Bordeaux: Bordeaux à travers les yeux de l'un des plus grands romanciers français
Par Stendhal
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À propos de ce livre électronique
Stendhal nous invite à visiter Bordeaux en sa compagnie.
Cette étude de mœurs, texte mal connu de Stendhal, est ancrée dans une ville qui séduit le voyageur par son histoire et par la présence tutélaire de ses grands anciens, au premier rang desquels figure Montesquieu. Elle se double du regard acéré du critique d’art. La description de Bordeaux passe ainsi par celle minutieuse de ses monuments, à l’exemple de son fameux théâtre, et par celle des mœurs des individus rencontrés lors de ses pérégrinations.
Les opinions avancées par le maître du romantisme en villégiature sont pleines d’émotion, chargées parfois d’une ironie mordante.
EXTRAIT
À chaque instant, on est arrêté à Bordeaux par la vue d’une maison magnifique. Quoi de plus heureux que celle du café Montesquieu, sur les Quinconces ? Je voulais citer une maison de la rue des Fossés située à côté d’une rue transversale, mais les rues ici ne portent point leurs noms. Les échevins, fort économes pour ces sortes de dépenses, prétendent que tout le monde connaît les rues.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bénéficiant d’un congé avec traitement après un long séjour en Italie, où il était consul, Stendhal voyage pendant deux ans à travers la France, la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. C’est à cette occasion, et préparant ses Mémoires d’un touriste (1838), que Stendhal visite Bordeaux. Une bonne occasion de découvrir une autre facette de ce militaire engagé dans l’armée de Bonaparte, de cet amoureux transi des femmes d’Italie, du Julien Sorel de ce chef-d’œuvre qu’est Le Rouge et le Noir paru quelques années plus tôt...
La plume incomparable de ce romantique que Nietzsche qualifiait de « dernier des grands psychologues français » s’applique aussi au récit de voyage. À son propos, le philosophe allemand a fait également cet aveu singulier :
« Peut-être suis-je même jaloux de Stendhal. Il m’a volé le meilleur mot que mon athéisme eût pu trouver : "La seule excuse de Dieu", c’est de ne pas exister. »
Stendhal
MARIE-HENRI BEYLE (23 January 1783 - 23 March 1842), better known by his pen name Stendhal, was a 19th-century French writer. Best known for the novels Le Rouge et le Noir (The Red and the Black, 1830) and La Chartreuse de Parme (The Charterhouse of Parma, 1839), he is highly regarded for the acute analysis of his characters’ psychology and considered one of the earliest and foremost practitioners of realism. Born in Grenoble, Isère, he relocated to Italy following the 1814 Treaty of Fontainebleau, settling in Milan. He formed a particular attachment to Italy, where he spent much of the remainder of his career, serving as French consul at Trieste and Civitavecchia. Having suffered a number of physical disabilities in his final years of writing, Stendhal died at the age of 59 in March 1842, just a few hours after collapsing with a seizure on the streets of Paris. He is interred in the Cimetière de Montmartre. HAAKON MAURICE CHEVALIER (September 10, 1901 - July 4, 1985) was an American author, translator, and professor of French literature at the University of California, Berkeley best known for his friendship with physicist J. Robert Oppenheimer, whom he met at Berkeley, California in 1937. Born in Lakewood Township, New Jersey, Chevalier served as a translator for the Nuremberg Trials in 1945 and has translated many works by Salvador Dalí, André Malraux, Vladimir Pozner, Louis Aragon, Frantz Fanon and Victor Vasarely into English. He died in 1985 in Paris at the age of 83.
En savoir plus sur Stendhal
Le Rouge et le Noir Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5La Chartreuse de Parme Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Amitié amoureuse Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5
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Aperçu du livre
Bordeaux - Stendhal
Bordeaux,
dimanche 11 mars 1838
Parti de Paris le 8 mars à quatre heures trois quarts après midi, je suis arrivé à Bordeaux le dimanche 11 mars, à quatre heure et un quart du matin. J’étais tellement endormi par la fatigue que je ne me suis pas aperçu du passage sur le fameux pont de Bordeaux, dont je me faisais une fête.
Vers les quatre heures et demie, la diligence s’est arrêtée presque vis-à-vis du théâtre sur la magnifique place nommée Allées de Tourny. Un commissionnaire s’est chargé de mes effets et je suis arrivé chez M. Baron à l’hôtel de France, tellement accablé de fatigue que je craignais d’avoir oublié la moitié de mes effets à la diligence. C’est un malheur qui m’arrive souvent. J’ai une belle et bonne chambre, étroite et haute, avec une fenêtre. Je dors jusqu’à une heure après-midi. Je trouve qu’il a plu. Je vais déjeuner à deux heures au Café du Théâtre. Pas d’autres journaux que ceux de jeudi ; en effet, je suis venu en soixante et onze heures, dit-on, mais la poste est partie de Paris vendredi, vingt-cinq heures après moi.
Beauté supérieure du magnifique quai de la Garonne que j’ai trouvé encore supérieur à l’idée qui m’en était restée. J’ai eu bien des idées en revoyant Bordeaux, que je n’avais fait qu’entrevoir en 1828, mais je suis trop fatigué pour les écrire. Il est dix heures du soir (toujours dimanche), je sors de La Juive¹. Principal rôle pas mal chanté par Mme Pouilley qui, à défaut de beauté, possède une belle voix point aigre. J’ai trouvé un assez bon dîner et assez bonne compagnie à l’hôtel où je vais loger ; mais ce dîner, qui commence à cinq heures et quart, a lieu dans une vaste salle au rez-de-chaussée, noire, sans lumière, peu élevée et telle qu’une salle plus triste n’existe peut-être pas à Genève, et nous sommes à Bordeaux, centre de la vivacité gasconne, ville plus méridionale que Valence.
1. Opéra de Fromental Halévy, créé en 1835. (N.d.É.)
Lundi, 12 mars
Lorsque, vers les minuit, par un beau clair de lune, on sort de la rue Sainte-Catherine et que l’ont voit à droite cette magnifique rue du Chapeau-Rouge, à gauche, la rue des Fossés de l’Intendance, en face, la place du Théâtre, au-delà, la place de Tourny et les échappées de vue que donnent les Quinconces plantés d’arbres, on se demande si aucune ville du monde offre des aspects aussi imposants. Notez que la rue du Chapeau-Rouge, qui se termine vers le bas par les mâts des vaisseaux qui couvrent la Garonne, s’élève vers la place du Théâtre par une pente magnifique que continue la rue des Fossés de l’Intendance. Elle se termine elle-même par la place Dauphine, grande et régulière.
De ce point, la vue de la Garonne et de la foule des navires est interceptée par les Bains, vieil édifice plat, que l’on pourrait démolir et transporter aux bains des Quinconces.
À chaque instant, on est arrêté à Bordeaux par la vue d’une maison magnifique. Quoi de plus heureux que celle du café Montesquieu, sur les Quinconces ? Je voulais citer une maison de la rue des Fossés située à côté d’une rue transversale, mais les rues ici ne portent point leurs noms. Les échevins, fort économes pour ces sortes de dépenses, prétendent que tout le monde connaît les rues.
Tous les premiers étages sont beaux à Bordeaux. La plupart ont douze ou quinze pieds d’élévation et de magnifiques balcons, et la rue a quatre pieds de large. Les corniches, vers le haut des maisons manquent de largeur, ce qui ôte la physionomie et produit un effet mesquin. Leurs ornements, de fort mauvais goût et fort travaillés, donnent de la petitesse, mais si jamais les yeux bordelais voient ces défauts, ils sont faciles à corriger.
Je vais aux Feuillants, église du collège, dans l’espoir de voir le tombeau de Montaigne. Le prêtre qui dessert la chapelle a emporté la clef.
Ce qui frappe le plus le voyageur qui arrive de Paris, c’est la finesse des traits, et surtout la beauté des sourcils des femmes de Bordeaux.
À Paris, on trouve trop souvent des traits communs et lourds qui quelquefois expriment des pensées très fines. Ici la finesse est naturelle ; les physionomies ont l’air délicat et fier sans le vouloir. Comme en Italie, les femmes ont, sans le vouloir, ce beau sérieux dont il serait si doux de les faire sortir.
J’ai été saisi par cette idée hier au sortir des vêpres, vers les trois heures ; je me promenais par hasard sur la belle place du Théâtre qu’on appelle les Allées de Tourny et me suis trouvé justement au débouché de la rue qui conduit à la place du Chapelet au moment où tout le beau monde sortait de l’église à la mode. Beauté idéale, « à la Schidone », de la jeune fille qui vend des oranges et des bouquets de violettes au coin de cette rue ; sa coquetterie est admirable, c’est-à-dire ressemblant parfaitement à un simple mouvement de vanité et d’amitié envers un rustre de sa connaissance qui passait devant elle sans lui parler.
Ce qui augmente l’effet charmant de cette finesse naturelle des traits, c’est que, jusqu’ici du moins, je n’ai pas vu d’affectation. Sans doute il y en a, mais un homme qui sort du plein soleil et entre dans une grotte la trouve d’abord peu éclairée.
Hier, j’ai commencé mes courses par une promenade le long de cet admirable demi-cercle que la Garonne forme devant Bordeaux. J’ai revu cette promenade qui a remplacé le Château-Trompette, définitivement démoli en 1814 ou 1815. La tradition est si belle chose que personne ne peut me donner cette date exactement. Les arbres sont donc bien jeunes ; la plupart cependant ont bien trente pieds de haut et font voûte. Quelle différence si l’on eût planté des marronniers au lieu de tristes ormeaux !
La colline vis-à-vis, à une demie-lieue au-delà de la Garonne, sur la rive droite, est faite exprès pour plaire aux yeux. Elle vient se terminer au fleuve, au village de Lormont, à l’extrémité nord du demi-cercle. Le fleuve court au nord. La ville est sur la
