Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Le génie de l'Orient: Lettres de guerre d'un officier du génie de l'Algérie à la Crimée (1831-1856)
Le génie de l'Orient: Lettres de guerre d'un officier du génie de l'Algérie à la Crimée (1831-1856)
Le génie de l'Orient: Lettres de guerre d'un officier du génie de l'Algérie à la Crimée (1831-1856)
Livre électronique192 pages3 heures

Le génie de l'Orient: Lettres de guerre d'un officier du génie de l'Algérie à la Crimée (1831-1856)

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Un ouvrage intéressant qui reprend le point de vue d’un militaire avant la Première Guerre mondiale

Loin de l’idée reçue d’un XIXe siècle marqué par une phase de paix entre les guerres de Napoléon et la Grande Guerre, la correspondance familiale de l’officier du génie Ernest Ballard témoigne de la violence des premières phases de la conquête de l’Algérie en 1831 et 1841 qu’il décrit à ses parents. Reparti en Méditerranée orientale en 1855, le capitaine Ballard, désormais officier d’état-major relate à son épouse l’expédition de Crimée, de son départ de Marseille à son débarquement à Constantinople, puis de Sébastopol au camp de Traktir.

Ce témoignage épistolaire inédit est d’autant plus exceptionnel que ce polytechnicien est un adepte du fouriérisme, actionnaire de l’Union agricole du Sig près d’Oran, lecteur de la Démocratie pacifique de Victor Considérant.

EXTRAIT

Alger, le 21 novembre 1831
Ernest à sa sœur Louise Ballard


On m’a rappelé à Alger pour être meunier, c’est à dire surveiller les travaux que l’on avait à faire à des moulins que l’on avait établis depuis six mois et qui ne vont pas. Depuis mon arrivée, je n’ai eu le temps de connaître que le chemin d’Alger aux moulins et pas autre chose. Enfin, imagine-toi que je n’ai pas seulement vu la Casbah, c’était cependant le moins qu’on pouvait faire, de sorte que je ne t’apprendrai presque rien de ce pays. Je ne me suis trouvé qu’une seule fois l’occasion de parler bédouin, langue épouvantable, à laquelle personne ne mord ; il est très peu de personnes dans l’armée qui l’entende et encore moins qui la parle. Mais si les personnes qu’on rencontre ont une figure française, il n’en est pas de même des maisons qui ont une tournure algérienne et qui ne ressemblent en rien aux nôtres. Toutes les fois qu’on aperçoit une maison ayant des fenêtres de plus d’un pied carré, on peut dire qu’elle n’est pas habitée par des naturels du pays, qui n’ont que de très petits jours, grillagés dans la rue et placés à un pied au-dessus du sol des appartements. C’est derrière ces jours que les Algériennes se mettent pour regarder les passants, ce qui est le seul délassement pour elles.
LangueFrançais
Date de sortie24 mai 2016
ISBN9782360589487
Le génie de l'Orient: Lettres de guerre d'un officier du génie de l'Algérie à la Crimée (1831-1856)

Lié à Le génie de l'Orient

Titres dans cette série (2)

Voir plus

Livres électroniques liés

Biographies militaires pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Le génie de l'Orient

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Le génie de l'Orient - Jacques Resal

    Vécus

    collection dirigée par Scarlett Beauvalet

    & Philippe Nivet

    Le Génie de l’Orient

    Lettres de guerre d’un officier du génie de l’Algérie à la Crimée (1831-1856)

    Texte présenté, établi et annoté par Jacques Résal et Pierre Allorant

    2016

    Ouvrage publié avec le concours de l’APR LocMem

    Alfu & Encrage édition

    © 2016

    ISBN 978-2-36058-948-7

    En couverture : Adrien Dauzats, Le lieutenant général Galbois, commandant de la province de Constantine, reçoit la soumission d’El-Mokrany, Khalifat de la Medjanah en 1839 (1844, Musée des Beaux-Arts d’Orléans, 89 × 160 cm, huile sur toile).

    Ballard.jpg

    Ernest Ballard

    Présentation

    Fils cadet de Jean-Jacques Ballard, alors médecin-chef à l’hôpital militaire de Bourbonne-les-Bains, Claude Ernest, naît à Autun le 17 février 1807, deux avant que son père ne parte en campagne en Espagne, de Pampelune à Burgos. Revenu en France fin 1811, le repos de Jean-Jacques à Autun est bref : il repart comme médecin principal dès 1812 et rejoint le Petit Quartier Général de la Grande Armée en Allemagne pour participer à la campagne de Russie ; blessé à la cuisse et gelé aux pieds, il est fait prisonnier par les Russes à la Bérézina le 2 décembre, et n’est libéré qu’en août 1814.

    Une famille d’avocats du Morvan et de médecins rousseauistes

    Alors que son aîné James commence ses études de médecine en 1818, Jean-Jacques est envoyé à nouveau en Espagne en 1823 dans l’expédition de la Sainte-Alliance destinée à rétablir Ferdinand VII sur son trône face aux libéraux. Médecin principal à Saint-Omer jusqu’en 1825, il obtient la Légion d’honneur pendant que son second fils Ernest intègre l’École Polytechnique et que son aîné James passe sa thèse de médecine avant d’être chirurgien aide-major à Perpignan en 1828, puis en 1829 à Barèges où il se marie avec Élisa Delaye en 1831 et demeure jusqu’en 1841.

    Une carrière militaire dans le Génie, des Trois Glorieuses à l’Empire libéral (1830-1863)

    Ernest Ballard, effectue sa scolarité primaire à Autun puis à Saint-Omer, enfin son lycée à Douai avant de préparer son admission à l’X à Dijon. Il entre à l’École Polytechnique au 45e rang en 1825, et en sort en 1827 55e sur 113 1. Il entre dans le corps du Génie militaire, 9e sur 31 à l’École d’application de Metz en 1828 2. Affecté à Montpellier en 1830, il participe, de novembre 1831 à février 1833, en tant que lieutenant à la conquête de l’Algérie qu’il décrit à ses parents.

    La découverte émerveillée d’Alger la blanche

    Ernest Ballard débarqué à Alger se retrouve aussi déboussolé que Fabrice del Dongo au cœur de la mêlée confuse de Waterloo. Il confie à sa mère, dans sa lettre qu’il n’écrit qu’au bout de trois jours, être perdu et peu assuré de ses sentiments sur sa nouvelle affectation. Surpris par l’étroitesse des voies publiques, il en discute avec les officiers du génie, installés depuis le siège. Tout le déroute, et particulièrement les habitudes vestimentaires :

    « La vue du costume de tous ces habitants produit sur moi un singulier effet, surtout lorsque je les vois rassemblés sur le marché hors de la porte par où nous sortons ».

    Caserné sur le petit plateau de Mustapha Pacha, Ernest doit se contenter avec cinq autres officiers « d’une chambre carrelée avec six lits en planche sur tréteaux en fer, sans matelas, ni lits, ni couvertures », mais ne s’en plaint pas, y dormant bien et étant fort occupé à loger les soldats et à leur faire « établir des planches pour mettre les effets, le pain et les râteliers d’armes ».

    Toujours soucieux de rassurer sa mère, l’officier lui explique l’apparence de sa lettre, « coupée et trempée dans du vinaigre, comme celle d’un pestiféré », opération destinée à éviter à cet envoi de subir la quarantaine.

    Le tableau démographique chiffré d’Alger qu’il donne à voir mérite de s’y arrêter : une ville encore peu peuplée (moins de 40.000 habitants), formée d’un gros tiers de militaires, un tiers d’indigènes pratiquement divisés en deux communautés religieuses équivalentes, musulmane et juive, et le reste d’Européens venus de la Méditerranée, de Malte à la Corse, et de manœuvres 3.

    À sa sœur le 18 mars 1832, Ernest Ballard parle, avec le goût du paradoxe, des bals d’Alger, pour l’intéresser et la surprendre :

    « Les Français ont importé à Alger les chaises à porteur, c’est un des bienfaits qu’ils ont rendus au pays ; ainsi les dames vont-elles au bal en chaise. À ce mot de bal, tu tombes de ton haut ? On danse donc à Alger ? Parbleu ! Si l’on y danse, il y a déjà eu quatre bals, dont l’un où il y avait deux cents hommes et femmes, dont quatre ou cinq juives parlant français et vêtues de robes de drap d’or, couvertes d’un foulard sur la tête avec pleins de bracelets en argent ciselé. Elles étaient là pour la tapisserie et s’en acquittaient pas mal. Les autres sont Françaises pour la moitié, les Anglaises dominent après elles, puis des Italiennes.

    Mais sa description lui sert aussi à évoquer la bigarrure religieuse et les divisions sociales de l’Algérie à l’orée de la colonisation, concluant avec inquiétude :

    « Excepté les militaires qui se trouvent ici, la population est une crème de toute l’Europe et pour compléter, il y a un régiment d’étrangers allemands. Je ne sais ce qu’on veut faire d’Alger, mais on y envoie ici le rebut de la France et des autres pays 4. »

    Ce thème illustre les tensions et contradictions des débuts de la colonisation de peuplement : face à une résistance militaire imprévue, les impératifs des officiers et ceux de la création d’une colonie se heurtent. Comme ailleurs, en particulier dans l’Empire britannique, les « bons colons » sont difficiles à attirer, les Français sont peu enclins à émigrer, au moment où les administrateurs métropolitains se débarrassent des « indésirables » et des ouvriers les plus rebelles. Les intérêts de la métropole, son ordre social et politique, priorité du roi Louis-Philippe, du préfet de police et sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, le baron Baude 5, et de la municipalité de Paris, entrent en conflit avec les objectifs militaires de la conquête et économiques de la mise en valeur coloniale 6. Dans cette période d’incertitude, de 1831 à 1838, la critique d’une émigration incontrôlée conduit à une régulation de l’émigration afin de sélectionner les colons et de réduire les indésirables et les cas de conflits entre Paris et les administrateurs militaires en Algérie. Le terrible hiver 1830-1831 aggrave la crise économique et le chômage, multipliant grèves et manifestations. Le « plan Baude » repose sur l’idée simple de diminuer la pression des pauvres à Paris en évacuant vers la colonie algérienne le surplus démographique. Il prévoit d’envoyer 20.000 « volontaires » vers la côte d’Afrique aux frais des autorités en leur faisant miroiter le pain et le travail qu’ils réclament. Mais il se heurte au commandant en chef de l’armée d’Afrique, hostile à ce transfert prématuré d’indigents et de « gens sans aveu », peu aptes à se muer en colons agricoles efficaces 7.

    En revanche Ernest Ballard tente de rassurer sa mère, inquiète du danger arabe comme elle a tremblé en 1811 pour son mari plongé dans la guerre civile d’Espagne et en 1812 chez les « terribles Russes ». Mais c’est pour mieux évoquer les tensions et rixes entre communautés musulmanes présentes sous la domination française, en l’occurrence Turcs et Bédouins :

    « Nous ne sommes nullement inquiétés par les Arabes, il n’y a eu qu’une seule escarmouche entre les Français et eux, encore que cette petite affaire ait eu lieu entre les Turcs que nous avons à notre solde et les Bédouins, les premiers étant sortis pour reprendre les bœufs que les Arabes leur avaient volés la veille. Ils surprirent la tribu qu’ils taillèrent en pièce et ramenèrent un troupeau de deux cent soixante têtes au lieu de soixante qui leur avaient été enlevées ».

    Toutefois, la fin de l’affaire joue le rôle de morale de la fable :

    « Les Arabes voisins poursuivirent les Turcs, il est vrai, mais il suffit d’envoyer deux compagnies pour qu’ils rétrogradent. Il n’y eut même pas d’action ».

    S’il se veut apaisant, Ernest Ballard garde sa pleine lucidité critique sur le devenir possible de la colonie très récemment conquise et pas encore maîtrisée par la monarchie de Juillet, spécialement sur l’aspect démographique et sur la compatibilité de la prépondérance française avec les sentiments de la population indigène et leur attachements à leurs coutumes :

    Nous continuons à avoir très peu d’habitants, tous ayant été amenés à Constantine. Les Français, ou plutôt Européens, augmentent petit à petit, mais pas encore d’une manière rapide et nombreuse. En tout cas je ne verrai pas, très probablement, la ville peuplée. D’ailleurs, je dois retourner à Alger prochainement. Cette ville est maintenant à peu près comme une garnison de France, elle se dépeuple tous les jours d’Arabes pour se peupler d’Européens. Les Maures vont au Maroc où la nourriture est à meilleur marché, car à Alger tout est hors de prix. En allant au Maroc, les Maures y ont aussi l’avantage de ne point être blessés dans leurs coutumes, ce qui arrive constamment à Alger, malgré les attentions que l’on a pour eux.

    Comme en découvrant Alger la blanche, le jeune officier bourguignon exprime son enchantement devant des paysages sublimes, une végétation foisonnante et luxuriante, un vrai pays de cocagne qui serait le nouveau jardin d’Eden s’il n’était « en si mauvaises mains ». Les villes suscitent tout autant son admiration, spécialement Bône, « plus belle qu’Alger, au moins les rues », mais ici encore, l’administration est la source des malheurs du pays, tant « Ben Aïssa, général d’Ahmed bey de Constantine, a brûlé tout ce qu’il a pu et, depuis deux ans et plus, on ne réparait aucune maison ».

    1832 est l’année où le choléra fait des ravages, en France comme en Algérie, et Ernest l’ignore d’autant moins que son père et son frère sont en première ligne dans la lutte contre l’épidémie. S’il espère avoir fourni à sa mère des sources d’apaisement sur la menace d’attaques des Arabes, il tente également d’étendre le sentiment de sécurité de sa position en insistant sur le caractère bénin des fièvres dues à la proximité de zones marécageuses, endroit où « pas même les Arabes [ne] vont ».

    La tonalité des lettres adressées à son frère est proche, insistant sur le pittoresque du pays, mais déplorant une colonie de peuplement formée « d’habitants importés d’Europe ne valent pas les Maures, ni peut-être même les Juifs d’Alger » : négociants faillis, « canaille de Paris » et canuts de Lyon, « je crois qu’on veut faire de ce pays-ci une espèce de Botany Bay ». Au surplus, l’officier ne cache pas à ses correspondants ses doutes sérieux quant à l’honnêteté des responsables civils et même des officiers avides d’enrichissement, encouragés par la valse des chefs militaires.

    Intermède pacifique et bonapartiste

    Ernest Ballard est rappelé en métropole en octobre 1832, muté à Strasbourg où il est suspecté de complicité dans la tentative de coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte du 30 octobre 1836, opérée contre le régime orléaniste avec la participation de militaires en poste dans la capitale alsacienne, préfiguration de la tentative de Boulogne en 1840 8. Il subit la vindicte de la monarchie de Juillet, avec une mutation sanction à Saint-Venant, petite bourgade du Pas-de-Calais en 1837. Il est à nouveau envoyé en Algérie en 1839 où sa blessure lui vaut la Légion d’honneur.

    Plongé dans l’Algérie de Bugeaud

    Le second séjour d’Ernest Ballard en Algérie, près de dix ans après les Trois Glorieuses, est marqué par la conquête, la fin de la politique d’occupation restreinte de Molé et la reprise des hostilités contre Abd el-Kader en vue d’une conquête totale, opportunité miraculeuse pour le régime orléaniste de redorer son blason à travers la participation directe des fils du souverain. Transposant en Algérie les méthodes impitoyables de la guérilla menée en Espagne, Bugeaud dispose avec ses colonnes mobiles d’une écrasante supériorité numérique, de à un six en 1840 à un à dix en 1847. Abandonné par beaucoup de tribus puis par son beau-père le sultan du Maroc, l’émir mène une véritable guerre sainte avant de se rendre au duc d’Aumale en 1847.

    L’Algérie sort profondément transformée de cette période de combats : les colons européens ont plus que triplé depuis 1840, de 30.000 à 110.000, dont 40.000 regroupés à Alger, érigé en évêché et en chef-lieu de province avec Oran et Constantine. Les colons ruraux sont peu nombreux, obtenant au maximum une terre de 12 ha concédée en contrepartie de 1.500 francs, à partir de l’annexion des terres beylicales et de la spoliation de celles des tribus nomades.

    Ernest Ballard évoque les personnalités des généraux, les circonstances de sa blessure, les oppositions entre Kabyles et Arabes, le déchaînement de la colère des femmes lors des combats, le grand écart entre la réalité vécue de la bataille et le récit tiré par les journalistes parisiens.

    Scènes de la vie militaire : l’avancement du capitaine

    Promu capitaine à Sélestat en 1841, année au cours de laquelle son père Jean-Jacques décède à Meursault à 65 ans, Ernest Ballard est muté à Besançon en 1843, puis à Brest en 1845 ; sa mère Ursule meurt le 4 octobre 1846 à 68 ans. Ernest retourne à Besançon en 1847. Dans le Génie, la révolution de 1848 encourage l’expression des ressentiments des anciens sous-officiers hostiles à l’avancement séparé réservé depuis l’an III aux anciens Polytechniciens passés par l’école d’application de Metz, longtemps seuls à pénétrer au sein des états-majors particuliers 9. La fusion des carrières semble plus conforme aux principes d’égalité et de fraternité de la République, ce que réalise dans le Génie le décret du 16 octobre 1850 10. Toutefois, les officiers des « armes savantes » issus des grandes écoles demeurent une élite vouée à des travaux d’organisation ou de construction et aux emplois d’état-major. À côté des géographes, les ingénieurs officiers du Génie construisent et entretiennent les fortifications, les casernements et en Algérie, les ponts et les routes 11. De 1830 à 1860, l’Algérie fonctionne comme une sorte d’école de guerre dans laquelle se forment des milliers d’officiers. La barbarie de la conquête conduit à une forme d’insensibilité à la violence faite aux civils 12.

    Le phalanstère fouriériste algérien : l’Union agricole du Sig

    Adepte du fouriérisme comme bien des Polytechniciens, officiers des « armes savantes », de son temps, Ernest Ballard suit en cela de nombreux officiers supérieurs séduits par l’école sociétaire, des généraux Gandil et Parmentier à Denfert-Rochereau ou Juillet-Saint-Lager. Le succès du fouriérisme dans l’Artillerie et le Génie tient avant tout à l’action personnelle de Victor Considérant, lui-même Polytechnicien et capitaine du Génie démissionnaire, dont les conceptions ont tout pour séduire des officiers intellectuels et progressistes. En plus de ses livres et de son journal La Démocratie pacifique, Considérant donne des cours et conférences à Metz afin d’y recruter au sein des armes savantes un véritable réseau de prosélytes. L’aspect concret et expérimental du fouriérisme participe à cette séduction à travers des coopératives et surtout, en Algérie, le phalanstère de l’Union agricole du Sig, concession de 1.800 hectares dirigée par les capitaines Gautier et Garnier 13. Jules Duval défend cette entreprise d’expérience sociale à grande échelle dans son plan d’organisation du travail, tout en reconnaissant qu’il ne s’agit pas exactement d’établir un phalanstère, « un palais alors que nous n’habitons que des baraques et des ruines », mais cela ne réduit pas l’ambition de

    « l’œuvre sociale la plus avancée qui ait été tentée jusqu’à présent : […] nous ne croyons pas que l’Assemblée nationale puisse proposer, pour réaliser l’organisation du travail, de système plus rationnel, plus complet, plus praticable et plus démocratique que celui de l’Union. Alliance de la culture et de l’industrie, admission des travailleurs à la propriété, leur participation aux bénéfices, éducation à l’enfance, travail productif à la femme, repos à la vieillesse, secours aux malades, solidarité de tous les citoyens et de tous les travaux ; les familles groupées, mais non confondues dans la cité ; toutes les aspirations de l’humanité en ces temps, s’y trouvent prévues et satisfaites » 14.

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1