Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Traité de gestion de portefeuille, 5e édition actualisée: Titres à revenu fixe et produits structurés - Avec applications Excel (Visual Basic)
Traité de gestion de portefeuille, 5e édition actualisée: Titres à revenu fixe et produits structurés - Avec applications Excel (Visual Basic)
Traité de gestion de portefeuille, 5e édition actualisée: Titres à revenu fixe et produits structurés - Avec applications Excel (Visual Basic)
Livre électronique1 158 pages15 heures

Traité de gestion de portefeuille, 5e édition actualisée: Titres à revenu fixe et produits structurés - Avec applications Excel (Visual Basic)

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Dans cet ouvrage, les auteurs décrivent les principales techniques de gestion de portefeuille de titres à revenu fixe. Tenant compte des plus récents développements en finance, ils tracent les grandes lignes des marchés monétaires canadien et américain, avant d’expliquer les mécanismes de détermination des prix des obligations. Par la suite, ils montrent comment la courbe des rendements à l’échéance résulte des prévisions des taux d’intérêt des intervenants sur les marchés financiers.

Les auteurs étudient également les produits dérivés que sont les options et les contrats à terme et expliquent comment ils peuvent être utilisés pour protéger un portefeuille de titres à revenu fixe contre les fluctuations de taux d’intérêt. Les instruments de couverture offerts par les banques sont également exposés. Cette cinquième édition comporte de plus deux nouveaux chapitres, l’un sur la titrisation au Canada et aux États-Unis et l’autre sur l’évaluation des titres hypothécaires.

Des annexes détaillées ayant trait à la détermination des prix des options sur obligations et sur taux d’intérêt incluant des programmes en Visual Basic sont aussi offertes, de même que de nombreux exercices accompagnés de leurs solutions.

Traité de gestion de portefeuille s’adresse aux étudiants en valeurs mobilières visant une carrière en finance. Il intéressera aussi les gestionnaires de portefeuille et les analystes financiers désireux de parfaire leurs connaissances.
LangueFrançais
Date de sortie6 sept. 2017
ISBN9782760546882
Traité de gestion de portefeuille, 5e édition actualisée: Titres à revenu fixe et produits structurés - Avec applications Excel (Visual Basic)

Lié à Traité de gestion de portefeuille, 5e édition actualisée

Livres électroniques liés

Finance et gestion monétaire pour vous

Voir plus

Articles associés

Avis sur Traité de gestion de portefeuille, 5e édition actualisée

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Traité de gestion de portefeuille, 5e édition actualisée - François-Éric Racicot

    CHAPITRE 1

    LE MARCHÉ MONÉTAIRECANADIEN ET LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA ET AUX ÉTATS-UNIS

    SOMMAIRE

    1.Le marché monétaire américain

    1.1.Le taux d’intérêt des fonds fédéraux

    1.2.Le taux d’escompte de la Fed

    1.3.Le taux de rendement des bons du Trésor

    1.4.La politique monétaire aux États-Unis

    2.Le marché monétaire canadien

    3.La politique monétaire au Canada

    3.1.Une politique monétaire basée sur le coût du financement à un jour

    3.2.Les autres outils à la disposition de la Banque du Canada

    3.2.1.Les opérations d’open market, dites aussi «opérations sur le marché libre»

    3.2.2.Les transferts (ou virements) entre les comptes de dépôts du gouvernement canadien

    3.2.3.Les opérations avec le Fonds des changes

    3.3.La politique monétaire en action

    3.4.L’évolution récente de la politique monétaire au Canada

    3.5.La fonction de réaction de la Banque du Canada

    3.6.D’autres indicateurs financiers à court terme: OIS et TED

    Résumé

    Exercices

    Solutions

    Le marché monétaire est le domaine des titres à court terme, c’est-à-dire des titres qui ont une échéance de un an et moins, alors que les obligations sont des titres dont l’échéance excède l’année. Un traité sur les obligations ne saurait négliger les mécanismes du fonctionnement du marché monétaire puisque, comme nous le verrons dans le chapitre 5 ayant trait à la structure à terme des taux d’intérêt, c’est à partir des taux d’intérêt à court terme que sont fixés les taux d’intérêt obligataires, soit les taux à plus long terme.

    L’influence prépondérante des marchés financiers américains sur les marchés financiers canadiens est connue. En effet, le taux d’inflation canadien et les taux d’intérêt américains sont les principaux déterminants des taux canadiens. Le rôle de l’inflation sur les taux d’intérêt sera analysé dans le deuxième chapitre. Dans ce premier chapitre, nous nous concentrerons en premier lieu sur le fonctionnement du marché monétaire américain, puis nous exposerons les principales composantes du marché monétaire canadien.

    1.LE MARCHÉ MONÉTAIRE AMÉRICAIN

    La journée des gestionnaires de portefeuille débute habituellement par la lecture des grands journaux financiers, notamment le Wall Street Journal¹ et, pour ceux qui veulent examiner de plus près la scène financière internationale, le Financial Times de Londres. Certes, ces gestionnaires possèdent des écrans qui leur livrent l’information à la seconde près, la principale agence de transmission de l’information économique et financière étant Bloomberg. Cependant, ils aiment bien consulter les journaux pour leurs analyses au jour le jour des indicateurs économiques et financiers, même si les indicateurs qui y sont commentés sont ceux de la veille.

    L’une des premières chroniques que consulte le gestionnaire de portefeuille «nord-américain» est celle qui concerne l’évolution du marché monétaire américain. Ce marché exerce en effet une influence prépondérante sur les taux d’intérêt des titres nord-américains, quelle que soit leur échéance. Il a également un impact sur les marchés européens et japonais du fait de son influence sur les taux de change respectifs de ces pays.

    1.1.LE TAUX D’INTÉRÊT DES FONDS FÉDÉRAUX

    Les lecteurs du Wall Street Journal connaissent l’importance du taux des fonds fédéraux, les Fed Funds, dans la détermination des taux d’intérêt américains. La rubrique de ce journal ayant trait au marché monétaire n’a de cesse de commenter son évolution. Et pour cause. Le taux des fonds fédéraux est en effet le taux d’intérêt clé aux États-Unis; c’est celui qui sert à déterminer tous les autres taux d’intérêt, qu’ils soient du marché monétaire ou du marché obligataire.

    Le taux des fonds fédéraux est celui qui prévaut sur le marché interbancaire américain. Les banques en surplus de fonds prêtent aux banques en déficit au taux d’intérêt des fonds fédéraux. Ce sont habituellement les banques aux dimensions relativement modestes, dites encore «banques régionales», qui affichent des surplus de fonds; les grosses banques du marché monétaire sont, pour leur part, souvent en déficit. Des transferts de fonds fédéraux s’opèrent donc entre ces deux groupes d’institutions.

    Bien que les fonds fédéraux puissent être d’échéance relativement longue, les plus courants sont à très court terme. C’est le taux des fonds fédéraux d’un jour qui retient l’attention des courtiers. En effet, comme nous le verrons dans un autre chapitre, suivant la théorie de la structure à terme des taux d’intérêt, une modification dans les conditions du crédit se produit d’abord dans le compartiment à très court terme des marchés financiers. Cette impulsion ondule par la suite vers les taux à plus long terme. Le taux des fonds fédéraux d’un jour est donc fondamental au chapitre de la détermination des taux d’intérêt aux États-Unis. C’est sur ce taux que la Réserve fédérale américaine, plus communément appelée la «Fed», qui désigne la banque centrale aux États-Unis, agit pour influencer les conditions du crédit. Au Canada, le pendant de la Fed est la Banque du Canada.

    1.2.LE TAUX D’ESCOMPTE DE LA FED

    Comme nous venons de le souligner, la Fed est la banque centrale américaine. C’est elle, entre autres, qui imprime la monnaie aux États-Unis et qui formule la politique monétaire, une politique très importante pour les grands pays industrialisés, notamment le Canada.

    Le taux d’escompte de la Fed est le taux auquel la banque centrale prête aux banques commerciales américaines et aux autres institutions de dépôt. Comme le taux d’escompte de la Fed est inférieur au taux des fonds fédéraux, on peut se demander pourquoi les banques américaines n’empruntent pas uniquement auprès de la Fed. La raison est simple: la Fed se considère comme un prêteur de dernier ressort. Il est en effet souhaitable que les banques aient exploité toutes les autres possibilités d’emprunt avant de venir frapper à la porte de la Fed, qui rationne le crédit qu’elle accorde.

    Au Canada, de mars 1980 jusqu’à février 1996, le taux d’escompte de la Banque du Canada était flottant. Il était révisé chaque semaine, le mardi, après l’adjudication des bons du Trésor du gouvernement fédéral. Il était égal à l’ajout de 25 points de base au taux des bons du Trésor à trois mois. Depuis, comme nous le verrons dans une section ultérieure, le taux d’escompte de la Banque du Canada est devenu fixe: c’est la borne supérieure de la fourchette dans laquelle la Banque du Canada essaie de maintenir le taux du financement à un jour. Cette fourchette n’est révisée que périodiquement, selon la direction que la Banque du Canada cherche à imprimer à sa politique monétaire. À l’instar du Canada, le taux d’escompte de la Fed n’est révisé que périodiquement aux États-Unis. Quand la Fed modifie son taux d’escompte, c’est pour signaler à la communauté financière un changement dans l’orientation de sa politique monétaire. À titre d’exemple, la Fed a abaissé à plusieurs reprises son taux d’escompte en 2001 pour indiquer qu’elle assouplissait les conditions du crédit. En effet, un ralentissement économique d’envergure se profilait à l’horizon aux États-Unis et la Fed voulait renverser la vapeur. Cet assombrissement de la conjoncture américaine était exacerbé par les attentats du 11 septembre 2001 qui minèrent la confiance des consommateurs à l’endroit des perspectives économiques et par des problèmes aigus en matière de régie d’entreprises (corporate governance)².

    1.3.LE TAUX DE RENDEMENT DES BONS DU TRÉSOR

    Les bons du Trésor sont des titres à court terme émis par le gouvernement fédéral américain pour se financer. Il se tient chaque semaine des adjudications de bons du Trésor aux États-Unis. C’est le titre le plus important à être négocié sur le marché monétaire. Les échéances des bons du Trésor sont habituellement les suivantes: 13 semaines, 26 semaines et 52 semaines³.

    Une variation du taux des fonds fédéraux se transmet très rapidement au taux de rendement des bons du Trésor à trois mois. Nous verrons comment dans la section suivante qui porte sur la politique monétaire américaine. Mais, auparavant, il convient d’expliquer comment se calcule le taux de rendement des bons du Trésor.

    Les bons du Trésor sont des titres escomptés. C’est généralement le cas de tous les autres titres du marché monétaire: leur échéance n’excède pas une année. Contrairement à une obligation, un titre escompté ne comporte pas de coupon, c’est-à-dire que son détenteur ne reçoit pas de versements périodiques d’intérêt. Le rendement à l’échéance d’un bon du Trésor est donc constitué de son escompte, c’est-à-dire la différence entre sa valeur nominale et son prix d’achat. Le prix d’achat est évidemment inférieur à la valeur nominale, disons 100 pour normaliser. Sinon, le rendement des bons du Trésor serait négatif, et les bons du Trésor ne trouveraient évidemment pas preneur!

    Aux États-Unis, le taux d’escompte des bons est calculé sur une base nominale (discount yield basis), c’est-à-dire que l’escompte est rapporté à la valeur nominale du bon du Trésor et non à son prix pour calculer le taux d’escompte. De plus, l’année financière comporte 360 jours aux États-Unis au lieu de 365 jours, comme une année normale de calendrier. Enfin, le taux d’escompte est annualisé.

    EXEMPLE

    Un bon du Trésor de 91 jours se vend à l’émission 98,00 $. Le taux d’escompte selon la méthode du discount yield basis se calcule comme suit:

    Comme on le remarque dans ce calcul, le rendement calculé sur 91 jours n’a pas été composé en vue d’une annualisation. En fait, la pratique est de ne pas composer les taux du marché monétaire.

    Au Canada, le taux de rendement des bons du Trésor est calculé en rapportant l’escompte au prix du bon et en considérant que l’année financière est une année normale, c’est-à-dire qu’elle comprend 365 jours. Cette technique de calcul est préférable selon les enseignements de la mathématique financière. Cette méthode constitue la bond equivalent basis. Si l’on calcule le rendement du bon du Trésor de l’exemple précédent en appliquant cette méthode, on obtient:

    À partir des mêmes données, le taux de rendement défini selon la bond equivalent basis (base de rendement) est plus élevé que celui obtenu selon la méthode discount bond yield (base d’escompte). C‘est pourquoi il faut corriger les taux d’intérêt du marché monétaire américain pour pouvoir les comparer aux taux canadiens. La Banque du Canada publie des taux d’intérêt américains corrigés.

    Un autre titre qui est fortement négocié sur le marché monétaire américain est le papier commercial. À l’instar du gouvernement, les entreprises américaines fortement cotées émettent des effets de commerce à court terme sur le marché monétaire pour amasser des fonds: le papier commercial. Cet instrument est un substitut au prêt commercial octroyé par les banques. Comme le papier commercial comporte une échéance et que la marge de crédit commerciale est pour sa part à taux flottant, le choix relatif entre les deux instruments de financement dépendra en partie des attentes de taux d’intérêt. Si les entreprises prévoient des hausses de taux d’intérêt, elles se financeront alors par la voie du papier commercial. En effet, elles se soustrairont de la sorte pendant un certain temps à une hausse de taux d’intérêt, alors qu’elles la subiraient de plein fouet si elles recouraient à des marges de crédit à taux flottant pour se financer. L’inverse se produit si elles anticipent des baisses de taux d’intérêt.

    1.4.LA POLITIQUE MONÉTAIRE AUX ÉTATS-UNIS

    Le marché monétaire est la scène de la politique monétaire. Comme nous le mentionnions précédemment, la Fed implante sa politique monétaire surtout par le biais du taux des fonds fédéraux d’un jour, soit le taux qu’elle contrôle le plus directement. Elle dispose de trois instruments pour conduire sa politique monétaire, dont le principal est l’open market, c’est-à-dire ses opérations sur le marché libre. Les deux autres instruments sont les exigences en matière de réserves réglementaires et les prêts consentis aux banques et aux autres institutions de dépôt (discount window)⁴.

    Envisageons une opération d’open market restrictive. La Fed juge en effet que l’inflation est trop forte. Pour implanter sa politique, elle vend des bons du Trésor aux institutions qui déposent chez elle, en l’occurrence les banques commerciales. Ces institutions paient la Fed à même leurs dépôts chez elle. Les banques ont un niveau désiré de réserves excédentaires (RE*), soit les réserves désirées au-delà des montants réglementaires. Il s’ensuit donc une diminution de l’écart (RE – RE*), RE étant le niveau des réserves détenues. Pour reconstituer leurs réserves, les banques recourent, entre autres, au marché des fonds fédéraux, leur source principale de financement à court terme. Or, on sait que rff = f[(RE – RE*), autres variables], rff désignant le taux des fonds fédéraux. Or , c’est-à-dire que la diminution de l’écart (RE – RE*) à la suite de l’opération d’open market fait augmenter le taux des fonds fédéraux, la demande de fonds fédéraux ayant augmenté et l’offre de ceux-ci ayant diminué⁵. La hausse du taux des fonds fédéraux rétroagit sur RE*, une variable endogène, qui diminue à la suite de la hausse du taux des fonds fédéraux. En effet, RE* = f(rff, autres variables), avec . L’équilibre des réserves excédentaires est retrouvé.

    Le taux des fonds fédéraux est un bon indicateur du coût de financement des titres à court terme, tels les bons du Trésor. À la suite de la hausse du taux des fonds fédéraux, la marge de profit sur les bons du Trésor, soit l’écart entre le taux de rendement des bons du Trésor et le taux des fonds fédéraux⁶, diminue. Il se produit un excédent d’offres de bons du Trésor, ce qui occasionne un relèvement de leur taux de rendement. Par des effets de substitution, la hausse du taux de rendement des bons du Trésor se transmet à tout le spectre des échéances obligataires en commençant par les échéances les plus proches et en se dirigeant progressivement vers les échéances les plus lointaines, comme le stipule la théorie des anticipations de la structure à terme des taux d’intérêt⁷.

    Pour officialiser le resserrement de sa politique monétaire, la Fed relève par la suite son taux d’escompte. Dans un premier temps, elle encourage une remontée des Fed Funds, et ce n’est que dans un second temps qu’elle hausse son taux d’escompte. Le taux d’escompte est donc un indicateur retardé de la politique monétaire aux États-Unis. C’est seulement lorsque la Fed veut modifier d’urgence les conditions du crédit qu’elle modifie rapidement et radicalement son taux d’escompte, avant même d’agir sur le taux des fonds fédéraux. Une telle situation a été observée lors du krach boursier d’octobre 1987 alors qu’une baisse marquée des taux d’intérêt s’imposait pour calmer un tant soit peu les marchés boursiers. La Fed est également intervenue très rapidement pour assouplir les conditions du crédit à la suite des attentats du 11 septembre 2001. De tels événements sont cependant exceptionnels. Finalement, des opérations massives de sauvetage d’institutions financières, notamment de banques d’affaires, furent entreprises par la Fed au lendemain du déclenchement de la crise des subprimes de 2007 à 2009.

    Comme l’indique la figure 1.1, la politique monétaire américaine s’est assouplie au début de 2001. Le taux des fonds fédéraux a alors dégringolé, passant de 6,5% à 1,25% du milieu de l’an 2000 au milieu de l’an 2003, et la chute du taux d’escompte de la Fed a été tout aussi brusque. Un ralentissement économique d’envergure s’est en effet insatllé aux États-Unis au cours de cette période après une longue vague de prospérité. Des événements extraordinaires comme l’éclatement de la bulle technologique, les attentats du 11 septembre 2001, des problèmes aigus de régie d’entreprises et le déclenchement de la guerre contre l’Iraq au début de 2003 ont pratiquement sapé la confiance des consommateurs et des investisseurs américains, déjà très chancelante. Ces événements ont requis une intervention rapide de la Fed, ce qui a entraîné son taux d’escompte vers un creux historique.

    FIGURE 1.1Taux d’escompte et taux des fonds fédéraux, États-Unis, 1990-2014


    Par la suite, une période d’expansion qui s’est étirée de 2003 à 2007 a donné lieu à une remontée du taux des fonds fédéraux et du taux d’escompte. En effet, observant des tensions inflationnistes, la Fed a haussé le loyer de l’argent pour les combattre. Dans le même temps, on a assisté à une spéculation dans le secteur de l’immobilier, le gouvernement américain encourageant l’accès à la propriété des ménages moins fortunés. À l’aube de 2007, il est devenu évident que bon nombre de ces ménages ne pourraient rembourser leur prêt hypothécaire, ce qui occasionna un choc du crédit octroyé par les institutions financières. Dans la foulée, de nombreuses institutions firent faillite ou furent menacées de faillite (p. ex. Bear Sterns, Countrywide, Merrill Lynch et Lehman Brothers, le cas de faillite le plus percutant, qui est survenu le 15 septembre 2008). Pour freiner la dégradation alarmante du système économique et financier, la Fed encouragea une baisse sans précédent du taux des fonds fédéraux, qui atteignit presque 0%. Le taux de rendement des bons du Trésor fut même temporairement négatif, ce qui montre bien l’importance de la crise. Comme les taux d’intérêt entrèrent alors dans une trappe à liquidité, la Fed dut mettre en œuvre des mesures exceptionnelles pour pallier les dommages collatéraux de la crise.

    2.LE MARCHÉ MONÉTAIRE CANADIEN

    Jusqu’à la fin des années 1990, les bons du Trésor ont été le principal instrument négocié sur le marché monétaire canadien, mais ils furent supplantés par la suite par le papier commercial. Les bons du Trésor sont émis par le gouvernement fédéral et ils existent selon trois échéances: trois mois, six mois et un an. En septembre 1997, le calendrier hebdomadaire des adjudications de bons du Trésor qui prévalait jusque-là a été remplacé par un cycle de deux semaines. Ces adjudications se tiennent le mardi. De 1980 jusqu’à février 1996, le taux moyen des bons du Trésor lors de l’adjudication servait à déterminer le taux d’escompte de la Banque du Canada des sept jours suivants, soit le taux auquel la Banque prête aux institutions financières. Ce taux correspondait à l’ajout de 0,25% au taux moyen des bons du Trésor. Le taux d’escompte de la Banque du Canada fut donc un taux flexible de 1980 jusqu’au début de 1996⁸. Toutefois depuis le 22 février 1996, la Banque du Canada a modifié la technique de calcul de son taux d’escompte. Dorénavant, celui-ci sera égal au taux correspondant au taux supérieur de la fourchette du taux de financement à un jour. À l’instar de celui de la Fed, le taux d’escompte de la Banque du Canada est maintenant un taux fixe. Nous y reviendrons dans la prochaine section.

    Comme en fait foi le tableau 1.1, l’encours de bons du Trésor canadiens a baissé considérablement de 1995 jusqu’en 2006. En effet, le gouvernement fédéral devait faire face à un très lourd déficit budgétaire auparavant, ce qui le forçait à émettre chaque semaine une valeur toujours croissante de bons. Mais il a considérablement assaini ses finances jusqu’en 2006, ce qui s’est même traduit par des surplus budgétaires importants. Les recours du gouvernement canadien au marché monétaire se sont donc faits alors plus discrets. Mais cette tendance n’a pas duré. À la suite de la crise qui a éclaté en 2007, le gouvernement canadien s’est retrouvé en déficit, si bien que les émissions de bons du Trésor se sont réorientées vers la hausse c’est pourquoi les émissions de papier commercial ont fini par supplanter celles de bons du Trésor entre 2000 et 2006. Notons que le papier commercial est un instrument, émis par les sociétés financières et non financières, dont l’échéance n’excède pas un an.

    TABLEAU 1.1Marché monétaire canadien – Encours des titres, 1970-2013 (en M$)


    Les émissions de papier commercial ont grandement progressé de la fin des années 1980 jusqu’à la crise financière. Ce sont surtout les sociétés financières qui sont responsables de cet essor. D’abord, les sociétés s’adonnant à la titrisation ont vu leurs actifs se gonfler. Ces sociétés transforment en titres négociables des actifs qui, tels les prêts, ne le sont pas, d’où leur nom. Elles regroupent en effet des prêts, par exemple des prêts à la consommation, et elles émettent des titres⁹ en contrepartie pour les financer. Elles adoptent donc le même type de fonctionnement que les fonds communs de placement. En 1993, les émissions des sociétés de titrisation représentaient à peine 12% de l’ensemble du marché du papier commercial. En 2006, cette proportion avait atteint 35%. Mentionnons que les sociétés de titrisation sont en bonne part propriété des banques.

    Ensuite, les banques ont vu leurs dépôts se tarir à partir de la moitié de la décennie 1990. Les investisseurs étaient alors de plus en plus attirés par les fonds communs de placement et de moins en moins par les dépôts bancaires dont le rendement ne cessait de diminuer dans la foulée de la désescalade des taux d’intérêt au Canada. La fonte du taux d’épargne des Canadiens explique également la décrue des dépôts bancaires. Les banques durent donc se tourner vers le marché du papier commercial pour se financer, ce qui rend compte en partie de la progression remarquable de ce marché.

    Mais la crise en amena plus d’un à déchanter. Le papier commercial émis par les sociétés financières – encore désigné par l’expression papier commercial adossé à des actifs ou ABCP (asset backed commercial paper) – comportait un rendement élevé qui attirait les investisseurs et un risque plutôt faible établi par les agences de notation. Cette combinaison gagnante aurait dû éveiller la méfiance chez les investisseurs, puisqu’à un rendement important en finance correspond généralement un risque élevé. Mais ils ne tinrent pas compte de cette relation étant donné que la confiance des investisseurs était importante. Dans la foulée de la crise américaine des produits de titrisation, le marché des ABCP a connu une débandade sans pareille qui faillit même entraîner dans la faillite plusieurs institutions financières. D’un sommet de 164 G$ en 2006, la valeur du marché du papier commercial canadien dégringola à 54 G$ en 2013, soit une baisse de 67%. À remarquer que le marché du papier commercial fut restructuré en 2008 dans le cadre de l’accord de Montréal, l’échéance du papier titrisé étant allongée à sept ans. Le chapitre 15 sur la titrisation fournit plus de détails sur le triste sort qu’ont connu les ABCP.

    Les sociétés de financement sont également très présentes sur le marché du papier commercial. Elles s’adonnent au financement des achats de biens de consommation durables, tels que les autos et les électroménagers, et se financent elles-mêmes en émettant du papier commercial. À titre d’exemple, General Motors (GM) dispose d’une société de financement. Les autres institutions financières, particulièrement les banques, sont de gros acheteurs de papier émis par les sociétés de financement. Finalement, à l’instar des États-Unis, les sociétés non financières très bien cotées émettent du papier commercial sur le marché monétaire. Ce papier est un substitut très rapproché des prêts commerciaux des banques qui sont accordés au taux de base, encore dit «taux privilégié», auquel s’ajoute ou s’enlève une marge selon la cote de crédit de l’émetteur.

    Les acceptations bancaires viennent au troisième rang parmi les titres qui ont cours sur le marché monétaire canadien. Cet instrument est similaire au papier commercial sauf qu’il porte la garantie d’une banque; on dit qu’il est estampillé par une banque. Ce sont les entreprises dont la cote de crédit n’est pas assez élevée pour émettre du papier commercial qui recourent à l’acceptation bancaire. La banque ne fournit pas de fonds à l’émetteur d’acceptations bancaires; elle ne fait que se porter garante du crédit de l’émetteur. Pour offrir cette assurance, elle impose à l’émetteur des frais d’estampillage qui varient entre 0,25% et 0,75% selon le degré de concurrence qui règne sur le marché du crédit commercial. Une fois cette garantie accordée, les fonds seront levés sur le marché monétaire par l’intermédiaire d’un courtier. Il existe une forte substitution entre les prêts commerciaux et les acceptations bancaires. Comme cela a été expliqué antérieurement, cette substitution est basée sur le coût relatif de ces deux instruments en termes de rendement et sur les prévisions de taux d’intérêt. Si les entreprises prévoient une hausse de taux d’intérêt, elles recourront davantage à l’acceptation bancaire pour se financer. Les acceptations bancaires sont en effet des instruments à taux d’intérêt fixe et les prêts commerciaux, des instruments à taux flottant. Les entreprises peuvent de la sorte geler plus longtemps un coût de financement plus faible.

    Le marché des acceptations bancaires s’est surtout développé à partir de la fin des années 1970 et son essor fut tout à fait remarquable jusqu’au début de l’an 2000¹⁰. Plusieurs raisons expliquent cette poussée. D’abord, les entreprises sont de moins en moins limitées en matière de financement. Autrefois, elles étaient assujetties au prêt bancaire pour satisfaire leurs besoins de fonds à court terme, mais, maintenant, elles peuvent faire la navette entrele prêt commercial et l’acceptation bancaire selon le coût relatif de ces deux instruments et leurs prévisions concernant les taux d’intérêt. À ce propos, on remarquera que le montant des acceptations bancaires a diminué au cours de l’année 1991. Le relais a été pris par les prêts commerciaux octroyés par les banques, dont l’encours est passé de 108 milliards à 114 milliards de dollars. La cause de cette évolution est bien simple: on prévoyait alors de fortes baisses des taux d’intérêt et les instruments de financement à taux d’intérêt flottant, telle la marge de crédit commerciale, devenaient plus intéressants que les instruments à taux fixe, comme l’acceptation bancaire.

    Une autre raison qui explique l’intérêt accru pour les acceptations bancaires est l’entrée massive des banques étrangères au Canada à la suite de la révision de la Loi sur les banques de 1980¹¹. Cette révision leur permettait d’ouvrir des filiales bancaires au pays et celles-ci se sont beaucoup impliquées dans le commerce des acceptations bancaires¹². Elles ont livré une forte concurrence aux banques canadiennes au chapitre de l’émission d’acceptations bancaires en abaissant les frais d’estampillage. Ces instruments sont donc devenus de plus en plus attrayants pour l’entreprise comme source de financement à court terme.

    De 2000 à 2005, le marché des acceptations bancaires canadien a battu en retraite. D’abord, la désescalade des taux d’intérêt, qui les a menés vers un creux historique, a favorisé la marge de crédit à taux flottant au détriment des véhicules de financement à taux fixe, telles les acceptations bancaires. Par ailleurs, avec l’essor des processus informatisés, les entreprises ont géré leurs stocks au plus serré, abaissant sensiblement leur ratio désiré des stocks aux ventes. Or c’est le crédit à court terme qui sert traditionnellement à financer les stocks des entreprises. La diminution du ratio désiré des stocks aux ventes s’est donc traduite par une diminution de la demande globale de financement à court terme, dont font partie les acceptations bancaires.

    Un autre facteur qui peut expliquer la diminution des émissions des acceptations bancaires de 2000 à 2005, voire de la demande de financement à court terme dans son ensemble, est la restructuration du financement des entreprises qui a résulté de la décrue des taux d’intérêt obligataires au cours des premières années du deuxième millénaire. En effet, les entreprises ont tiré parti de la baisse très prononcée des taux obligataires en allongeant l’échéance moyenne de leur dette. Elles ont délaissé le financement à court terme et ont émis des obligations en contrepartie. Leurs actifs et leurs passifs ont de la sorte été mieux appariés. La figure 1.2 fait état de la baisse de l’encours global des effets à court terme émis par les entreprises qui s’est produite au début des premières années du deuxième millénaire, et cela, pratiquement pour les mêmes raisons qui expliquent la baisse des émissions d’acceptations bancaires au cours de la même période. Mais, à partir de 2006, les émissions d’acceptations bancaires se sont de nouveau orientées à la hausse. Secouées par la crise, les institutions financières désiraient en effet renflouer leurs liquidités. Elles ont donc diminué la proportion de prêts dans leurs actifs, ce qui a obligé les entreprises à se tourner vers le marché monétaire pour combler leurs besoins de financement à court terme.

    FIGURE 1.2Ensemble des effets à court terme émis par les entreprises, Canada, 1970-2013


    3.LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

    L’histoire récente de la politique monétaire de la Banque du Canada peut être découpée en deux grandes périodes. De 1975 à 1982, la Banque du Canada s’est mise en devoir de réguler les agrégats monétaires. Elle imitait en cela le comportement des banques centrales des grands pays industrialisés. Celles-ci s’étaient en effet converties à une nouvelle doctrine économique: le monétarisme. En vertu de cette doctrine, le taux de croissance de la masse monétaire est le principal, voire le seul, déterminant de l’inflation. C’est parce que la «planche» à billets tourne trop vite qu’il y a de l’inflation. La Banque du Canada se proposait donc de réduire progressivement le rythme de croissance de la masse monétaire de façon à éliminer ce mal endémique qu’est l’inflation. C’est à compter du début de cette courte ère monétariste que la lutte contre l’inflation est devenue le principal objectif de la Banque du Canada. Plus question d’axer la politique monétaire sur la réduction du chômage, car l’expérience passée démontrait qu’une banque centrale avait peu d’influence sur cette variable économique.

    L’application du monétarisme ne donna pas les résultats escomptés. Outre le fait que les agrégats monétaires se révélaient difficiles à contrôler, l’inflation, loin de battre en retraite, s’accélérait. C’est pourquoi la Banque du Canada délaissa la régulation des agrégats monétaires en 1982. La Banque retournait au contrôle des taux d’intérêt. Depuis 1987, c’est par son action sur le coût du financement à un jour qu’elle influence surtout les conditions du crédit.

    3.1.UNE POLITIQUE MONÉTAIRE BASÉE SUR LE COÛT DU FINANCEMENT À UN JOUR

    Le coût du financement à un jour¹³ est le taux auquel les banques, les courtiers et les institutions financières prêtent ou empruntent des fonds pour un jour. Les emprunts qui sont effectués à ce taux sont donc de très courte échéance. À titre d’exemple, les courtiers se servent de ces emprunts pour financer leurs stocks de titres, qui peuvent grandement varier d’une journée à l’autre.

    La Banque du Canada essaie de maintenir le coût du financement à un jour à l’intérieur d’une plage de 0,5%. Cette plage fut introduite au milieu de l’année 1994. Lorsque cette plage est relevée vers le haut ou vers le bas, cela signale aux acteurs du marché que la politique monétaire de la Banque du Canada a été durcie ou assouplie.

    Comme nous l’avons indiqué auparavant, jusqu’au début de 1996, les courtiers disposaient de deux clignotants pour évaluer la direction de la politique monétaire: d’une part, le taux d’escompte flottant de la Banque du Canada, défini comme l’ajout au taux de rendement moyen des bons du Trésor calculé lors de l’adjudication du mardi, d’une marge de un quart de 1%, et, de l’autre, le coût du financement à un jour. Or ces deux clignotants émettaient à certains moments des signaux divergents. Par exemple, au lendemain du référendum québécois qui s’est tenu le 30 octobre 1995, le taux d’escompte de la Banque du Canada a chuté de 147 points de base par rapport à son niveau de la semaine précédente. Il semblait donc que la Banque du Canada avait assoupli de beaucoup sa gestion monétaire. Mais tel n’était pas le cas si l’on observait le clignotant privilégié de la Banque du Canada, soit le coût du financement à un jour. Son repli, au lendemain du référendum, ne s’est chiffré qu’à 25 points de base. Il n’y avait donc pas vraiment de changement de direction de la politique monétaire, ce que laissait croire cependant la retraite du taux d’escompte.

    Pour mettre fin à de telles ambiguïtés, la Banque du Canada a modifié, le 22 février 1996, sa façon de calculer le taux d’escompte. Elle l’a arrimé directement à son clignotant privilégié, soit le coût du financement à un jour. À partir de cette date, le taux d’escompte sera la limite supérieure de la bande de fluctuation du coût du financement à un jour. De variable, le taux d’escompte est donc devenu fixe. Par conséquent, il participe maintenant de la nature du taux d’escompte américain qui est lui-même fixe et qui est arrimé aux taux des fonds fédéraux, soit un taux d’intérêt à un jour.

    La Banque du Canada veut donc rendre sa politique monétaire plus transparente qu’auparavant. Il y aura assouplissement ou durcissement de la politique monétaire quand le taux d’escompte est abaissé ou relevé, c’est-à-dire lorsque la bande de fluctuation du coût de financement à un jour est abaissée ou relevée, puisque le taux d’escompte est maintenant la limite supérieure de cette bande. La Banque du Canada espère ainsi mieux communiquer ses intentions aux marchés financiers.

    Mais comment la Banque du Canada influe-t-elle sur le coût du financement à un jour? La Banque du Canada utilise la technique de la prise en pension¹⁴ si elle veut faire diminuer le coût du financement à un jour et celle de la cession en pension, soit l’opération inverse, si elle veut faire augmenter le coût du financement à un jour. Décrivons une opération de prise en pension.

    Lors d’une prise en pension, qui s’inscrit dans le cadre d’une politique monétaire expansionniste, la Banque du Canada achète des bons du Trésor aux courtiers avec promesse de revente. La Banque du Canada prend donc temporairement en pension des bons du Trésor, d’où le nom de cette technique. Les courtiers reçoivent des chèques de la Banque du Canada en contrepartie, en guise de paiement. Ils diminuent ipso facto leur demande de prêts à vue auprès des banques, ce qui entraîne une baisse du coût de financement à un jour.

    La figure 1.3, qui représente le marché des prêts à vue ou du financement à un jour, illustre comment s’opère cette baisse du coût du financement à un jour à la suite de l’opération de la Banque du Canada. Sur cette figure, DD représente la demande initiale de fonds à un jour et OO, l’offre de fonds à un jour. Sous ces conditions, le coût de financement à un jour d’équilibre est r0. La prise en pension de la Banque du Canada se traduit par une baisse de la demande de fonds à un jour de DD à D′D′. Il s’ensuit une baisse du coût du financement à un jour de r0 à r1.

    FIGURE 1.3Impact d’une prise en pension sur le marché des fonds à un jour


    La baisse des taux d’intérêt ne s’arrête pas là. La diminution du coût de financement à un jour a des répercussions sur les taux de rendement des titres, et ce, des instruments à court terme vers ceux à plus long terme. Voyons comment se produit cet enchaînement.

    Le coût du financement à un jour représente le coût de financement des bons du Trésor pour les courtiers. La baisse du coût du financement à un jour par rapport au taux de rendement des bons du Trésor augmente la marge de profit (spread) liée à la détention de ces bons. À titre d’exemple, supposons que le coût du financement à un jour était initialement de 5% et le taux de rendement des bons du Trésor, de 6%. La marge de profit associée à la détention de bons se situait donc à 1%. Supposons alors que la prise en pension a pour effet d’abaisser le coût du financement à un jour à 4%. La marge de profit associée aux bons augmente dans ce cas de 1% à 2%. Il est alors plus profitable pour les courtiers d’acheter davantage de bons du Trésor. Et l’augmentation de la demande de bons qui en résulte fait diminuer leur taux de rendement¹⁵.

    Le taux privilégié des banques est traditionnellement en étroite relation avec le taux de rendement des bons du Trésor de trois mois¹⁶. Si le taux de rendement des bons du Trésor a suffisamment baissé, il s’ensuivra une baisse du taux privilégié. Habituellement, le taux privilégié des banques, qui est un taux administré, ne réagit qu’à des baisses de plus de 25 points de base du taux de rendement des bons du Trésor. Les banques ajustent en effet leur taux privilégié par bonds de 25 points de base. Si une baisse du taux privilégié se produit effectivement, il s’ensuivra une diminution de toute la structure des taux administrés d’une banque, puisque celle-ci est établie à partir du taux d’intérêt privilégié. Du côté de l’actif, on notera une baisse des taux hypothécaires et des taux d’intérêt qui s’appliquent au crédit personnel et commercial. Mais malheureusement, du côté du passif des banques, les particuliers assisteront également à une baisse généralisée des taux d’intérêt sur leurs dépôts.

    Et l’effet ne s’arrête pas là! La diminution du taux de rendement des bons du Trésor augmente l’attrait des obligations¹⁷. Par conséquent, la demande des obligations augmente, ce qui entraîne une hausse de leur prix et une baisse de leur taux de rendement. Le rendement plus faible des obligations pousse les investisseurs à acheter davantage d’actions, ce qui finit par se traduire également par une baisse de leur rendement.

    On l’aura constaté, la prise en pension de la Banque du Canada se rapportant au départ à des titres d’un jour a retenti sur des titres aux échéances de plus en plus éloignées: d’abord les bons du Trésor, puis les obligations et finalement les actions. La Banque du Canada influe donc sur des titres d’un jour en espérant que ses opérations se répercuteront peu à peu sur des titres aux échéances de plus en plus éloignées. Si la Banque du Canada opérait directement sur le marché des obligations, voire des actions, elle risquerait de perturber gravement les marchés financiers. C’est pourquoi elle préfère, comme toutes les banques centrales au demeurant, se faire discrète en concentrant ses opérations dans les compartiments à très court terme des marchés financiers. Cependant, il n’est pas assuré que la prise en pension de la Banque du Canada atteindra le marché des obligations, et encore moins le marché des actions. Si, malgré les opérations de la Banque du Canada, les investisseurs ne prévoient pas de baisse durable des taux d’intérêt, la prise en pension ne réussira pas à atteindre le marché des obligations. La Banque du Canada ne peut évidemment pas forcer les investisseurs à acheter des obligations: elle ne peut que les inciter à le faire en modifiant leurs attentes relatives aux taux d’intérêt. Si elle ne parvient pas à modifier leurs attentes aux taux, le taux de rendement des obligations ne réagira pas à la baisse du coût de financement à un jour et la politique monétaire de la Banque du Canada aura alors échoué. Nous verrons plus précisément comment un tel événement peut se produire dans le chapitre 5 traitant de la structure à terme des taux d’intérêt. Nous y constaterons que les taux d’intérêt à long terme dépendent, entre autres, des prévisions au chapitre des taux à court terme. Ce n’est donc qu’en modifiant de telles prévisions que la Banque du Canada peut atteindre les taux à long terme.

    Mais supposons que tout se passe comme prévu et que la baisse du coût du financement à un jour fasse diminuer le rendement des actions. Il s’ensuit alors une baisse du coût du capital de l’entreprise, qui est une moyenne pondérée des coûts de l’ensemble de ses instruments de financement, tant à court terme qu’à long terme: titres à court terme, obligations et actions. Dans la foulée, les valeurs actualisées nettes des projets d’investissement (VAN)¹⁸ augmentent, entraînant une relance des projets d’investissement. L’activité économique est alors tonifiée. Par son effet sur le coût du financement à un jour, la Banque du Canada a réussi à galvaniser l’économie. C’est ainsi qu’elle procède quand une récession d’envergure menace de s’installer, comme ce fut le cas au début de 1990.

    La cession en pension, ou «vente à réméré¹⁹», est l’inverse de la prise en pension. C’est une cession par la Banque du Canada de bons du Trésor aux courtiers avec promesse de rachat; une telle opération s’inscrit dans le cadre d’une politique monétaire restrictive et elle a pour effet de faire augmenter le coût du financement à un jour. Par exemple, de façon à encourager un renchérissement du loyer de l’argent à la fin de septembre 1992, la Banque du Canada a offert des cessions en pension à un taux de 6,5%, en hausse par rapport au taux de 4 5/8% offert le 24 septembre²⁰.

    3.2.LES AUTRES OUTILS À LA DISPOSITION DE LA BANQUE DU CANADA

    La prise en pension n’est pas le seul outil dont dispose la Banque du Canada pour influer sur le taux des prêts à vue ou sur les taux à court terme en général. La politique monétaire de la Banque du Canada est une opération complexe qui repose sur un dosage de plusieurs instruments. En plus de la prise en pension, la Banque du Canada a recours à trois autres techniques pour influer sur les conditions du crédit: 1) les opérations d’open market; 2) les transferts (ou virements) entre les dépôts du gouvernement canadien à la Banque du Canada et aux banques à charte; 3) les opérations avec le Fonds des changes. Décrivons brièvement chacune de ces techniques.

    3.2.1.Les opérations d’open market, dites aussi «opérations sur le marché libre»

    La Banque du Canada peut assouplir ou resserrer sa gestion monétaire en ayant recours à l’open market, soit des opérations d’achat ou de vente de bons du Trésor. Nous avons vu auparavant comment la banque centrale américaine, la Fed, s’en servait pour atteindre sa cible.

    Supposons que la Banque du Canada veuille durcir les conditions du crédit. Elle vend alors des bons du Trésor, par exemple aux courtiers et aux institutions de dépôts. Cette vente occasionne une baisse du prix des bons du Trésor, d’où une hausse de leur rendement. Autrement dit, la vente de bons du Trésor fait diminuer le niveau de liquidités dans le système financier. Certes, cette opération influe directement sur le taux du financement à un jour. En effet, comme les institutions prêteuses disposent de moins de fonds, un relèvement simultané du taux du financement à un jour se produit de façon à rationner une disponibilité de fonds plus limitée.

    3.2.2.Les transferts (ou virements) entre les comptes de dépôts du gouvernement canadien

    Le gouvernement canadien détient des dépôts à la Banque du Canada et dans les banques à charte. La Banque du Canada, l’agent financier du gouvernement fédéral, peut transférer à son gré des fonds entre les deux catégories de comptes du gouvernement canadien.

    Supposons encore une fois que la Banque du Canada veuille faire augmenter le loyer de l’argent. Pour ce faire, la Banque diminue de façon discrétionnaire les dépôts du gouvernement canadien dans les banques à charte et en transfère le montant au compte du gouvernement chez elle. En contrepartie, les dépôts des banques à la Banque du Canada, qui constituent une partie de leur encaisse, diminuent. Il s’ensuit une diminution des liquidités dans le système bancaire canadien, d’où une hausse des taux d’intérêt.

    La technique des transferts de dépôts entre les comptes du gouvernement canadien est celle que la Banque du Canada utilise le plus au jour le jour. Elle s’en sert pour ajuster les réserves-encaisse des banques au niveau qu’elle désire. Cette technique de gestion monétaire relève d’une approche bureaucratique, car, en l’utilisant, la Banque du Canada peut cacher son jeu. En effet, il est difficile pour un courtier d’interpréter les variations des différentes catégories de dépôts du gouvernement canadien. Outre la direction de la politique monétaire, plusieurs autres facteurs peuvent en rendre compte.

    3.2.3.Les opérations avec le Fonds des changes

    Le Fonds des changes est un compte dans lequel le gouvernement canadien maintient ses réserves de liquidités internationales, soit ses dollars américains et autres devises. Ce compte, propriété du gouvernement canadien, est d’ailleurs de loin la source la plus importante de devises internationales du pays. La Banque du Canada peut utiliser le Fonds des changes pour modifier les conditions du crédit. À l’instar des virements entre les comptes de dépôts du gouvernement canadien, il s’agit d’une technique indirecte et très bureaucratique. Les banques centrales ont en effet intérêt à cacher leur jeu à court terme. Sinon, elles risqueraient de perturber grandement les marchés financiers.

    Supposons maintenant que la Banque du Canada veuille resserrer les conditions du crédit, de façon à combattre un taux d’inflation jugé trop important. Elle vend alors des devises au Fonds des changes qui, on le sait, est propriété du gouvernement fédéral. Elle se paie en diminuant le compte de dépôt du gouvernement chez elle. La clé de cette opération repose dans la reconstitution du compte de dépôt gouvernemental. La Banque du Canada rétablit le dépôt du gouvernement chez elle en diminuant les dépôts de ce dernier dans les banques. L’encaisse des banques ayant diminué, les taux d’intérêt augmentent.

    3.3.LA POLITIQUE MONÉTAIRE EN ACTION

    Le solde des règlements journaliers²¹ des institutions financières auprès de la Banque du Canada synthétise l’ensemble des opérations que la Banque du Canada effectue sur le marché monétaire durant une journée en vue d’influencer les conditions du crédit. Il y aura augmentation du solde des règlements journaliers dans les cas suivants:

    >opérations de prise en pension;

    >transferts de fonds du compte de dépôts du gouvernement fédéral à la Banque du Canada vers ceux des banques à charte;

    >opérations sur le marché libre (open market) qui se traduisent par l’achat de bons du Trésor par la Banque du Canada.

    Les opérations inverses se traduisent évidemment par une baisse des soldes de règlement.

    Pour modifier le coût du financement à un jour, soit le taux sur lequel la Banque du Canada exerce le plus d’impact²², celle-ci augmente les soldes de règlement par rapport aux montants que les institutions financières désirent détenir chez elle. Ces institutions sont alors plus enclines à prêter aux courtiers de valeurs mobilières, d’où une diminution du taux du financement à un jour. Le cas inverse est bien illustré par une déclaration de la Banque du Canada, tirée de son rapport annuel pour l’année 1992:

    Pour parvenir à resserrer dans une certaine mesure le financement sous forme de prêts à vue, la Banque du Canada s’est surtout employée à maintenir le volume global des soldes de règlement que les adhérents de l’Association canadienne des paiements tiennent chez elle en deçà du niveau souhaité par ces derniers. Les adhérents ont donc été moins enclins à accorder du financement à un jour aux courtiers en valeurs mobilières, ce qui a fait augmenter le taux des prêts à vue.

    La Banque du Canada peut modifier les soldes de règlements journaliers de façon à modifier le coût du financement à un jour soit de façon offensive, soit de façon défensive.

    La Banque du Canada prend une position offensive quand elle veut modifier délibérément les conditions du crédit en influençant le taux du coût du financement à un jour. Par exemple, à la fin d’octobre et au début de novembre 1992, les taux d’intérêt canadiens s’orientaient à la baisse. Comme la Banque du Canada ne souhaitait pas un tel mouvement en raison de la faiblesse du dollar canadien, elle a suscité une augmentation du coût du financement à un jour afin de renverser la tendance qu’affichait le loyer de l’argent au pays.

    Mais la Banque du Canada peut également être sur la défensive. Les agents financiers peuvent en effet mal interpréter les actions de la Banque du Canada ou la Banque peut commettre des erreurs d’appréciation au chapitre des soldes de règlement désirés par les institutions financières. Cela s’est produit à la fin de septembre 1992. Citons, à ce propos, la Banque du Canada:

    Il est arrivé à certains moments que l’interaction entre le marché et les mesures prises par la Banque du Canada soient moins harmonieuses que d’habitude, en partie à cause du climat de nervosité généralisé qui dominait le marché²³. Par exemple, vers la fin de septembre, les taux des prêts à vue se sont situés pendant quelques jours à des niveaux extrêmement élevés, atteignant même 12,5% à un certain moment. Dans le but de freiner cette flambée des taux du financement à un jour survenue à la fin de septembre et au début d’octobre, la Banque du Canada a augmenté le volume des soldes de règlement qu’elle offre au système financier et a fourni à celui-ci des liquidités supplémentaires au moyen de prises en pension spéciales²⁴.

    Mais il reste que ce sont les positions de la Banque du Canada qui dominent la tendance du coût du financement à un jour. Parfois, la Banque du Canada fait montre de doigté dans ses déclarations en affirmant qu’elle a entériné les vues du marché, bien qu’elle en soit, à n’en pas douter, en partie responsable.

    En septembre et durant la première quinzaine d’octobre, lorsque la faiblesse du dollar a provoqué la hausse soudaine des taux du marché monétaire, la Banque du Canada a entériné ce relèvement des taux en réduisant le volume des soldes de règlement qu’elle fournit aux institutions financières et en effectuant des cessions en pension²⁵.

    L’épisode de la politique monétaire canadienne que nous venons de relater est riche en enseignements. Il montre comment un événement politique, ici le référendum de 1992, peut influer sur la politique monétaire canadienne. Certes, un tel événement a donné lieu à des fuites de capitaux importantes, ce qui a exercé des pressions à la baisse d’envergure sur le taux de change du dollar canadien. La Banque du Canada a donc dû effectuer des cessions en pension pour imprimer un mouvement haussier au coût du financement à un jour, de façon à redresser le dollar canadien. Mais ces opérations ont été mal interprétées par les teneurs de marché, et la forte augmentation de la demande de financement à un jour que cela a entraînée a asséché le marché. Le coût du financement à un jour a alors bondi et la Banque du Canada a dû renverser la vapeur en réinjectant des liquidités dans le système financier, car elle jugeait exagérée la hausse du coût du financement à un jour.

    On remarquera par ailleurs que bien souvent, lorsque les taux d’intérêt augmentent, le coût du financement à un jour est inférieur à celui des bons du Trésor à trois mois et, lorsque les taux d’intérêt diminuent, le coût du financement à un jour lui est supérieur. Cela ne signifie pas nécessairement que la Banque du Canada est sur la défensive, il s’en faut de beaucoup. D’abord, une telle relation entre ces deux taux est conforme à la théorie des anticipations des taux d’intérêt que nous examinerons dans le chapitre 5²⁶. Ensuite, le tir de la Banque du Canada manque la plupart du temps de précision, car les variables qu’elle doit prévoir avant de s’exécuter sont multiples. Lorsque la Banque du Canada veut causer un renchérissement du loyer de l’argent, il est possible qu’elle suscite des réactions plus fortes que prévu²⁷, comme lors de l’épisode du référendum de 1992, ce qui l’oblige à abaisser le coût du financement à un jour sous le taux de rendement des bons du Trésor. La Banque du Canada n’est pas un devin et elle ne peut effectuer des ajustements au dixième de pourcentage près.

    3.4.L’ÉVOLUTION RÉCENTE DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

    L’objectif ultime de la Banque du Canada est la lutte contre l’inflation. Pour concrétiser cet objectif, le gouvernement canadien et la Banque du Canada ont annoncé conjointement en février 1991 l’établissement de cibles de réduction de l’inflation, qui visaient à la ramener dans une fourchette de 2 à 4% à la fin de 1992 et de 1 à 3% à la fin de 1995. En décembre 1993, il a été convenu de maintenir la fourchette dans un intervalle de 1 à 3% jusqu’à la fin de 1998²⁸. Depuis, la fourchette d’inflation de la Banque du Canada, que l’on retrouve chaque semaine dans le Bulletin hebdomadaire de statistiques financières de la Banque du Canada, a été maintenue au même niveau. Mentionnons que la cible de maîtrise de l’inflation de la Banque du Canada est de 2%. Voici ce que mentionne la Banque du Canada dans son Bulletin:

    Bien que la cible soit exprimée en fonction de l’IPC²⁹ global, la Banque du Canada fonde ses décisions de politique monétaire sur un indice de référence qui exclut de l’IPC les huit composantes les plus volatiles (fruits, légumes, essence, mazout, gaz naturel, intérêts hypothécaires, transport interurbain et produits du tabac) ainsi que l’effet des impôts indirects sur les autres composantes.

    Au départ, la fourchette de réduction de l’inflation apparaissait bien téméraire, l’inflation excédant les 5,5% en 1991. Malgré tout, la Banque du Canada a pu atteindre ses objectifs. Il est vrai qu’elle était dirigée à l’époque par une main de fer, en l’occurrence celle de John Crow. Jamais n’aura-t-on vu un gouverneur aussi déterminé à la tête de la Banque du Canada. À partir de sa nomination à la tête de la Banque du Canada, soit en 1987, Crow n’a eu de cesse de répéter que l’atteinte de la stabilité des prix était indispensable au bon fonctionnement de l’économie.

    À la suite de l’accession de Crow à la Banque du Canada, les taux d’intérêt se sont engagés sur une pente nettement ascendante au pays. La Banque du Canada signalait alors au marché sa volonté intraitable et opiniâtre de réduire l’inflation. Son taux d’escompte devait même culminer au-dessus de la barre des 14% en mars 1990. Les taux d’intérêt réels, c’est-à-dire les taux corrigés de l’inflation, atteignirent alors des sommets inédits; il fallait juguler l’inflation, qui frôlait les 5%. Par la suite, la Banque du Canada encouragea une baisse du loyer de l’argent, car une récession était en train d’établir ses quartiers dans le pays. Inutile de dire que cette récession avait beaucoup à voir avec la politique monétaire très austère qui prévalait depuis quelques années déjà. Timide au départ, le desserrement de la gestion monétaire fut par la suite de plus en plus marqué. À un point tel que le taux d’escompte de la Banque du Canada avait dégringolé à un niveau approchant les 4% en août 1993, du jamais vu en plus de vingt ans. La bataille de la Banque du Canada en matière d’inflation était gagnée, puisque le taux d’inflation canadien n’était plus alors que de 1,5%. S’ensuivit au Canada une longue période de prospérité, qui devait franchir le cap du deuxième millénaire.

    La baisse des taux d’intérêt à long terme fut beaucoup moins importante que celle des taux à court terme en vigueur à partir du milieu de l’année 1990 jusqu’au milieu de l’année 1992. D’abord, les taux d’intérêt à long terme sont beaucoup plus conditionnés par les attentes inflationnistes que les taux à court terme qui, eux, réagissent beaucoup plus à la politique monétaire. Or, selon toute vraisemblance, les faiseurs de marché étaient très sceptiques à l’endroit de la cible inflationniste de la Banque du Canada, d’où une certaine résistance des taux à long terme. Ensuite, les taux d’intérêt à court terme sont plus flexibles que les taux à long terme: lors d’une baisse de taux, les premiers baissent plus que les seconds. Nous verrons pourquoi dans le chapitre 5 qui traite de la structure à terme des taux d’intérêt. D’ailleurs, au printemps de 1992, les taux à court terme excédaient les taux à long terme. Une telle situation, anormale il va sans dire, est symptomatique d’une période de taux d’intérêt très élevés. On dit alors que la courbe des rendements à l’échéance est inversée. La courbe des rendements devait par la suite retrouver sa pente normale positive³⁰ dans un contexte de baisse marquée du loyer de l’argent. Cela explique encore pourquoi les taux à long terme ont moins reculé que les taux à court terme de 1990 à 1992. Finalement, la demande de fonds à long terme était élevée au Canada au début de la décennie 1990 en raison des déficits budgétaires colossaux qui prévalaient alors, ce qui représentait une autre entrave à la baisse des taux à long terme. Cette situation s’est largement corrigée par la suite et les taux à long terme ont pu s’engager résolument à la baisse.

    La baisse des taux à long terme moins importante que celle des taux à court terme au début de la décennie 1990 ressort bien de la figure 1.5, qui fait montre de la relation entre les taux des hypothèques à un an et celles à cinq ans. On note que l’écart entre les taux de un an et de cinq ans s’est creusé au début de la décennie 1990. Certes, une telle relation est normale en période de baisses des taux d’intérêt, comme nous l’enseignera la théorie des anticipations des taux d’intérêt. On voit que l’écart de taux s’est également creusé au cours des premières années du deuxième millénaire alors que les taux d’intérêt battaient en retraite. Il est possible cependant, que lors de ces deux épisodes de baisses de taux, des primes de risque se soient ajoutées dont la nature a été précisée dans les paragraphes précédents.

    Les figures 1.4 et 1.5 font état de l’impact très marqué de la baisse de l’inflation au Canada sur les taux d’intérêt qui, au début de 2003, étaient devenus dérisoires. L’inflation, telle que mesurée par l’indice de référence de la Banque du Canada, se situait à 2,3% au milieu de l’année 2003, donc très près de la cible de maîtrise de l’inflation, à 2%, et le taux d’escompte de la Banque du Canada était de 3,5%. En 2002, la Banque du Canada a relevé son taux d’escompte à plusieurs reprises devant une certaine recrudescence de l’inflation, mais elle l’a de nouveau abaissé dès juillet 2003 alors que l’inflation semblait sous contrôle au pays et que l’économie se dirigeait de plus en plus vers un ralentissement économique d’envergure.

    FIGURE 1.4Taux du financement à un jour et des bons du Trésor (3 mois) Canada, 1992-2014


    FIGURE 1.5Taux des hypothèques de 1 an et 5 ans, Canada, 1990-2014


    Le taux du financement à un jour s’est réorienté à la hausse de 2004 à 2007 alors que la croissance économique gagnait en vigueur. Mais cette hausse fut plutôt modeste étant donné que l’inflation demeurait dans la fourchette cible de la Banque du Canada. Par la suite, avec pour toile de fond une crise financière de très grande envergure, la Banque du Canada a tellement assoupli sa politique monétaire que le taux de financement à un jour était pratiquement nul à la fin de 2008. À la fin de 2009, la situation économique s’est redressée, tout en demeurant fragile. Par conséquent, le taux du financement à un jour n’a guère augmenté de 2009 à 2013, au grand dam des rentiers.

    Avec le recul, on peut se demander si l’extrême resserrement de la gestion monétaire requis au début de la décennie 1990 pour ramener l’inflation à l’intérieur de la fourchette cible de la Banque du Canada n’était pas exagéré. Ce resserrement a en effet occasionné une récession économique marquée au pays et a fait bondir le taux de chômage. Il ne faut pas oublier que l’inflation est très modérée aux États-Unis depuis le début de la décennie 1990. On peut se demander si la Banque du Canada n’aurait pas dû plutôt aligner sa politique monétaire sur celle de son principal partenaire commercial plutôt que de se donner une politique monétaire supposément autonome. Les taux d’intérêt auraient alors été plus bas et la croissance économique aurait été moins déprimée. À long terme, il est en effet difficile d’isoler l’inflation canadienne de l’inlfation américaine, étant donné la taille beaucoup plus importante de l’économie américaine. Certes, le taux de change est susceptible d’isoler la politique monétaire canadienne de son homologue américaine mais au prix de fluctuations souvent indésirables des variables financières. Il y a peut-être ici une leçon à retirer du passé.

    3.5.LA FONCTION DE RÉACTION DE LA BANQUE DU CANADA

    Traditionnellement, ce sont les taux d’intérêt américains qui influent le plus sur les taux d’intérêt canadiens. En effet, le climat financier américain a beaucoup d’impact sur les marchés financiers canadiens. Quand les taux d’intérêt augmentent aux États-Unis, ils adoptent habituellement la même

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1