La promesse du bout du monde
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À propos de ce livre électronique
Danielle S. Marcotte
Passionnée d’histoire, Danielle S. Marcott e est une écrivaine basée à Tsawwassen, en Colombie-Britannique Anciennement animatrice, journaliste et réalisatrice à la radio pendant plus de trente ans, elle a également vécu au Québec et dans les Maritimes. Elle a publié huit livres en français et signé la traduction anglaise de six d’entre eux.
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Aperçu du livre
La promesse du bout du monde - Danielle S. Marcotte
Chapitre 1
Ce matin de juillet 1786, le ciel d’été est clair, la journée belle. Un grand voilier flotte à l’ancre dans un coin calme du Nord-Est du Pacifique, près du continent nord-américain. Le drapeau anglais pend mollement de son mât. Devant le navire marchand, une ile silencieuse déploie ses cèdres géants comme les piliers d’une cathédrale. Mystérieuse et attirante.
« Allez chercher de l’eau à terre avec les hommes ! » ordonne brusquement le capitaine aux deux jeunes garçons sur le pont.
Les deux mousses, Alexis et Hugh, tête blonde, tête rousse, s’empressent d’obéir aux ordres. Ils courent à la poupe pour descendre sur une barque attachée par un cordage à l’arrière du navire.
« Quelle chance ! » murmure Hugh, le petit rouquin. « Enfin la permission d’aller à terre avec les hommes après plus de six mois en mer !
– Oui, mais on ne risque pas de trouver quelque chose d’exotique à échanger au retour. Pas de port ici, pas d’habitants en vue, mais tu as quand même raison, Hugh, répond Alexis à voix basse à son ami. Pouvoir descendre à terre, c’est déjà bien ! On n’en a eu la permission nulle part avant où on a accosté. »
À quinze ans, les deux garçons issus de familles pauvres doivent toujours obéir sans rechigner sur le navire. Ils sont au service de tous et, surtout, ils doivent se soumettre en tout temps, et en silence. Rien ni personne ne les protège ici, au bout du monde. Pourtant, ils sont heureux d’y être. Pour deux jeunes orphelins affamés des rues de Southampton, en Angleterre, ce voyage représente une bonne fortune inouïe malgré les dangers : la chance de manger, d’apprendre un métier, de découvrir le monde et peut-être même de commercer un peu.
« Peut-être que les huitres ici contiennent des perles comme aux iles Sandwich ! » espère Hugh, sa tête rousse toujours pleine de rêves et de projets un peu farfelus.
« Ça serait étonnant, mais pas impossible », répond Alexis, plus pragmatique que son ami.
Il y a à peine dix ans que les grands voiliers européens viennent dans cette région du Nord-Est du Pacifique. Cette côte peu connue recèle un trésor précieux : des loutres de mer dont les peaux valent une fortune sur le marché chinois. Des navires marchands russes, américains et anglais comme le leur viennent acheter ces peaux aux indigènes. Les capitaines les revendent ensuite en Chine à prix fort. Aucun des membres d’équipage n’a entendu parler de perles près d’ici. Malgré tout, la possibilité que des perles se cachent bel et bien sur ces rivages attise l’imagination de Hugh.
« Si j’en trouve, rêve le rouquin, je deviens riche et je mange tous les jours du poulet quand je reviens au pays ! Puis du pain frais, des fruits et de la confiture... Finis, les vieux biscuits secs et la mauvaise soupe du cuisinier ! »
« Si je deviens riche, je prends le premier bateau pour l’Acadie dès que nous retournons en Angleterre, comme je l’ai promis à mon père quand il est reparti dans son village natal, pense Alexis pour la millième fois. Puis, là-bas, j’achète un bœuf. Le plus fort que je peux trouver. Et puis une belle hache et des outils. Et je construis une grande maison pour ceux qui restent de ma famille... si je les retrouve un jour... »
Pieds nus, les deux jeunes descendent maintenant le long du cordage qui retient la barque à l’arrière de leur navire. Petits, maigres, mais énergiques et habiles, ils ressemblent à deux araignées agiles le long d’un fil au-dessus de la mer. Arrivés dans la barque, ils dénouent le cordage et rament pour s’approcher du grand voilier. Les marins à bord du navire déchargent des barils vides sur leur petite embarcation en contrebas à l’aide de cordages et de poulies. Quelques hommes rejoignent ensuite les mousses et pointent la barque vers la rive.
Chapitre 2
À la proue, les deux jeunes amis dirigent les rameurs vers une jolie crique visible de loin.
« Encore un peu à tribord et on arrive dans la petite baie ! » crie Hugh, tout excité. « Regarde comme c’est beau, Alexis ! »
Au fond de la baie, un ruisseau cascade de la falaise boisée avec un son joyeux juste avant d’entrer dans la mer.
« Ce que ça sent bon ! » s’exclame Alexis, ravi comme Hugh par l’odeur de l’eau fraiche et du sous-bois.
Les vieux marins édentés, eux, y sont indifférents. Une vie entière dans l’air salin et la senteur écœurante des ports sans égouts leur rend l’air frais suspect. Et puis, la propreté et les parfums, c’est une affaire pour les officiers, bien loin de leur existence de vieux loups de mer.
« Vous deux, les mousses ! ordonne sans façon le grand Thomas à l’accostage, surveillez la plage et la forêt pendant que nous remplissons les barils. Avertissez-nous si homme ou bête arrive ! »
Pas question pour les deux garçons de discuter les ordres, surtout ceux de Thomas, un géant imposant. Engagé lors d’un voyage précédent dans l’immense royaume du Kongo, en Afrique, il est le plus âgé du groupe de marins venus à terre. Sa haute stature et son regard intense sous ses cheveux crépus lui confèrent une autorité naturelle.
« Merveilleux ! » pensent tout simplement les jeunes, heureux d’échapper à la corvée d’eau.
« Je surveille la mer ! » annonce Hugh en tournant le dos au groupe.
Le petit rouquin se met donc à observer les flots au cas où une pirogue indigène amie ou ennemie surprendrait les hommes au fond de la petite baie. Évidemment, les pieds nus dans l’eau froide, il en profite aussi pour vérifier quels mollusques se cachent sur les rochers, à la recherche de ces fameuses perles. Sa tête rousse tournée vers la mer et son attention portée sur les rocs gris, il s’éloigne du groupe sans trop s’en rendre compte.
Alexis, de son côté, surveille la rive. Un ours, un loup ou une bête inconnue et fantastique pourrait surgir de cette forêt imposante comme un château fort et menacer l’équipage. En explorant le rivage, il aperçoit de petits fruits invitants sur des plantes basses. Tout de suite, il salive. Des fruits frais ! Il n’a pas vu ça depuis les iles Sandwich, il y a plusieurs semaines ! Et la faim, comme toujours, le tenaille. Les rations du navire ne sont jamais suffisantes pour son appétit de quinze ans.
« Et si j’en prenais juste une, de ces petites baies? s’avise-t-il imprudemment. Si c’est un fruit empoisonné, il n’aura pas bon gout...