux ; et trois plis ou rides se dessinent sur le milieu de son corps, vers la région ombilicale. Son yoni ressemble au bouton de lotus qui s’entrouvre, et sa semence d’amour (Kama salila) est parfumée comme le lys qui vient de s’épanouir. Elle marche avec la noblesse du cygne, et sa voix est grave et musicale comme l’accent de l’oiseau kokila ; elle aime les vêtements blancs, les fins joyaux et les riches parures. Elle mange peu, dort légèrement, et, aussi décente et religieuse qu’elle est adroite et courtoise, sa continuelle préoccupation est d’adorer les Dieux et de jouir de la conversation des Brahmanes. Telle est la femme Padmini, ou Lotus. »
Viennent ensuite des descriptions détaillées de la femme Chitrini ou femme Artiste ; de la Shankhini ou femme Conque, et de la Hastini ou femme Éléphant ; leurs jours de jouissance, leurs diversités de passion, la manière dont il faut les manier et les traiter dans le commerce sexuel ; enfin, les caractéristiques des hommes et des femmes dans les diverses contrées de l’Hindoustan. Les détails sont si nombreux, et les sujets si sérieusement travaillés, et avec de tels développements, qu’il nous serait impossible d’en donner ici un aperçu.
Il existe, dans la langue anglaise, un ouvrage qui a certains rapports avec ces livres Hindous. Il a pour titre : Kalogynomia, or the Laws of Female Beauty, being the elementary principles of that science, by T. Bell, M. D. ; il est orné de vingt-quatre figures, et a été imprimé à Londres en 1821. Ce livre traite de la Beauté, de l’Amour, du Commerce sexuel, des Lois qui règlent ce commerce, de la Monogamie et de la Polygamie, de la Prostitution, de l’Infidélité, et se termine par un catalogue raisonné des défauts de la beauté féminine.
Un autre ouvrage, aussi en Anglais, est rempli de détails sur la vie privée et domestique. Il est intitulé : The Elements of Social Science or Physical, Sexual and Natural Religion, with a Solution of the Social Problem, by a Doctor of Medicine ; London, Edward Truelove, 256, High Holborn. Les personnes que les sujets ci-dessus intéressent, trouveront dans ce livre des particularités qui n’existent guère ailleurs, et qui devraient être connues de tous les philanthropes et bienfaiteurs de la Société.
Après avoir parcouru l’ouvrage Hindou et les livres Anglais que nous venons de mentionner, le Lecteur possédera le sujet, tout au moins sous un point de vue matérialiste, réaliste et pratique. S’il est vrai que toute science soit plus ou moins fondée sur un stratum de faits, il ne peut y avoir de mal à faire connaître à l’humanité en général certaines matières intimement liées avec sa vie privée, domestique et sociale.
Hélas ! combien d’hommes et combien de femmes n’ont-ils pas misérablement péri pour les avoir complètement ignorées ! Et cependant il eût suffi d’une légère connaissance de ce sujet, généralement ignoré des masses, pour faire comprendre à une foule de gens bien des choses qu’ils ont cru incompréhensibles ou indignes de leur attention.
Introduction
DE L’ÉDITION ANGLAISE
Il peut être intéressant, pour quelques personnes, de savoir comment Vatsyayana a pu enfin être mis en lumière et traduit dans la langue anglaise. Voici les faits. En traduisant avec les pandits l’Anunga runga, ou le Stage d’Amour, on trouva qu’il y était souvent parlé d’un certain Vatsya. « Le sage Vatsya était de cet avis, ou de cet autre. Le sage Vatsya dit ceci, » etc. Naturellement, on demanda quel était ce sage, et les pandits répondirent que Vatsya était l’auteur de l’ouvrage sur l’amour le plus important de la littérature Sanscrite, qu’aucune bibliothèque Sanscrite n’était complète sans lui, et qu’il était fort difficile aujourd’hui de se le procurer dans son texte intégral. La copie manuscrite trouvée à Bombay était défectueuse, et, en conséquence, les pandits écrivirent à Bénarès, Calcutta et Djeypour, afin d’obtenir communication d’autres copies appartenant aux bibliothèques Sanscrites de ces villes. Ces copies obtenues, on s’occupa de les comparer les unes avec les autres, et, avec l’aide d’un Commentaire intitulé Jayamangla, on établit une copie revisée de tout le manuscrit ; c’est d’après cette copie qu’a été faite la traduction anglaise. Voici le certificat du chef des pandits :
« Le manuscrit ci-joint a été corrigé par moi, après comparaison de quatre différentes copies de l’ouvrage. Je me suis aidé d’un Commentaire appelé Jayamangla, pour corriger certains passages des cinq premières Parties ; mais j’ai eu beaucoup de peine à corriger le reste, parce que, à l’exception d’une copie qui était assez correcte, toutes les autres copies fourmillaient de fautes. Toutefois, j’ai considéré comme corrects les passages sur lesquels la majorité des copies se trouvaient d’accord. »
Les Aphorismes sur l’Amour, par Vatsyayana, contiennent environ douze cent cinquante slokas ou versets, et sont divisés en Parties, les Parties en Chapitres, et les Chapitres en Paragraphes. Le tout consiste en sept Parties, trente-six Chapitres et soixante-quatre Paragraphes. On ne sait presque rien de l’Auteur. Son nom réel était probablement Mallinaga ou Mrillana, Vatsyayana étant son nom de famille. À la fin de son ouvrage, il s’exprime ainsi sur lui-même :
« Après avoir lu et médite les ouvrages de Babhravya et d’autres anciens auteurs, et bien examiné le sens des règles par eux édictées, Vatsyayana a composé les Kama Sutra, conformément aux préceptes de la Sainte Écriture, pour le bénéfice du monde, alors qu’il menait