L'alcool, les drogues et le travail
Par Pierrot Schiltz
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À propos de ce livre électronique
À en croire certaines études, l’alcool serait maintenant en cause dans 30 % des accidents mortels et 19 % des accidents graves tandis que la drogue est la cause de 6 % des accidents mortels et de 4 % des accidents graves.
L’alcool au travail toucherait, par ailleurs, dans certaines entreprises jusqu’à 15 % des effectifs, 25 % de tous les accidents de travail seraient probablement dus à l’alcool et, en milieu professionnel, 8,4 % des salariés interrogés à l’occasion d’une étude de toxicomanie consommeraient des substances illicites.
En dépit de l’importance du problème, le pouvoir en place peine à réagir et, démuni, le chef d’entreprise ne sait pas souvent comment faire face au problème.
L’auteur, Me Pierrot Schiltz, avocat à la Cour, a déjà publié d’autres ouvrages tels que « Droit du Travail – Mode d’Emploi », « La Maladie du Salarié » ou « Le Recouvrement de Créances ».
Cette nouvelle édition englobe le problème des drogues sur le lieu du travail. Elle dresse un cadre légal beaucoup plus fourni, l’évolution jurisprudentielle en matière d’alcool depuis la première édition parue en 2008 et les nouvelles jurisprudences prononcées par les tribunaux dans le domaine des drogues. Elle entre, par ailleurs, dans le détail des tests de dépistage et des fouilles en entreprises.
Finalement, l’ouvrage propose à l’employeur différents conseils susceptibles de lui permettre de faire face aux problèmes et de réagir vis-à-vis des salariés alcoolisés ou drogués.
Tout comme dans ses publications antérieures, l’auteur a soigné un langage « non juridique » qui rend l’ouvrage accessible à tout intéressé et constitue un outil de travail pratique.
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Aperçu du livre
L'alcool, les drogues et le travail - Pierrot Schiltz
Artisans
Introduction
Depuis la parution de la première édition de « L’alcool et le travail » en 2008, le tableau des effets de la consommation d’alcool et de drogues s’est noirci :
Concernant la consommation d’alcool au Luxembourg en général
:
– L’alcool est la cause de 30 % des accidents mortels (1 accident mortel sur 3 est dès lors lié à l’alcool) et de 19 % des accidents graves ¹ .
– En 2014, la consommation annuelle moyenne d’alcool pur par habitant au Grand-Duché de Luxembourg a été de 14,61 litres (ce chiffre est parmi les plus élevés en Europe, mais est à relativiser alors qu’il se base sur les chiffres de vente de boissons alcoolisées qui englobent les achats des frontaliers et des touristes) ² .
– Les habitants au Luxembourg meurent davantage de maladies chroniques du foie et de cirrhose que dans les autres pays de l’Europe de l’ouest (en 2002, les maladies du foie causaient 2,5 % de décès par an, en 2005, 3,1 % par an) ³ .
– La mortalité liée à l’alcool est même l’une des plus élevées d’Europe ⁴ .
– L’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable au Grand-Duché de Luxembourg ⁵.
– D’après une estimation du Conseil National Luxembourgeois d’Alcoologie (CNLA), il y a environ entre 8.000 et 10.000 personnes dépendantes de l’alcool au Luxembourg ⁶ .
Concernant la consommation de drogues au Luxembourg en général
:
– D’après le bilan des accidents de la route de 2015 précité, la drogue est la cause de 6 % des accidents mortels et de 4 % des accidents graves ⁷ .
– Le rapport annuel de 2016 sur les drogues au Luxembourg fait état de quelques 2.070 usagers ⁸ .
– Le comportement le plus observé au sein des usagers problématiques de drogues est une poly-consommation généralisée et d’usage intraveineux d’opiacé et de cocaïne.
– Le taux de mortalité par surdose de drogues illicites serait cependant en baisse au Luxembourg avec 12 cas en 2015 par rapport à 27 cas en 2007.
Une étude européenne (reposant sur des rapports nationaux de 27 membres de l’Union européenne et de la Norvège), indique que 5 à 20 % des travailleurs sont alcooliques ou risquent de le devenir. Les chiffres du cannabis ne sont pas plus rassurants : en 2009, 6,7 % des Européens âgés de 15 à 64 ans ont consommé du cannabis ; 1,2 % ont pris de la cocaïne et 1,1 % des amphétamines ⁹.
L’alcool et les drogues sont par ailleurs devenus une source de litige qui préoccupe de plus en plus nos tribunaux et ce à tous les niveaux du droit (circulation, travail, pénal, civil…).
• Sur le plan du droit civil et du droit des assurances
Les litiges ayant pour objet la réparation de dommages matériels et corporels causés sous l’influence d’alcool ou de drogues vont en augmentant. Le droit de la responsabilité civile veut en effet qu’à chaque fois qu’une personne cause un dommage à autrui de par sa faute, il doit réparer ce dommage dans la mesure où celui-ci est en relation causale avec la faute qu’il a commise.
Exemple
: Sous influence d’alcool ou de drogues, un chauffeur automobile ne respecte pas les règles de la priorité et cause un accident. Il incombera au chauffeur par la faute duquel l’accident est arrivé de réparer tous les dommages matériels et corporels subis par l’autre chauffeur qui bénéficiait de la priorité.
Dans ce contexte, le chauffeur alcoolisé ou drogué responsable ne se rend souvent pas compte que son assurance peut ne pas prendre en charge l’indemnisation de la victime ayant subi un dommage étant donné que les contrats d’assurance prévoient dans beaucoup de cas l’exclusion de la prise en charge du risque, respectivement le droit pour l’assureur de se retourner contre l’assuré pour obtenir remboursement de tous les montants payés à la victime, si au moment de l’accident le chauffeur responsable était sous influence de substances psychoactives (alcool, drogues et médicaments).
Cette faculté est expressément réservée aux compagnies d’assurances par l’article 6 du Règlement grand-ducal du 11 novembre 2003 pris en exécution de la loi du 16 avril 2003 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs d’après lequel les compagnies d’assurances ont la possibilité de prévoir dans leur police un recours contre leur assuré du moment que celui-ci cause un accident en ayant 0,8 gr d’alcool par litre de sang ou 0,35 mg / litre air expiré.
• Sur le plan du droit pénal
Les tribunaux de police et correctionnel traitent quotidiennement une ribambelle d’affaires dans lesquelles des infractions sont commises sous influence d’alcool et/ou de drogues.
Exemple
: Retrait du permis de conduire lié à une conduite sous influence d’alcool ou de drogues ; homicide ou coups et blessures commis à l’occasion d’un accident de la circulation ou d’une rixe sous influence de substances psychoactives.
La responsabilité pénale de l’auteur ayant commis l’infraction est engagée et se traduira par des peines d’emprisonnement, amendes et interdiction de conduire prononcées par le tribunal.
• Sur le plan du droit du travail
Les tribunaux du travail connaissent, eux aussi, un nombre croissant de litiges en relation avec la consommation de substances psychoactives par les travailleurs sur leur lieu de travail.
En effet, dans le milieu professionnel, les pots célébrant une promotion, un départ, un anniversaire, la signature d’un contrat juteux ou encore des repas d’affaires ou fêtes d’entreprise sont monnaie courante et favorisent, voire justifient et incitent à la consommation d’alcool. Si le milieu professionnel est dès lors souvent un facteur « légitimant » la consommation d’alcool (moins de drogues), l’abus de cette consommation peut conduire à des répercussions graves sur le lieu du travail.
Rappelons que les substances psychoactives sont « des substances d’origine naturelle ou synthétique qui modifient l’activité mentale, les sensations et le comportement… elles sont psychoactives et provoquent des troubles psychiques et physiques » ¹⁰ tels :
– la diminution de la vigilance, du champ de vision, des réflexes (somnolence, agitation, vertige) et du raisonnement, troubles du comportement et de la perception des risques, actes de violence (verbale ou physique).
– L’alcool et le cannabis peuvent encore avoir des effets le lendemain.
– Risques chroniques : effets cancérogènes avérés (alcool et drogues exclusivement), troubles de la mémoire, dépression / troubles psychiatriques graves, pathologies diverses.
– Conséquences en général : altération de la notion de danger (insouciance, altération du jugement et d’une prise de décision erronée), désocialisation, difficultés relationnelles… ¹¹ .
Les causes de cette consommation sont à rechercher dans ¹² :
– le stress au travail,
– la volonté d’améliorer sa performance,
– la volonté de s’adapter aux contraintes de travail (exigences liées au poste),
– les habitudes de consommation dans l’entreprise (la non consommation peut causer un risque d’exclusion à l’occasion de fêtes d’entreprise ou de repas d’affaires…),
– le sentiment de déshumanisation (dans les rapports de travail dans certaines grandes entreprises au profit des seules exigences de rentabilité) ¹³ .
L’impact de cette consommation ne s’est pas fait attendre dans le milieu professionnel alors que d’après le Conseil National Luxembourgeois d’Alcoologie ¹⁴ :
– l’alcool au travail toucherait dans certaines entreprises, jusqu’à 15 % des effectifs,
– 25 % de tous les accidents de travail sont probablement dus à l’alcool,
– l’alcool serait en cause dans chaque 6e cas de licenciement,
– 8.000 à 10.000 personnes seraient dépendantes de l’alcool au Luxembourg,
– les absences au travail seraient 4 fois plus fréquentes chez les alcooliques,
– à peu près chaque dixième travailleur boirait quotidiennement de l’alcool au travail.
D’après les statistiques d’AXA ASSURANCES au Luxembourg, 89 % des personnes qui travaillent consomment de l’alcool et 47 % des actifs interrogés auraient une consommation qui présenterait un risque pour leur santé ¹⁵ .
Finalement, d’après une étude de toxicomanie faite en milieu professionnel, 8,4 % des salariés consommeraient des substances illicites ¹⁶.
En dépit de l’importance du problème, le pouvoir en place peine à réagir. Si d’un côté les politiques aiment bien s’afficher dans les médias avec des pléiades de plans d’action ¹⁷, en réalité ils ne font pas grand-chose. Au lieu d’aveugler le public et de noyer le poisson par des soi-disant plans d’action nationaux, recherches et dialogues sociaux en entreprises, statistiques, beaux discours…, il serait autrement plus facile au pouvoir en place de prendre ses responsabilités et de faire voter tout simplement une loi interdisant la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu du travail respectivement d’interdire de se présenter sur le lieu du travail sous les effets de substances psychoactives. Le problème serait réglé une fois pour toutes et les acteurs au contrat de travail auraient la facilité de savoir à quoi s’en tenir.
Dans la préface de l’édition de 2008, le Ministre de la Santé d’antan Monsieur Mars Di Bartoloméo, plaidait « pour une approche précoce sur plusieurs fronts : individuelle tout d’abord pour ne passer à côté de la dimension humaine du problème, par la promotion de l’aide au travailleur qui vit un drame personnel ; préventive par l’information, de façon à pouvoir influencer le comportement du buveur
du travailleur et parallèlement par l’amélioration des conditions de travail ». Belles initiatives, certes… et qui occuperont beaucoup de gens pendant longtemps. Voter une loi promulguant l’interdiction serait chose faite en quelques semaines… si la volonté y était.
Que la volonté n’y est manifestement pas se voit à travers le fait que dans sa cantine, l’État offre à ses fonctionnaires venant déjeuner des boissons alcoolisées pendant le repas tout en sachant que bon nombre de ces fonctionnaires reprendront le service par après.
Face à l’inactivité du législateur, les dirigeants d’entreprise se trouvent bien souvent démunis face à des salariés alcoolisés ou drogués et, à défaut de textes de loi clairs et précis, sont délaissés à leur propre créativité et initiative pour faire face à la situation.
La présente publication énumère les quelques textes de loi applicables en matière de consommation d’alcool et de drogues sur le lieu du travail (Chapitre 1) pour ensuite exposer de quelle manière à travers une jurisprudence abondante, les juges du travail, à l’occasion de litiges autour de licenciements, appliquent ces textes pour prendre leurs décisions (Chapitre 2). Finalement l’ouvrage proposera à l’employeur un ensemble d’initiatives personnelles qu’il est en droit de prendre pour lutter contre la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu du travail