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Les conquêtes véritables: Prix Première 2009
Les conquêtes véritables: Prix Première 2009
Les conquêtes véritables: Prix Première 2009
Livre électronique148 pages1 heure

Les conquêtes véritables: Prix Première 2009

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À propos de ce livre électronique

Mais voilà, de son vivant, on n’entrait pas dans sa bibliothèque.

Enfin, moi, je n’y entrais pas. On ne m’y a pas invité, et je n’aurais jamais osé. Lui, à son bureau, me demandant ce que je veux, au milieu de tous ces livres, c’eut été impossible. La première fois que j’ai eu droit de pénétrer le saint des saints, ce fut, au lendemain de sa mort, pour lui rendre visite. Les bouquins comme garde d’honneur, tirant toutes les quatre secondes une salve silencieuse, encadrant les buissons de roses et les couronnes aux formules convenues, et au milieu, lui dans sa boîte ouverte, mains jointes, digne. Chaque livre sans doute rêvant secrètement de prendre place entre ses phalanges, pour une ultime lecture, le choix dernier.

Un hommage vibrant à la littérature

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Ce roman a remporté le prix Première 2009

À PROPOS DE L'AUTEUR

Nicolas Marchal est professeur de français et écrivain dans la province de Namur. Il compte aujourd'hui plusieurs romans à son actif, dont Les conquêtes véritables et Agaves féroces

EXTRAIT
Oui c’est vrai, elle n’a pas tort, d’ailleurs elle pense toujours à tout, on sera bien mieux ici en attendant, pour les enfants c’est l’idéal, le grand aura de l’espace pour jouer, des arbres et des escargots à écraser, de drôles de pierres à retourner, des choses molles, et puis pour le petit, qui vient juste de naître c’est parfait parfait, une salle de bains incroyable pour bien ranger toutes ses liquettes, une cave pour la machine à lessiver, et la cuisine mon amour tu te rends compte la cuisine, presque de restaurant.
Mais bon. Il y a cette odeur de vieux. Cette satanée présence de vieux dans chaque objet. Cette tapisserie en velours vert foncé. Les deux renards empaillés, gueules ouvertes, dans le hall d’entrée. Les meubles massifs en chêne et les ferronneries lourdes. Les fenêtres à vitraux mauves. Et puis il y a la bibliothèque. Enfin le bureau. Son bureau à lui.
LangueFrançais
ÉditeurDiagonale
Date de sortie20 févr. 2015
ISBN9782960132137
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    Aperçu du livre

    Les conquêtes véritables - Nicolas Marchal

    Préface

    « Ce sont les conquérants du monde… »

    Arthur Rimbaud, Les illuminations

    Il y a des écrivains dont on perçoit tout de suite la légèreté, c’est-à-dire l’élégance toute particulière. Question de ton et de musicalité, question surtout de propension immédiate à l’esprit de non-sérieux. Tout le contraire de ceux qui manient les mots pour édifier leur statue ou leur mausolée. L’écrivain léger, c’est-à dire élégant, ne peut écrire sans aussitôt se remettre en jeu et remettre en jeu ses certitudes. Processus aussi spontané que permanent et qui produit le côté dansant, le rythme exact, l’excellence de l’écriture. Dès que celle-ci s’élance, le monde qu’elle décrit se déleste des chaînes interprétatives qui habituellement le cadenassent : vraisemblance, logique de cause à effet, linéarité spatio-temporelle, interprétations moralisatrices et j’en passe. C’est qu’il est, ce monde, passé au filtre d’un rire tranquille et silencieux, d’une allégresse qui descelle tous les stéréotypes. Rire et allégresse qui n’hésitent pas, non plus, à prendre pour cible leur propriétaire : l’écrivain léger, c’est-à-dire élégant, rit d’abord de lui-même, c’est tout naturellement qu’il pratique l’autodérision. Dès les premières pages des Conquêtes véritables, l’évidence s’impose : Nicolas Marchal est un écrivain d’une admirable légèreté.

    Plus encore : la teneur même de son roman pourrait être décrite comme un combat de la légèreté contre la pesanteur, de l’esprit de non-sérieux contre l’esprit de sérieux. A ma gauche un jeune écrivain farfelu, plein d’ambition mais souvent velléitaire (qu’il dit), à ma droite l’ombre pesante de son beau-grand-père (le grand-père de sa femme) récemment décédé, auteur d’un ouvrage très spécialisé sur les séjours de Napoléon en Belgique et qui a amassé au fil de son existence une énorme bibliothèque consacrée tout entière au célèbre personnage. Le jeune écrivain, en attente d’un nouveau logement en cours d’aménagement, se voit proposer de séjourner quelque temps avec femme et enfants dans la maison de l’austère historien. Le voici donc installé, pour écrire, dans le bureau même du disparu et entouré de tous ces ouvrages voués à la connaissance la plus précise des faits et gestes du grand empereur. Autant dire qu’il s’est installé dans le bunker d’en face. Petit David fantaisiste et désordonné dans l’antre d’un Goliath pétri de discipline historique et de rigueur au travail. Un chien fou parmi de lourdes quilles savamment disposées. Le saxophone de John Coltrane dans l’orchestration d’un Camille Saint-Saëns ou d’un Henri Vieuxtemps.

    Ses enfants jouent au jardin. Sa femme s’énerve parce qu’il ne s’active pas trop à suivre les travaux du futur logement. Quant à lui, il se cherche vaguement un sujet de roman. Tout en se laissant aller en rêveries et réflexions décousues sur l’univers du beau-grand-père. Sur tous ses livres parfaitement reliés, parfaitement classés. Sur son entreprise parfaitement organisée. Sur l’ouvrage, paru juste avant sa mort : superbe pierre ajoutée au gratte-ciel d’érudition déjà construit par les autres historiens, sujet on ne peut plus maîtrisé, analysé dans les moindres détails, objectifs et réalisations de l’empereur en Belgique, sa main de fer là comme ailleurs, l’ordre napoléonien décrit par le travail ordonné du beau-grand-père, un monde de rigueur et de méthode. Où viennent donc s’immiscer les rêveries et réflexions décousues de notre jeune écrivain. Rêveries et réflexions volontiers incongrues, extravagantes. Et qui ne demandent qu’à s’emballer et à extravaguer davantage. Et qui se font bien vite si décousues et si farfelues que se décousent et se farfellent avec elles les coutures mêmes du monde du beau-grand-père et de l’empereur. Désordre dans la bibliothèque, désordre dans la grande armée. Page après page, tout un univers part à vau-l’eau dans un flux de digressions, divagations, anachronismes loufoques, inventions, exagérations, histoires à dormir debout, coq-à-l’âne et autres élucubrations. Comme : un narrateur raconte l’histoire d’un vieil historien qui raconte l’histoire de Napoléon qui lui-même écrit un livre en cachette où il raconte l’histoire d’un romancier qui, un siècle ou deux plus tard raconte l’histoire de, etc. Au secours ! s’écrie l’ombre du beau-grand-père.

    Arme essentielle pour que la légèreté puisse en découdre avec l’ordre historique et militaire : le fragment. Jetée aux orties, la continuité du récit. Sus au beau-grand-père, à Napoléon, à leurs pompes et à leurs œuvres, par à-coups répétés, brusques saillies, déboulés hors-cadre. Brève ou longue, chaque nouvelle séquence revient à la charge autrement, bouscule la logique narrative, nous offre péripéties et miroitements inattendus. Prenons que telle séquence se passe dans la bibliothèque. Ce sera pour nous retrouver, la séquence d’après, aux côtés de Napoléon auquel on remet les clés d’une ville. On passera ensuite aux lubies du jeune romancier. Puis on rejoindra une reconstitution historique du régiment d’Entre-Sambre-et-Meuse, reconstitution dont les participants sont de plus en plus saouls. A moins que, sous une pluie battante, l’on accompagne le narrateur dans sa cocasse découverte du champ de bataille de Waterloo, de sa butte, de son lion, de son panorama, de son cinéma, de son magasin de souvenirs, de ses restaurants, de ses visiteurs. Bref, un récit par bribes, jouant sur de multiples strates narratives et usant en permanence de l’ellipse, du discontinu, de la reprise, de la parallèle. Pas de temps mort, pas de transition pâteuse, sans cesse l’écriture est au plus vif. Roman aussi éclaté qu’éclatant. Mais roman montage aussi, et même roman macramé (le mot est utilisé à plusieurs reprises), car, qu’on ne s’y trompe pas, rien dans cette anarchie n’est laissé au hasard ; aussi précise que discrète une architecture d’ensemble organise avec subtilité tous ces fils qui filent dans tous les sens. L’écrivain léger, l’écrivain élégant se doit aussi d’être maître de ses effets.

    Les conquêtes véritables. Mais quelles conquêtes sont véritables ? Celles de Napoléon et de ses valeureux soldats, grands conquérants de territoires et de filles de fermier à violer dans les granges ou dans les champs (motif on ne peut plus récurrent tout au long du roman) ? Mais non, ces conquêtes-là n’en valent vraiment pas la peine, des empires qui se pètent la gueule. En dix ans tout ça c’est aux oubliettes. La conquête, alors, d’une portion de savoir, en l’occurrence ici de savoir historique, résultat, pour le beau-grand-père, d’un labeur de fourmi tout au long de sa longue vie ? Vraiment pas plus sûr, se dit le jeune romancier et on lira la page terrible où, alors que son livre est quasi terminé, l’historien découvre dans une librairie l’ouvrage qu’un confrère vient de publier et qui, avec le même angle d’attaque, traite du même sujet que lui. Renvoyés dos à dos, l’empereur et l’historien ?

    Sauf que… Sauf que certaines pages de ce roman, même si c’est sur l’air de ne pas y toucher et sans jamais se départir de l’ironie bienfaisante, nous proposent une interrogation des plus attachante sur la passion de l’écriture et que, tout compte fait, à l’aune de cette passion-là et malgré tout ce qui les oppose, c’est aussi dans le même camp que finissent par se retrouver le narrateur et son beau-grand-père d’historien. Manieurs de mots jusqu’à l’obsession la plus intense, le premier comme le second ne finiront-ils pas par offrir chacun le visage d’un type qui s’embarque dans la conquête effrénée de cet incendie qu’il a au fond de son âme ? A l’instar des Rimbaud, Cendrars, Céline, trinité glorieuse planant au-dessus du narrateur comme les dieux de son Olympe… On lira attentivement ce qui nous est livré ici sur cette quête acharnée, dérisoire et immense à la fois, conquête toujours insatisfaite, toujours recommencée, et toujours, pour une part, incommunicable. Hommage vibrant à la littérature. Derrière des vitraux sombres, démodés, on écrit des livres sans même savoir s’il fait beau dehors, ou s’il pleut. (Révérence, encore, à Rimbaud : « Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque. ») Faisait-il beau dehors, ou pleuvait-il, tandis que Nicolas Marchal se lançait dans ses conquêtes véritables ? Peu importe, sans doute. Mais qu’il nous offre encore, de derrière des vitraux sombres, démodés, d’autres romans d’une telle élégance et d’une telle légèreté.

    Paul Emond

    À Ulysse et Arthur, à Samie et à la mémoire de son grand-père.

    « Cette inutile et prolixe épître que j’écris existe déjà dans l’un des trente volumes des cinq étagères de l’un des innombrables hexagones – et sa réfutation aussi. »

    Jorge-Luis Borges, La bibliothèque de Babel

    « Tu crois donc avoir fait des enfants pour toi ?…

    Les enfants aiment toujours moins leurs parents qu’ils n’en sont aimés. C’est dans la nature.

    Voyez les petits oiseaux. Aussitôt qu’ils peuvent voler, ils s’éloignent et ne reviennent plus. »

    Napoléon à Joséphine, cité par Chardigny, L’homme Napoléon, p.190 ;

    recopié sur une fiche individuelle par Gustave Maison, glissée dans son

    dictionnaire (qui sait, dans l’éventualité d’une future épigraphe ?)

    (1)

    Oui c’est vrai, elle n’a pas tort, d’ailleurs elle pense toujours à tout, on

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