Notes impériales
Mstislav Rostropovich aimait conter les aventures de son Stradivarius. Livré en 1711 au pharmacien de la cour, l’instrument avait été vendu aux frères Duport, virtuoses sans pareils vers la fin du XVIIIe siècle. Un soir de l’an fatal 1812, l’illustre Jean-Louis Duport se produisait aux Tuileries devant l’Empereur qui aurait demandé: « Mais comment diable tenez-vous cette chose? » Scène peu probable – à cette époque Napoléon savait très bien comment on tenait la chose. Mais l’histoire veut qu’il saisit l’instrument et le serra entre ses bottes, d’où cette marque encore visible sur la caisse, cicatrice qui faillit coûter cher au « Duport ». Garder ses éperons pour manier un violoncelle…
Le grand sourd
Brute couronnée, soldat de plomb poudré d’or, les mots manquent à son propre secrétaire et ministre Bourrienne selon qui l’Empereur « n’avait aucune disposition pour les belles-lettres, l’étude des langues et les arts d’agrément ». Il n’a pas d’oreille, danse mal, défigure ce qu’il chante d’une « voix fausse et criarde » (selon la duchesse d’Abrantès qui traduit l’opinion commune), somnole au concert où le plus souvent il arrive en retard. Disposition nulle à l’origine d’un goût déplorable. « L’art napoléonien, conclut Michelet en 1847, fait frémir à force de sécheresse et de laideur ».
On s’étonne à peine que le seul ouvrage populaire associé au nom de Bonaparte lui fasse depuis deux siècles une triste réputation. Commencée en 1802 au moment où le Premier consul Bonaparte déclare au jeune Conseil d’Etat que « jamais le gouvernement militaire ne prendra en France », il s’agit à l’origine d’une , . La même que le compositeur présente chez le prince Lobkowitz au printemps 1804. Bonaparte n’est pas le dédicataire, il est le titre, il est l’oeuvre. Puis, peu avant la première exécution publique à Vienne, le compositeur, Ludwig van Beethoven, apprend que le Consul enveloppé dans un manteau long de vingtdeux mètres s’est lui-même sacré empereur. Ce 2 décembre 1804, le héros du 18 brumaire a fait place au tyran. De rage, rapporte son confrère Ferdinand Ries, Beethoven aurait alors effacé . Deux ans plus tard, la partition imprimée annonce une « », symphonie héroïque pour célébrer la mémoire d’un grand homme. Au coeur de l’« , inspirée des
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