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Handel Un oratorio pour la vie

Jusque tard dans le XXe siècle, Handel était l’homme de Water Music, de l’Harmonieux forgeron et de l’Alléluia. Les foules qui applaudissaient au Crystal Palace des Messie à vingt trompettes et trois mille gosiers ne connaissaient de Rinaldo que le titre. « Nous ne savons pas la moitié de ce qu’il faudrait savoir sur Handel », soupirait Bernard Shaw.

Et puis tout a changé à la faveur de deux anniversaires. En 1959, deux siècles après la mort du compositeur, le musicologue Winton Dean révèle dans son opus majeur, Handel’s Dramatic Oratorios and Masques, les trésors insoupçonnés d’Athalia, Belshazzar, Theodora, tandis que la jeune Handel Opera Society frappe un coup décisif en distribuant les jeunes étoiles Janet Baker et Joan Sutherland dans Rodelinda. En 1985, copieux tricentenaire, la Handel Opera Society ferme ses portes. Non parce qu’elle a échoué. Au contraire, parce qu’elle a vaincu. Editions critiques, productions fidèles, enregistrements complets se multiplient. Les ensembles spécialisés sont partout reçus. Christopher Hogwood, John Eliot Gardiner, Trevor Pinnock découvrent chaque saison une planète habitable.

Autre temps, autres moeurs. Les conquêtes de Judas Maccabée et les trompettes de Josué, autrefois si populaires, n’intéressent plus les jeunes apôtres. A présent, musiciens et public communient dans les larmes d’Alcine et les frasques d’Agrippine.

Rome

Quoi de plus naturel en somme? Handel ne fut-il pas toute sa vie musicien de scène? N’a-t-il pas, à dix-huit ans, quitté la Saxe natale pour Hambourg et son théâtre, puis sacrifié postes, langue, terre, au seul profit de l’opéra – de l’opéra italien, son métier trois décennies durant?

L’oratorio? Un accident. Ni prévu ni voulu. En 1706, à vingt et un ans, l’apprenti déjà maître quitte l’Allemagne pour l’Italie. Direction Florence, où il donne fin 1707 son premier opéra seria, Rodrigo. Mais rien ne se passe comme prévu et les Médicis voient tout de suite leur convive s’installer… à Rome, chez le marquis – bientôt prince – Ruspoli.

Seul inconvénient: depuis 1703, le pape Clément XI interdit toute représentation séculière dans ses Etats. C’est pourquoi cardinaux et laïcs patronnent à grands frais ce genre romain par excellence: l’oratorio. Dramma sacro, azione sacra, actus musicus, historia, n’importe: l’oratorio est à Rome ce que l’opéra est à Venise. Généralement en deux parties, sans action, sans machine, il ne s’oppose ni à la profusion picturale ni à la splendeur vocale dont témoignent les deux joyaux façonnés par Handel sur le modèle d’un Stradella ou d’un Alessandro Scarlatti.

Le premier a longtemps été tenu pour profane parce qu’il n’engage ni saint ni figure biblique mais trois allégories – le Temps, le Plaisir, le Dessillement (, c’est-àdire « Non illusion », ou « Vérité ») – lancées à la poursuite d’une quatrième, la Beauté. On ignore toujours à quelle occasion est né ce . L’hypothèse la plus plausible situe la première chez le fastueux Francesco Maria Ruspoli ou au Collegio Clementino le 2 mai 1707, avant la remise du prix annuel de l’Académie San Luca. Ce concours réservé aux peintres, sculpteurs et architectes en attente de commandes officielles avait lui aussi pour enjeu la Beauté, objet de toutes les convoitises religieuses et profanes. Or, profane, ce virtuose ne l’est qu’en apparence. A la fin, la Beauté brise le « miroir trompeur » du Plaisir pour contempler la foi, « miroir du vrai ». Si les vers du cardinal Pamphilj n’entretiennent aucune »…) reviennent au Plaisir, de même que le tout premier concerto pour orgue introduit dans la seconde partie – signature du jeune maître promise à une postérité non moins éclatante.

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